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son fils et de son petit-fils, puisque l'art. 17 du code civil de 1804 applicable à la situation, disposait :

« La qualité de Français se perdra..... 3o enfin par tout. établissement fait en pays étranger sans esprit de retour. » Or, tous ces éléments de faits sont demeurés obscurs.

Le petit-fils se trouvait, il est vrai, dans des conditions mal aisées pour apporter sur ce point des justifications rigoureuses. L'éloignement du temps et des lieux où les actes en question s'étaient accomplis, la privation de ses papiers domestiques lors d'une tentative d'arrestation, constituaient, pour M. Paul Lafargue, des empêchements difficiles à sur

monter.

Personne, d'ailleurs, n'invoquait d'actes positifs émanés du grand-père, d'où l'on pût induire son intention d'abdiquer sa nationalité d'origine. Dans le doute, l'interprétation doit toujours être que le Français ne s'est pas dépouillé d'une qualité que notre loi considère, avec raison, comme un précieux avantage. La Chambre des députés, même au point de vue exclusivement juridique, n'a donc pas eu tort dans les circonstances toutes spéciales où se présentait la transmission de la nationalité française du grand-père au petit-fils, de se ranger à l'avis de son rapporteur et de ne pas dénier à M. Paul Lafargue le bienfait de l'indigénat français.

QUESTIONS & SOLUTIONS PRATIQUES

Dons et legs. Établissement public étranger. Capacité.

69. A quelles conditions les libéralités faites à un établissement public étranger peuvent-elles être recueillies ?

:

Lorsqu'un établissement public étranger est appelé à recueillir une libéralité en France, une question préjudicielle doit être tout d'abord résolue cet établissement étranger jouit-il de la personnalité morale en France? Pour le savoir, il y a lieu de se demander, d'une manière générale, quelle est, en France, la condition des établissements publics étrangers; sont-ils dotés de la personnalité civile par cela seul qu'ils jouissent de cet avantage au lieu de leur

origine? Faut-il penser, au contraire, qu'ils n'ont d'existence juridique en France que si, expressément ou implicitement, le Gouvernement français les a reconnus ?

Pour notre part, la dernière opinion est incontestablement la meilleure; les personnes civiles doivent être distinguées avec soin des personnes réelles; dans aucun État l'existence de celles-ci ne devrait être contestée; mais, pour les personnes civiles, elles ne sont appelées à la vie juridique que par une concession du législa

teur.

S'il en est ainsi, n'est-il pas incontestable qu'une autorisation donnée par un gouvernement ne peut, en principe, avoir d'effet en dehors du territoire sur lequel s'étend l'autorité de ce gouvernement? La France ne peut être forcée de reconnaître comme jouissant en France de l'existence légale les différents établissements publics étrangers qui, à leur lieu d'origine, rendent peut-être de grands services, mais qui peuvent ne pas correspondre à notre situation économique ou sociale. Cass., 1er août 1860, S. 60, 1, 866; Laurent, Dr. intern., t. IV, no 119 et suiv.; t. VI, no 206; Dr. civ., t. I, p. 399; Av. proj. de revis. du Code civil, t. I, p. 161. Ballot, Rev. prat., t. VII, p. 90. Aubry et Rau, t. I, p. 188, § 54; Nouv. Denizart, vo Corps, § 4; Picard, Clunet 1881, p. 476; Haus, Droit privé des étrangers en Belgique, no 118. Contra: Heisser, Étude sur les personnes morales, Paris 1871, p. 183; Merlin, Rép. vo Mainmorte, § 7, no 2; Despagnet, 2o édit., nos 61 et 606; Surville et Arthuys, no 137.

V. Cons. d'État, 12 janvier 1854, S. 55, 1, 800, P. chr., D. P. 56, 3, 16; Weiss, 2e édit., p. 722; Av. proj. de revision du Code belge, art. 13; Cass. Rome, 10 juillet 1889, Clunet 1890, p. 739; Cass. Rome, 4 déc. 1890, Clunet 1891, p. 1030.

