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n'a été fait aucun acte d'instruction ni de poursuite. S'il a été fait, dans cet intervalle, des actes d'instruction ou de poursuite non suivis de jugement, l'action publique et l'action civile ne se prescriront qu'après dix années révolues, à compter du dernier acte, à l'égard même des personnes qui ne seraient pas impliquées dans cet acte d'instruction ou de poursuite.

Art. 638. Dans les deux cas exprimés en l'article précédent et suivant les distinctions d'époques qui y sont établies, la durée de la prescription sera réduite à trois années révolues, s'il s'agit d'un délit de nature à être puni correctionnellement.

Art. 639. Les peines portées par les jugements rendus pour contraventions de police seront prescrites après deux années révolues, savoir pour les peines prononcées par arrêt ou jugement en dernier ressort, à compter du jour de l'arrêt; et à l'égard des peines prononcées par les tribunaux de première instance, à compter du jour où ils ne pourront plus être attaqués par la voie de l'appel.

Art. 640. L'action publique et l'action civile, pour contravention de police, seront prescrites après une année révolue, à compter du jour où elle aura été commise, même lorsqu'il y aura eu procès-verbal, saisie, instruction ou poursuite, si, dans cet intervalle, il n'est point intervenu de condamnation; s'il y a eu un jugement définitif de première instance, de nature à être attaqué par la voie de l'appel, l'action publique et l'action civile se prescriront après une année révolue, à compter de la notification de l'appel qui en aura été interjeté.

Art. 641. En aucun cas, les condamnés par défaut ou par contumace, dont la peine est prescrite, ne pour ront être admis à se présenter pour purger le défaut ou la contumace.

Art. 642. Les condamnations civiles portées par les arrêts ou par les jugements rendus en matière criminelle, correctionnelle ou de police, et devenus irrévocables, se prescriront d'après les règles établies par le Code Napoléon.

Art. 643. Les dispositions du présent chapitre ne dérogent point aux lois particulières relatives à la prescription des actions résultant de certains délits où de certaines contraventions.

M. Treilhard expose dans les termes suivants, les motifs des chapitres ler à VIII, inclusivement, du livre Ier du Code d'instruction criminelle : (Voy. plus haut le texte du projet de loi, séance du 7 novembre, pag. 52).

Messieurs, vous êtes appelés par SA MAJESTÉ IMPÉRIALE à donner au peuple français, dans le cours de votre session, un Code d'instruction criminelle, et nous vous en présentons le premier livre.

Il ne suffit pas que nos lois sur l'instruction publique fassent espérer une grande amélioration en préparant le développement des vertus et des talents que la nature a placés dans nos âmes; des règlements sages dirigeront, il est vrai, les premiers pas d'un citoyen dans la ligne de ses devoirs; il apprendra de bonne heure cette grande vérité, qu'il n'est pas, pour ceux qui s'écartent de cette ligne, de vraie prospérité ni de bonheur durable.

Mais, lorsque les barrières qui doivent nous séparer du crime sont une fois rompues, il faut bien qu'on se saisisse des méchants pour les ramener à l'ordre, s'il est possible, ou pour effrayer par l'exemple de leur punition tous ceux qui seraient tentés de les imiter.

Voilà, Messieurs, l'objet des lois criminelles : ils seraient imparfaits, ces monuments de législation que SA MAJESTÉ élève à la raison et à la philosophie pour le bonheur de l'humanité, si l'on n'y trouvait pas des moyens de répression contre les pervers.

Constater les atteintes portées à l'ordre social, convaincre les coupables, appliquer les peines, voilà le devoir du magistrat.

Le devoir du législateur est de tracer au ma

gistrat des règles sûres qui le mèneront promptement à la connaissance des faits.

Le législateur établira ensuite, contre chaque espèce de crimes et de délits, des peines proportionnées, des peines justes, des peines suffisamment réprimantes et jamais atroces.

C'est ainsi que le peuple français pourra s'honorer de deux Codes, qui, réunis, formeront l'ensemble du Code criminel.

Nous ne nous occupons, quant à présent, que du premier, du Code d'instruction.

