Page images
PDF
EPUB

c'est la cause principale du puissant attrait qu'elles exercent sur les masses. Les expositions ne sont pas seulement des jours de repos et de joie dans le labeur des peuples; elles apparaissent de loin en loin comme des sommets d'où nous mesurons le chemin parcouru. L'homme en sort réconforté, plein de vaillance et animé d'une foi profonde dans l'avenir. Cette foi, apanage exclusif de quelques nobles esprits au siècle dernier, se répand aujourd'hui de plus en en plus; elle est la religion générale des temps modernes, culte fécond où les expositions universelles prennent place comme de majestueuses et utiles solennités, comme les manifestations nécessaires de l'existence d'une nation laborieuse animée d'un irrésistible besoin d'expansion, comme des entreprises se recommandant moins par les bénéfices matériels de tout ordre qui en sont la conséquence que par l'impulsion vigoureuse donnée à l'esprit humain.

La périodicité admise jusqu'ici ramène nécessairement la próchaine Exposition universelle de Paris à la date qui semblait, dès 1889, devoir s'imposer aux pouvoirs publics, à l'année 1900. Ce sera la fin d'un siècle de prodigieux essor scientifique et économique; ce sera aussi le seuil d'une ère dont les savants et les philosophes prophétisent la grandeur et dont les réalités dépasseront sans doute les rêves de nos imaginations.

Je n'ai pas besoin d'insister auprès de vous, Monsieur le Président, sur l'intérêt que peut présenter une exposition universelle à cette date. Malgré l'habileté et la science avec lesquelles elles ont été organisées, les revues rétrospectives de 1889 laissent un large champ aux études du même genre que l'on voudrait reprendre en 1900. Dans le domaine des beaux-arts, par exemple, il sera facile de dégager les caractères principaux du mouvement artistique qui se poursuit à l'heure actuelle et d'opposer, en quelques œuvres essentielles, l'art de la seconde moitié du siècle à l'art romantique ainsi qu'à l'art classique. Dans le domaine de la science, de l'industrie, de l'agriculture, le rapprochement entre les procédés, les méthodes et les produits, à l'origine et au terme de la période centennale, fournira les renseignements les plus précieux et éveillera en même temps l'attraction la plus puissante. Toutes les branches de l'activité humaine tireront un égal profit de ce bilan d'où se dégageront les conditions matérielles et morales de la vie contemporaine.

L'Exposition de 1900 constituera la synthèse, déterminera la philosophie du dix-neuvième siècle.

Il vous paraîtra sans doute, monsieur le Président, ainsi qu'à moi, nécessaire de préparer dès maintenant cette œuvre grandiose et d'annoncer officiellement aux artistes, aux savants, aux industriels, aux agriculteurs, que la prochaine exposition universelle instituée par la France aura lieu en 1900. D'ailleurs, le succès même de l'exposition précédente, la conservation des palais du Champ de Mars et l'expérience des difficultés extrêmes qu'il a fallu surmonter pour achever, en 1889, l'œuvre commencée dès 1884, rendent indispensable une longue période d'études et de travaux pour permettre à la France de clore par un triomphe pacifique le siècle qu'elle a inauguré en organisant les premières expositions nationales.

Si vous voulez bien donner à ma proposition votre haute approbation, j'ai l'honneur, Monsieur le Président, de vous prier de vouloir bien revêtir de votre signature le projet de décret ci-joint. Veuillez agréer, monsieur le Président, l'hommage de mon profond respect.

Le ministre du commerce et de l'industrie, Jules Roche.

Le Président de la République française,

Sur le rapport du ministre du commerce et de l'industrie,
Décrète :

Art. 1er.

[ocr errors]

Une Exposition universelle des œuvres d'art et des produits industriels ou agricoles s'ouvrira à Paris le 5 mai 1900 et sera close le 31 octobre suivant.

Art. 2. Le ministre du commerce et de l'industrie est chargé de l'exécution du présent décret.

Fait à Paris, le 13 juillet 1892. Carnot.

Par le Président de la République Le ministre du commerce et de l'industrie, Jules Roche.

