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lorsqu'un roi veut soutenir ceux de sa couronne, les contestations deviennent souvent plus vives, et qu'elles ont des suites beaucoup plus fâcheuses que celles qu'on peut prévenir dans le temps qu'on se relâche de ses prérogatives. Je ne doute point de votre attention sur de pareilles matières, dont vous connoissez parfaitement toute l'importance.

AU MARECHAL DE VILLA RS.

Versailles, le 8 juin 1703.

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MON COUSIN, j'ai reçu la lettre que vous m'avez écrite par le courrier que vous m'avez dépêché de Riedlingen, le 30 du mois passé, par laquelle vous m'apprenez que vous avez banni le libertinage de mon armée; rien n'étoit plus important pour la conserver et j'ai lieu d'espérer que, par les soins que vous prenez et votre application continuelle au bien de mon service, vous réussirez heureusement dans tout ce que vous entreprendrez. Je vous ai mandé plusieurs fois, qu'il ne se pouvoit rien ajouter à la satisfaction que j'ai de vos services; que les discours que l'on tient et dont on vous informe avec tant de soin, ne doivent faire aucune impression sur

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vous; que rien ne peut à mon égard diminuer le mérite de tout ce que vous avez fait depuis l'année dernière, et que vous devez toujours continuer avec le même zèle. Vous m'apprenez que Chamarante est revenu sans s'être rendu le maître de Bregentz; il eût été à desirer qu'il eût pu prendre quelque poste, pour assurer la communication avec la Suisse, sans laquelle vous trouverez tous les jours des embarras, pour avoir de mes nouvelles et me donner des vôtres, et pour tirer de mon royaume une partie des choses dont vous aurez besoin. Le premier projet de l'électeur de Bavière, d'attaquer la ville de Passau, celui de vous avancer vers le Tirol, auroient rendu dans la suite cette communication difficile; et je voyois avec peine le parti que vous preniez, de laisser derrière vous une étendue de pays aussi considérable les cercles et les princes de l'Empire armés, sans aucun entrepôt ni places (pour mes troupes) de sûreté entre l'Alsace et l'Autriche : je vous l'ai même fait connoître dans deux de mes lettres.

Le dessein que l'électeur de Bavière a formé. d'attaquer Nuremberg, est bien plus de mon goût; s'il s'en rend le maître, il est en état de forcer les cercles à garder leurs troupes pour leur propre conservation, ou de demander

la neutralité aux conditions qu'on voudra leur accorder. La première doit être de les obliger à désarmer, ensuite à payer la contribution; sans cela il n'en doit faire aucune; et vous devez, en cas que les cercles soient désarmés, faire en sorte qu'une partie de leurs troupes se répandent dans les miennes et dans celles de l'électeur de Bavière, suivant ce que je vous en ai mandé il y a quelques jours. Pour réussir à faire la conquête de Nuremberg, il me semble qu'il sera d'une nécessité absolue, que vous joigniez l'électeur de Bavière avec l'armée que vous commandez, ou du moins que vous soyez à portée d'occuper une partie des forces des ennemis, et de le secourir s'il en avoit besoin : cette entreprise et toutes celles que vous aurez à faire dans la suite devroient être plus concertées. Ces premiers commencemens sont de telle importance, que vous ne sauriez trop disposer toutes choses pour y réussir; car si les ennemis prenoient le moindre avantage sur vous ou sur lui, cela pourroit avoir des conséquences si grandes, que vous ne devez rien. oublier pour vous précautionner contre les inconvéniens qui en pourroient arriver. Vous ne devez point douter, lorsque l'Electeur marchera à Nuremberg, que les ennemis ne ras

semblent toutes leurs forces pour s'y opposer; ou du moins, en cas qu'ils lui donnent le loisir de former le siége, qu'ils ne fassent les derniers efforts pour conserver cette place, et que le prince de Bade n'y marche lui-même avec la meilleure partie de son armée. Celle du duc de Bourgogne, qui sera de soixante bataillons et quatre-vingts escadrons ou environ, l'observera de si près et tous ses mouvemens, qu'il aura peine d'abandonner son pays, qui sera plus exposé qu'il ne l'a été jusqu'à présent, et de laisser la liberté à mon armée du Rhin de s'avancer sur le Necker. et de suivre la sienne, en cas que les forces de l'électeur de Bavière, jointes à celles que vous commandez, ne soient pas suffisantes pour l'exécution de vos projets, ou si elles le sont, d'attaquer les places du Rhin, sans que rien puisse en empêcher la prise.

Si vous pouvez prendre Nurembrg et faire désarmer les cercles, ce sera pour lors que vous marcherez vers Passau, que vous entrerez dans la Bohême ou bien dans l'Autriche, sans trouver aucun ennemi devant vous. L'entreprise du Tirol deviendra même bien plus facile. Le duc de Vendôme est persuadé, qu'il embarrassera avant qu'il soit peu, l'armée de l'Empereur qu'il a entourée : il lui a déjà

ôté toute communication avec l'Allemagne. Il ne sauroit se résoudre à partager ses forces, à moins d'un ordre précis de ma part. Il espère, par la grande supériorité dont il est, de détruire l'armée qui lui est opposée. S'il peut y réussir, j'y trouverai bien plus d'avantages qu'à la conquête du Tirol, qui est assurée si les cercles viennent une fois à désarmer.

Vous avez dû voir par l'extrait d'une lettre du duc de Vendôme, que je vous ai envoyé, les sentimens dans lesquels il est. J'attendrai de vos nouvelles, et des résolutions que vous aurez prises avec l'électeur de Bavière, avant de lui faire aucune réponse. Donnez-m'en le plus souvent que vous le pourrez, et faites en sorte de vous voir souvent et de vous bien concerter avec l'électeur de Bavière : rien n'est plus important.

A PHILIPPE V.

24 juin 1703.

J'AI su par Orry les raisons que vous aviez eues de me demander par Louville le rappel du cardinal d'Etrées je vous l'accorderai. Je crois que lui-même le desire, quoiqu'il ne m'ait fait encore aucune instance pour l'ob

ŒUV. DE LOUIS XIV. TOME VI.

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