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Art. 35. Le tribunal de première instance de Paris sera composé de trente-six juges et de douze suppléants. Art. 36. Les tribunaux placés dans les villes les moins populeuses et où il y a le moins d'affaires, seront composés de trois juges, dont deux, autres que le président, pourront être juges auditeurs, et de trois suppléants.

Art. 37. Le nombre des juges pourra être augmenté dans les autres villes, suivant les localités.

Art. 38. Le classement des tribunaux, leur division en sections et l'ordre de leur service seront fixés par des règlements d'administration publique.

Art. 39. Si les circonstances exigent qu'il soit formé des sections temporaires dans un tribunal de première instance, ces sections le seront par un règlement d'administration publique.

Elles pourront être composées de juges, de juges auditeurs ou de suppléants.

Art. 40. Les juges ne pourront rendre aucun jugement s'ils ne sont au nombre de trois au moins; sur l'appel en matière correctionnelle, ils seront au nombre de cinq.

Les appels des jugements rendus en police correctionnelle seront portés au tribunal du lieu où siégent habituellement les cours d'assises.

Art. 41. Les suppléants pourront assister à toutes les audiences ils auront voix consultative; et, en cas de pariage, le plus ancien dans l'ordre de réception aura voix délibérative.

Art. 42. Les directeurs du jury et les magistrats de sûreté sont supprimés. Leurs fonctions seront remplies, conformément au Code d'instruction criminelle, par des juges d'instruction et par le procureur-impérial ou son substitut.

Art. 43. Les fonctions du ministère public seront exercées, dans chaque tribunal de première instance, par un substitut du procureur général, qui a le titre de procureur impérial, et par des substituts du procureur impérial dans les lieux où il sera nécessaire d'en établir: sans que le nombre puisse s'élever au-dessus de cinq, excepté à Paris, où le procureur impérial aura douze substituts.

Art. 44. Les juges de paix continueront de rendre la justice dans les matières dont la connaissance leur est attribuée, et dans les formes prescrites par les Codes et les lois de l'empire.

Les juges de police simple se conformeront aux dis positions du Code d'instruction criminelle, sur leur compétence et sur l'instruction des affaires qui leur sont attribuées.

Il n'est rien innové en ce qui concerne les tribunaux de commerce.

CHAPITRE VI

Du ministère public.

Art. 45. Les procureurs généraux exerceront l'action de la justice criminelle dans toute l'étendue de leur ressort ils veilleront au maintien de l'ordre dans tous les tribunaux; ils auront la surveillance de tous les of ficiers de police judiciaire et officiers ministériels du

ressort.

Art. 46. En matière civile, le ministère public agit d'office dans les cas spécifiés par la loi.

Il surveille l'exécution des lois, des arrêts et des jugements; il poursuit d'office cette exécution dans les dispositions qui intéressent l'ordre public.

Art. 47. Les substituts du procureur général exercent la même action dans les mêmes cas, d'après les mèmes règles, sous la surveillance et la direction du procureur général.

En cas d'absence ou empèchement du procureur général, il est remplacé par le premier avocat général. CHAPITRE VII.

De la discipline.

Art. 48. Les juges et les officiers du ministère public qui s'absenteraient sans un congé délivré suivant les règles prescrites par la loi ou les règlements, seront privés de leur traitement pendant le temps de leur absence; et si leur absence dure plus de six mois, ils pourront être considérés comme démissionnaires, et remplacés.

Néanmoins, les juges et officiers du ministère public, pourront, après un mois d'absence, être requis par le

T. X.

procureur général de se rendre à leur poste; et faute par eux d'y revenir dans le mois, il en sera fait rapport au grand juge, qui pourra proposer à l'EMPEREUR de les remplacer comme démissionnaires.

Art. 49. Les présidents des cours impériales et des tribunaux de première instance avertiront d'office, ou sur la réquisition du ministère public, tout juge qui compromettra la dignité de son caractère.

Art. 50. Si l'avertissement reste sans effet, le juge sera soumis, par forme de discipline, à l'une des peines suivantes, savoir:

La censure simple,

La censure avec réprimande,

La suspension provisoire.

La censure avec réprimande emportera de droit privation de traitement pendant un mois; la suspension provisoire emportera privation de traitement pendant sa durée.

