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<< ont la libre disposition de leurs biens. «Lepreneur à emphytéose peut charger d'hypothèque le fonds emphytéotique ; « ses créanciers ont en conséquence le « droit de saisir réellement sur lui le fonds, << et d'en poursuivre la vente et l'adjudi«cation. C'est ce qui a été attesté par un " acte de notoriété du Châtelet, du 19 juil<< let 1687. >>

Tel était le droit ancien, sans distinction des emphytéoses perpétuelles, et de celles qui n'avaient été constituées qu'à temps; dans l'un et l'autre cas, le preneur pouvait grever d'hypothèque la propriété utile qui en résultait pour lui.

La loi du 18 décembre 1790 ne porta qu'un léger changement à ces principes; elle supprima les redevances perpétuelles, mais en laissant subsister les baux emphytéotiques pour quatre-vingt-dix-neuf

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là les nombreuses difficultés dans lesquelles les adversaires se complaisent '.

Qu'ils nous disent toutefois à quelles conséquences ils veulent arriver. Serait-ce à prétendre que le bail emphytéotique n'existe plus dans notre droit? L'expérience donnerait un démenti à cette assertion les hospices, la liste civile, font tous les jours une multitude d'actes qu'ils ne se permetteraient pas si cette espèce de contrat était prohibée. D'ailleurs la loi du 18 décembre 1790 n'a jamais été rapportée, et le silence du code civil ne saurait l'abroger.

D'où il faut tirer cette conséquence qu'on fait tous les jours et que l'on peut faire valablement des baux emphyteotiques qui ont le même caractère et le même effet que ceux d'autrefois ; c'est-à-dire qui transmettent le domaine utile au preneur, le droit de propriété et celui d'utiliser en s'en servant comme garantie des emprunts qu'on aurait besoin de faire.

Mais on oppose l'article 2118 du code civil qui porte que « sont seuls suscep«tibles d'hypothèques, 1° les biens im<< mobiliers qui sont dans le commerce et <«<leurs accessoires réputés immeubles; « 2o l'usufruit des mêmes biens et acces«soires pendant le temps de sa durée. »

Cet article n'ajoute pas comme les lois de messidor et de brumaire la jouissance emphytéotique; donc le législateur moderne a eu l'intention d'en prohiber l'hypothèque.

Nous répugnerons toujours à trouver des prohibitions dans le silence du législateur; il nous paraît plus conforme à la vérité de dire que s'il n'a pas textuellement parlé de l'emphytéose, c'est parce qu'il la trouvait comprise dans la généralité des expressions du même article.

En effet, qu'est-ce que l'emphyteose et quels droits transmet-elle?

C'est, d'après tout ce qui précède, un bien immobilier, une propriété à temps, une propriété résoluble qui, pendant tout le temps qu'elle dure, donne tous les droits de la propriété absolue. Il n'y a pas d'utilité

mise en vigueur depuis le 1er janv. 1825. (Loi 1 V. pour la Belgique la loi sur l'Emphyteose du 25 déc. 1824.)

qu'on puisse retirer d'une propriété que l'emphytéose ne donne; de même il n'y a pas de charge attachée à la propriété ordinaire que l'emphytéose ne soit obligée de supporter.

Nous en avons trouvé la preuve dans un avis du conseil-d'état relatif aux contributions foncières; le voici textuellement: « Le conseil-d'état, qui a entendu le rapport de la section des finances relatif à la question de savoir :

« 1° Si la contribution foncière des hé«ritages possédés à titre d'emphytéose « doit être supportée par le preneur qui « paie la rente, ou par le bailleur qui la « perçoit ;

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2° Si l'emphytéote est autorisé à << retenir sur le montant de la redevance « un cinquième pour représenter les con«tributions dues pour sa jouissance de la << rente; vu la loi du 1er décembre 1790: « considérant que le paiement des contri«butions étant une charge inséparable de « la propriété utile, il ne doit être supporté que par celui qui en jouit, c'est « à-dire par le preneur ou ses ayans-droit; « que cette jurisprudence, conforme au « droit commun, a été reconnue par une «< décision du ministre des finances, ren« due le 10 avril 1792;

«Considérant que la disposition de la «loi de 1790, qui autorise le débiteur « de rentes à la retenue du cinquième « sur la redevance, est textuelle et pré«cise; que par conséquent le bailleur ne « peut lui contester ce droit, à moins qu'un point contraire n'ait été stipulé « dans l'acte emphytéotique, etc.

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avis, en disant que le preneur ne payait la contribution que pour le compte du bailleur, puisqu'il la lui retenait à l'aide du cinquième pris sur la redevance.

