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Genestal et Delzons, la Compagnie d'assurances Oberrheinische Versicherungs Gesellsschaft excipe de l'incompétence des tribunaux français et fonde cette exception sur les moyens suivants : 1o Intention commune des parties contractantes et convention au moment de la conclusion du contrat d'assurances de se soumettre aux prescriptions des lois et règlements allemands; 2o sur l'art. 11 du traité de Francfort, par lequel tout sujet allemand défendeur aurait droit au bénéfice du traitement de la nation la plus favorisée ; Sur le premier moyen Att. tout d'abord, que le contrat d'assurance maritime faisant l'objet du litige a été conclu et signé entre la Société allemande Oberrheinische et les sieurs Lewy et Hermer d'Odessa chargeurs du navire Robert Harowing pour compte de qui de droit, à Mannheim (Grand duché de Bade); Att. que les demandeurs basent leur action sur l'art. 14 C. civ., qui stipule que l'étranger pourra être traduit devant les tribunaux de France pour les obligations par lui contractées en pays étrangers envers des Français »; - Mais att. que les stipulations de cet article ne sont pas, conformément à une jurisprudence constante, d'ordre public; qu'il est facultatif aux parties contractantes d'y déroger par des dispositions spéciales et particulières; Or, att. qu'il résulte des termes mêmes de la police d'assurance, quoique cette police ne contienne pas de clause formelle attributive de juridiction, que l'intention commune des parties a été, au moment où le contrat est intervenu entre la Compagnie Oberrheinishe et Lewy et Hermer, de prendre pour base les prescriptions du Code de commerce allemand et du règlement de 1867 du port de Hambourg pour trancher les différends qui pourraient surgir entre elles ; Att. que ladite police d'assurance porte en effet que « les droits résultant de la présente assurance pour la compagnie et les assurés seront déterminés conformément aux conditions d'assurances générales maritimes de 1867 établies sur la base du Code de commerce allemand, suivant les avis d'experts dans les villes maritimes de l'Allemagne du Nord, auxquelles conditions les deux parties se sont soumises particulièrement aussi pour ce qui concerne les points à l'égard desquels les articles relatifs du Code de commerce allemand ont été modifiés par des changements admis dans ceux-ci ou par des conditions dérogatoires » ; - Att. qu'une police d'assu rance est un titre au porteur dans la plus large acception du mot; que nul endos n'est nécessaire pour en transmettre la propriété ; Att. que tout porteur d'une police d'assurance ne peut avoir des droits plus étendus que n'en aurait l'assuré primitif; Que

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les assurés primitifs, dans l'espèce Lewy et Hermer, n'ont pu transmettre à Génestal et Delzons des droits qu'eux-mêmes n'avaient pas, c'est-à-dire l'attribution à un tribunal français de connaître d'un litige expressément réservé aux tribunaux allemands; - Att., d'autre part, que les art. 29 C. proc. et 324 C. com. allemand portent : Art. 29, « que le tribunal compétent pour connaître de l'exécution d'un contrat est celui du lieu où ce contrat devait être exécuté; >> Et l'art 324. - «Que le débiteur d'une obligation en doit l'exécution à défaut de convention spéciale, au lieu où, à l'époque de la convention, il avait son siège social ; » Qu'en conséquence le tribunal de commerce de Mannheim doit être déclaré seul compétent; Sur le deuxième moyen: Att. que l'art. 11 du traité de Francfort ne règle les rapports entre Français et Allemands qu'au point de vue des droits d'entrée et de sortie des marchandises, le transit, les formalités douanières, l'admission et le traitement des sujets des deux nations, ainsi que de leurs agents, mais nullement les questions juridiques et, par suite, de compétence, qu'il se peut, ainsi que l'invoque la Compagnie Oberrheinishe que des tribunaux français aient cru devoir accepter l'application dudit art. 11 en ce qui concerne la juridiction commerciale, au profit d'un défendeur de nationalité allemande, lorsqu'il s'agissait d'un contrat passé en Allemagne, et aient accordé à ce défendeur le bénéfice du traité franco-suisse du 15 juin 1869; mais qu'il est certain que si l'intention des représentants des deux Etats contractants avait été telle, ils n'auraient pas manqué d'inscrire une clause apéciale dans le traité international des 18 et 31 mai 1871; - Que l'art. 11 de ce traité n'a jamais été considéré que comme s'appliquant à toutes les questions douanières ; Que, par suite, ce moyen doit être repoussé comme n'étant pas stipulé par ledit traité ; Par ces motifs, le Tribunal dit et juge que la commune intention des parties au moment du contrat d'assurance signé à Mannheim le 11 novembre 1887, a été de se soumettre exclusivement aux prescriptions des lois allemandes; dit et juge que l'art. 11 du traité de Francfort des 18 et 31 mai 1871 n'a pas son application en matière de juridiction commerciale; dit et juge que le tribunal de commerce de Mannheim est seul compétent; Renvoie, en conséquence, les parties devant les juges qui doivent en connaître ; Condamne Genestal et Delzons aux dépens. >>