Art. 51. Les décisions prises par les tribunaux de première instance seront transmises, avant de recevoir leur exécution, aux procureurs généraux, par les procureurs impéraux, et soumises aux cours impériales.

Art. 52. L'application des peines déterminées par l'article 50 ci-dessus, sera faite en la chambre du conseil par les tribunaux de première instance, s'il s'agit d'un juge de ces tribunaux, ou d'un membre de justice de paix, ou d'un juge de police de leur arrondissement.

Lorsqu'il s'agira d'un membre des cours impériales, ou d'assises, ou spéciales, l'application sera faite par les cours impériales en la chambre du conseil.

Art. 53. La disposition de l'article précédent est applicable à tous les membres des cours d'assises et spéciales, qui auront encouru l'une des peines portées en l'article 50, même à ceux qui, n'ayant exercé qu'en qualité de suppléants, auront, dans l'exercice de cette suppléance, manqué aux devoirs de leur état.

Art. 51. Les cours impériales exerceront les droits de discipline attribués aux tribunaux de première instance, lorsque ceux-ci auront négligé de les exercer.

Les cours impériales pourront, dans ce cas, donner à ces tribunaux un avertissement d'être plus exacts à l'avenir.

Art. 55. Aucune décision ne pourra ètre prise que le juge inculpé n'ait été entendu ou dùment appelé, et que le procureur impérial ou le procureur général n'ait donné ses conclusions par écrit.

Art. 56. Dans tous les cas, il sera rendu compte au grand juge ministre de la justice, par les procureurs généraux, de la décision prise par les cours impériales : quand elles auront prononcé ou confirmé la censure avec réprimande, ou la suspension provisoire, la décision ne sera mise en exécution qu'après avoir été approuvée par le grand juge. Néanmoins, en cas de suspension provisoire, le juge sera tenu de s'abstenir de ses fonctions jusqu'à ce que le grand juge ait prononcé; sans préjudice du droit que l'article 82 du sénatus-consulte du 16 thermidor an X donne au grand juge, de déférer le juge inculpé à la cour de cassa ion, si la gravité des faits l'exige.

Art. 57. Le grand juge ministre de la justice pourra, quand il le jugera convenable, mander auprès de sa personne les membres des cours et tribunaux, à l'effet de s'expliquer sur les faits qui pourraient leur être imputés.

Art, 58. Tout juge qui se trouvera sous les liens d'un mandat d'arrêt, de dépôt, d'une ordonnance de prise de corps ou d'une condamnation correctionnelle, même pe dant l'appel, sera suspendu provisoirement de ses fonctions.

Art. 59. Tout jugement de condamnation rendu contre un juge à une peine même de simple police, sera transmis au grand juge ministre de la justice, qui, après en avoir fait l'examen, déno::cera à la cour de cassation, s'il y a lieu, le magistrat condamné; et, sous la présidence du ministre, ledit magistrat pourra tre déchu ou suspendu de ses fonctions, suivant la gravité des faits. Art. 60. Les officiers du ministère public dont la conduite est répréhensible, ser nt rappelés à leurs devoirs par le procureur général du ressort; il sera rendu compte au grand juge, qui, suivant la gravité des circonstances, leur fera faire par le procureur général les injonctions qu'il jugera nécessaires, ou les rande a près de lui.

Art. 61. Les cours impériales, d'assises ou spéciales sont tenues d'instruire le grand juge ministre de la ju 45

tice, toutes les fois que les officiers du ministère public exerçant leurs fonctions près de ces cours, s'écartent du devoir de leur État, et qu'ils en compromettent l'honneur, la délicatesse et la dignité.

Les tribunaux de première instance instruiront le premier président et le procureur général de la cour impériale, des reproches qu'ils se croiront en droit de faire aux officiers du ministère public exerçant dans l'étendue de l'arrondissement, soit auprès de ces tribunaux, soit auprès des tribunaux de police.

Art. 62. Les greffiers seront avertis ou réprimandés par les présidents de leurs cours et tribunaux respectifs, et ils seront dénoncés, s'il y a lieu, au grand juge ministre de la justice.

CHAPITRE IX.

