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24 Septembre, 1807.

COMPTES GÉNÉRAUX DU TRÉSOR PUBLIC

Recettes et Dépenses pendant l'an 14, 1806,

Rapport fait à l'empereur par le ministre du trésor public

Sire,

J'ai l'honneur de présenter à votre majesté le compte des recettes et des dépenses du trésor public pendant l'exercice de l'an 14, 1806. Cet exercice se compose des cent derniers jours de l'an 1805, et des douze mois de l'an 1806.

Dans cet espace de 465 jours les recettes cumulées de tous les exercices présentent un total de 986,992,539 fr.

Les dépenses aussi cumulées un total de 932,440,419 fr. La forme du compte que je mets sous les yeux de votre majesté est encore la même que celle des comptes antérieurs: il est composé des mêmes élémens; les résultats qu'il présente se développent dans le même ordre.

Le compte que j'ai présenté l'année dernière pour l'exercice an 13, était entièrement étranger à mon administration; et mon devoir est encore de rappeler que le premier tiers de l'exercice 1806 était expiré lorsque votre majesté m'a appelé au ministère. Mais déjà la crise qui avait fatigué la banque dans les premiers mois de cet exercice, commençait à se calmer; les écarts de l'escompte, qui s'était élevé à un trois quarts par mois, teudaient à se modérer; la présence de votre majesté avait ranimé sa capitale.

Cette circonstance, Sire, est une de celles qui caractérisent le règne de votre majesté; il ne pouvait appartenir qu'à votre majesté seule, lorsque le trésor de l'empire éprouvait un déficit de plus de cent millions, les ressources du crédit paraissant taries, la banque se remettant à peine du long ébranlement qu'elle avait souffert pendant près de cinq mois, d'ar rêter subitement le désordre, de rappeler tous les paiemens à l'exactitude prescrite par le décret du 16 Fructidor, an 11, d'environner votre ministre de ressources telles qu'il pût maîtriser et modérer successivement le taux de l'escompte, lors même que les besoins provoquaient de plus abondantes négo ciatious.

C'est ainsi que votre majesté a, presque subitement, affranchi son trésor de la longue et ruineuse dépendance dans la quelle l'avaient retenu les divers entrepreneurs des escomptes du trésor. Des prévarications graves avaient surtout marqué la gestion des derniers; votre majesté ne les a punis qu'en les écartant de son service: elle a pu, sans inconvénient, ne consulter à leur égard que sa clémence, car elle a rendu impossible le renouvellement de nareils écarts.

Et tel a été l'effet des nouvelles mesures prises par votre majesté; telle est l'indépendance à laquelle elle a élevé le trésor de l'empire, que lorsqu'une nouvelle guerre s'est rallumée et l'a rappelée au sein de l'Allemagne, l'impulsion qu'elle avait donnée au cours des effets publics, à l'amélioration des changes, à la réduction du taux de l'intérêt, ne s'est point arrêtée dans sa marche constamment progressive; les nouveaux orages qui semblaient menaçer la France, ont respecté partout les limites de son territoire; votre main triomphante les a dirigés sur ceux qui les avaient formés. Ce qui repose sous votre égide, Sire, sera toujours la partie privilégiée du monde,

Je vais rappeler les diverses améliorations que votre majesté a successivement introduites pendant l'année 1806 dans l'administration du trésor; elles n'ont changé ni sa constitution, ni son organisation; le trésor a conservé ses formes primitives; mais son action principale est devenue plus simple et plus libre, et c'est ainsi qu'il a pu se dispenser de confier à des agens étrangers l'accomplissement de ses premiers devoirs, et le secret de ses plus importantes opérations.

Parmi les simplifications que votre majesté m'avait prescrites, se présente celle du système des exercices. Ce système a été imaginé par une sage prévoyance; son but est de mettre en rapport, avant l'ouverture de l'année, la probabilité des besoins du service public et des moyens d'y pourvoir, et de comparer spéculativement les uns et les autres, pour que les ministères, connaissent leurs ressources, les créanciers publics leurs gages, tous les administrateurs leurs devoirs; mais votre majesté avait reconnu que ce serait abuser de cette mesure d'ordre et de prudence, et pervertir, par la prétention d'une perfection idéale, les motifs d'une utile combinaison, que de garder les divers exercices indéfiniment ouverts, en laissant au temps le soin d'établir pour chacun d'eux une équation parfuite entre les recettes et les dépenses.

Tout ce que ne crée pas votre majesté, elle l'améliore; les formes qu'elle emprunte aux gonvernemens passés, profitent bientôt de la supériorité du sien.