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La Cour de Rouen, saisie de l'appel, a rendu l'arrêt suivant : a La Cour : — Att. que le tribunal de commerce de Rouen, par jugement du 20 janvier dernier, s'est déclaré incompétent pour

connaître de l'action intentée par Hardel et Vautier centre la Compagnie d'assurance allemande Oberrheinische Versihserungs Gesellsshsaft; Que, pour motiver cette, solution le tribunal, écartant d'ailleurs l'application prétendue de l'art. 11 du traité de Francfort, s'est appuyé sur l'intention commune des parties contractantes au moment de la formation du contrat d'assurances; Qu'il y a lieu d'adopter sur ce premier moyen les motifs du jugement frappé d'appel et de dire en conséquence que l'intention des contractants s'est trouvée manifestée soit par les clauses spéciales de la police, soit par les conditions dans lesquelles s'est créé le contrat et qu'aucun doute n'est possible quant à leur volonté d'y avoir soumis l'exécution non seulement aux usages du pays où se formait la convention, mais encore aux règles de compétence, qui seules y sont observées ; Att. que, s'il faut reconnaître, comme l'a constaté le Tribunal, que cette soumission obligée à la juridiction compétente étrangère était un fait acquis pour les contractants de Mannheim, il importe peu que, souscrite pour compte de qui il appartiendra, la police ait eu pour porteur ultérieur un Français substitué ainsi au bénéficiaire primitif, qui avait contracté sous l'empire de la loi allemande ; que le porteur substitué, tenu par la force des choses et par le fait acquis, de subir les conditions qui dérivent du contrat, ne peut y introduire rétroactivement à son profit des immunités nécessairement proscrites, lors de sa formation; - Qu'il demeure donc vrai de dire que la convention ne s'est formée dans l'espèce que sous la condition nécessaire d'une attribution de juridiction dès ce moment définitive; Att. que cette solution étant admise, il devient inutile de rechercher si les intimés pourraient en outre, ainsi qu'ils le prétendent, faire rejeter la demande des appelants, par l'application de l'art. 11 du traité de Francfort, des art. 1 et 2 du traité franco-suisse et des art. 1er et suivants du traité des 3 et 6 juin 1846 avec le Grand duché de Bade; qu'il n'échet en l'état de s'arrêter à l'examen devenu superflu de ce second moyen; Confirme le jugement en ce qu'il déclare que la commune intention des parties, au moment de la création du contrat d'assurance à Mannheim, le 19 novembre 1887, a été d'en soumettre exclusivement les difficultés éventuelles et l'exécution aux prescriptious comme aux règles de juridiction édictées par les lois allemandes et conformément au règlement de 1867 du port de Hambourg; Dit qu'il devient par suite inutile de s'arrêter à l'examen devenu par suite sans intérêt des autres moyens tendant aux mêmes fins.

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NOTE. Sur les questions de compétence et d'interprétation que peuvent soulever en droit international les assurances maritimes souscrites en pays étranger. V. Trib. com. du Havre, 7 févr. 1887, Clunet 1887, p. 744; Paris, 11 février, 1884, ibid, 1884, p. 387 et particulièrement Trib. Marseille, 17 juin 1880, ibid, 1880, p. 574; Trib. Marseille, 9 mai 1882, ibid, 1883, p. 278. Cass., 13 mars 1889, ibid, 1889, p. 618 et la note. Lyon-Caen, Rev. crit., 1886, p. 343; Desjardins, droit maritime, t. 6, n° 1322.