Dispositions générales

Art. 63. Les parents et alliés, jusqu'au degré d'oncle et neveu inclusivement, ne pourront être simultanément membres d'un même tribunal ou d'une même cour, soit comme officiers d'un ministère public, ou même comme greffiers, sans une dispense de l'EMPEREUR. Il ne sera accordé aucune dispense pour les tribunaux composés de moins de buit juges.

En cas d'alliance survenue depuis la nomination, celui qui l'a contractée ne pourra continuer ses fonctions sans obtenir une disperse de SA MAJESTE.

Art. 64. Nul ne pourra être juge ou suppléant d'un tribunal de première instance, ou procureur impérial, s'il n'est âgé de vingt-cinq ans accomplis, s'il n'est licencié en droit, et s'il n'a suivi le barreau pendant deux ans, après avoir prêté serment à la cour impériale, ou s'il ne se trouve dans un cas d'exception prévu par la loi.

Nul ne pourra être président, s'il n'a vingt-sept ans accomplis.

Les substituts des procureurs impériaux pourront être nommés lorsquils auront atteint leur vingt-deuxième année, et s'ils réunissent les autres conditions requises.

Art. 65. Nul ne pourra être juge ou greffier dans une cour impériale, s'il n'a vingt-sept ans accomplis, et s'il ne réunit les conditions exigées par l'article précédent.

Nul ne pourra être président ou procureur général, s'il n'a trente ans accomplis.

Les substituts du procureur général pourront être nommés lorsqu'ils auront atteint leur vingt-cinquième année.

Art. 66. Toutes les dispositions contraires à la présente loi sont abrogées.

Signé NAPOLÉON.

Le Corps législatif renvoie ce projet de loi à l'examen de sa commission d'administration civile et criminelle.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à des impositions pour confection de routes de divers départements, présenté le 4 avril.

M. Tardy, membre de la commission d'administration intérieure. Messieurs, votre attention va se porter sur un projet de loi qui établit des impositions extraordinaires sur quinze départements, pour réparer ou achever des routes, ponts et autres ouvrages d'art, et pour curer des rivières et canaux.

Je ne chercherai pas à vous faire sentir l'importance de ces travaux. Il est reconnu, dès longtemps, que la circulation est un des principaux agents de la fortune agricole; qu'elle anime le commerce et favorise l'industrie; qu'ainsi, plus elle est libre et active, plus se vivifient ces trois sources de la prospérité publique.

Mais je vous dirai, Messieurs, que les travaux énoncés au projet de loi sont sollicités, presque tous, par l'intérêt personnel, s iclairvoyant en général; ils sont réclamés avec offres de contribuer aux dépenses par la presque totalité des départements, arrondissements et communes qu'il s'agit d'imposer.

Leurs conseils généraux ou particuliers ne se sont pas dissimulé le poids des charges existan

tes, ni la pénurie des moyens; mais l'espoir d'obtenir les avantages qui dérivent de la facilité des transports et communications, a prévalu, et ils ont voté avec destination, ou des sommes fixes, ou des centimes additionnels, ou des travaux en nature.

Le Gouvernement seconde leurs efforts : il fournit un contingent pour chaque objet de dépense, et concourt ainsi à augmenter les fortunes

particulières, dont se compose la richesse de

La loi du 16 septembre 1807 a déterminé la quotité des contributions respectives: elle statue que les départements qui doivent recevoir des améliorations à leur territoire, par l'ouverture d'un canal de navigation ou d'une grande route, la construction d'un pont ou le perfectionnement de la navigation d'une rivière, sont susceptibles de contribuer aux dépenses des travaux; mais que ces contributions particulières ne pourront s'elever au-delà de la moitié de la dépense, et que le Gouvernement fournira l'excédant.

Que s'il s'agit de l'établissement ou perfection d'une petite navigation, d'un canal de flottage, de l'ouverture ou entretien de routes d'un intérêt local, construction ou entretien de ponts sur ces routes ou sur des chemins vicinaux, les départements, arrondissements et communes intéressées, y contribueront suivant les degrés d'utilité respective; et que, dans ce cas, le Gouvernement ne fournira des fonds que lorsqu'il le jugera convenable.

Ainsi, deux règles sont posées.

