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et l'on ne s'apperçut de son arrivée que par le redoublement du feu des ramparts. Quinze habitans des faubourgs ont péri, et deux Français seulement ont été tués.

La patience de l'empereur se lassa: il se porta, avec le duc de Rivoli, sur le bras du Danube qui sépare la promenade du Prater des faubourg, et ordonna que deux compagnies des voltigeurs o cupassent un petit pavillon sur la rive gauche, pour protéger la construction d'un point. Le bataillon de grénadiers qui défendait le passage, fut chassé par ces voltigeurs et par la mitraille de 15 pièces d'artillerie. A huit heures du soir, ce pavillon était occupé et les matériaux du pont réunis. Le capitaine Portalès, aide-de-camp du prince de Neuchâtel, et le sieur Susaldi, aide-de-camp du général Boudet, s'étaient jetés les premières à la nage pour aller chercher les batteaux qui étaient sur la rive opposée.

A neuf heures du soir, une batterie de vingt obusiers, construite par les généraux Bertrand et Navelet, à cent toises de la place, commença le bombardement; 1800 obus furent lancés en moins de quatre heures, et bientôt toute la ville parut en flammes. Il faut avoir vu Vienne, ses maisons à huit à neuf étages, ses rues resserrées, cette population si nombreuse dans une aussi étroite enceinte, pour se faire une idée du désordre, de la rumeur et des désastres que devait occasionner une telle opération.

L'archiduc Maximilien avait fait marcher, à une heure du matin, deux bataillons en colonne serrée, pour tâcher de re prendre le pavillon qui protégeait la construction du pont. Les deux compagnies de voltigeurs qui occupaient ce pavillon qu'elles avaient crenélé, reçurent l'ennemi à bout portant: leur feu et celui de quinze pièces d'artillerie qui étaient sur la rive droite, couchèrent par terre une partie de la colonne; le reste se sauva dans le plus grand désordre.

L'archiduc perdit la tête au milieu du bombardement, et au moment surtout où il apprit que nous avions passé un bras du Danube, et que nous marchions pour lui couper la retraite. Aussi faible, aussi pusillanime qu'il avait été arrogant et inconsidéré, il s'enfuit le premier et repassa les ponts. Le res pectable général O'Reilly n'apprit que par la fuite de l'archi duc, qu'il se trouvait investi du commandement.

Le 12, à la pointe du jour, ce général fit prévenir les avantspostes qu'on allait cesser le feu, et qu'une députation allait être envoyée à l'empereur,

Une députation fut présentée à S.M. dans le parc de Schoenbrunn. Elle était composée de messieurs.

comte Dietrichstein, maréchal provisoire des états. Le prélat de Klosternenbourg.

Le prelat des Ecossais.

Le comte Pergen.

Le comte Vétérani

Le baron Bartenstein.

M. de Mayenberg.

Le baron de Hafen, référendaire de la Basse-Autriche.

Tous membres des états;

L'Archevêque de Vienne.

Le baron de Lederer, capitaine de la Ville.

M. Wohlleben, bourgemaître,

M. Meher, vice-bourgemaître.

Egger,

Pinck,

Conseillers du magistrat.

Heisn,

S. M. assura les députés de sa protection; elle exprima la peine que lui avait fait éprouver la conduite inhumaine de leur gouvernement qui n'avait pas craint de livrer sa capitale à tous les malheurs de la guerre, qui portant lui-même atteinte à ses droits, au lieu d'être le roi et le père de ses sujets, s'en était montré l'ennemi et en avait été le tyran. S. M. fit connaître que Vienne serait traitée avec les mêmes ménagemens et les mêmes égards dont on avait usé en 1805. La députation répondit à cette assurance par les témoignages de la plus vive reconnaissance.

A neuf heures du matin, le duc de Rivoli avec les divisions Saint-Cyrr et Boudet s'est emparé de la Leopoldstadt.

Pendant ce tems, le lieutenant-général O'Reilly envoyait le lieutenant-général de Vaux et M. Belloate, colonel, pour traiter de la capitulation de la place. La capitulation (No. IV.) a été signée dans la soirée, et le 13, à six heures du matin, les grenadiers du corps d'Oudinot ont pris possession de la ville.

Soldats,

ORDRE DU JOUR.

Au quartier-imperial à Schoenbrunn, le 13 Mai, 1809.

Un mois après quel'ennemi passa l'Inn, au même jour, à la meme heure, nous sommes entrés dans Vienne.

