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effet, la procédure déjà suivie lorsqu'il s'agit des commissions rogatoires échangées entre nos tribunaux. Leur exécution n'a lieu que sur les diligences des parties intéressées. D'autre part, il s'agit d'un jugement d'avant faire droit rendu par un Tribunal étranger; si ce jugement ne comporte pas à proprement parler de mesures d'exécution, au sens de l'article 546 du Code de procédure civile, il appelle du moins une exécution que seuls les magistrats français commis peuvent lui donner; il est naturel dès lors qu'on la réclame d'eux, dans les formes mêmes où on leur demande l'exequatur d'une décision étrangère, dont on veut poursuivre l'exécution en France,

Cette procédure est même la seule qui permette aux parties, dans un certain nombre de cas, d'obtenir de la justice française l'accomplissement du mandat judiciaire à elle adressé. C'est notamment ce qui se produit à l'égard des commissions rogatoires provenant d'Angleterre ou des Etats-Unis de l'Amérique du Nord, dont les gouvernements ne se chargent pas de provoquer l'exécution des mandats décernés par nos tribunaux.

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Il demeure bien entendu que lorsque les parties prennent cette voie, elles ne sauraient être admises à bénéficier de certaines mesures exceptionnelles au point de vue des frais ces mesures favorables, dont il sera question plus loin, sont réservées exclusivement aux commissions rogatoires parvenues au gouvernement français par la voie diplomatique et que j'adresse à vos substituts aux fins d'exécution. Il s'agit dans le cas présent d'une instance ordinaire, et comme tous les plaideurs, les parties ont à supporter, non seulement les émoluments alloués par les tarifs aux officiers ministériels et publics dont l'intervention est nécessaire, mais encore les divers droits que perçoit le Trésor.

Il ne faut pas assimiler à cette hypothèse celle où la commission rogatoire serait directement adressée de l'étranger au tribunal français commis ou à l'un de ses membres. Il est alors du devoir de nos magistrats de renvoyer à ma chancellerie par l'intermédiaire des parquets la commission rogatoire qui leur est ainsi parvenue par une voie irrégulière. Le Gouvernement doit en effet être mis en mesure d'apprécier s'il convient de provoquer l'exécution de cette commission rogatoire comme il va être dit ci-après, ou s'il ne doit pas laisser aux parties intéressées le soin de faire ellesmêmes les diligences nécessaires.

Hors ce cas, et lorsque les tribunaux seront saisis par une requête aux fins d'exécution, régulièrement présentée par un

avoué, ils apprécieront s'ils peuvent y déférer sans porter atteinte aux règles d'ordre public reçues en France, et en se conformant, le cas échéant, aux traités qui peuvent exister à cet égard entre la France et les pays d'où émanent les commissions rogatoires. Il ne me paraît pas nécessaire de réclamer la communication à ma chancellerie de ces demandes d'exécution. Elles ne soulèvent pas, du moins lorsque la réquisition du tribunal étranger se renferme dans les limites ci-dessus tracées, de questions sensiblement différentes de celles que peuvent présenter les demandes tendant à déclarer exécutoire en France un jugement étranger, demandes à l'égard desquelles le législateur n'a point prescrit une telle communication. Si, d'après les instructions d'un de mes prédécesseurs (5 avril 1841), il en doit être autrement à l'égard des commissions rogatoires en matière criminelle, c'est que l'exécution de ces mandats judiciaires peut provoquer des objections d'une nature différente, qu'il appartient au Gouvernement seul d'examiner.

Le plus souvent, les commissions rogatoires sont adressées par la voie diplomatique au ministère des affaires étrangères, qui les transmet à son tour à ma chancellerie. Elles sont, en ce cas, l'objet d'un double examen préalable.