Pour les travaux d'un intérêt commun à plusieurs départements, ceux-ci sont assujettis à une portion contributive, qui ne peut surpasser la moitié de la dépense; l'excédant est à là charge du Gouvernement.

Pour les travaux d'un intérêt local, les départements, arrondissements et communes en doivent supporter la dépense proportionnellement aux avantages qu'ils ont lieu d'en espérer, et le Gouvernement n'y contribue que lorsqu'il le juge à propos.

Ces règles sont-elles observées dans le projet de loi? C'est à l'examen de cette question que votre commission a dû principalement s'attacher.

Dans les départements des Basses-Alpes, des Landes, du Léman, de la Marne, de l'Ourte et des Deux-Sèvres, il y a des routes à réparer, des ponts à construire et d'autres ouvrages d'art à exécuter. Quoique ces routes ne puissent être assimilées les unes aux autres, quant à l'utilité, le Gouvernement, par une faveur égale, les assimile, quant aux secours qu'il accorde; il se charge de la moitié de toutes les dépenses, et ne laisse que l'autre moitié à la charge des départements, arrondissements ou communes, dans les proportions de leur intérêt. Ces proportions sont déterminées par les délibérations des conseils généraux ou particuliers, les rapports des ingénieurs et les avis des préfets.

Dans le département de l'Allier, il s'agit de réparer la route de Montmarault à Saint-Pourçain, route de troisième classe et d'une utilité en quelque sorte locale. Comme elle facilite l'exploitation d'une forêt impériale, le Gouvernement fournit une somme approximative de la moitié des dé

penses.

Deux routes seront achevées dans le département du Calvados: l'une de Saint-Lô à Vire par Thorigny, l'autre de Rouen à Caen par Pontl'Evêque et Troarn. La première n'étant que d'un intérêt local, le Gouvernement ne contribue aux dépenses que pour un tiers. Quant à la seconde,

il observe les proportions déterminées par un décret impérial du 30 ventôse an XIII, qui en a ordonné l'ouverture et qui a fixé les premiers contingents.

Le Gouvernement observe de même les proportions établies pour une route de Grenoble à Briançon par le Lantaret, ouverte en exécution d'une loi du 9 ventôse an XII. Cette route, qui facilite les communications entre la France et l'Italie, et qui, conséquemment, est de la plus grande importance, coûtera près de 3 millions. Le premier aperçu des dépenses les portait à 1,306,792 francs. Le département de l'Isère y a contribué pour 500,000 francs, suivant ses offres. Des obstacles, imprévus sans doute, exigent une augmentation de 1,500,000 francs. Le département de l'Isère n'y contribuera encore que pour 500,000 francs, et le surplus sera fourni, comme il l'a été pour les premières dépenses, sur les fonds assignés aux travaux publics.

Les routes de troisième classe du département du Jura, au nombre de vingt-quatre, sont dans un état de dégradation absolue; et telle est l'impatience de ses habitants actifs et laborieux, de rendre l'essor à leur industrie comprimée par la difficulté des communications, qu'ils ont multiplié leurs offres: ils ont voté, d'une part, trois centimes additionnels pendant cinq ans, et de l'autre, des prestations, en nature, pour une somme égale au produit des trois centimes additionnels.

Le département de la Meuse a suivi l'exemple du Jura, quant aux prestations en nature: il en a offert jusqu'à la concurrence de 308,510 francs pour réparer ses routes de troisième classe, et il à sollicité du Gouvernement des fonds suffisants pour l'exécution des ouvrages d'art. Son vou est également accueilli par le projet de loi, qui répartit sur trois années les travaux personnels, et charge le trésor public de 122,676 francs pour les ouvrages d'art.

Les routes de troisième classe du département de la Lys ont été aussi le sujet des délibérations de son conseil général il a voté pour les réparations 50,524 francs à prendre, pendant dix années, sur le produit de ses quatre centimes facultatifs, et 31,292 francs à imposer, pendant le même espace de temps, sur les communes particulièrement intéressées aux réparations. Le projet de loi admet ses offres, et le trésor public fournit, par chacune des dix années, 35,515 francs, conformément au vœu exprimé par le conseil général du départe

ment.