Est-il nécessaire d'observer que la marche d'une instruction criminelle est d'une toute autre importance que celle d'une procédure civile ? Ici, deux citoyens se présentent à la justice pour un objet qui n'intéresse qu'eux; l'un expose sa demande, l'autre sa défense: ils produisent leurs titres, et le juge prononce.

En matière criminelle, ce n'est pas contre un citoyen isolé qu'il faut se défendre c'est le corps social qui est la véritable partie; c'est la société entière, blessée par l'infraction de la paix et de la sûreté publique, qui presse le jugement et la condamnation d'un coupable.

En matière civile, la partie publique est toujours muette; ou si elle se montre, c'est pour l'avantage de quelques citoyens que leur âge, leur faiblesse, ou leur absence, mettent dans l'impossibilité d'agir; ou pour l'intérêt de quelque administration, ou pour l'observation de quelques formes utiles, sans doute, mais presque toujours relatives à des intérêts particuliers. Mais en matière criminelle le ministère de la partie publique est toujours forcé; elle recherche, elle poursuit, elle requiert; chaque pas dans la procédure est pour ainsi dire un acte du magistrat. Ce n'est pas ici une portion seulement de la fortune du citoyen qui est en péril, c'est toute son existence; c'est sa vie, c'est son honneur qui répondent à la société de la réparation qui lui est due; et l'erreur du magistrat ferait toujours une vaste plaie à l'ordre public, soit en frappant un innocent, soit en déchaînant un coupable.

Si une mûre discussion a dû préparer le Code de procédure civile que vous avez sanctionné, quelle réflexion profonde, quelle attention religieuse n'a-t-on pas dû porter dans la rédaction d'un Code d'instruction criminelle!

Les lois dont il est composé ont toutes pour objet, ou la marche de la procédure, ou le jugement, où l'exécution.

A qui sera confiée l'instruction? Quelle est l'autorité qui prononcera?

Déjà se présente à vos esprits la grande distinction du fait et du droit. Aurons-nous des personnes particulièrement et uniquement chargées de prononcer sur le fait ? Cette faculté sera-t-elle déléguée à des citoyens choisis parmi les plus éclairés et les plus probes, à des citoyens, fortement intéressés au maintien de la société, par les avantages qu'ils en retirent, à des citoyens enfin, dont la moralité notoire pourra garantir aux accusés cette attention bienfaisante et soutenue que chacun réclamerait pour soi-même, dans l'état pénible d'une accusation ?

Si le jury ne pouvait être dégagé des vices dont il fut souillé à des époques funestes (encore trop près de nous, si nous ne calculons que les jours, mais qui sont à mille siècles si nous considérons les événements), cette institution devrait être proscrite.

Mais, si nous n'avons pas oublié qu'elle fut provoquée par le vœu national: si nous nous rappelons les effets salutaires qu'elle produisit jus

qu'à l'époque où nos agitations intestines en corrompirent le principe; si nous ne voulons pas nous dissimuler qu'aucune institution n'échappa à l'influence fatale qui dénatura le jury; enfin, si nous sommes convaincus, comme nous devons l'être, que le corps social est entièrement dégagé de l'atmosphère impure qui l'enveloppait; si nous voyons dans toutes les parties se dissiper entièrement l'éclipse des principes d'ordre et de justice, il sera difficile aux personnes qui réfléchissent de renoncer à l'institution du jury. Eh! pourquoi ne verrions-nous pas reluire l'éclat des premiers jours de cet établissement? La nation française est-elle aujourd'hui moins jalouse de sa liberté civile? Le sang d'un citoyen est-il moins précieux? La haine du crime est-elle moins fortement gravée dans nos âmes? Sommes-nous moins disposés à acheter par le sacrifice de quelques instants, dans le cours de la vie, un bien dont nous nous montrâmes si jaloux? Aimonsnous moius un Gouvernement dont nous éprouvons tous les jours la sagesse ? Et lorsque le génie qui a porté la gloire du nom français jusqu'aux extrémités de la terre, propose de confier la sûreté du peuple et le sort des générations futures à l'institution du jury; lorsque les regards et les bienfaits du souverain doivent se fixer sur les citoyens qui en auront dignement rempli les fonctions, qui de nous pourrait s'y porter avec dégoût ou avec tiédeur?

