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propre bonheur, celui du peuple occupe seul toute votre âme. Elle s'est emue à l'aspect de la grande famille (c'est ainsi que vous nommez la France); et quoique sur de tous les dévouements, vous offrez la paix à la tête d'un million de guerriers invincibles.

« C'est dans ce généreux dessein que vous avez vu l'Empereur de Russie. Jadis, quand des souverains aussi puissants se rapprochaient des bouts de l'Europe, tous les États voisins étaient en alarmes. Des présages sinistres et menaçants accompagnaient ces grandes entrevues. Epoque vraiment mémorable! Les deux premiers monarques du monde réunissent leurs étendards, non pour l'envahir, mais pour le pacifier.

« VOTRE MAJESTÉ, SIRE, a prononcé le mot de Sacrifices, et nous osons le dire à VOTRE MAJESTÉ même, ce mot achève tous vos triomphes. Certes, la nation ne veut pas plus que vous de ces sacrifices qui blesseraient sa gloire et la vôtre. Mais il n'était qu'un seul moyen d'augmenter votre grandeur, c'était d'en modérer l'usage. Vous nous avez montré le spectacle de la force qui dompte tout, et vous nous avez réservé un spectacle plus extraordinaire, celui de la force qui se dompte elle-même.

« Un peuple ennemi prétend, il est vrai, retarder pour vous cette dernière gloire. Il est descendu sur le continent, à la voix de la discorde et des factions. Déjà vous avez pris vos armes pour marcher à sa rencontre déjà vous abandonnez la France, qui, depuis tant d'années, vous a vu si peu de jours; vous partez, et je ne sais quelle crainte, inspirée par l'amour, et tempérée par l'espérance, a troublé toutes les âmes! Nous savous bien pourtant que partout où vous êtes, vous transportez avec vous la fortune et la victoire. La patrie vous accompagne de ses regrets et de ses vœux elle vous recommande à ses braves enfants qui forment vos légions fidèles. Ses vœux seront exaucés: tous vos soldats lui jurent, sur leurs épées, de veiller autour d'une tête si chère et si glorieuse, où reposent tant de destinées. SIRE, vous reviendrez bientôt triomphant ; la main qui vous conduisit de merveille en merveille au sommet des grandeurs humaines, n'abandonnera ni la Francejni l'Europe, qui, si longtemps encore, ont besoin de vous. »

L'EMPEREUR a répondu :

«Messieurs le président, et députés du Corps législatif.

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Mon devoir et mes inclinations me portent à partager les dangers de mes soldats. Nous nous sommes mutuellement nécessaires. Mon retour dans ma capitale sera prompt. Je compte pour peu les fatigues, lorsqu'elles peuvent contribuer à assurer la gloire et là grandeur de la France.

« Je reconnais dans la sollicitude que vous m'exprimez, l'amour que vous me portez; je vous en remercie. »

Le Corps législatif ordonne l'impression de l'adresse et de la réponse de S. M. l'EMPEREUR à six exemplaires.

L'ordre du jour appelle l'élection des quatre vice-présidents: on y procède par appel nominal au scrutin secret, en la forme prescrite par la loi. Le résultat de ce scrutin n'ayant donné la majorité absolue à aucun des membres du Corps légisJatif, on procède de suite à un second scrutin, lequel, recensé par MM. les secrétaires provisoires et dépouillé par des commissaires scrutateurs à la vue de l'Assemblée, comme le précédent, le nombre des votants étant de 208, majorité absolue 105, il en résulte que MM. Demeulnaère, Dal

mas et Thomas (de la Marne) ont acquis la majorité absolue, le premier ayant réuni 127 suffrages, le second 115, et le troisième 109.

Ils sont, en conséquence, proclamés vice-présidents.

Aucun des autres concurrents n'ayant atteint la majorité absolue,

Le Corps législatif arrête qu'il procédera dans la séance de demain à un troisième scrutin pour la nomination du quatrième vice-président, et qu'il ne sera plus voté que sur MM. Botta et Becquey, qui, au second scrutin, ont reçu le plus grand nombre de suffrages, sans avoir obtenu la majorité absolue.