Une loi du 26 nivôse an XIII a ordonné la construction d'un pont sur les deux bras du Rhône, entre Avignon et Villeneuve, et assigné des contingents dans les dépenses au département du Gard, à l'arrondissement d'Uzès, au département de Vaucluse, à la ville d'Avignon et au trésor public. Pour terminer cette construction, il faut ajouter de nouveaux fonds aux premiers: le projet de loi les fixe à 414,477 fr. 20 c., et les répartit de la même manière et dans les mêmes proportions que la loi du 26 nivôse an XIII.

Enfin, dans le département du Pas-de-Calais, il était nécessaire de curer les rivières de la Scarpe, de la Lawe, de l'Aa, ainsi que les canaux de Calais à Saint-Omer, Guines et Ardres. Le Gouvernement a fait des avances pour commencer les travaux, et il faut de nouveaux fonds pour les terminer. Le projet de loi assure le remboursement des sommes avancées, et pourvoit à l'acquit des travaux projetés, par une imposition d'un centime additionnel, pendant trois années,

sur les arrondissements de Saint-Lô et de Montreuil, et de deux centimes additionnels sur les arrondissements de Bethune, Arras, Saint-Omer et Boulogne. Ces proportions sont calculées sur les intérêts respectifs, et le trésor public fournit un contingent, quoiqu'il ne s'agisse que de rivières et canaux de petite navigation.

Telles sont, Messieurs, les différentes parties du projet de loi soumis à votre approbation. S'il en résulte des impositions nouvelles, ce surcroît sera moins pénible, en ce qu'il est volontaire, divisé en plusieurs années et réparti avec justice; en ce qu'il est, en un mot, autant l'ouvrage des contribuables que celui du Gouvernement. Les avantages qu'il promet sont certains: la confection des travaux ordonnés replacera les départements auxquels ils s'appliquent dans une sphère d'activité qui ne saurait trop s'étendre pour le bien des peuples et de l'Etat.

Votre commission, Messieurs, vous propose de convertir ce projet en loi.

La discussion est fermée.

Le Corps législatif procède au scrutin et adopte le projet de loi par 235 voix contre 7. La séance est levée.

CORPS LEGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. HEBERT, VICE-PRÉSIDENT.
Séance du 13 avril 1810.

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. M. le président. M. Lefèvre-Gineau a la parole pour presenter un hommage.

M. Lefèvre - Gineau. Messieurs, plusieurs siècles avant notre révolution, l'on avait senti en France combien il serait utile au commerce et à l'ordre social de n'avoir dans le royaume qu'une seule mesure, qu'un seul poids. Les savants allaient plus loin: ils désiraient une mesure de longueur dont le type impérissable se trouvât dans les dimensions du globe de la terre, ou put se reproduire dans un fait physique aussi universel, aussi invariable que la nature elle-même. Les uns avaient proposé la longueur du pendule qui bat les secondes dans un point déterminé de la surface du globe; les autres auraient préféré une partie aliquote de l'arc d'un méridien terrestre compris entre le pôle et l'équateur.

L'Assemblée constituante, capable d'accueillir les grandes idées et de les mettre à exécution, écouta favorablement, à ce sujet, le projet qui lui fut présenté en 1791, par l'académie des sciences. Un décret du 26 mars, sanctionné le 30, chargea l'académie de mesurer l'arc du méridien compris entre Dunkerque et Barcelonne; de conclure de cette mesure et de la grandeur des arcs mesurés antérieurement près de Tornéo en Suède, et au Pérou sous la ligne, la grandeur de l'are compris entre le pôle et l'équateur en passant par Dunkerque; enfin de constater, par des expériences faites au bord de la mer, à une température et à une latitude données, le nombre d'oscillations que battrait un pendule qui aurait pour longueur la dix millionnième partie de l'arc entier conclu des mesures précédentes.

« La longueur de ce pendule devait servir de base au nouveau système métrique complet, c'està-dire aux mesures des longueurs, des surfaces, des volumes et des poids. C'est le mètre.