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Tribunal de commerce de Nice, 26 octobre 1891. Prés. M. A. Raynaud.

Abbo.

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1. Le principe d'après lequel les tribunaux français sont incompétents pour connaître des difficultés nées à l'étranger et entre étrangers, reçoit exception en matière commerciale.

2. Les lettres rogatoires exigées par la convention franco-sarde du 24 mars 1760 et par le traité franco-italien du 10 septembre 1860 n'ont d'autre effet que de soustraire les décisions italiennes au droit de revision des juges français; les parties ont la faculté de s'en tenir au droit commun et de recourir, en dehors de toutes lettres rogatoires, aux voies ordinaires de l'assignation.

« Le Tribunal : Att. que si, en principe, les Tribunaux français sont incompétents pour connaître des difficultés nées à l'étranger et entre étrangers, ce principe reçoit exception en matière commerciale, la doctrine et la jurisprudence étant d'accord pour reconnaître que l'art. 420 du Code de procédure civile s'applique aussi bien aux étrangers qu'aux nationaux ; Att. que le litige a pour objet le payement des intérêts échus sur une obligation consentie à l'étranger pour un prêt d'argent et pour la vente de deux fonds de commerce de boulangerie, situés en France, où le défendeur a son domicile; Que, par suite, le Tribunal est compétent, Att. qu'Abbo excipe en vain que Violardi, nanti d'un titre exécutoire en Italie, ne peut le faire exécuter en France qu'en remplissant les formalités prescrites par le traité international intervenu entre la France et la Sardaigne, le 24 mars 1760; Att. qu'il est établi par la jurisprudence de la Cour suprême que les lettres rogatoires exigées par la convention susmentionnée et par le traité du 10 septembre 1860 n'ont d'autre effet que de sous

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traire cette décision au droit de revision des juges français; que les parties ont la faculté, si elles le préfèrent, de s'en tenir au droit commun et de recourir, en dehors de toutes lettres rogatoires, aux voies ordinaires de l'assignation; - Par ces motifs,

Dit être compétent; au fond, donne défaut contre le défendeur et le condamne au payement, en faveur de la dame Violardi, de la somme de 750 francs, montant de trois années, intérêts échus au 1er mai 1891, sur le capital porté par l'acte du 1er mars 1888, Rossi, notaire à Vintimille, 59 fr. 80, frais d'enregistrement et de timbres perçus sur ledit acte, le tout avec intérêts de droit et dépens. »

NOTE. 1. Jurisprudeuce constante qu'expliquent les nécessités du commerce et qui fait justement échec à l'ancien préjugé, d'après lequel les tribunaux français sont en principe incompétents pour connaître des différends entre étrangers. V. Trib. civ. Seine, 6 janvier 1890, Clunet 1890, p. 493 et la note. V. Weiss, 2o édit., p. 782.

2. V. Cass. 5 mars 1888, Clunet 1890, p. 111; Paris, 4 avril 1887, ibid., 1891, p. 533.

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Cour d'appel de Paris (2 ch.) 2 décembre 1891. Prés. M. Hua. Min. publ. M. Harel. Dame Merle c. Wilson, Montagu et Cie. - Av. pl. MMes Léon et Cléry.

1. En matière personnelle, la juridiction française est régulièrement investie d'un litige par les conclusions échangées entre les parties en leurs qualités respectives d'étranger pour le demandeur et de Français pour le défendeur.

2. Le changement dans la condition du défendeur, survenu postérieurement à l'assignation par laquelle il a été cité en justice, ne dessaisit pas le juge français que cette assignation avait régulièrement saisi.

3. Il importe peu que le défendeur ait acquis par le mariage ou par l'adoption une nationalité étrangère.

4. L'adoption d'un Français par un étranger ne lui fait point perdre sa nationalité française.

« La Cour, — Sur la compétence : – Cons. que l'appelante a pour la première fois en cause d'appel opposé une exception d'incompétence basée sur son extranéité ; Cons. que, lors de l'assiguation qui a saisi les Tribunaux français, ladite dame, qui ne nie

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