La séance est levée.

CORPS LÉGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. DEMEULNAÈRE, VICE-PRÉSIDENT. Séance du 28 octobre 1808.

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. M. A. Vanrecum, membre du Corps législatif, ancien grand bailli et conseiller de la cour dé justice dans le palatinat du Rhin, membre de plusieurs sociétés savantes et littéraires, fait hommage au Corps législatif d'un ouvrage de sa composition, intitulé: Méditations sur diverses questions de jurisprudence criminelle, dédié au président et aux membres du Corps législatif.

Les lacunes existantes dans les lois pénales relatives aux délits de concussion, de contrebande, de conscription militaire et des comptables publics en déficit, ont fixé particulièrement l'attention de l'auteur de cet ouvrage. S'il propose des moyens sévères à cet égard, c'est parce que ses principes théoriques y sont conformes et sont confirmés par l'expérience. M. Vanrecum en recommande l'examen à ses collègues composant la commission de législation.

Le Corps législatif agrée cet hommage, arrête qu'il en sera fait mention au procès-verbal, et ordonne le dépôt de l'ouvrage à sa bibliothèque.

M. le président reçoit de M. le secrétaire d'Etat une expédition du procès-verbal de l'ouverture de la session du Corps législatif, dont l'original est déposé aux minutes de la secrétairerie d'Etat. Le Corps législatif en ordonne la transcription au présent procès-verbal.

Le Corps législatif reçoit par un message l'acte émané de S. M. l'EMPEREUR ET ROI dont la teneur suit :

« NAPOLÉON, EMPEREUR DES FRANÇAIS, ROI D'ITALIE ET PROTECTEUR DE LA CONFÉDÉRATION DU RHIN, « Vu le message en date du 17 septembre 1808, par lequel le Corps législatif a présenté, pour candidats à la présidence, MM. Fontanes, Tupinier, Raynouard et Barral;

Vu également le message en date du 26 octobre, présent mois, par lequel le Corps législatif a présenté, comme candidat à la présidence, pour la présente année 1808, M. de Montholon,

« Nous avons nommé et nommons le sieur Fontanes, président du Corps législatif.

«En notre palais impérial des Tuileries, le 27 octobre 1808.

:

Signé NAPOLÉON. La lecture de ce décret est suivie de nombreuses marques d'assentiment.

M. Noaille obtient la parole et dit :

Législateurs, vous venez d'applaudir à la nomination de M. Fontanes; ce sentiment unanime du Corps législatif pour son président lui était bien dû.

Mais nous devons à notre président une autre

preuve de notre attachement; chacun de nous s'est félicité, lorsqu'il a été nommé grand maître de l'Université impériale: ses talents et ses vertus ont reçu une récompense digne de lui.

S. M. L'EMPEREUR ET ROI, en appelant M. Fontanes à une des places les plus éminentes de l'Etat, a honoré le Corps législatif. Ce bienfait excite toute notre reconnaissance; elle est sans bornes, comme notre dévouement à sa personne sacrée.

Je crois remplir le vœu de tous les membres du Corps législatif en demandant que le procès-verbal contienne nos félicitations les plus sincères à notre président pour ce nouveau témoignage de la confiance de SA MAJESTÉ.

Le Corps législatif adopte cette proposition. M. Desribes obtient la parole et prononce le discours suivant :

Mes collègues, nous nous souviendrons longtemps des émotions touchantes, des vives et profondes impressions que nous avons éprouvées à la lecture de l'adresse portée à S. M. L'EMPEREUR ET ROI, au nom du Corps législatif.

Cette production que nous devons, comme tant d'autres, à M. Fontanes, nous a pénétrés d'admiration et de reconnaissance, par le talent avec lequel s'y trouvent dignement exprimés nos sentiments d'amour et de respect, et ceux de la nation entière pour notre auguste monarque.

