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application de la loi. Mais le procureur général se désista du pourvoi formé par son subordonné et l'affaire en est restée là.

Je suis convaincu, du reste, que l'arrêt précité ne formera pas jurisprudence. Mais il a déjà donné lieu à une polémique sérieuse dans la presse japonaise et étrangère sur le point de savoir quelle est la situation légale des étrangers dont le pays n'a pas de traité avec le Japon.

Faut-il admettre que, si le bénéfice de l'exterritorialité appartient exclusivement aux nations qui ont un traité avec le Japon, les sujets des autres nations sont purement et simplement soumis à la loi et à la justice japonaises? Ou bien, faut-il reconnaître que le Japon reste fermé aux étrangers, en principe, sauf en faveur de ceux dont les nations ont un traité?

Cette dernière solution, si peu libérale qu'elle soit, a des partisans chez les Japonais, et il faut reconnaître qu'elle est soutenable, en présence des traités qui ne stipulent et ne pouvaient stipuler l'ouverture du pays qu'en faveur des sujets ou citoyens des nations contractantes.

Quoi qu'il en soit du principe, l'administration japonaise a admis le sieur Philippe à se pourvoir d'une licence; mais il est probable qu'il renoncera à son entreprise, parce que, pendant qu'il payerait 20 0/0 sur la valeur de ses produits, les cigarettes américaines ne payent que 5 0/0 de droit d'importation, ce qui lui rendrait la concurrence impossible. Elle est même très difficile pour les fabricants japonais eux-mêmes, et elle serait impossible aussi si leurs conditions de loyer et d'existence en général n'étaient beaucoup moins onéreuses que celles des étrangers.

Ce bas tarif des douanes japonaises est, au surplus, la cause d'un autre grief du pays qui ne peut ou ne croit pas pouvoir dénoncer les conventions commerciales liées aux traités de juridiction et, comme eux, illimitées quant à leur durée.

Plus que jamais, je suis convaincu que les tribunaux japonais, avec leur organisation nouvelle imitée de la nôtre, avec les conditions très difficiles d'admission à la judicature et avec l'inamovibilité (même du ministère public, ce qui est exagéré), sont maintenant constitués de manière à faire cesser toute appréhension, de la part des étrangers, à y être soumis.

J'en dirai autant des nouveaux Codes conçus d'après les principes européens et tous aujourd'hui promulgués.

Nous sommes donc bien loin de l'état de choses qui a pu

motiver, si non légitimer, le principe de l'exterritorialité, aujourd'hui suranné, contraire au droit international des pays indépendants et civilisés, et profondément blessant pour l'intérêt et la dignité du Japon.

G. BOISSONADE,

Professeur honoraire à la Faculté de droit de Paris (en résidence au Japon).

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Deux étrangers se sont mariés à l'étranger; leur divorce a été prononcé en France, où ils sont venus se fixer; comment et en quel endroit doit se faire la transcription du jugement de divorce? Quel est, en France, l'officier de l'état civil compétent pour procéder à cette formalité? Est-il nécessaire de se conformer aux prescriptions que les lois étrangères peuvent renfermer quant à la publicité?

I. Les articles 251 et 252 du Code civil, tels qu'ils ont été modifiés par la loi du 18 avril 1886, sont les seuls textes qui, à l'heure actuelle, s'occupent en France de la transcription des jugements de divorce; ils sont ainsi conçus :

--

ART. 251. « Le dispositif du jugement ou de l'arrêt est transcrit sur les registres de l'état civil du lieu où le mariage a été célébré. — Mention est faite de ce jugement ou arrêt en marge de l'acte de mariage, conformément à l'art. 49 du Code civil. Si le mariage a été célébré à l'étranger, la transcription est faite sur les registres de l'état civil du lieu où les époux avaient leur dernier domicile, et mention est faite en marge de l'acte de mariage s'il a été transcrit en France. »>