Il faut, il faut sans doute des réformes salutaires dans la pratique actuelle de cette institution. On a dû circonscrire le cercle dans lequel les jurés seraient choisis, afin de garantir de bons choix à la nation; il a fallu assurer aux citoyens une faculté d'exercer des récusations qui ne seraient pas illusoires, et trouver un mode qui ne donnât pas aux accusés une connaissance prématurée de leurs jurés; il était convenable de prévenir, par une organisation sagement combinée, l'appel trop fréquent d'une même personne. Ce n'est pas un état de juré qu'on a dû créer, et l'exercice répété de cette honorable fonction aurait le double inconvénient d'affaiblir par l'habitude cette vénération profonde dont le juré doit être pénétré quand il pose le pied dans le sanctuaire, et de lui devenir onéreuse en l'enlevant trop souvent à ses occupations habituelles. Enfin, en interrogeant la conscience du jury, il ne faut exiger d'elle qu'une réponse simple, dégagée de toutes formes, inspirée par la force d'une profonde conviction.

L'expérience dictait ce qu'on a dû faire et ce qu'on a fait. Qu'on cesse actuellement de nous répéter que les jurés sont dépourvus de la connaissance du droit et des formes judiciaires! Eh! quels besoins les jurés ont ils de connaître le droit et les formes? Est-ce aux jurés qu'est confiée l'observation des formes et des lois? Ils auront, pour prononcer sur un fait, des qualités bien plus précieuses: la justesse d'esprit, la doiture du cœur et la connaissance du monde.'

Ils porteront toujours cette attention profonde et salutaire qui ne manque jamais dans l'exercice d'une fonction auguste, quand on la remplit rarement ils seront pénétrés d'un religieux respect pour le malheur (car jusqu'au moment de la condamnation il n'y a pas de coupable reconnu), respect qui s'affaiblit sensiblement quand on a tous les jours devant soi le spectacle de l'infortune; surtout ils n'auront pas contracté une certaine insensibilité dont on a tant de peine à se défendre pour des maux dont on est habituellement le témoin. Au reste, Messieurs, on a dit de

T. X.

puis longtemps tout ce qu'on pouvait dire pour et contre; l'institution du jury et la loi sur cette matière vous sera bientôt présentée par un orateur aux talents duquel vous avez déjà plusieurs fois applaudi.

En maintenant le jury, on n'a pas dû renoncer à une autre institution, dont l'expérience de plusieurs années a fait connaître la nécessité. Je veux parler des tribunaux spéciaux, établis pour certains crimes, dont la poursuite ne peut être trop active, le jugement trop prompt et la punition trop exemplaire; et contre certaines personnes qui, loin de présenter à la société le moindre gage, sont déjà d'avance signalées comme ses fléaux: aussi votre sagesse a-t-elle déjà sanctionné une première fois cet établissement.

La marche générale de l'instruction ne pourrait pas s'appliquer à toutes les espèces de crimes, ni à toutes les circonstances qui se présentent dans le cours d'une affaire on a dù y pourvoir. Le Code offrira des règles appropriées à l'instruction du crime de faux, espèce de crime qui attaque si désastreusement la fortune publique et les fortunes particulières, qui se fabrique dans l'ombre, dont les auteurs sé cachent avec un art si perfide, et dont la conviction ne s'opère qu'à l'aide de toute la sagacité et de toute l'expérience des gens de l'art chargés des vérifications et des comparaisons.

Vous trouverez aussi, Messieurs, dans la suite des lois qui vous seront présentées, une forme d'instruction pour les contumaces, un mode de suppléer aux minutes des arrêts rendus en matière criminelle, et des autres pièces enlevées ou détruites par des causes extraordinaires, et une manière de constater l'identité des individus condamnés, évadés et repris.

Vous pensez bien que nous n'aurons pas oublié de tracer une route pour parvenir à un règlement de juges, ou pour obtenir un renvoi à un autre tribunal: deux ressources que la loi réserve aux citoyens, ou pour calmer des inquiétudes légitimes, ou pour fixer tous les doutes sur la compétence des magistrats.

Vous trouverez aussi, Messieurs, dans la suite du travail, la manière de se pourvoir contre les arrêts rendus en matière criminelle, soit par la voie de la cassation pour l'inobservation des formes rigoureusement prescrites à peine de nullité ou pour les contraventions expresses à la loi, soit par la voie de la révision dans quelques cas, heureusement très-rares, comme, par exemple, celui d'un condamné pour meurtre d'un homme qui se représente.