[ocr errors]

NOTE. Sur les questions de droit soulevées par les Expositions universelles, V. Clunet 1875, p. 324 ; ibid. 1876, p. 94; ibid. 1878, p. 11, 20, 80; ibid. 1888 p. 706; ibid. 1892, p. 352.

FAITS ET INFORMATIONS

Allemagne. — Diffamation. Titre de souverain. - La Cour suprême de l'Empire d'Allemagne a rendu, en janvier 1892, un arret dont les considérants ne manquent pas d'intérêt. Un journaliste de Gotha avait été poursuivi pour diffamation par le prince

Ferdinand de Bulgarie. Le Tribunal régional de Gotha avait été appelé à juger la question. Dans les considérants de ce jugement, il accordait au prince Ferdinand le titre de souverain, ami de l'Allemagne. Ce titre, donné à tort, d'après lui, permit à l'accusé de faire appel. La Cour de Leipzig lui a donné raison. D'après l'art. 1er du traité de Berlin, du 13 juillet 1878, est-il dit dans l'arrêt, la Bulgarie, bien qu'étant une principauté autonome, n'est pas souveraine, mais bien vassale du sultan. Or, l'article 2 du même traité exige que l'élection du prince de Bulgarie, pour être légitime en droit international, soit confirmée par la Porte et agréée par les puissances signataires du traité. Or, Ferdinand de SaxeCobourg et Gotha, élu prince par le peuple bulgare, ne réunit pas ces conditions, il manque à la légitimité de sa situation le consentement général des puissances signataires, ainsi que la confirmation du sultan. C'est pour cette seule et unique raison qu'il faut considérer le prince Ferdinand de Cobourg comme appartenant toujours à la maison princière de Saxe-Cobourg et Gotha et non comme prince souverain.

Angleterre et Italie. Emprunt d'Etat étranger. Prescription. - Il y a un an, en septembre 1891, décédait en Italie M. Ubaldino Peruzzi, l'ancien syndic de Florence. Il appartenait à la célèbre famille de ce nom, qui tenait le sceptre de la finance au XIVe siècle. Ce furent les Bardi et les Peruzzi notamment qui prêtèrent au roi Edouard III la somme qui permit au roi d'Angleterre d'entreprendre la guerre contre la France. Les victoires de son fils, le prince Noir, les batailles de Crécy et de Poitiers n'eussent pas été possibles sans les « florentins » d'or, d'où le mot « florin », des Bardi et des Peruzzi.

Mais le roi Edouard était mauvais payeur, comme tous les Plantagenet, et, après avoir conquis la France avec le concours de l'argent florentin, il fit faillite. Le coup était trop rude pour les Peruzzi, qui firent eux aussi banqueroute et avec eux la moitié de Florence. La Neue Wiener Tagblatt rappelle que toutes les réclamations furent inutiles, ils n'en tirèrent pas un penny.

A un diner offert, il y a quelques années, par le lord-maire de Londres, sir Henry Stone, aux maires de toutes les grandes villes d'Europe, M. Peruzzi figura parmi les convives, et les journaux anglais, le Times en tête, discutèrent très sérieusement la question de savoir si M. Peruzzi ne saisirait pas l'occasion pour rentrer

[ocr errors]

dans sa créance. Il s'agissait d'une somme de 3 millions de florins avec les intérêts depuis 1356; toutes les banques de Londres, n'auraient pu réunir les capitaux nécessaires pour balancer ce compte. Fort heureusement, fait observer la Neue Wiener Tagblatt, M. Peruzzi se montra généreux et il se contenta du dîner que lui offrait le lord-maire.

France.

Brevet d'invention.

[ocr errors]

Espionnage.

[ocr errors]

Réforme demandée. - XVe commission. Pétition n° 1549 (M. Lebon, rapporteur). Le sieur Lonis Donzel, à Paris, soumet à la Chambre un projet de modifications à introduire dans la législation sur les brevets d'invention, notamment en matière d'explosifs et d'engins de guerre.

Motifs de la commission. Le sieur Donzel a adressé à la Chambre une pétition demandant la suppression des brevets d'invention publiés pour les explosifs et les engins de guerre, la mise à l'étude dans les chambres de commerce de la loi de 1844 sur les brevets et la nomination d'une commission extra-parlementaire impartiale pour étudier la question de la propriété industrielle au point de vue international.