Mais le texte de l'avis a lui-même pris soin de réfuter l'objection: on y voit que la retenue du cinquième se fait par deux motifs parce que la rente ou la redevance est sujette comme le reste à la contribution, et ensuite parce que l'emphyteose donne naissance à deux sortes de propriétés : la propriété utile et la propriété directe, et que c'est pour représenter celle-ci, comme dit le texte, que s'opère la retenue du cinquième.

Au surplus, ce que décide cet avis a été érigé en principe à l'égard de élections. C'est une règle constante aujourd'hui que la contribution foncière d'un immeuble tenu à bail emphytéotique, ne profite qu'au preneur.

Or, il n'en peut être ainsi que parce qu'il est propriétaire, parce qu'il a tous les avantages et toutes les charges de la propriété : tant qu'elle dure, il peut s'en servir de la même manière qu'il userait de tout autre immeuble.

La conclusion qui se tire de là, c'est que l'emphyteose est un bien immobilier qui est dans le commerce, et qui, suivant les propres expressions de l'art. 2118, peut être grevé d'hypothèque; seulement cette hypothèque sera temporaire comme le droit de propriété du preneur, elle sera résoluble comme le serait le droit d'un grevé de substitutions; mais tant que le terme de cette propriété ne sera pas arrivé, tant que la condition résolutoire sous laquelle elle a été établie ne se sera pas réalisée, l'hypothèque sera aussi certaine, aussi valable que si elle avait été constituée par le propriétaire absolu lui-même.

On oppose à cette manière d'entendre l'art. 2118, l'opinion isolée de deux membres du conseil-d'état lors de la discussion du code civil.

Mais ce qu'ils disaient va prouver un oubli total de ce qui était autrefois, et de ce que la nouvelle législation avait établi.

«M. Jolivet dit que l'emphyteose n'a « jamais été susceptible d'hypothèque. Il

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« observe que ce principe n'est par rap« pelé dans le chapitre III, sans doute que le silence de la section vient de ce «qu'elle n'a pas cru devoir parler de l'emphyteose dans les autres parties du « code civil. M. Tronchet dit qu'on n'em«ployait autrefois l'emphyteose que pour « éviter les droits seigneuriaux; mainte<< nant elle n'aurait plus d'objet. Il était <«< donc inutile d'en parler.

Le conseil-d'état ne donna aucune suite à ces observations sans doute parce qu'elles étaient erronées.

M. Jolivet se trompait doublement ; une première fois en affirmant, contre l'opinion de tous les auteurs qu'autrefois l'emphytéose n'était pas susceptible d'hypothèque, et la seconde, lorsqu'il cherchait à expliquer le silence de la loi. En effet, ce n'était pas parce que le contrat emphytéotique n'était pas mentionné dans le code, que l'art. 2118 ne le mettait pas nommément au rang des biens susceptibles d'hypothèque, mais seulement parce qu'il se trouvait compris dans la généralité de ses expressions.

M. Tronchel était également dans l'erreur et sur l'origine de l'emphythéose, et sur la supposition que ce contrat n'ayant plus d'objet, il devait disparaître de notre législation.

L'emphyteose n'avait pas été imaginée pour cacher les droits seigneuriaux, et la législation nouvelle la laissait subsister. Si M. Tronchet se fût rappelé la loi du 18 décembre 1790, il se fût gardé de s'expliquer de la sorte.

Enfin, nous le répétons, son observation, non plus que celle de M. Jolivet, ne furent pas prises en considération, et le conseil, par son silence et par la force du principe que le silence n'abroge pas les lois, entendit laisser subsister ce qui était auparavant, c'est-à-dire et la faculté de faire des emphytéoses et le droit de les hypothéquer.

Nous répondrons de la même manière à ce qu'on a dit des observations des cours et tribunaux, et notamment de la cour de cassation, qui demandaient le rétablissement textuel dans l'art. 2118 du droit

d'hypothéquer les biens emphyteotiques. Le législateur n'y a pas fait droit, parce qu'il a trouvé que la généralité de cet article embrassait toutes les espèces de biens immobiliers, ceux tenus à titre de bail emphytéotique comme les autres.

La conduite ultérieure du législateur a parfaitement justifié cette conclusion; car à chaque fois que des corps incapables de faire autre chose que des actes d'administration ont eu intérêt à faire des emphytéoses, il les a autorisés par des lois spéciales, on en trouve une preuve dans la cause elle-même, où une loi est venue autoriser nommément la liste civile. La nécessité d'une loi annonce la translation de propriété; on n'eût pas eu besoin d'y recourir si l'emphyteose n'eût concédé qu'un droit à la jouissance.

Cependant on insiste, et l'on dit que la preuve que l'emphyteose ne contient pas de translation de propriété, c'est qu'elle ne donne pas lieu au droit de mutation.