Enfin, Messieurs, il est une classe de citoyens qui mérite l'attention spéciale du législateur, dont la conduite doit être plus exempte de reproches, en raison de ce qu'ils sont eux-mêmes chargés dé faire observer les lois je parle des juges. Il faut les garantir des passions qui peuvent se soulever contre eux, souvent peut-être parce qu'ils auront rempli des devoirs austères, et il faut aussi garantir à la société que leurs fautes ne resteront pas impunies; la loi indique un mode d'instruction des délits par eux commis dans l'exercice et hors l'exercice de leurs fonctions.

Je n'entrerai pas dans d'autres détails; tout ce que je peux dire, c'est que le Code d'instruction criminelle sera complet. Les citoyens y trouveront une marche fixe dans toutes les circonstances, et les magistrats une règle sûre pour toute leur conduite.

Une dernière loi aura pour objet quelques points d'intérêt public et d'utilité générale. Là se trou

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veront les règles sur la réhabilitation des condamnés.

La réhabilitation! A ce mot, vôtre âme commence à respirer.

C'est un devoir bien pénible, c'est un cruel ministère que celui de poursuivre des accusés et de condamner des coupables: toujours sous les yeux la prison, les fers, la mort!

Il faut bien semer quelques consolations sur cette triste perspective.

L'homme condamné à la réclusion, ou aux travaux forcés à temps, serait-il donc perdu pour toujours pour la société ? N'existe-t-il aucun moyen de le rappeler à ses devoirs? Est-il absolument impossible d'effacer de son front la tache d'infamie dont il fut couvert, et ne peut-on pas le recréer encore pour la vertu?

Elle est difficile, cette métamorphose, j'en conviens; mais ne repoussons cependant pas tout espoir.

L'ordre qui doit régner dans les maisons de force peut contribuer puissamment à régénérer les condamnés. Les vices de l'éducation, la contagion des mauvais exemples, l'oisiveté, proclamée avec tant de raison la mère de tous les vices, ont enfanté tous les crimes.

Eh bien! essayons de fermer ces sources de corruption; que les règles d'une morale saine soient constamment pratiquées dans les maisons de force; qu'obligés à un travail qu'ils finiront par aimer quand ils en recueilleront le fruit, les condamnés y contractent l'habitude, le goût et le besoin de l'occupation; qu'ils se donnent respectivement l'exemple d'une vie laborieuse; elle deviendra bientôt une vie pure; bientôt aussi ils commenceront à connaître le regret du passé, premier avant-coureur de l'amour des devoirs.

Et ne croyez pas, Messieurs, que je me livre en ce moment à de vaines illusions. Il existe déjà, l'établissement que je désire, il existe sous nos yeux; il n'est heureusement pas le seul de ce genre sur la surface de l'empire. Encore quelques jours, et l'organisation de toutes les maisons de force sera parfaite; le bien s'opère aujourd'hui avec la rapidité de l'éclair. Ainsi les condamnés auront trouvé, dans un séjour de deuil et de misère, la source des biens les plus solides, l'habide du travail et le talent d'une profession.

Ils sortiront, après avoir subi leur peine, non us comme autrefois, sans ressources, livrés à la plus, triste indigence, abandonnés sur le penchant de ce précipice dont ils venaient de sortir, mais avec le fonds d'un pécule réservé sur les produits de leur industrie, et en état, du moins, de pourvoir aux besoins les plus pressants.

C'est déjà un grand pas vers la vertu; mais cet homme, dans son état de régénération, pourra-t-il soutenir l'idée de sa proscription perpétuelle? Comment parviendra-t-il à aspirer à sa propre estime, s'il est toujours sous le poids de la honte et de l'infamie?

Vous lui auriez fait connaître, vous lui auriez fait aimer la vertu, et vous le retiendriez à jamais dans la société sous le costume du crime! Ah! s'il est repentant en effet, la mort serait moins cruelle pour lui.

