Page images
PDF
EPUB

tenait la guerre séculaire dont la tradition et le principe lui avaient été légués par ses ancêtres, fut chassé de ses États, qui furent mis à l'encan par les conquérants, et achetés par Charles-Quint. Après un exil de quinze ans, le duc, aidé des subsides de François Ier et victorieux à Lauffen, rentra en possession de son patrimoine, mais n'obtint l'annulation de la vente qui le transférait à Cherles-Quint qu'à la condition de renoncer à la suzeraineté directe de l'Empire, et de consentir à ce qu'il relevât de la maison de Lorraine, à laquelle le duché devait revenir à l'extinction de la branche régnante. Cette sujétion humiliante dura jusqu'en 1599, époque à laquelle l'accord de Prague rendit au Wurtemberg son rang de fief immédiat. Par haine pour l'Autriche, qui avait failli le dépouiller, et pour le catholicisme dont Charles-Quint était le champion, Ulric embrassa le luthéranisme, et en favorisa la propagation parmi ses sujets. Pendant la guerre de Trente-Ans, les ducs de Wurtemberg n'ont cessé de représenter au sein de l'Allemagne catholique et autrichienne du midi, les tendances et les intérêts protestants du nord.

Au moment où la révolution française vint bouleverser l'Allemagne, le duché de Wurtemberg, comptant une population de huit cent mille habitants, avait trois points de contact avec la politique européenne: 1o Du côté de la France, par ses droits sur Montbéliard; 2° Du côté de l'Autriche, par son antagonisme protestant, par sa convoitise traditionnellement dirigée vers les possessions autri

[ocr errors]

chiennes et les biens ecclésiastiques de la Souabe; 3o Du côté de la Russie, par une alliance de famille. En effet, la sœur du duc Frédéric, mis en possession de la couronne ducale en 1797, était mariée à Paul Jer; et comme ce duc Frédéric était le père de la princesse Catherine, qui épousa Jérôme, il s'ensuit que cette princesse était cousine-germaine des empereurs Alexandre et Nicolas, et que ses enfants sont cousins, issus de germains, de l'empereur actuel Alexandre II.

La Maison de Wurtemberg doit sa grandeur moderne à la révolution française et à l'Empereur, et c'est par les ennemis de l'Empereur et de la révolution qu'elle a trouvé moyen de faire consacrer cette grandeur. Tel est le résumé de son histoire pendant les quinze premières années de ce siècle, et telle est aussi l'histoire de la Bavière et de Bade. Ces États, après avoir dû aux faveurs du conquérant une élévation inespérée, ont su se retourner à temps contre lui, et obtenir la reconnaissance des droits qu'ils tenaient de sa toute-puissance pour prix de leur défection. La famille de Saxe, également comblée des dons de Napoléon, n'a pu exécuter son évolution à propos, ou plutôt, admettons-nous volontiers, elle s'est crue engagée plus longtemps par la reconnaissance. Elle a expié, par la perte d'une partie de son patrimoine, son défaut de prévision politique, et sa longue et loyale fidélité.

Il importe de faire connaître par quelle filière des événements le Wurtemberg fut mêlé aux changements compliqués qui ont bouleversé la face de

l'Allemagne dès le commencement de ce siècle. Lorsqu'en 1802 il fallut régler la grande affaire des indemnités allemandes, c'est-à-dire trouver aux princes dépossédés de la rive gauche du Rhin des compensations, aux dépens des principautés ecclésiastiques, le Wurtemberg figura parmi les réclamants, au titre de Montbéliard, incorporé à la République française. On sait que les princes allemands ballotés entre l'Autriche et la Prusse, finirent par s'adresser au Premier Consul, que le Recès de 1803 fut son ouvrage, et que, choisi pour arbitre, il sauva l'Allemagne des embarras d'une situation inextricable, par un ensemble de décisions diplomatiques, modèle de sagesse, de fermeté et de justice. Le duc de Wurtemberg obtint en échange de Montbéliard :

1o La qualité d'électeur (il en fut de même du margrave de Bade et du landgrave de Hesse, en remplacement des deux électorats ecclésiastiques de Trèves et de Cologne supprimés);

2o La prévôté d'Ellwangen et diverses abbayes, formant un revenu de 380,000 florins, en échange d'un revenu de 250 mille florins, abandonné avec la possession de Montbéliard.