Ce n'est pas à dire, d'ailleurs, que les établissements publics étrangers ne peuvent être reconnus en France; il y a même lieu de penser qu'une reconnaissance expresse n'est pas nécessaire; aucun principe juridique, aucun texte législatif ne s'opposent à ce que l'on considère comme suffisante une reconnaissance implicite. Comp. Laurent, Dr. intern., t. IV, no 126 et suiv.; Sarrut, Conclusions dans l'affaire des navires chiliens, Clunet 1891, p. 873; Picard, loc. cit.; Lippens, Législ. civ. sur les droits des étrangers, no 174. Trib. Seine, 21 août 1863, Gaz. Trib., 3 septembre; mais voy. Trib. Nancy, 14 décembre 1887, Clunet 1888, p. 524, Les observations de Weiss, 2o édit., p. 724; Despagnet, 2o édit., no 601; Laurent, t. VI, no 205, et Bompard, Le pape et le droit des gens, p. 54.

Cette question préjudicielle vidée, supposons qu'une donation ou qu'un legs portant sur un objet situé en France est adressé à un établissement public étranger, quelles habilitations seront nécessaires pour que cette donation ou que ce legs puisse être recueilli? Il nous semble que l'établissement étranger devra se conformer à la fois aux exigences de la législation de son lieu d'origine et aussi à celles des lois en vigueur dans le pays où se trouve le bien donné ou légué.

On sait qu'en principe les personnes morales ne sont pas libres de recueillir les libéralités auxquelles elles sont appelées ; en thèse générale, on peut dire qu'elles doivent obtenir l'autorisation gouvernementale; pareille exigence se rencontre, pour ainsi dire, dans toutes les législations des peuples civilisés et l'on est ordinairement d'accord pour justifier cet état d'infériorité des établissements publics à l'aide des trois idées suivantes : 1o ceux-ci sont, par leur nature même, à considérer comme des incapables sur lesquels l'Etat doit exercer tout spécialement sa haute surveillance; 2o l'augmentation des biens de mainmorte serait un péril national et le gouvernement doit veiller à ce que l'importance de ces biens ne s'accroisse pas outre mesure; 3o enfin, grâce à l'intervention de l'Etat, les biens du donateur ou testateur ne peuvent être arrachés à une famille digne d'intérêt pour aller augmenter le patrimoine d'un établissement que le disposant n'a peut-être gratifié que poussé par un sentiment d'orgueil ou par une exaltation irréfléchie de certains sentiments moraux ou religieux, Serrigny, acquisition d'immeubles en France par des établissements publics étrangers, Rev. crit., 1854, t. IV, p. 356.

Si telle est la justification des mesures particulières prises à l'égard des établissements publics, on voit que ceux-ci doivent, à raison de leur incapacité, se conformer aux prescriptions de la législation de leur pays d'origine et aussi, à raison du caractère d'ordre public de ces mesures, être habilités dans l'Etat où se trouvent situés les biens à recueillir.

Sur le premier point, la pratique française est conforme à ce qui vient d'être indiqué; un décret du chef de l'Etat français est considéré comme nécessaire lorsqu'il s'agit pour un établissement public français de recueillir des biens situés à l'étranger. Comp. cons. d'Etat 13 déc. 1855, S. 56.2.505; v. aussi arr. roy. belge du 6 juin 1875; adde Weiss, 2e édit., p. 724; Laurent, Dr. intern., t. VI, n. 207.

Sur la situation des établissements français dans les échelles du

Levant, v. Trib. consul. français de Smyrne, 3 juin 1890, Clunet 1891, p. 279, et les observations de M. Pallamary.

Il n'est pas douteux que, par voie de réciprocité, on devrait considérer comme incapable de recueillir en France un établissement étranger qui n'aurait pas été autorisé à cet effet par le gouvernement dont il relève directement, à supposer d'ailleurs que cette habilitation soit nécessaire d'après les dispositions de sa loi nationale.