Sans doute, on ne vous proposera pas d'effacer la tache dont il est couvert, sans qu'il ait subi les épreuves qui donneront une pleine garantie de son changement; mais, lorsque cette garantie sera entière, vous ne refuserez certainement pas, Messieurs, de le rendre à sa famille, à ses concitoyens, tel qu'il était avant sa chute.

C'est l'objet de la réhabilitation: les bienfaits

de cette loi vous seront développés dans la suite bien mieux que je ne pourrais le faire.

J'ai cru, Messieurs, que l'exposition particulière de chaque loi, dont le Code d'instruction criminelle sera composé, devait être précédée d'un tableau qui vous en présentât l'ensemble.

La première loi, celle que nous vous apportons aujourd'hui, a pour objet la police judiciaire. Qu'est-ce que la police judiciaire? En quoi diffère-t-elle de la police administrative?

Tant qu'un projet reste enseveli dans le cœur de celui qui le forme, tant qu'aucun acte extérieur, aucun écrit, aucune parole ne l'a manifesté au dehors, il n'est encore qu'une pensée, et personne n'a le droit d'en demander compte.

Il est cependant vrai que des hommes exercés de longue main à surveiller les méchants, et à pénétrer leurs intentions les plus secrètes, préviennent souvent bien des crimes par une prévoyance utile et par des mesures salutaires : voilà l'un des premiers objets de la police administrative, police en quelque manière invisible, mais d'autant plus parfaite qu'elle est plus ignorée, et dont nous jouissons sans songer combien elle coûte de soins et de peines.

La vigilance d'une bonne police ne laisse souvent ni l'espoir du succès ni la possibilité d'agir au méchant qui la trouve partout sans la voir nulle part, et qui rugit des obstacles que le hasard semble lui offrir, sans jamais se douter que le hasard prétendu est dirigé par une profonde sagesse.

Un autre résultat d'une bonne police administrative est que l'homme se trouve enveloppé au premier pas qu'il fait pour consommer son crime. C'est alors l'instant où la police judiciaire peut et doit se montrer il n'y a pas un moment à perdre le moindre retard ferait disparaître le coupable et les traces du crime; il faut donc que les agents de la police judiciaire soient répandus sur toute la surface de l'empire, et que leur activité jamais ne se ralentisse.

La loi que nous vous présentons déterminera avec précision l'espèce et les devoirs de chacun de ces agents; vous y trouverez la marche calculée de l'instruction, jusqu'au moment où les citoyens inculpés seront renvoyés à la cour ou au tribunal qui doit s'occuper de leur sort.

Mais, avant d'aller plus loin, j'observerai qu'un petit nombre d'articles préliminaires présente quelques dispositions générales qu'on n'a pas dû omettre, encore qu'elles soient universellement reconnues; elles ont pour objet l'exercice, soit de l'action publique pour l'application des peines, soit de l'action particulière et civile pour la réparation des dommages reçus.

Sans m'arrêter sur des points qui ne sont susceptibles d'aucune difficulté sérieuse, je fixerai seulement votre attention sur les dispositions des articles 5, 6 et 7 de la loi.

Le cinquième article veut que tout Français qui se sera rendu coupable, hors du territoire de France, d'un crime attentatoire à la sûreté de l'Etat, de la contrefaction du sceau de l'Etat, de monnaies nationales ayant cours, de papiers nationaux ou billets de banque autorisés par la loi, puisse être poursuivi, jugé et puni en France, d'après les dispositions des lois françaises.

L'article 6 applique la même disposition aux étrangers qui, auteurs ou complices des mêmes crimes, seraient arrêtés en France, ou dont le Gouvernement obtiendrait l'extradition.

L'article 7 porte que tout Français qui se sera rendu coupable, hors du territoire de l'empire,

d'un crime contre un Français, pourra, à son retour en France, y être poursuivi et jugé, s'il n'a pas été poursuivi et jugé en pays étranger.

Ces articles n'ont été adoptés qu'après une longue et profonde discussion, dans laquelle je ne crois pas devoir entrer en ce moment.

Sans doute, la règle générale en cette matière, est que le droit de poursuivre un crime n'appartient qu'au magistrat du territoire sur lequel il a été commis, ou du territoire sur lequel le crime s'est prolongé.