Déjà nos applaudissements unanimes et répétés ont fait le plus bel éloge de ce chef-d'œuvre de génie et d'éloquence, tableau fidèle de toutes nos pensées; et ce serait vouloir l'affaiblir que d'ajouter encore à cet élan de nos cœurs. Mais nous devons consigner au procès-verbal cette mention de nos sentiments!

L'orateur présente un projet d'arrêté qui est mis aux voix et adopté en ces termes :

Le Corps législatif vote des remerciments à M. le président Fontanes, comte de l'empire, auteur de l'adresse à S. M. l'EMPEREUR ET ROI.

Une expédition du procès-verbal lui sera portée par les membres du bureau, comme un témoignage de la gratitude du Corps législatif et de son inaltérable attachement.

L'ordre du jour appelle la continuation des scrutins pour la nomination d'un quatrième viceprésident.

Les votes doivent se fixer exclusivement sur MM. Botta (du département de la Loire), et Becquey (du département de la Marne), qui, dans la séance d'hier, obtinrent au second scrutin le plus grand nombre de suffrages, sans avoir atteint la majorité absolue.

L'appel nominal, le réappel et le compte des votes sont faits par MM. les secrétaires provisoires.

Il résulte du dépouillement du scrutin fait par MM. les commissaires scrutateurs, que, sur 223 votants, M. Botta a obtenu la majorité absolue, ayant réuni 159 suffrages.

M. Botta est proclamé vice-président.

En exécution de l'article 16 du sénatus-consulte organique du 28 frimaire an XII, le Corps législatif procède, par appel nominal, au scrutin secret, en la forme usitée, pour la nomination des quatre secrétaires définitifs.

Le nombre des votants, constaté par MM. les secrétaires provisoires, est de 251; majorité absolue 126.

Il résulte du dépouillement du M. Bassenge (du département de, la majorité absolue,

M. Bassenge est pi

Aucun autre candid

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scrutin que

14a obtenu

frages.

rité absolue, le Corps législatif procède de suite à un second scrutin, dont le dépouillement produit le résultat suivant:

Le nombre des votants étant de 204; majorité absolue 103.

MM. Delahaye (du département du Loiret), Lemaire-Darion (du département de l'Oise), et Jubé (du département de l'Isère), ont obtenu la majorité absolue, le premier ayant réuni 148 suffrages, et chacun des deux derniers, 127.

En conséquence, MM. Delahaye, Lemaire-Darion et Jubié sont proclamés secrétaires du Corps législatif.

La séance est levée.

CORPS LÉGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. FONTANES, COMTE DE L'EMPIRE. Séance du 29 octobre 1808.

MM. Bassange, Delahaye, Lemaire-Darion et Jubié, secrétaires définitifs, prennent place au bureau.

Le procès-verbal de la séance d'hier est lu et adopté.

M. le président communique différentes lettres qui lui ont été adressées par des membres du Corps législatif, savoir :

Par M. Marescot, lieutenant-colonel, chef de l'état-major du génie à l'armée d'Espagne, qui écrit que son activité de service ne lui permettra pas de se rendre au Corps législatif pendant le cours de cette session.

Et par MM. Chestret, Blagnat et Ténières-Brómenil, annonçant que le mauvais état de leur santé les met dans l'impossibilité de se rendre au Corps Législatif, pour ses premières séances, et qu'ils se réuniront avec empressement à leurs collègues aussitôt qu'ils seront rétablis.

M. Blanquart-Bailleul. Messieurs, M. Becquey, notre collègue, fait hommage au Corps législatif de sa traduction en vers des quatre premiers livres de l'Eneide, et cet ouvrage ne peut pas être moins bien accueilli par vous, qu'il ne l'a été par le public. Nous ne venons pas ici faire l'éloge de cette traduction; le mérite en est déjà reconnu, et les beautés qu'elle renferme assurent à son auteur une place distinguée dans la république des lettres.