ART. 252. «La transcription est faite à la diligence de la partie qui a obtenu le divorce; à cet effet, la décision est signifiée, dans un délai de deux mois à partir du jour où elle est devenue définitive, à l'officier de l'état civil compétent, pour être transcrite sur les registres. A cette signification, doivent être joints les certificats énoncés en l'article 548 du Code de procédure civile et, en outre, s'il y a eu arrèt, un certificat de non pourvoi. - Cette transcription est faite par les soins de l'officier de l'état civil, le cinquième jour de la réquisition, non compris les jours fériés, sous les peines édictées par l'art. 50 du Code civil. - A défaut, par la partie

qui a obtenu le divorce, de faire cette signification dans le premier mois, l'autre partie a le droit, concurremment avec elle, de faire cette signification dans le mois suivant. A défaut par les parties d'avoir requis la

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transcription dans le délai de deux mois, le divorce est considéré comme nul et non avenu. - Le jugement dûment transcrit remonte, quant à ses effets entre époux, au jour de la demande. »>

Un point paraît d'abord hors de toute contestation : le jugement de divorce, prononcé en France, doit être certainement transcrit : les motifs qui ont poussé le législateur français à prescrire cette formalité, sont indépendants de la nationalité des parties; les tiers qui, dans la suite, peuvent être appelés à traiter avec l'un ou l'autre des époux, doivent être avertis, d'une manière officielle, du changement d'état éprouvé par leur cocontractant, que celui-ci soit français ou étranger, que son mariage ait été célébré en France ou à l'étranger.

S'il est incontestable que le jugement doit recevoir en France la publicité prescrite par la loi française, il est beaucoup plus délicat de déterminer en quel endroit les formalités doivent être remplies.

Antérieurement à la loi modificative du 18 avril 1886, le rôle de l'officier de l'état civil ne se bornait pas à transcrire les jugements de divorce; c'était véritablement lui qui prononçait la dissolution du mariage; c'est ce qui résultait de l'ancien article 266 dont il peut être utile d'avoir le texte sous les yeux.

<< En vertu de tout jugement rendu en dernier ressort ou passé en force de chose jugée, qui autorisera le divorce, l'époux qui l'aura obtenu sera obligé de se présenter, dans le délai de deux mois, devant l'officier de l'état civil, l'autre partie dûment appelée, pour faire prononcer le divorce. >>

Les textes nouveaux sont plus explicites que l'ancien ; ils déterminent quel est, dans la plupart des cas, l'officier de l'état civil compétent; mais, il semble bien que la règlementation de détail qu'ils renferment ne concerne pas les divorces, qui, prononcés en France, mettent fin à des mariages célébrés à l'étranger entre étrangers; le second paragraphe de l'art. 251, par cela seul qu'il suppose que l'acte de mariage, dressé à l'étranger, a pu être transcrit en France, laisse bien entendre que l'attention du législateur français n'a été attirée que sur les mariages dans lesquels l'un des conjoints, au moins, était de nationalité française (art. 171 C. c.). Les travaux préparatoires de la loi de 1886 démontrent d'ailleurs que la sollicitude du législateur français ne s'est pas étendue aux conjoints, l'un et l'autre d'origine étrangère, mariés hors de France. Lors de la

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discussion au Sénat, M. Bozérian avait déposé un amendement ainsi conçu : « Les étrangers domiciliés en France pourront s'adresser aux tribunaux français pour faire prononcer le divorce, lorsqu'il est autorisé par les lois de leur pays. » La commission du Sénat n'accueillit pas favorablement cette proposition. Aussi, son auteur dut la retirer (séance du 7 décembre 1885); or, il est possible de remarquer que M. Labiche, en son rapport supplémentaire du 28 novembre 1885 (Coulon, Divorce et séparation de corps, t. II, p. 259), présenta des observations qui semblent indiquer que, dans sa pensée, les tribunaux français ne peuvent jamais connaître d'une demande de divorce entre étrangers; cette conception est évidemment erronée; il n'y a pour s'en convaincre qu'à consulter la jurisprudence récente 1, mais elle est bien de nature à montrer que nos législateurs ne devaient pas avoir en vue le divorce des étrangers, au moment où ils édictèrent les dispositions des articles 251 et 252. V. encore, dans le même sens, une circulaire du 25 juillet 1887, adressée aux maires par le parquet de la Seine (Carpentier, loi du 18 avril 1886, p. 267) et une circulaire de la même date adressée par le parquet de la Seine au président de la Chambre des avoués (loc. cit., p. 262).