Mais il est des attentats, tels que ceux énoncés en l'article 6, qui attaquent la sûreté et l'essence même de tous les Etats, dont l'intérêt commun des nations doit provoquer la poursuite, lorsque le coupable a l'audace de se montrer dans le sein du Gouvernement qu'il a voulu détruire.

Quant au Françaís qui a attenté, hors du territoire de l'empire, à la vie d'un autre Français, il est évident qu'il a blessé les lois de son pays.

Les dispositions de ces articles sont justes, et certainement très-morales.

Je me hâte de passer aux détails de la loi sur la police judiciaire.

Les infractions des lois peuvent être plus ou moins graves les unes blessent les règlements de police simple; d'autres portent atteinte aux dispositions de police correctionnelle; d'autres enfin attentent encore plus directement et plus fortement à la sûreté des citoyens. On les a appelées indifféremment jusqu'ici crimes ou délits, ce qui opérait souvent une confusion qu'il est utile de prévenir pour la suite. Désormais la loi qualifie particulièrement de crimes les faits qui emportent contre le coupable une peine afflictive ou infamante; elle qualifie délits les faits du ressort de la police correctionnelle, et qui sont punis d'un emprisonnement à temps où d'une amende. Enfin, l'expression de contravention est réservée aux faits de simple police, punissables d'une amende plus légère, ou de peu de jours d'emprisonnement.

Il faut des agents pour rechercher et constater toutes ces espèces d'atteintes à la loi; il en faut partout, et surtout il faut qu'ils soient actifs, instruits et probes.

Le premier chapitre de la loi indique d'abord l'objet de la police judiciaire; elle recherche les crimes, les délits, les contraventions; elle en rassemble les preuves; elle en livre les auteurs aux tribunaux chargés de les punir.

La loi détermine ensuite les agents et les officiers qui doivent exercer la police judiciaire.

Tous ces agents n'ont pas la même destination. Les uns sont chargés de la recherche des contraventions de police, savoir les commissaires de police, et daus les communes où il n'y en a point, les maires, à leur défaut les adjoints.

D'autres sont chargés particulièrement de la recherche des délits forestiers et ruraux : ce sont les gardes champêtres et forestiers.

Les juges de paix, les officiers de gendarmerie, les commissaires généraux de police reçoivent les dénonciations des crimes où délits commis dans les lieux où ils exercent leurs fonctions habituelles; et comme on ne peut trop faciliter aux citoyens les moyens de faire entendre leurs plaintes, on a aussi donné aux maires, adjoints de maires et aux commissaires de police le droit de recevoir ces dénonciations.

C'est dans la main du procureur impérial que se réunissent tous les renseignements recueillis par les autres agents de la police judiciaire.

C'est ce magistrat qui est particulièrement

chargé de la recherche et de la poursuite de tous les crimes et délits; les autres officiers de'! a police ne sont que ses auxiliaires.

Un autre magistrat dirigera l'instruction sur la poursuite et les réquisitions du procureur impérial; et déjà vous pouvez juger qu'aucune partie de l'empire n'est privée de surveillance; qu'aucun crime, aucun délit, aucune contravention ne doit rester sans poursuite, et que l'œil du génie qui sait tout animer embrasse l'ensemble de cette vaste machine, sans néanmoins que le moindre détail puisse lui échapper.

Les devoirs de tous les officiers dont je viens de parler sont tracés dans les différents chapitres de la loi. Je ne me propose pas de dérouler ici toutes les dispositions qui les concernent; il est nécessaire d'en prendre une lecture réfléchie pour en saisir l'enchaînement.

Le premier vœu de la loi est que toute infraction des règles soit connue, soit poursuivie, soit jugée; c'est par ce motif que l'exercice de la police judiciaire est confié à un grand nombre de personnes, et c'est aussi dans la même intention qu'on a voulu que des magistrats supérieurs de l'ordre administratif, qu'on ne doit aucunement confondre avec les officiers de police judiciaire, puissent quelquefois requérir l'action des officiers de police, et même faire personnellement quelques actes tendant à constater les crimes. J'ai déjà observé que la police administrative prévenait beaucoup de maux, en pénétrant les intentions secrètes des méchants. Il n'est pas difficile de se convaincre qu'il pût être infiniment urgent de saisir le coupable et les instruments du crime, et qu'un instant perdu serait souvent irréparable; il a donc paru très-utile de donner ce droit aux préfets qui, par des voies administratives, obtiennent quelquefois des lumières dont le fruit pourrait s'évanouir par le retard d'un recours à l'officier de police judiciaire. C'est ainsi qu'on légalise des actes de leur part, qui, jusqu'à ce jour, n'étant considérés que comme de simples renseignements, ne faisaient réellement pas une partie essentielle de la procédure.