Autrefois la translation de propriété était bien attachée à ce contrat; tous les auteurs le disent, et notamment Denisard, Bourjon dont le sentiment est transcrit cidessus, et cependant il ne donnait pas lieu au droit de lods et ventes.

« Quoique les emphytéoses, dit Deni« sard, emportent alienation, elles ne don«nent cependant pas ouverture aux lods

« et vente. >>

Pourquoi cela? parce que la translation n'était pas absolue; parce qu'il restait quelque chose au bailleur; parce qu'il retenait la propriété directe.

C'est le même motif qui milite dans notre droit nouveau. Le fisc est sans intérêt, parce que, percevant son droit sur chacune des quatre-vingt-dix-neufannées, il reçoit en définitive plus qu'il n'aurait eu par le droit de mutation. Le retour nécessaire de la propriété au bailleur a pu seul déterminer cette exemption; mais quel qu'en soit le motif, elle ne peut pas avoir l'effet, pas plus que dans le droit ancien, de changer le caractère et les effets du contrat.

Telle est l'opinion de l'auteur du Répertoire de Jurisprudence et des Questions

de droit. C'est aussi le sentiment de M. Favard de Langlade et de M. Duranton.

Le tribunal de première instance de la Seine en jugea autrement; mais la première chambre de la cour royale infirma sa décision et reconnut la possibilité et le droit d'hypothéquer les biens possédés à titre d'emphyteose.

XV. Autrefois on décidait sans difficulté, que l'hypothèque pouvait elle-même être hypothéquée. On trouve dans les lois romaines, une infinité de décisions qui consacrent ce principe '. Je ne pense pas qu'aujourd'hui on doive suivre cette opinion, parce que, indépendamment de ce que les actions ne sont plus susceptibles d'hypothèque, celle qui résulte de cette affectation n'a pas le caractère d'immobilité exigé dans les biens qu'on peut y sou mettre. L'action hypothécaire étant l'accessoire d'une obligation qui a toujours pour objet une somme d'argent ou d'autres effets mobiliers, il est évident qu'elle est essentiellement mobilière comme l'obligation à laquelle elle est attachée. Le créancier en faveur duquel elle a été consentie, peut tout au plus donner sa créance en gage à ses créanciers personnels, et se procurer ainsi le crédit qu'il trouvait autrefois dans l'affectation de son hypothèque 2.

XVI. Au reste, c'est conformément à ces principes que l'art. 778 du code de procédure, après avoir donné à tout créancier le droit de prendre inscription sur les débiteurs de leur débiteur, ajoute que le montant de la collocation du débiteur doit être distribué comme chose mobilière entre tous les créanciers inscrits.

XVII. On a demandé si un fonds de commerce, quoique composé d'objets mobiliers pouvait être fictivement regardé comme immeuble, et par suite hypothéqué 3? La négative ne nous paraît point douteuse. Un fonds de boutique n'est, dans le fait, et ne peut être considéré que sous

1 L. 4, C. Quæ res Pign.; l. 15, ff. § 2, de Pign. et Hypoth.

2 V. l'art. 2075 du code civil.

3 La loi 34, ff. de Pign., décidait l'affirmative; mais on en connaît la raison : dans le droit ro

l'aspect d'une généralité de meubles fongibles dans leurs parties, parce que tout es consistent en nombre, poids et mesures; dans leur ensemble, parce qu'une chose est fongible, non seulement lorsqu'une espèce, ou un individu de cette chose, peut être remplacée par une autre quantité, mais même quand elle est de nature à pouvoir être représentée par l'argent, qui est le premier de tous les objets fongibles. C'est ainsi que l'a décidé la cour de cassation, dans son arrêt du 9 termidor an 11, rapporté par Sirey, an 12, 1er cahier, pag. 29.

XVIII. Les rentes, au moins dans certaines coutumes, pouvaient être légalement hypothéquées4; mais depuis qu'elles ont été déclarées rachetables, qu'on n'a vu en elles que l'obligation d'une somme d'argent, elles sont réputées meubles, et par conséquent insusceptibles d'hypothèques 5.

XIX. Mais il ne faut pas appliquer les mêmes principes aux actions de la banque de France. D'après l'art. 7 du décret du 16 janvier 1808, les actionnaires peuvent leur donner la qualité d'immeubles, en faisant la déclaration dans la forme prescrite pour les transferts; et cette déclaration une fois inscrite sur le registre, les actions immobilières restent soumises au code civil et aux lois des priviléges et hypothèques, comme les propriétés foncières; en sorte qu'elles ne peuvent être aliénées, et les priviléges être purgés qu'en se conformant au code civil et aux lois relatives aux priviléges et hypothèques sur les propriétés foncières.