Sans s'être fait un système particulier de traduction, sans s'être attaché à rendre le vers par le vers, le mot par le mot, ce qui, de toutes les entreprises, eût été la plus étrange, M. Becquey s'est seulement imposé des règles plus sévères que ses devanciers. Il a pensé, et qui pourrait l'en blâmer? il a pensé, dis-je qu'en traduisant un poëte aussi parfait que Virgile, il fallait précieusement conserver ses pensées, ses images, et rendre, dans toute leur pureté des sentiments et des tableaux auxquels on ne peut ajouter ni retrancher sans les altérer ou les défigurer. Cette grande fidélité dont M. Becquey s'est fait une loi, règne donc dans toute sa traduction, et c'est un mérite qui sera senti par ceux qui peuvent la comparer avec le poëte original.

Nous nous félicitons sans doute, Messieurs, de pouvoir témoigner un nouveau genre d'estime à notre collègue, M. Becquey, déjà si recommandable par l'aménité de son caractère, la douceur de ses mœurs et cette extrême réserve qui offre en lui une nouvelle preuve que la modestie est la pagne du talent.

demande que mention soit faite au procèsde l'hommage de M. Becquey.

oposition est adoptée.

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L'ordre du jour appelle la nomination de six candidats, parmi lequels S. M. I'EMPEREUR ET ROI doit nommer deux questeurs en remplacement de MM. Despallières et Nougarède, dont les fonctions sont expirées.

Le nombre des votants est de 210; majorité absolue 106.

Les deux questeurs sortant d'exercice réunissent, savoir: M. Despallières 169 suffrages, et M. Nougarède 137.

Ils sont proclamés candidats.

Aucun autre membre n'ayant réuni la majorité absolue, il est procédé à un second scrutin.

Le nombre des votants est de 231; majorité absolue 116.

M. Caze-Labove obtient 172 voix; M. Golzart, 154; M. Frémin-Beaumont 148; et M. ChabaudLatour, 144.

Ils sont proclamés candidats par M. le président.

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Je jure obéissance aux constitutions de l'empire et fidélité à l'Empereur.

Mention au procès-verbal.

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M. Francoville, membre du Corps législatif, écrit qu'une indisposition grave l'empêche de se rendre à son poste.

Mention au procès-verbal.

En exécution des articles 1 et 2 du sénatusconsulte du 19 août 1807, le Corps législatif procède, par appel nominal, au scrutin secret, à la nomination des sept membres qui doivent composer la commission d'administration intérieure.

Le nombre des votants est de 256: majorité absolue 129.

Aucun candidat ne réunit la majorité absolue. Il est procédé à un deuxième scrutin.

Le nombre des votants est de 235 majorité absolue 118.

M. Favard réunit 152 suffrages et est proclamé membre de la commission d'administration intérieure.

Aucun autre candidat n'ayant réuni la majorité absolue, il sera procédé le 2 novembre à un troisième scrutin, dans lequel il ne sera voté que sur les douze législateurs qui ont eu le plus de voix sans atteindre la majorité absolue. Ce sont MM. Gendebien, Roger, Chapuis, Reynaud-Lascours, Jacquet, Delamardelle, Lajard (de l'Hérault), Michelet-Rochemont, Tardy, Sapey, Dumolard, Grenier (de l'Hérault).

La séance est levée.

SÉNAT CONSERVATEUR.

PRESIDENCE DE S. A. S. MONSEIGNEUR L'ARCHICHANCELIER.

Séance du 2 novembre 1808.

Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des constitutions de l'an VIII,

Vu le projet de sénatus-consulte rédigé en la

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Art. 1er. Il sera formé un nouveau département, dont la ville de Montauban sera le chef-lieu, sous le nom de département de Tarn-et-Garonne.

Art. 2. Ce département sera divisé en trois arrondissement, savoir :

10 L'arrondissement de Montauban, lequel sera composé des cantons de Montauban, est et ouest, Négrepelisse; Caussade, Caylux, Montclar, Lafrançaise, Montpezat, Molières, tous pris du département du Lot; et du canton de Saint-Antonin, du département de l'Aveyron.