L'inconvénient en avait été vivement senti dans plusieurs occasions; la société en sollicitait le remède, et la défense des accusés n'en peut jamais être en aucune manière altérée.

En donnant aux maires, adjoints de maires et commissaires, la recherche des contraventions de police, on n'a pas manqué de leur faire entendre qu'ils devaient s'attacher dans leurs procès-verbaux à ne laisser échapper rien de ce qui peut constater la nature du fait, ses circonstances, le temps, le lieu, les preuves, les indices à la charge du coupable, ou ceux qui peuvent le justifier.

On a dù aussi prévenir le refus que pourrait faire le commissaire de police d'un arrondissement, de constater les contraventions commises dans un autre arrondissement de la même commune; ces divisions de territoire ne limitent ni ne circonscrivent leurs pouvoirs respectifs, e lorsque l'un est empêché, il doit être supplée par l'autre, car la répression du mal est le premier besoin de la société.

En traçant les obligations des gardes forestiers et champêtres, on n'a pu se dispenser de leur donner le droit de suivre les choses enlevées dans les lieux où elles auraient été transportées ; mais une sage circonspection a exigé qu'il ne leur fût permis de s'introduire dans les maisons et enclos, qu'assistés du juge de paix ou du maire.

Les juges de paix, officiers de gendarmerie et commisaires généraux de police sont établis, comme je l'ai déjà annoncé, pour recevoir les dénonciations de tous les crimes et délits commis dans les lieux où ils exercent leurs fonctions habituelles, et ils sont tenus de les transmettre sans délai au procureur impérial. Mais on a dû étendre leur devoir et leur compétence dans les cas de flagrant délit ; ils ne se bornent pas alors à donner des avis au magistrat; il faut agir surle-champ. L'apparition subite de l'officier de police judiciaire peut empêcher quelquefois la consommation entière du crime; elle prévient du moins la fuite du coupable et l'enlèvement de toutes les pièces de conviction. Tous les actes que pourrait faire le juge d'instruction dans ce moment, les juges de paix, les officiers de gendarmerie et les commissaires généraux de police sont autorisés à les faire. Il a même paru utile, dans les cas de flagrant délit, d'accorder les mêmes droits et d'imposer les mêmes devoirs aux maires et commissaires de police.

J'arrive à un officier de police judiciaire d'un autre ordre, à un officier revêtu d'une confiance bien plus entière et plus intime, à un officier investi d'un tel pouvoir, et jouissant d'une telle influence, que j'oserais presque assurer qu'il ne peut pas être sans reproches, toutes les fois qu'on a droit de se plaindre de l'infraction fréquente de l'ordre public, dans le lieu où il exerce ses fonctions.

Je parle du procureur impérial,

C'est lui qui est spécialement chargé de la recherche et de la poursuite de tous les crimes et de tous les délits, et qui doit, aussitôt qu'ils sont parvenus à sa.connaissance, en instruire le procureur général; car il est, s'il est permis de le dire, l'œil du procureur général, comme le procureur général est l'œil du Gouvernement. C'est par le résultat d'une communication active et fidèle du procureur impérial avec le procureur général, et du procureur général avec le ministre de Sa Majesté, que peuvent être connus les abus qui se glissent dans les institutions, la tiédeur qui s'empare des personnes, l'insouciance qu'on peut pardonner à un particulier, mais qui est un vice dans le magistrat ; et si l'on supposait du relâchement, de la faiblesse ou du déguisement dans les communications des procureurs généraux et impériaux, le mal aurait fait d'immenses progrès avant d'éclater, et sans qu'il y eût aucune crise, on se trouverait tout à coup dans un grand état de langueur et tout près de la décrépitude.

Le ministère du procureur impérial ne se borne pas à la recherche et à la poursuite des crimes; il est aussi chargé de les constater par lui-même, dans les cas de flagrant délit.