Il appartient spécialement à M. le Ministre des affaires étrangères d'apprécier si les rapports avec l'État étranger requérant, et notamment si les avantages d'une réciprocité concédée sur ce point spécial, ou bien encore si les intérêts français engagés au procès dont il s'agit autorisent les dérogations au droit commun et les immunités dont peuvent bénéficier les réquisitions ainsi transmises par les soins des ambassades. Cette liberté d'appréciation se trouve d'ailleurs restreinte en ce qui concerne les commissions rogatoires émanées de la Suisse, du Grand-Duché de Bade ou de l'Alsace-Lorraine, pays envers lesquels la France est liée par des traités.

J'ai, de mon côté, à m'assurer si la demande du tribunal étranger rentre bien par son objet dans le cadre d'une véritable commission rogatoire. Lorsque l'intervention qu'on sollicite ne se réfère pas à une simple mesure d'instruction, mais constitue l'exécution d'une décision définitive et convie à des moyens de contrainte, je dois laisser aux parties le soin de faire les diligences nécessaires, en se conformant aux prescriptions de la loi française, et notamment à celles de l'article 546 du Code de procédure civile. Si, d'autre part, les mesures d'instruction réclamées ne comportent pas l'intervention des magistrats et peuvent être accomplies directement par

les simples diligences des intéressés, il faut encore réserver à ces derniers le soin de faire procéder aux investigations réclamées par la juridiction saisie de l'instance.

III.

Exécution des commissions rogatoires transmises par la voie diplomatique. (Procédure et frais.)

Les commissions rogatoires qui me parviennent par la voie diplomatique trouvent un premier avantage dans leur exécution d'office. C'est en effet par les soins et sur les diligences des magistrats du ministère public que leur objet est rempli. Les magistrats français délégués par les tribunaux étrangers se trouvent ainsi saisis, sans que les parties intéressées aient à recourir à l'intermédiaire d'un officier ministériel.

Je rappelle cependant qu'il est loisible aux parties de faire surveiller l'affaire, si elles le jugent à propos, par un officier ministériel ou par tout autre mandataire. Il leur appartient exclusivement de le désigner, le tribunal français commis n'ayant à intervenir en aucune manière à cet égard. Dans ce cas, les émoluments de ce représentant doivent demeurer bien évidemment à la charge exclusive des parties qui l'ont choisi; mais les mesures d'exécution de la commission rogatoire continuent à profiter des exonérations dont il va être parlé.

Les commissions rogatoires transmises par la voie diplomatique sont totalement dispensées des droit de timbre et d'enregistrement. Conformément à une décision du ministre des finances du 27 mars 1829 et aux instructions de la direction générale de l'enregistrement du 17 avril de la même année, les actes nécessaires à leur exécution sont, non point visés pour timbre et enregistrés en débet, mais faits sur papier libre et enregistrés gratis. Quant aux divers frais que cette exécution peut occasionner, et notamment quant aux droits qui sont dus aux greffiers, ils demeurent à la charge du Trésor et doivent être acquittés comme les frais faits en matière criminelle (article 41 et suivants du décret du 18 juin 1811), à moins qu'il ne soit expressément mentionné dans la commission rogatoire qu'une provision destinée à les couvrir a été déposée par les parties ou que celles-ci ont pris l'engagement de les solder. Le recouvrement de ces frais ne pourrait être poursuivi que contre le gouvernement du pays d'où émane la commission rogatoire, et il a semblé préférable de ne pas exercer ce recours, sous la réserve de la réciprocité qui nous serait assurée en pareil cas.

Je crois devoir rappeler incidemment que les greffiers n'ont droit à aucune rétribution pour légalisation de leur signature apposée sur des copies d'actes de l'état civil délivrées pour l'exécution de commissions rogatoires provenant de l'étranger : il s'agit en effet de copies délivrées sur papier libre, dans un intérêt d'ordre public et d'administration judiciaire (décret du 24 mai 1854, article 8, 3o). L'exécution des commissions rogatoires étrangères, transmises par la voie diplomatique n'entraîne donc en principe aucuns frais pour les parties intéressées. L'intervention du juge français leur est assurée gratuitement, pour tous les actes auxquels ce magistrat doit procéder lui-même, les frais accessoires à ces actes demeurant à la charge du Trésor français.