20 L'arrondissement de Moissac, lequel sera composé des cantons de Moissac, Lauzerte, le Bourg-de-Visa, pris du département du Lot; des cantons de Montaigu, Auvillars et Valence, du département de Lot-et-Garonne. 3o L'arrondissement de Castel-Sarrazin, composé des cantons de Castel-Sarrazin, Beaumont, Grisolles, Montech, Saint-Nicolas, Verdun, Villebrumier, du département de la Haute-Garonne; et du canton de Cavit, du département du Gers.

Art. 3. Le département de Tarn-et-Garonne sera placé dans la 4 série.

Art. 4. La ville de Montauban sera au nombre des bonnes villes dont les maires assistent au couronnement de l'Empereur.

Art. 5. Le nombre des députés au Corps législatif sera de deux.

Art. 6. Le présent sénatus-consulte sera transmis, par un message, à S. M. l'EMPEREUR ET ROI.

Les président et secrétaires:

Signe CAMBACERES, archichancelier de l'empire, président.

HERWIN, T. HEDOUVILLE, secrétaires.

Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des constitutions du 22 frimaire an VIII;

Considérant qu'en comparant la superficie, la population et l'importance du département des Basses-Pyrénées à celles d'un assez grand nombre de départements de l'empire, il est aisé de reconnaître que ce n'a pu être que par erreur qu'on n'a donné que deux députés au Corps législatif à ce département; qu'en partant des données qui ont servi de bases aux dispositions de l'article 69 de l'acte des constitutions de l'empire, en date du 16 thermidor an X, lequel a déterminé le nombre des députés que chaque département devrait fournir, celui des Basses-Pyrénées aurait dû en avoir trois;

Vu le projet de sénatus-consulte, rédigé en la forme prescrite par l'article 57 de l'acte des constitutions de l'empire, en date du 16 thermidor an X;

Après avoir entendu, sur les motifs dudit projet, les orateurs du conseil d'État et le rapport de sa commission spéciale, nommée dans la séance du 28 octobre dernier ;

L'adoption ayant été délibérée au nombre de voix prescrit par l'article 56 du sénatus-consulte organique du 16 thermidor an X,

Décrète ce qui suit :

Art. 1er. Le nombre des députés à fournir au Corps législatif pour le département des Basses-Pyrénées sera porté à trois, à compter du 1er renouvellement quinquennal des députés de la cinquième série dont ce département fait partie, lequel aura lieu dans le courant de 1810, conformément aux dispositions de l'acte des constitutions du 22 février 1806.

Art. 2. Le présent sénatus-consulte sera transmis par un message à SA MAJESTÉ l'EMPEREUR ET Roi.

Les président et secrétaires:
Signé CAMBACERES, archichancelier de
l'Empire, président.
HERWYN, T. HEDOUVILLE, secrétaires.

CORPS LÉGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. FONTANES, COMTE DE L'EMPIRE. Séance du 2 novembre 1808.

Le procès-verbal de la séance du 31 octobre est adopté.

L'ordre du jour appelle la continuation de l'élection des membres pour compléter la commission d'administration intérieure.

Le nombre des votants est de 285 majorité absolue 123.

MM. Gendebien, Roger et Reynaud - Lascours réunissent, le premier, 162 suffrages; le second et le troisième 129 voix, et sont proclamés membres de la commission.

Aucun autre candidat n'ayant réuni le majorité absolue, il est procédé à un quatrième scrutin, dans lequel il est voté seulement sur MM. Tardy, Lajard, Grenier (de l'Hérault), Delamardelle et Michelet, qui, au troisième scrutin, ont obtenu le plus de voix.

Le nombre des votants est de 232: majorité absolue 117.

M. Tardy obtient 132 suffrages et est proclamé membre de la commission.

Aucun candidat n'ayant réuni la majorité absolue, il sera procédě demain à un cinquième scrutin qui portera seulement sur M. Grenier (de l'Hérault), Chapuis, Lajard (de l'Hérault) et Michelet.