Cela étant, il y a lieu de rechercher, dans ce silence des textes, quel doit être, selon les principes du droit commun, l'officier de l'état civil compétent. Il nous semble qu'il faut reconnaître cette qualité au maire de la commune où réside celle des parties qui, dans l'instance en divorce, a joué le rôle de défendeur; c'est que la transcription du jugement de divorce n'est, en réalité, que l'exécution de ce même jugement et qu'à défaut de texte dérogatoire, il est naturel de porter cette décision à la connaissance du public, de préférence dans le ressort du tribunal où elle a été rendue; on peut ainsi espérer d'ailleurs que les tiers intéressés seront plus sûrement avertis de la modification apportée à la condition des époux. V. Carpentier, loi de 1886, n. 237; Vraye et Gode, Le divorce et la séparation de corps, 2e édit., n. 932; Frémont, Traité pratique du divorce et de la séparation de corps, n. 670 et s.; Coulon, Divorce et séparation de corps, t. IV, p. 455. Le plus souvent, la solution adoptée aboutira à la désignation du même officier de l'état civil que si on avait appliqué directement la disposition du second paragraphe de

1. V. suprà, v° Divorce, p. 194. Paris, 5 août 1886, Clunet 1886, p. 584; adde v Divorce, ibid. 1890, p. 875. Paris, 26 février 1891, ibid. 1891, p. 1189; adde infra, jurispr. fr., v Divorce.

l'art. 251, c'est-à-dire que l'officier de l'état civil compétent sera celui du domicile du mari; cependant, pour ceux qui pensent que les étrangers ne peuvent acquérir de véritable domicile en France que dans le cas de l'art. 13 C. c., il peut être intéressant, semblet-il, d'avoir montré que l'art. 251 ne s'appliquait pas directement aux étrangers, mariés à l'étranger, qui obtiennent un jugement de divorce en France; c'est qu'en effet, comme d'après ces jurisconsultes, les étrangers, placés en dehors des termes de l'art. 13 C. c., n'ont en France qu'un domicile de fait, un mari et sa femme peuvent avoir en France des domiciles distincts, par cela seul qu'ils y ont des résidences dictinctes, et alors même qu'ils ne sont pas légalement séparés de corps.

Tel est en France le mode de publicité auquel les parties doivent recourir pour faire produire effet au jugement de divorce; à ce sujet, il y a lieu de présenter une observation importante; on pourrait croire, à la lecture de l'art. 252, que le défaut par les intéressés d'avoir demandé, dans le délai, à l'officier de l'état civil compétent, la transcription du jugement de divorce, devrait avoir nécessairement pour conséquence la nullité du divorce lui-même; toutefois, il n'en est ainsi, d'après la jurisprudence, que si cette abstention peut s'interpréter comme l'indice d'une réconciliation entre les époux; nos tribunaux ont estimé que le retard apporté par les parties à se conformer aux prescriptions légales ne pouvait leur être préjudiciable lorsqu'il s'expliquait par un cas de force majeure, et sous ce rapport ils se sont montrés très larges, en ce sens qu'ils ont considéré comme n'étant pas déchus du bénéfice du divorce des époux qui, par fausse interprétation de la loi, avaient adressé à un officier de l'état civil incompétent les réquisitions à fin de transcription. Trib. Seine, 8 mars 1887 et 7 mai 1888, S. 88.2.197; Gaz. Pal. 87.1.428. Carpentier, loi du 18 avril 1886, n. 157; Coulon, t. III, p. 394; Contra, Poulle, Le divorce p. 188. Huc, Commentaire théorique et pratique du Code civil, t. I, n. 391. V. aussi Paris 30 mai 1888, S. 88.2.197, Gaz. Pal. 88.1.869 et le réquisitoire de M. l'avocat général Manuel; Trib. Seine, 29 janvier et 19 février 1886, Gaz. Pal. 86.1.451.

II. Pour produire ses effets en France, il suffit que le jugement de divorce soit transcrit sur les registres de l'état civil français ; il n'est point nécessaire qu'on se conforme aux prescriptions de la loi nationale des parties en cause ou de celle du lieu de la célébration; le principe de l'indépendance réciproque des Etats impose cette solution. V. Cruppi, Conclusions sous Trib. Seine, 4 juin 1885, Clunet 1885, p. 551.

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