Toutefois, lorsque les parties en cause ou le tribunal étranger ont estimé qu'il était nécessaire, pour l'établissement de la preuve à fournir, de réclamer le concours de simples particuliers, notamment d'hommes spécialement compétents, d'experts, les frais que peuvent entraîner ces opérations ne peuvent plus être considérés comme accessoires à l'acte du juge; ils ne doivent pas être assumés par l'État français, pas plus que ne voudrait les assumer l'État étranger requérant. Il est de toute justice qu'ils soient supportés par les parties en cause. Si, en effet, dans un véritable intérêt d'ordre public, des conventions internationales ont stipulé que les expertises en matière criminelle pourraient être effectuées gratuitement, ces mêmes conventions ont pris soin de limiter le nombre des vacations laissées à la charge de l'État requis. Ce seul rapprochement autorise à déclarer que, lorsqu'en matière civile et dans un intérêt exclusivement privé, semblable mesure d'instruction peut être reconnue opportune ou même nécessaire, c'est aux parties en cause qu'il y a lieu d'en laisser les frais. Aussi, dans ces circonstances, le Gouvernement a-t-il soin de réclamer du gouvernement étranger requérant la garantie du payement des frais de l'opération à laquelle il doit être procédé sous la direction de la justice française expertise, examen médical, descente sur lieux, etc. Vos substituts auront donc à me faire parvenir un état des frais régulièrement taxés, avec l'indication précise du nom des personnes en droit d'en réclamer le remboursement.

Quant à la procédure à suivre pour l'exécution des commissions rogatoires adressées par la voie diplomatique, elle est, en vertu d'une tradition constante, considérablement simplifiée. Il convient en effet de ne pas perdre de vue qu'il s'agit d'une intervention purement gracieuse des autorités françaises, et que les frais causés

par l'accomplissement de ces mandats, demeurant, ainsi qu'il vient d'être dit, à la charge du Trésor français, doivent être restreints dans la limite du possible.

L'adoption des formes les plus simples ne s'impose pas seulement dans l'intérêt du Trésor français, elle assure dans un délai plus rapide l'exécution des informations requises par le tribunal étranger et offre ainsi une compensation aux lenteurs inévitables résultant du mode de transmission par les voies diplomatiques.

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C'est dans cet ordre d'idées que, depuis longtemps, on reconnu inutile de provoquer une décision par laquelle le tribunal délégué déclare accepter la commission rogatoire cette formalité préalable a été abandonnée par la plupart des juridictions auxquelles les tribunaux étrangers font parvenir des délégations fréquentes, et il n'y aura lieu désormais de l'accomplir dans aucun

cas.

Si la commission rogatoire étrangère doit être exécutée par le tribunal lui-même, celui de vos substituts auquel elle est adressée doit se borner, à la suite d'une entente officieuse avec le président du tribunal, à prendre en ce qui le concerne les mesures nécessaires pour que l'opération puisse avoir lieu au jour déterminé. Si le serment déféré à une partie paraît, le cas échéant, devoir être reçu par le tribunal, en audience publique, ou en chambre du conseil, le procureur de la République prendra jour avec le président du tribunal et fera inviter la partie à comparaître à l'audience ainsi fixée.

La commission rogatoire paraît-elle de nature à être exécutée par un seul juge, juge du tribunal de première instance ou bien juge de paix? La désignation sera faite officieusement par le président du tribunal, sur le vu de la commission rogatoire, ou même, à l'exemple de ce qui a lieu en matière criminelle, un officier de police judiciaire pourra accomplir le mandat dont il s'agit sur les simples réquisitions du procureur de la République par exemple, le juge d'instruction ou un juge de paix pourront être requis de procéder à l'audition d'un témoin. Je ne verrai même aucun inconvénient à ce qu'il soit procédé, par les commissaires de police ou les maires, aux opérations qui auront paru pouvoir leur être confiées.

Les commissions rogatoires provenant de l'étranger sont le plus souvent adressées, conformément aux recommandations que le gouvernement français a fait donner aux juridictions étrangères, non pas exclusivement à un tribunal français spécialement déter

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