Ses Landwehrs, ses levées en masses, ses remparts crées par la rage impuissante des princes de la maison de Lorraine, n'ont point soutenu vos regards. Les princes de cette maison ont abandonné lear capitale, non comme des soldats d'honneur qui cèdent aux circonstances et aux revers de la guerre, mais comme des parjures qui poursuivent leurs propres remords. En fuyant de Vienne, leurs adieux à ses hahitans ont été le

meurtre et l'incendie; comme Médée, ils ont de leurs propres mains, égorge leurs enfans.

Le peuple de Vienne, selon l'expression de la députation de ses faubourgs, délaissé, abandonné, veuf sera l'objet de vos égards. J'en prends les bons habitans sous ma spéciale protection: quant aux hommes turbulens et méchans, j'en ferai un juste exemplaire.

Soldats! Soyons bons pour les pauvres paysans, pour ce bon peuple qui a tant de droits à notre estime: ne conservons aucun orgueil de nos succès; voyons-y une preuve de cette justice divine qui punit l'ingrat et le parine.

Par l'empereur,

(Signé)

Le prince de Neuchâtel, major-général,

NAPOLEON.

ALEXANDRE.

Paris, le 22 Mai.

HUITIÈME BULLETIN.

Vienne, le 16 Mai, 18

Les habitans de Vienne se louent de l'archiduc Rainier. II était gouverneur de Vienne, et lorsqu'il eut connaissance des mesures révolutionnaires ordonnées par l'empereur François II, il refusa de conserver le gouvernemeot. L'archiduc Maximilian fut envoyé à sa place. Ce jeune prince ayant toute l'inconséqnence de son âge, déclara qu'il s'enterrerait sous les ruines de la capitale. Il fit appeler les hommes turbulens et sans aveu, qui sont toujours nombreux dans une grande ville, les arma de piques et leur distribua toutes les armes qui étaient dans les arsenaux. En vain les habitans lui représentèrent qu'une grande ville, parvenus à un si haut degré de splendeur, au prix de tant de travaux et de trésors, ne devait pas être exposée aux désastres que la guerre entraîne avec elle. Ces représentations exaltèrent sa colère, et sa fureur était portée à un tel point, quil ne répondait qu'en ordonnant de jeter sur les faubourgs des bombes et des obus, qui ne devaient tuer que des Viennois. Les Français, trouvant un abri dans les tranchées et leur sécurité dans l'habitude de la guerre.

Les Vienuois éprouvaient des frayeurs mortelles, et la ville se croyait perdue, lorsque l'empereur Napoléon, pour épargner à la capitale les désastres d'une défense prolongée, en la rendant promptement inutile, fit passer le bras du Danube et occuper le Prater.

A huit heures, un officier vint annoncer à l'archiduc qu'un pont se construisait, qu'un grand nombre de Français avaient passé la rivière à la nage, et qu'ils étaient déjà sur l'autre rive. : Cette nouvelle fit pâlir ce prince furibond, et porta la crainte

dans ses esprits. Il traversa le Prater en toute háté; il renvoya au-delà des ponts chaque bataillon qu'il rencontrait, et il se sauva sans faire aucune disposition, et sans donner à personne le commandement qu'il abandonnait ; c'était cependant le même homme qui, une heure auparavant, protestait d'ensevelir sous les ruines de la capitale

La catastrophe de la maison de Lorraine était prévue par les hommes sensés des opinions les plus opposées. Manfredini avait demandé une audience à l'empereur pour lui représenter que cette guerre peserait long-tems sur sa conscience, qu'elle entraînerait la ruine de sa maison, et que bientôt les Français seraient dans Vienne. Bah! bah! répondit l'empereur, ils sont tous en Espagne.

Thugut, profitant de l'ancienne confiance que l'empereur avait mise en lui, s'est aussi permis des représentations réitérées.

Le prince de Ligne disait hautement: je croyais être assez vieux pour ne pas survivre à la monarchie autrichienne. Et lorsque le vieux comte Wallis vit l'empereur partir pour l'armée: "C'est Darius," dit-il, " qui court au-devant d'Alexandre; il aura le même sort."

