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HISTORIQUE UNIVERSEL

POUR 1834.

PREMIÈRE PARTIE.

HISTOIRE DE FRANCE.

CHAPITRE PREMIER.

ÉTAT du pays. - Ouverture de la session législative. — Discours du roi. Travaux préparatoires de la Chambre des pairs. Vote de l'adresse dans cette Chambre. Formation du bureau dans la Chambre des députés. Discussion et vote de son adresse en réponse au discours du roi.

Quoique l'année précédente se fût écoulée. pour la Francé sans que latranquillité intérieuredu pays eût été, sinon menacée, du moins troublée, plusieurs incidens, peu graves quant à leurs conséquences immédiates, mais assez importans comme indices, avaient révélé des causes d'embarras et de désordres futurs. Évidemment le gouvernement ne voulait pas laisser aux adversaires irréconciliables de son principe les positions qu'ils avaient prises dans la presse, ainsi que dans les associations, et dont il avait vainement essayé de les débusquer à l'aide de la législation existante; on ne pouvait douter non plus que le parti républicain ne se verrait pas tranquillement déposséder de ses moyens d'action les plus énergiques. Tels Ann. hist. pour 1834.

étaient les symptômes qui trahissaient de toutes parts une situation difficile, de sorte que si le calme régnait encore dans le présent, il ne paraissait nullement assuré pour l'avenir; et de là cet esprit d'incertitude au milieu duquel commençait l'année 1834, à l'instant où les Chambres venaient de s'assembler.

La session avait été ouverte, le 23 décembre, avec la solennité ordinaire, par un discours royal prononcé en présence d'une brillante assistance, où l'on remarquait le corps diplomatique au complet et une assez nombreuse réunion de pairs et de députés.

Le roi commençait par constater que le repos de la France n'avait point été troublé depuis la dernière session; que sous l'influence de l'ordre et de la paix, l'industrie et le travail avaient repris leur activité, et qu'ils recueillaient le fruit de leurs efforts. C'était à la confiance du pays dans la stabilité des institutions et dans la fidélité du roi à les garder, à la garantie et à la protection accordées à tous les droits et à tous les intérêts, à l'équité et à la modération de la politique du gouvernement qu'étaient dus ces heureux résultats. Le roi, pour en assurer la durée, proclamait donc la résolution de persévérer avec énergie et patience dans le même système.

« Une vigilance assidue est encore nécessaire, continuait-il; des passions insensées, de coupables manoeuvres, s'efforcent d'ébranler l'ordre social. Nous leur opposerons votre loyal concours, la fermeté des magistrats, l'activité de l'administration, le courage et le patriotisme de la garde nationale et de l'armée, la sagesse de la nation, éclairée sur le danger des illusions que voudraient propager encore ceux qui attaquent la liberté en prétendant la défendre, et nous assurerons le triomphe de l'ordre constitutionnel et nos progrès dans la civilisation. C'est ainsi, messieurs, que nous mettrons enfin un terme aux révolutions, et que nous accomplirons le vœu de la France. »>

Après avoir exprimé la certitude que les Chambres seconderaient ses efforts pour l'accroissement de la richesse, du bien-être, et de l'activité du pays; après avoir manifesté l'espoir que la nouvelle législation des douanes produirait d'heureux effets; après s'être enfin félicité de la salutaire impul sion donnée à l'instruction populaire, S. M., en annonçant la

prochaine présentation des lois de finance et de celles qu'exigeait l'exécution des traités, déclarait que le revenu public s'améliorait, et que tout présageait qu'il suivrait le mouvement ascendant de la prospérité nationale. Divers autres projets de loi, dont quelques uns avaient déjà été pré-, sentés, devaient, en outre, être soumis aux délibérations des Chambres, de sorte qu'il y avait lieu d'espérer que les promesses de la Charte seraient accomplies dans le cours de la session.

Quant aux affaires extérieures, dont le roi s'occupait ensuite, les relations entretenues avec les puissances étrangères, et les assurances qu'on recevait d'elles, ne laissaient aucun doute sur le maintien de la paix générale. Des relations diplomatiques avaient été renouées avec le Portugal, dès que le gouvernement de la reine Marie II avait été rétabli à Lisbonne.