De même, à un autre point de vue, le décret du 12 janvier 1854, dont il a déjà été question, a décidé que les établissements étrangers ne pourraient recueillir de libéralités en France qu'après que le gouvernement français aurait déclaré qu'il ne s'y opposait pas et cette solution est approuvée d'une manière unanime par la doctrine, Serrigny, loc. cit., p. 359; Laurent, droit civil, t. Ier, n. 196; droit civil international, t. IV, n. 138; Av. projet de revision du code civil, t. II, p. 421 et p. 424; Bertauld, questions pratiques, t. I, p. 103, explication de l'art. 3 du code Napoléon, conflit des lois françaises et des lois étrangères, n. 141; Savigny, Droit romain, t. VIII, p. 309; Heisser, loc. cit., p. 185; Weiss, 2e édit., p. 705 et 724; Despagnet, 2o édit., n. 61 et 62; Surville et Arthuys, n. 138; Ducrocq, Dr. administr., t. II, n. 1599; Ypres, 9 août 1884, Cloes et Bonjean, p. 899; V. Lentz, dons et legs, n. 38; H. de Rolland, Condition juridique des étrangers dans la principauté de Monaco, Clunet 1890, p. 246. Adde, trib. Montdidier, 4 février 1892, aff. de la succession de Mme la marquise de Plessis-Bellière dans laquelle le Pape avait été institué comme légataire universel. — Le texte en sera publié ultérieurement.

A cet égard, on doit remarquer que différents textes législatifs ont, sous certaines conditions, transporté du gouvernement à certaines autorités locales, comme le préfet, le droit d'accorder à quelques établissements publics les autorisations nécessaires pour l'acceptation de legs et de donations; V. décr. 25 mars 1852, loi municipale de 1884, art. 111-113, etc.

Ces décisions doivent être considérées comme de véritables exceptions; il faut les entendre strictement et il semble difficile, par la force même des choses, d'en étendre le bénéfice aux établissements publics étrangers; il faut donc admettre que l'intervention du pouvoir central est toujours nécessaire, alors même que les établissements publics français d'ordre similaire bénéficieraient de certaines mesures de déconcentration; dans l'une et l'autre hypothèse, la situation n'est pas la même; appliquées aux étran

gers, ces mesures de déconcentration pourraient offrir de sérieux dangers, Serrigny, loc. cit., p. 359.

De plus, il y a lieu d'observer que les établissements français sont soumis aux dispositions de l'art. 910 C. C. ou des textes modificatifs, alors même que la libéralité porte sur des meubles : on doit donc décider que les établissements étrangers doivent aussi, dans cette hypothèse, obtenir l'autorisation du gouvernement français. Laurent, Dr. civ., t. I, no 196; Dr. civ. intern., t. IV, no 139.

Toutefois, M. Weiss, loc. cit., et Laurent, Dr. intern., t. IV, no 139, Dr. civ. t. XI, no 196, indiquent un arrêt du Conseil d'Etat du 4 novembre 1835 qui aurait décidé que la nécessité de l'habilitation n'existerait pas lorsqu'il s'agirait de recueillir un meuble en France; ce serait là une trace de la distinction admise par les statutaires entre les meubles et les immeubles; nous devons dire qu'il nous a été impossible de retrouver cet arrêt dans les recueils. V. Lentz, no 39; Laurent, Dr.. intern., t. VI, no 207; Vuillefroy, Culte catholique, p. 279.

De même, à raison des termes généraux de l'art. 910, la nationalité du disposant ou des héritiers du sang importe peu. V. cep. Lauwers, Dr. civ. ecclésiastique, no 329.

Enfin, on doit aussi considérer comme d'ordre public en France et par suite comme obligatoires pour les établissements étrangers les dispositions de la loi du 24 mai 1825 et de toutes lois qui restreignent la capacité pour acquérir des congrégations religieuses, Despagnet, 2e édit., no 606; Laurent, Dr. intern., t. VI, no 206.

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- Cons. Hendrick et

Cour de cassation (ch. civ.), 4 novembre 1891. - Prés. M. Mazeau, 1er prés.
rapp., M. Roussellier. -Min. publ. (concl. conf.), Me Desjardins.
Thomas Wilson, Sons and Co c. Guignon, Tandonnet et frères (aff. de l'Apollo et du
Précurseur). - Av. pl. Mes Morillot et De Ramel.

1. Dans le cas où un abordage s'est produit en pleine mer entre navires français et étranger, les armateurs du navire abordeur ne

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