« Les observations, les mesures, les expériences furent terminées en l'an XII par les savans français. Mais afin de donner à cette grande opération un caractère solennel d'authenticité, le Gou

vernement invita les nations amies à prendre part à la détermination finale de l'importante unité métrique. Des savants, députés à cet effef, arrivèrent à Paris, et emportèrent ensuite chez eux le désir et les moyens de rendre le travail qui venait de s'achever, aussi profitable à leur patrie qu'il l'était déjà pour la France. Les grands changements, quelle que soit leur utilité, se font ordinairement avec lenteur. La Toscane attendait encore les bienfaits des nouvelles mesures lorsqu'elle fut appelee à faire partie de l'empire francais. Alors la Junte extraordinaire résolut de faire procéder à la confrontation des mesures toscanes au mètre et au kilogramme; de faire calculer des tables de réduction de toutes les parties du système métrique toscanau nouveau système français.

Une commission, présidée par M. Jean Fabbroni, notre collègue, dont le nom est depuis longtemps honoré dans les sciences, et que le gouvernement de Toscane avait député à la commission, en quelque sorte européenne, des poids et mesures à Paris, fut chargée de ce travail.

Le volume dont je fais hommage en ce moment au Corps législatif, au nom de M. Fabbroni, contient le rapport des opérations faites avec autant de zèle que d'exactitude, par la commission, pour exécuter le décret de la Junte; il contient les tables de réduction dressées par les mêines savants, avec le même soin, afin de préparer en Toscane l'établissement du nouveau système métrique.

Je demande la mention de l'hommage au procès-verbal, et le dépôt du livre à la bibliothèque. Cette proposition est adoptée.

On introduit MM. les comtes Regnaud-de-SaintJean-d'Angely, Begouen et Molé, ministre et conseillers d'Etat, chargés de présenter au Corps législatif un projet de loi sur les mines, minières et carrières.

M. le comte Regnauld (de Saint-Jeand'Angély). Messieurs, il est pour les empires des époques mémorables où le progrès des lumières, les besoins de la société, le changement des mœurs, la variation des rapports commerciaux, l'intérêt des manufactures et des arts commandent une reconstruction entière de l'édifice des lois nationales.

Ainsi le siècle de Louis XIV vit paraître les ordonnances nombreuses qui régularisèrent toutes les parties du droit civil, toutes les branches de Fadministration, qui statuèrent sur tous les inté rêts du monarque et des sujets, sur tous les droits de l'Etat et des citoyens.

Il appartenait à un règne plus glorieux encore que celui de Louis le Grand, à une époque où le temps, l'expérience et le malheur même, ont étendu les lumières, fortifié le jugement et inûri les grandes pensées, de voir préparer, rédiger, publier des Codes nouveaux, nécessaires après tant de changements, après la proclamation successive de tant de vérités et d'erreurs; des Codes nouveaux, trésors de législation, où sont renfermées les richesses de tous les siècles, les conceptions de tous les sages, les travaux de tous les peuples, et qui, appropriés à l'état actuel de la grande nation, sont les garants immortels de la propriété, de l'ordre, de la justice, de la paix publique, du perfectionnement des arts, de l'accroissement de l'industrie et bientôt de la prospérité du commerce.

Parmi les parties de la législation qui ont fixé les regards de SA MAJESTÉ IMPERIALE ET ROYALE, la législation des mines devait être un objet spécial de ses méditations.

En établissant les principes de la propriété, le Code Napoléon, article 552, avait en quelque sorte posé la première pierre d'un autre monument législatif, sur lequel devait reposer le grand intérêt de l'exploitation des mines; de ces richesses, sans cesse élaborées dans le sein de la terre, sans cesse recherchées par l'industrie, sans cesse versées dans la société pour satisfaire à ses besoius et accroître sa richesse.

C'est cette loi, devenue plus nécessaire, mais plus difficile par la multiplication, la diversité, l'étendue, l'importance des intérêts sur lesquels elle statue, c'est cette loi, Messieurs, que nous vous apportons.

Elle a été préparée par de longues recherches sur les principes suivis, en pareille matière, dans les temps anciens et modernes, et par l'examen des inconvénients de la législation actuelle de la France et des pays réunis. Je vous présenterai d'abord le résultat de ce travail préparatoire.