Par la loi du 24 Avril, 1806, votre majesté a mis un terme à cette multiplicité de comptes d'exercices concurremment ouverts, qui, sous le prétexte de conserver à chaque créancier la spécialité du gage promis, inquiétait tous les créanciers par l'éventualité de la réalisation de ce gage. De tous les écarts de l'opinion, le plus dangereux pour le crédit public est celui qui peut trouver un prétexte dans l'incertitude de l'époque des paiemens.

L'objet et le but de la formule des exercices ont été mieux analysés. Voste majesté avait reconnu que l'égalité arithmétique des recettes et dépenses d'un exercice ne pouvait jamais

ètre qu'un résultat fortuit; que cette symétrie portée à l'extrême et convertie en un système absolu, en même temps qu'elle serait sans utilité réelle pour le trésor, n'ajouterait même rien au mérite de la prévoyance qui prépare les élé mens du budget; car cette prévoyance ne peut, dans la mobilité nécessaire de l'avenir, qu'atteindre et saisir des approxi mations tant sur les recettes que sur les dépenses; il serait même d'une fausse prévoyance de prétendre fixer tellement l'un et l'autre résultat, que les recettes ne dussent jamais excéder telle proportion, et que les dépenses prévues ne pussent jamais être modérées.

Votre majesté a décidé que tous les recouvremens antérieurs à l'an 13 seraient portés en recette au compte de l'exer cice courant; des fonds plus que suffisans sont destinés à acquitter cumulativement tout ce qui peut rester de créances exigibles sur les années antérieures à l'an 13; elle a prévenu la renaissance du phantôme de l'arriéré, en mettant un terme à la spécialité des recettes des exercices expirés, et en appelant concurremment tous les recouvremens qui seraient obtenus sur ces exercices, à acquitter toutes les dépenses qui restent exi→ gibles sur eux. Les recettes et les dépenses qui composent le budget d'une année, ne pouvant évidemment pas se réaliser dans l'année, il est nécessaire que, sous le nom d'exercice la carrière reste encore ouverte dans le cours de l'année suivante aux recettes et aux dépenses de l'année qui vient d'expirer: il peut même arriver qu'après l'expiration de cette seconde année, l'espace d'une troisième soit utile pour accomplir, aussi approximativement que possible, les prophéties du budget, et telle circonstance pourrait encore survenir, qui ne permettrait pas même à ce terme de clorre un exercice dont la dépense n'aurait pas subi cette analyse redoutable pour les abus, que votre majesté recommande et qu'elle exerce encore mieux; et la concurrence d'un nombre limité d'exercices ouverts dans les écritures du trésor, n'est pas inconciliable avc leur simplification. C'est là l'intention que votre majesté avait exprimée par la loi du 24 Avril 1806; cette intentiou s'exécute; le compte que je présente à votre majesté réunit à l'exercice de l'an 12, les exercices antérieurs. Če compte ne se trouve plus subdivisé qu'en trois exercices.

Ainsi depuis l'an 8, chacun des regards que votre majesté a jetés sur la comptabilité du trésor public, a créé quelque nouveau moyen de simplification: c'est sous sa direction personnelle que les écritures du trésor public ont été disposées de manière que, le 13 de chaque mois, votre majesté peut com.. parer la totalité des recettes et la totalité des dépenses effec tuées depuis le commencement de l'année jusqu'à la fin du mois précédent; le montant des crédits disponibles pour

chaque ministère; le mentant des sommes dont les ministres ont disposé sur chaque exercice par leurs ordonnances et la marche progressive dans laquelle chaque exercice qui reste Ouvert, parcourt le cercle de ses recettes et de ses dépenses.