« En Espagne, ajoutait S. M., la mort du roi Ferdinand VII a appelé la princesse sa fille au trône je me suis empressé de reconnaître la reine Isabelle II, espérant que cette prompte reconnaissance et les rapports qu'elle établissait entre mon gouvernement et celui de la reine régente, contribueraient à préserver l'Espagne des déchiremens qui la menaçaient. Déjà le calme parait renaître dans les provinces où la rébellion avait éclaté. Le corps d'armée dont j'ai ordonné la formation protége nos frontières à

tout événement. »

Dans l'état d'union toujours intime entre la France et l'Angleterre, il y avait lieu de compter que les difficultés existant encore entre le roi des Belges et le roi de Hollande ne pouvaient plus compromettre ni les grands intérêts de la Belgique, ni la tranquillité de l'Europe. Dans le cours dés dissensions que la sage fermeté de son gouvernement avait bientôt apaisées, la Suisse avait reçu du roi des Français tous les services qu'elle avait droit d'attendre d'un allié fidèle et désintéressé; enfin, S. M. était intervenue au milieu des périls qui avaient menacé l'empire ottoman, pour presser une pacification que réclamaient l'intérêt de la France et la stabil lité de l'ordre européen. A la suite de ce tableau qu'il venaît de tracer, le roi déclarait que ces événemens, et particuliè

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rement la situation de la Péninsule, lui avaient imposé le devoir de maintenir l'armée sur le pied qu'exigeait la sûreté de

l'état.

« Achevons notre ouvrage, messieurs, disait en terminant S. M. ; que' l'ordre, puissant et respecté, soit désormais préservé de toute atteinte ; que la protection efficace des intérêts nationaux dissipe les dernières espérances des factions; et la France, heureuse et libre sous l'abri tutélaire du gouvernement qu'elle a fondé, suivra enfin sans obstacle le cours de ses prospérités. C'est mon vœu le plus cher : vous m'aiderez à en assurer l'entier accomplissement, »

Ce discours. après lequel se renouvelèrent les acclamations qui avaient salué le roi à son arrivée, ne produisit qu'une médiocre sensation; il offrait seulement à remarquer la résolution formellement annoncée par le gouvernement, de persévérer dans le même système politique : déclaration vague, et dont on conclut toutefois qu'il ne réclamerait point de la législature des mesures plus énergiques, bien qu'un discours prononcé par M. Persil, procureur-général de Paris, à la rentrée des tribunaux, eût été assez généralement considéré comme destiné à préparer à la demande de quelque loi de circonstance et de rigueur.

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24 et 31 décembre 1833. 2 janvier. La Chambre des pairs, procédant sous la présidence de M. le baron Pasquier, consacra, selon l'usage, ses premières séances à des travaux d'organisation; à la formation de son bureau, qu'elle composa de MM. le duc de Brissac, le comte de Bondy, le comte Reille et le marquis de la Place; à la nomination d'une commission chargée de rédiger l'adresse, et à la vérification des titres de MM. le comte Lobau, le baron Reinach, le comte de SaintCricq et Cassaignoles, que des ordonnances royales avaient appelés à la pairie. Le projet d'adresse, que présenta M. le comte Molé, n'était qu'une exacte paraphrase du discours de la couronne: il ne souleva aucune discussion, et fut adopté à la presque unanimité (96 voix contre 4). C'était la première fois que la Chambre, en exécution de son nouveau réglement, votait avec des boules.

24 décembre 1833. Réunie sous la présidence de M. de

Gras-Préville, doyen d'âge, la Chambre élective, après avoir organisé ses bureaux particuliers, et vérifié les pouvoirs de quelques membres élus depuis la dernière session, procéda à la nomination de ses président, vice-présidens et secrétaires. Au premier tour de scrutin, M. Dupin aîné fut proclamé président à une majorité de 220 voix sur 299 votans. Les autres suffrages se partagèrent ainsi : M. le général Lafayette 39, M. Laffitte 11, M. Odilon-Barrot 11, M. Dupont de l'Eure 7, M. Rouillé de Fontaine 7. Si l'opposition montrait par là peu d'accord dans le choix d'un candidat pour la présidence, une division analogue se manifesta au sein de la majorité dans le scrutin pour la vice-présidence. MM. de Schonen, Delessert et Etienne furent nommés au premier tour; mais les voix se partagèrent assez également entre MM. Bérenger et Persil pour que ni l'un ni l'autre n'obtînt la majorité absolue. Ce ballottage pour la vice-présidence, qui avait déjà eu lieu entre les deux mêmes membres au commencement de la session précédente, et qui avait excité quelque curiosité, la candidature de M.Persil ayant été alors considérée comme appuyée par le ministère, prit, dans la circonstance présente, un intérêt plus vif en ce qu'on lui attribuait un caractère politique encore plus prononcé. Le pouvoir voulait, dit-on, en appelant le débat sur un homme réputé énergique dans ses opinions ministérielles, et qui dans une occasion solennelle avait ouvertement professé cette maxime: « Le roi règne et gouverne», éprouver jusqu'à quelles limites il pourrait compter sur le concours de la majorité. Le triomphe de M. Bérenger, qui l'emporta (26 décembre) sur son concurrent, à une majorité de 165 voix contre 98, fut donc accueilli comme un vœu et un conseil de modération émis par la Chambre. Elle compléta son organisation dans la même séance, en nommant pour secrétaires MM. Ganneron, Martin (du Nord), Cunin-Gridaine et Félix Réal, et dans la séance suivante, le bureau définitif remplaça le bureau provisoire, sans que l'allocution du président d'âge, en quittant le fauteuil, et

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