Je vous exposerai ensuite comment, en respectant, avec le droit romain et le Code Napoléon, le droit du propriétaire de la surface, le conseil de SA MAJESTÉ a été amené à consacrer le principe de la propriété incommutable des mines dans les mains des concessionnaires, à leur imprimer le caractère de biens patrimoniaux, pour garantir la conservation, l'activité, le succès des exploitations diverses.

Enfin je vous montrerai comment l'action de l'administration générale, et d'une administration spéciale des mines, agira sur ces nouvelles propriétés, sans gêner le possesseur dans l'exercice de son droit et de sa volonté, en usant de l'ascendant des lumières et non de l'influence de l'autorité, en persuadant sans contraindre.

Les détails de la loi se trouveront indiqués, expliqués, justifiés dans ces trois principales divisions que je vais reprendre successivenient.

PREMIÈRE PARTIE.

De la législation antérieure et actuelle en Europe et en France.

Selon l'ancien droit romain, le propriétaire de la surface l'était de toutes les matières métalliques renfermées dans le sein de la terre.

Depuis et sous les empereurs, on put exploiter les mines dans le fonds d'autrui, puisque la loi régla la redevance à payer en ce cas. Elle était d'un 10 au profit du propriétaire, et d'un 10o au profit du fisc.

Dans la partie septentrionale de l'Europe, où se trouvent les mines les plus abondantes, la législation sur les mines a dû occuper davantage les gouvernements.

Le droit des propriétaires, la prétention des seigneurs féodaux, l'intérêt de l'exploitation sont les mobiles divers qui ont dirigé la législation, tantôt l'un des motifs l'emportant sur l'autre, tantôt se balançant pour satisfaire à tous les intérêts.

Mais le résultat auquel on est arrivé dans le dernier siècle, est presque uniforme dans les Etats voisins.

En Prusse, l'ordonnance de 1772 réserve au domaine le droit d'exploiter ou de concéder toutes les mines. La concession réserve un droit au propriétaire du sol.

En Hongrie, l'ordonnance de Maximilien désigne toutes les mines comme bien de la chambre royale, et défend d'en ouvrir sans l'autorisation du souverain.

En 1781, l'empereur Joseph, dans son règle

ment sur les mines (1), consacre formellement le même principe.

En Bohême, le droit régalien, également consacré, a été cédé aux Etats, à la charge d'accorder des concessions, ainsi qu'il est dit à l'article 1er de l'ordonnance de Joachimisthal.

En Autriche, l'ordonnance de Ferdinand établit le même principe qu'en Hongrie.

En Saxe, la loi distingue les mines de bouilles des autres mines. Celles-là ne sont pas sujettes au droit régalien qui est établi pour toutes les autres. Cependant hulle exploitation, même des houillères, ne peut avoir lieu sans la permission et la concession du souverain.

En Hanovre, en Norwége, la loi dispose comme l'ordonnance de Joachimisthal que j'ai déjà citée pour la Bohême.

En Suède, pays que la nature semble avoir voulu consoler, par ses richesses minérales, d'être si maltraité sous d'autres rapports, toutes les mines appartiennent à la couronne.

En Angleterre, le droit d'entamer la surface du terrain, non-seulement pour exploiter les mines, mais encore les carrières, se nomme Royalti, et appartient au souverain. Guillaume le céda à ses officiers sur les terres qu'il leur donna. Il a été l'objet de diverses transactions qui l'ont fait changer de main mais il est toujours resté indépendant de la surface.

En Espagne, les mines sont considérées comme propriété publique.

En France, jusqu'en 1791, la législation n'a jamais été ni bien solennelle ni bien régulière, parce que les tribunaux n'ont jamais pris connaissance des affaires de mines, exclusivement traitées au conseil du roi.

Là, les lois étaient modifiées par des décisions particulières; le crédit, la faveur, l'intrigue faisaient obtenir et révoquer successivement les mêmes concessions, et l'Assemblée constituante, quand elle s'occupa de cette partie de la législation, était convaincue que les mines étaient devenues la proie des courtisans se jouant également des droits du propriétaire de la surface et de ceux des inventeurs.

Toutefois, on tenait pour constant, avant 1791, que les mines en France étaient une propriété domaniale.

La loi de juillet 1791 fut le résultat d'une discussion solennelle, la dernière que Mirabeau ait éclairée de son savoir et influencée par son éloquence.