Ainsi, la comptabilté primitive, employée jusqu'à présent dans les finances françaises, et qui se recommande, en effet, par la simplicité de ses form les, puisqu'elle résume toot en recettes et en dépense à été portée, sous vôtre règne, Sire, à un degré de perfection que l'ancienne finance n'avait pas pu atteindre; et cependant, ces résultats eux-mêmes n'ont pas encore satisfait votre Majesté; elle a considéré que, quoique le but de toute comptabilité soit de mettre en balance la recette et la dépense, tous élémens d'une comptabilité très-compliquée ne pouvaient pas se renfermer dans cette parallèle; que, d'après les formalités qui doivent régulariser les recettes et les dépenses consommées tous les recouvremens opérés, ne pouvant pas être portés en recettes, tous les emplois de fonds ne pouvant pas être portés en dépenses, cette méthode restait incomplète; qu'elle n'accomplissait pas le plus important devoir de toute comptabilité, qui consiste à ne rien laisser d'incertain ou d'équivoque; que la formule qu'elle emploie pour placer à sa suite, sous le nom de suspens, les opérations qu'ell en'a pas pu terminer, n'est qu'un aveu d'insuffisance, et pourrait paraître un symptôme d'inexactitude. D'un autre côté, il n'échappait pas à votre majesté que la comptabilité administrative avait souvent tenté d'emprunter à la comptabilité du haut commerce le complément qui lui manquait: mais qu'il en était seulement résulté, dans les écritures du trésor public, un idiome mixte, qui était d'une intelligence plus difficile saus devenir plus correct, en effet, on avait surtout oublié que la comptabilité n'étant, à proprameut parler, qu'une description par formules arithmétiques, ce mode d'analyse ne pouvait être exact qu'autant que l'analyse atteindrait tout, rendrait compte de

tout.

Chaque fait de comptabilité est nécessairement complexe ; car il coustate un acte qui, s'il dégage l'un, engage nécessairement un autre. Ainsi, chaque fait met en rapport nécessaire et en opposition deux intérêts, le crédit de l'un et le débit de l'autre. C'est dans cette observation exacte du double intérêt qui caractérise chaque fait, et dans cette opposition des deux intérêts que la comptabilité en partie double a pris, avec sa dénomination, la garantie de son exactitude et l'élévement du contrôle efficace qu'elle emploie; c'est là qu'elle a puisé cette formule habile qui appelle au débat de chaque article un créancier et un débiteur, et qu'elle donne ainsi an raisonnement sur chaque compte l'initiative du jugement que l'examen des pièces comptables doit ensuite consommer.

Votre majesté m'a donné l'ordre d'établir cette méthode

en concurrence avec l'ancienne, dans les départemens au-delà des Alpes, et j'étends successivement le même essai dans le reste de l'empire.

Les comptables qui ne sont retenus par aucun intérêt contraire à leur devoir, s'empressent d'y conceurir; ils vont audevant de la double tâche que leur impose, pendant cette année, l'application des deux formules, parce que déjà l'expérience leur apprend qu'ils auront définitivement l'indemnité de ce surcroît de travail dans l'économie des frais de leur gestion, dans sa plus grande sûreté, dans leur libération plus prompte et plus facile. J'avais confié le premier essai aux receveurs généraux les plus recommandables par leur lumière, par leur fortune, par leur esprit d'ordre; et, d'après une épreuve de plusieurs mois, j'ai rédigé un projet d'instruction qui admet tous les receveurs généraux à concourir définitivement à cet essai.

Et tel doit être, Sire, l'effet de la nouvelle méthode, que le trésor public connaîtra, tous les dix jours, toutes les opérations de chaque comptable dans tous leurs développemens; et comme chacune de ces opérations viendra chaque jour prendre son rang dans le compte qui lui est propre, la multiplicité des détails n'opérera ni confusion ni désordre. La connoissance de tous les actes d'une gestion parviendra immédiatement au trésor public; aucune dissimulation, aucune réticence ne seront possibles aux comptables; et si déjà la forme même des nouvelles écritures les prémunit contre la tentation de dissimuler l'emploi des deniers publics, ils le seroot plus efficacement encore par leur intérêt propre, puisque la fidélité même de leurs rapports avec le trésor public leur garantira des avantages et des sûretés qu'aucune autre combinaison ne pourrait leur offrir.

J'ajouterai, Sire, une dernière observation sur les effets de cette forme de comptabilité appliquée au trésor. Comine, par la force même de la méthode, elle doit tout décrire au moment même de l'action; comme elle ne peut rien déguiser Di rien omettre, elle peut et doit sans doute devenir une utile. sauve-garde pour votre ministre du trésor; mais elle deviendrait aussi l'accusatrice des erreurs qu'il aurait pu commettre. C'est surtout dans l'emploi des fonds versés d'avance par les comptables, dans le détail des négociations et des escomptes, que le rapprochement des circonstances et des époques, l'analyse exacte des faits, sont nécessaires pour que l'opinion soit suffisamment éclairée sur le résultat qui est l'œuvre du ministre; et ces conditions seraient impossibles à remplir par tout aatre mode de comptabilité conuue, au moins dans cette partie si importante et si delicate des opérations du trésor.

C'est ici que votre majesté doit me permettre de développer les motifs qui l'ont déterminée à adapter à l'ancienne machine du trésor public le nouveau rouage de la caisse de service.

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