Cette pétition soulève trois questions qu'il importe d'examiner séparément :

M. Donzel demande la suppression des brevets communiqués au public pour les explosifs et les engins de guerre et leur remplacement par un dépôt secret, soit au conseil des prud'hommes, soit au ministère de la Guerre, soit chez un ou deux notaires; il fait observer que cette réforme emprunte un caractère d'urgence à une affaire judiciaire récente et qu'il ne faut pas placer plus longtemps les chercheurs d'explosifs et d'engins de guerre dans l'alternative ou d'être privés de toute garantie ou de divulguer sans aucune réticence le secret de leurs inventions dans des demandes de brevets que les officiers étrangers et les espions de la triple alliance peuvent venir consulter trois mois après.

La 15e commission propose le renvoi de cette première partie de la pétition à M. le ministre de la Guerre '.

Voici la réponse de M. de Freycinet qui témoigne de la nécessité et de l'urgence de cette réforme :

1. Le renvoi au ministre du Commerce a été également prononcé pour les deux autres chefs de la pétition.

Monsieur le Président. -Conformément à une résolution de la 15° commission des pétitions, devenue définitive aux termes du règlement, vous avez bien voulu me communiquer une pétition inscrite au rôle général sous le n° 1549, par laquelle M. Donzel, avocat à la Cour d'appel de Paris, soumet à la Chambre des députés un projet de modification à introduire dans la législation sur les brevets d'invention, notammeat en matière d'explosifs et d'engins de guerre.

Cette question a été depuis plusieurs années, de la part de mon administration, l'objet d'un examen approfondi, duquel il résulte que la loi de 1844, sur les brevets d'invention, présente des inconvénients graves en ce qui concerne les découvertes intéressant l'armée et la défense nationale, et en outre qu'elle se concilie difficilement avec la loi sur l'espionnage. J'estime donc qu'il serait opportun de procéder à la revision de la loi de 1844 sur les brevets d'invention.

Veuillez agréer, etc...

M. Ducrocq, professeur à la Faculté de droit de Paris, interviewé à ce sujet, s'est exprimé comme suit :

Nous avons beaucoup imité les Allemands depuis vingt ans. Dans aucune circonstance, nous n'avons eu de meilleurs motifs de le faire qu'en ce qui concerne leur loi du 7 avril 1891, sur les brevets d'invention relatifs aux découvertes applicables dans la flotte ou l'armée. J'estime que nous devons modifier dans le même sens notre législation sur les brevets d'invention et qu'il y a urgence de le faire.

C'est done très énergiquement, comme jurisconsulte et comme patriote, que j'adhère aux conclusions du rapport de M. le député Lebon sur la pétition Donzel, demandant le remplacement des brevets communiqués au public pour les explosifs et les engins de guerre, par un depôt secret, organisé par la loi pour la sauvegarde de tous les intérêts et de tous les

droits.

Au point de vue de la morale, qui ne permet pas de placer l'inventeur entre ses devoirs de citoyen et son intérêt légitime; au point de vue du droit, comme à celui de la défense nationale, cette réforme de notre législation me parait indispensable et d'une urgence extrême. (Journ. des Chambres de commerce, 25 juin 1892.)

[ocr errors]

Cf. aff. Turpin et Triponé, vo Espionnage, suprà, p. 954.

V. le texte de la nouvelle loi allemande sur les brevets d'invention du 7 avril 1891, Clunet 1891, p. 625. Cf. l'affaire du sabre Dérué, suprà, p. 405.

Etrangers appartenant à des armées étrangères. — La préfecture de police, de concert avec la préfecture de la Seine, vient de faire établir le relevé des hommes àgés de vingt à quarante-cinq ans appartenant aux nationalités suivantes: Allemagne, AutricheHongrie, Italie, formant la triple alliance.

Cette enquête a donné les résultats suivants: Allemands, 6.142; Autrichiens, 1.748; Hongrois, 531; Italiens, 10.020; soit un total de 18.441 hommes.

« PreviousContinue »