Aussitôt qu'il a l'oreille frappée d'un crime qui se commet actuellement, il doit sans aucun retard se transporter sur le lieu, dresser tous les procès-verbaux nécessaires à l'effet de constater le corps du délit, son état, et l'état des lieux. C'est dans ce premier instant surtout qu'on peut saisir utilement tous les indices; le procureur impérial doit recevoir les déclarations des personnes présentes, ou qui peuvent lui donner quelque renseignement: il appelle les parents, voisins, domestiques, tous ceux enfin qu'il présume en état de lui faire des déclarations utiles; il peut défendre que qui que ce soit sorte de la maison ou s'éloigne du lieu, jusqu'après la clôture du procès-verbal il saisit tout ce qui peut avoir servi à commettre le crime, ou tout ce qui

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en est le produit; il peut même se transporter dans le domicile du prévenu pour y faire la perquisition des papiers et autres objets qu'il juge nécessaires à la manifestation de la vérité; enfin, la loi l'investit de tout pouvoir nécessaire pour faire saisir les prévenus, s'ils sont présents, ou pour les faire amener devant lui, s'ils sont absents, et rien de ce qui peut servir à préparer la conviction du coupable ne lui est interdit.

Je n'ai pas besoin d'observer que la loi a dû établir des formalités qui donneront plus de force et plus de poids aux actes du procureur impérial, et qu'elle enjoint à ce magistrat de se faire assister de gens de l'art, quand leur présence est nécessaire pour apprécier la nature et les circonstances du crime.

Il n'est pas moins superflu de rappeler qu'en cas d'empêchement, les procureurs impériaux sont remplacés par leurs substituts. Mais je ne peux me dispenser de vous faire remarquer: 1° que la loi définit ce qu'on doit entendre par ces mots flagrant délit, et qu'il ne pourra plus s'élever à cet égard de doute raisonnable; 2o que les attributions faites au procureur impérial, en cas de flagrant délit, sont les mêmes dans tous les cas où le chef d'une maison requiert le transport de ce magistrat pour faire constater des crimes commis chez lui; 3° enfin qu'un article très précis lève toute incertitude sur la compétence des procureurs impériaux; la loi déclare également compétents, le procureur impérial du lieu du délit, celui de la résidence du prévenu, et celui du lieu où le prévenu peut être saisi; cette heureuse concurrence nous autorise à croire que le crime ne restera jamais sans poursuite.

Le procureur impérial, dans tous les cas, transmet les pièces au juge d'instruction, et requiert de lui tout ce qu'il estime convenable.

Le titre seul de juge d'instruction vous annonce assez les obligations de ce magistrat.

Ce juge instruit la procédure; il reçoit les plaintes, entend les témoins, réunit les preuves par écrit, et les pièces de conviction. Il peut refaire ceux des actes, à lui transmis par les officiers de police judiciaire, qui ne lui paraissent pas complets; enfin il fait son rapport à la chambre du conseil.

En accordant au procureur impérial le droit de constater personnellement les crimes dans les cas de flagrant délit, nous n'avons certainement pas entendu interdire cette faculté au juge d'instruction; il a, sans contredit, le droit de faire lui-même, dans ces cas, tout ce que le procureur impérial ferait en son absence. Aussi a-t-on chargé le procureur impérial de prévenir le juge d'instruction de son transport sur le lieu du crime; et, si les deux magistrats se réunissent, chacun d'eux se renferme dans sa fonction : l'un requiert, l'autre statue sur les réquisitions.

La première obligation imposée au juge d'instruction, c'est de ne faire aucun acte sans communication préalable au procureur impérial, qui, de son côté, ne peut apporter trop de promptitude dans l'examen de la procédure.

Cette règle générale souffre cependant une exception pour les mandats d'amener ou de dépôt, qu'il peut être très-urgent de lancer; le juge d'instruction a cette faculté, sans attendre les conclusions du procureur impérial.

Une seconde obligation du juge d'instruction est de se hâter, lorsque le délit n'a pas été commis dans son ressort, ou que le prévenu n'y aura pas sa résidence, ou qu'il n'y aura pas été trouvé, de renvoyer l'affaire au juge qui doit en connaître.

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