Vous connaissez, Messieurs, ses dispositions principales je n'en rappellerai que quelques unes pour faire apercevoir qu'elles furent plutôt une transaction entre des avis opposés, qu'une décision franche, claire et précise sur des questions controversées.

En effet, l'article ler met les mines, etc., à la disposition de la nation, ce qui suppose que le Gouvernement en disposera selon l'intérêt de la société; et l'article 3 attribue une préférence aux propriétaires de la surface, ce qui exclut pour le Gouvernement la liberté de la disposition. Puis vient l'article 10, qui subordonne le droit des propriétaires à l'examen de leurs moyens d'exploitation, c'est-à-dire, fait résulter l'exercice d'un droit positif de la décision arbitraire d'un fait.

L'article 19 accorde la préférence aux concessionnaires anciens pour une concession nouvelle

A Constitutiones circa exercitium regale metalli fodinarum.

après l'expiration de la leur; et cependant le droit du propriétaire de la surface était menaçant sans cesse, prêt à le dépouiller si on le reconnaissait, ou méconnu si on respectait le droit du concessionnaire.

Aussi cette loi de 1791, dans les premières années de sa publication, avait été presque inexécutée, et les mines étaient dans toute la France sans surveillance, sans activité, pour ainsi dire saus produits, lorsque le comité de salut public, forcé, pour se défendre, de rassembler tous les moyens, toutes les ressources, de réunir tous les efforts, tous les talents, créa en l'an II une administration des mines.

Comme tous les établissements utiles de cette fameuse époque, l'institution du conseil des mines fut l'ouvrage de quelques savants précieux qui ne se sont distingués que par leurs services, et qui n'ont échappé à la proscription que par le besoin que l'on avait d'eux.

Il fut spécialement l'ouvrage de ce Fourcroy, que les sciences et les arts ont pleuré, qui fut également distingué par son éloquence et son savoir, et qui, si la mort ne l'eût enlevé à la patrie, aux conseils du prince, et à l'amitié, porterait aujourd'hui la parole devant vous, et traiterait bien mieux le sujet dont je vous entretiens.

Ce conseil eut la plus heureuse influence sur la réunion de toutes les ressources qui pouvaient fournir aux armées françaises les moyens de défense et de succès, les mines furent exploitées, les usines mises en activité, et de ce premier mouvement, désordonné d'abord, comme tout ce qui s'opérait dans ces temps de troubles, résultèreut, quand la secousse eut cessé, des connaissance théoriques plus étendues, des connaissances pratiques plus positives, enfin le sentiment du besoin, de la nécessité d'une amélioration.

Le conseil des mines profita des travaux de M. Sage, ce Nestor de la métallurgie, premier fondateur de l'Ecole des mines; des sujets furent formés en assez grand nombre, et par leur moyen, l'administration porta les lumières et la surveillance sur cette partie trop longtemps negligée.

Mais l'imperfection de la législation de 1791 offrait tantôt des obstacles, tantôt des lacunes. plus sensibles encore depuis la réunion des départements voisins de l'Escaut et du Rhiu.

Le ministre de l'intérieur essaya de remédier aux embarras sans cesse renaissants, en publiant. le 18 messidor an IX, une instruction fort détaillée, réglant un grand nombre de cas non prévus, et modifiant par de nombreuses interprétations les dispositions positives de la loi de 1791.

L'administration générale des mines a marché pendant quelque temps, à l'aide de ces palliatifs, dont on n'a pas tardé à sentir l'insuffisance.

Le principal inconvénient était l'incertitude dans laquelle était chaque exploitant sur la permanence de sa jouissance, sur la nature de sa propriété.

Obligé d'agir administrativement, le ministère. pouvait blesser des droits sur lesquels il n'était pas toujours assez éclairé, et les capitaux se dirigeaient avec hésitation vers des entreprises trop peu garanties par la loi.

D'un autre côté, les nombreuses exploitations des riches départements du Nord n'étaient pas régularisées; les droits des sociétés charbonnieres qui n'avaient pas exécuté la loi de 1791, restaient in ertains, attaqués par des voisins jaloux. par des intrigants avides, par des concurrences spécieuses.

Il fallait un terme à ces embarras de l'admi

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