Le comte Louis de Cobenzel, principal auteur dela guerre de 1805, étant à son lit de mort, et 24 heures avant de fermer les yeux, addressa à l'empereur, une lettre forte et pathétique, V. M. écrivait-il, doit se trouver heureuse de la paix de Presbourg; elle est au second rang parmi les puissances de l'Europe: c'est celui de ses ancêtres. Qu'elle renonce à une guerre qui n'a point été provoquée et qui entraînera la ruine de sa maison: Napoléon sera vainqueur, et il aura le droit d'être inflexible, etc. etc. Cette dernière action de Cobenzel a jeté de l'intérêt sur ses derniers momens.

Le prince de Ziuzerdorf, ministre de l'intérieur, plusieurs hommes d'état demeurés étrangers comme lui à la corruption et aux fatales illusions du moment, beaucoup d'autres personnages distingués, et ce qu'il y avait de plus considérable dans la bourgeoisie, partagaient tous, exprimaient tous la même opinion.

. Mais l'orgueil humilié de l'empereur François II, la haine de l'archiduc Charles contre les Russes, le ressentiment qu'il éprouvait en voyant la Russie et la France intimement unies, l'or de l'Angleterre qui avait corrompu le ministre Stadion, la légèreté et l'inconséquence d'une soixantaine de femmelettes, l'hypocrisie et les faux rapports de l'ambassadeur Metternich, les intrigues des Razumowski, des Dalpazzo, des Schlegel, des Gentz, et autres aventuriers que l'Angleterre entretient sur le continent pour y fomenter des dissentions, ont produit cette guerre insensée et sacrilége.

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Avant que les Français eussent été vainqueurs sur le champ de bataille, on disait qu'ils n'étaient pas nombreux, qu'il n'y

en avait plus en Allemagne, que les corps n'étaient composés que de conscrits, que la cavalerie était à pied, la garde impériale en révolte, les Parisiens en insurrection contre l'empereur Napoleon, après nos victoires on a dit que l'armée française était innombrable, qu'elle n'avait jamais été composée d'hommes plus aguerris et plus braves, que le dévouement des soldats à Napoléon striplait et quadruplait leurs moyens, que la cavalerie était superbe, nombreuse, redoutable: que l'artillerie, mieux atelée que celle d'aucune autre nation, marchait avec la rapidité de la foudre, etc. etc. etc.

Princes faibles! cabinets corroin pus! hommes ignorans, légers, inconséquens! Voilà cependant les piéges que l'Angleterre vous tend depuis 15 années, et vous y tombez toujours; mais enfin la catastrophe que vous avez préparée s'est accomplie, la paix du continent est assurée pour jamais.

L'empereur a passé hier la revue de la division de grosse cavalerie du général Nansouty. Il a donné des éloges à la tenue de cette belle division qui, après une campagne aussi active, a présenté cinq mille chevaux en bataille. S. M. a nommé aux places vacantes, a accordé le titre de Baron, avec des dota❤ tions en terre, au plus brave officier, et la décoration de la légion d'honneur, avec une pension de 1200 fr. au plus brave cuirassier de chaque régiment.

On a trouvé à Vienne 500 pièces de canon, beaucoup d'affûts beaucoup de fusils, de poudre et de munitions confectionnées et une grande quantité de boulets et de fer coulé.

Il n'y a eu que dix maisons brulées pendant le bombardement. Les Viennois ont remarqué que ce malheur est tombé sur les partisans les plus ardens de la guerre; aussi disaientils que le général Andréossi dirigeait les batteries.

La nomination de ce général au gouvernement de Vienne a été agréable à tous les habitans: il avait laissé dans la capitale des souvenirs honorables, et il y jouit de l'estime universelle. Quelques jours de repos ont fait beaucoup de bien à l'armée ; et le tems est si beau que nous n'avons presque pas de malades. Le vin que l'on distribue aux troupes, est abondant et de bonne qualité.

La monarchie autrichienne avait fait, pour cette des guerre, efforts prodigieux, on calcule que ses préparatifs lui ont coûté au-delà de 300 millions eu papier. La masse des billets en cir'culation excède 1500 millions. La cour de Vienne a emprté les planches de cette espèce d'assignats hypothéqués sur une partie des mines de la monarchie; c'est-à-dire, sur des propriétés presque chimériques et qui ne sont pas disponibles. Pendant qu'on prodiguait ainsi un papier-monnaie que le public ne pouvait pas réaliser, et qui perdait chaque jour davantage, la cour faisait acheter, par les banquiers de Vienne, tout l'or qu'elle pouvait se procurer, et l'envoyait en pays Кк кк

TOME III.

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