Il est à remarquer, qu'avant même que le Recès eût été sanctionné par la Diète de Ratisbonne, le Wurtemberg se mit en possession des territoires que l'arbitrage du Premier Consul, approuvé par l'empereur de Russie, lui attribuait. En général, les princes ecclésiastiques de tout ordre et de tout rang sécularisés, à cette époque et aux époques suivantes, au profit des princes laïques, eurent à reprocher à ces

derniers, leurs compatriotes, une dureté de procédés qui put leur faire regretter de n'avoir pas eu directement à traiter avec les Français.

Telle était la situation du Wurtemberg au moment où la guerre de 1805 éclata entre la France et l'Autriche. Le Wurtemberg n'était pas directement engagé dans la querelle, et il aurait pu rester neutre; mais comme son territoire se trouvait précisément placé, de même que ceux de Bade et de la Bavière, entre le Rhin et le Danube, c'est-à-dire entre les deux puissances belligérantes, il n'était guère possible qu'il ne fût pas entraîné et forcé de prendre parti pour l'une ou pour l'autre. En présence de cette alternative, le duc Frédéric, homme intelligent, mais passionné, se montra partagé entre sa haine pour les Français et la révolution française, et son ardent désir d'accroissements territoriaux. Il était clair, en effet, que le principe de la révolution française, étant en Allemagne celui des sécularisations et de la destruction des enclaves féodales, les grosses principautés, en s'alliant à elle, avaient la certitude de s'arrondir, en cas de succès, aux dépens des biens ecclésiastiques et de ceux de la noblesse immédiate. La Souabe particulièrement, présentant un enchevêtrement complet de territoires appartenant à une riche et puissante noblesse immédiate, mêlés à des biens, propriétés directes de la maison d'Autriche, était pour le Wurtemberg, pour Bade et pour la Bavière, un objet d'ardentes convoitises. Ces États voyaient bien que leur alliance avec la France leur serait payée par l'abandon de cette riche proie. Mais, d'un autre côté, ce

n'était pas sans une vive répugnance que ces souverains de droit féodal pensaient à se jeter dans les bras du chef couronné d'une république abhorrée.

Ainsi, lorsque quelques jours avant l'entrée de la Grande Armée en Allemagne et sa marche fameuse sur Ulm et le Haut-Danube, le ministre de France à Stuttgard pressa l'Électeur de signer un traité d'alliance offensive et défensive, celui-ci fut en proie aux plus vives perplexités. Séduit, d'un côté, par les brillantes promesses que la France lui faisait, retenu, de l'autre, par son antipathie personnelle, il ne pouvait se décider à conclure. Ce fut au milieu de ces tergiversations que le corps d'armée du maréchal Ney se porta sur le territoire wurtembergeois, et se présenta devant Stuttgard. L'Électeur Frédéric refusait d'en ouvrir les portes ainsi que celles de Louisbourg, disant que la convention n'était ni signée ni arrêtée. Le maréchal Ney déclara qu'il respecterait Louisbourg, château de plaisance des ducs de Wurtemberg, mais qu'il enfoncerait les portes de Stuttgard à coups de canon, si on ne les lui ouvrait de bon gré. Il fallut céder. Quelques jours après, Napoléon arriva de sa personne à Stuttgard, le 5 octobre. Le traité fut conclu le 12 décembre suivant.

Ce traité ne fut pas publié, mais l'Électeur donna lui-même connaissance, au comité permanent des États de son pays, de deux articles par l'un desquels l'Empereur des Français garantissait l'indépendance et l'intégrité de l'Électorat, tandis que, par l'autre, le Wurtemberg s'engageait à lui fournir un corps de huit à dix mille hommes. Frédéric déclara au comité

« PreviousContinue »