XX. Mais il n'en est pas de même des rentes sur l'état. Quoique le décret du 1a mars 1808 permette de les immobiliser, néanmoins l'on voit, par son art. 2, que ce n'est pas pour en former des majorats: or, comme les biens qui les composent sont insusceptibles d'hypothèques, il faut en conclure que les rentes immobilières

main les meubles étaient susceptibles d'hypothèques. (V. Basnage, chap. 3.)

4 V. les Coutumes de Paris et d'Orléans. 5 Art. 529 et suiv.; loi du 29 déc. 1790.

ne peuvent jamais être hypothéquées. XXI. De tout ce qu'on vient de dire, il résulte bien évidemment qu'il n'y a que les immeubles qui puissent être grevés d'hypothèques : les meubles, à cause de la facilité avec laquelle ils peuvent passer de main en main, ne sont pas susceptibles de cette affectation. Cependant, l'on se demande encore tous les jours ce que sont devenues les hypothèques qui, dans certaines coutumes en activité avant la loi de brumaire, frappaient les meubles : ontelles été anéanties à l'égard de ces meubles?

Les lois de messidor an 3 et de brumaire an 7, sembleraient peut-être établir que les hypothèques acquises sur les meubles sont maintenues, à la charge d'une inscription au bureau du domicile du débiteur: mais la cour de cassation, par arrêt du 17 mars 1807, a jugé le contraire. On trouvera son arrêt dans nos Questions sur les Priviléges et Hypothèques.

créancier saisit les meubles de son débiteur, le prix en provenant est toujours distribué par concurrence, sauf cependant les cas où il y a des priviléges. Mais si ces meubles étaient une fois sortis des mains du débiteur, les créanciers, même ceux ayant privilége, ne pourraient plus les saisir, parce que, comme le dit notre article, cette espèce de bien n'a pas de suite par hypothèque.

ART. 2120. Il n'est rien innové, par le présent code, aux dispositions des lois maritimes concernant les navires et bâtimens de mer.

I. L'article 1er du livre 2 du code de commerce déclare meubles les navires et autres bâtimens de mer; d'où l'on pourrait conclure, suivant ce que nous avons déjà dit, qu'ils ne peuvent être hypothéqués aux dettes du vendeur : cependant l'intérêt du commerce a fait consacrer d'autres principes. Les navires sont affectés spécialement aux dettes du vendeur, et frappés par là d'une hypothèque légale en

ART. 2119. Les meubles n'ont pas de suite par faveur de tous les créanciers : ils peuvent

hypothèque.

La construction grammaticale de cet article pourrait peut-être faire croire que les meubles sont susceptibles d'hypothèques, mais que l'effet de cette affectation se borne à ne pas les suivre entre les mains des tiers ; que par conséquent, tant qu'ils sont en la possession du débiteur, les créanciers peuvent exercer leurs droits, et être payés par rang d'hypothèque. Cependant ce n'est pas là le sens que le législateur y a attaché. On a déjà vu, par l'article précédent, que les meubles considérés isolément ne pouvaient être hypothéqués. On se rappelle ces expressions: Sont seuls susceptibles d'hypothèques les immeubles et leurs accessoires, etc. Notre article ne peut donc vouloir dire autre chose, si ce n'est que les meubles qui, comme tous les autres biens du débiteur, sont le gage commun des créanciers, cessent de leur étre affectés dès qu'ils sont légitimement sortis de ses mains. Nous avons déjà eu occasion d'observer plusieurs fois que ce n'était que dans des cas d'exception que les créanciers pouvaient les revendiquer. Si donc un

être suivis entre les mains des acquéreurs, et continuent conséquemment, malgré la vente qu'en aurait faite le propriétaire d'être le gage commun de ses créanciers. Voici comment s'explique à cet égard l'art. 196 du code de commerce : « La «< vente volontaire d'un navire en voyage

ne préjudicie pas aux créanciers du ven<< deur. En conséquence, nonobstant, la << vente, le navire ou son prix continue « d'être le gage desdits créanciers, qui «< peuvent même, s'ils le jugent convenable, attaquer la vente pour cause de « fraude. >>

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II. On doit remarquer que cet article ne dispose que pour le cas où la vente a été consentie lorsque le navire était en voyage; cependant on peut vendre un navire qui est dans le port, l'art. 195 le dit formellement : or, dans ce cas, le navire ou son prix resterait-il le gage des créanciers? La négative nous parait résulter de la combinaison des articles 195 et 196 ci-dessus cités. Dans le premier, en effet, on s'occupe de la vente des navires, et on la permet, tant pour ceux qui

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