A une heure et demie on introduit S. Exc. M. Cretet, ministre de l'intérieur, et MM. de Ségur et Corvetto, conseillers d'Etat.

S. Exc. M. Cretet, ministre de l'intérieur, présente en ces termes l'exposé de la situation de l'empire:

Messieurs, vous avez terminé votre précédente session en laissant l'empire heureux et son chef comblé de gloire : une année s'est écoulée, et une multitude de circonstances nouvelles ont ajouté à la fortune de notre patrie, et accru ses espérances en l'avenir.

Tout ce dont j'ai à vous entretenir est connu de vous, Messieurs; je n'ai pas à vous instruire, mais à retracer à votre mémoire les principaux événements qui ont rempli l'intervalle de vos deux sessions, et à rappeler à vos cœurs tout ce que la France doit de plus à la sagesse et à la valeur de son souverain.

Je vous parlerai du premier des besoins des nations, la justice; de l'instruction publique, des sciences et des arts, des branches nombreuses de l'administration intérieure, des cultes, des finances et de nos principaux rapports avec les peuples du continent.

Ce récit nous ramènera sur cette guerre impitoyable et sans terme, que nous soutenons contre un seul peuple. La gloire de notre nation le blesse, sa force l'alarme; l'indépendance de son commerce et de son industrie l'inquiète. Tout est encore soumis au sort des armes; mais les jours de justice ne sont pas éloignés.

MINISTÈRE DE LA JUSTICE.

Le maintien des grands Etats est fondé sur la conservation de la propriété; elle est le lien réciproque entre les individus et leur gouverne

ment; la propriété est réglée et garantie par les lois civiles. Aussi le peuple qui a les meilleures lois civiles est-il celui pour lequel on peut présager le plus de bonheur. Loin d'avoir rien à envier à cet égard depuis que nous vivons sous le régime du Code Napoléon, nous voyons, non sans un orgueil légitime, des peuples nombreux adopter ce Code, et partager avec nous cette précieuse conquête du siècle sur l'obscurité, la mobilité et la variété des anciennes législations.

La législation d'une nation célèbre qui gouverna le monde, nos propres usages lorsque la raison et les mœurs modernes ont pu les avouer, composent aujourd'hui le plus grand des monuments de la sagesse; il sera durable pour le bonheur des hommes et pour la gloire ineffaçable du génie qui l'a élevé.

Mais l'empire des lois les plus claires et les plus précises est malheureusement contesté; leur sens véritable est méconnu par les intérêts qu'elles blessent, par la mauvaise foi qui les élude, et par la subtilité qui en dénature l'esprit et l'intention. Aussi les lois civiles n'ont-elles jamais pu préserver la propriété du fléau des procès; il est même remarquable que ces ravages s'étendent surtout sur les nations les plus riches et les plus populeuses: les procès seraient-ils donc un moyen caché de poser des limites aux progrès de la civilisation.

Les procès sont un art, et un art très-difficile, qui a ses combinaisons et ses principes; ils deviendraient un abime où s'engloutirait le bon ordre de la société, si le Code judiciaire n'eût soumis à son empire les conditions de cette guerre déplorable; cette loi est connue sous le nom du Code des procédures; il faut la considérer comme le complément du Code civil, et le principal instrument de son exécution.

Qui ne connaît les cris des peuples contre les abus anciens des procédures? Qui ne sait comment les Français s'en sont expliqués lorsqu'ils ont pu le faire dans des assemblées nationales? Qui ne se rappelle que ces plaintes ont rempli leurs livres et ont retenti, sous mille formes, sur leurs théâtres? Mais la chicane bravait de vaines clameurs, et ses désordres croissaient par l'absence d'une bonne loi sur les procédures. Grâces soient rendues au nouveau Code judiciaire qui fait cesser tant de maux ! La propriété est désormais sous la protection effective de la législation; cette protection sera sincère; elle ne sera plus décevante par ses résultats, et les frais de procès, limités dans de justes mesures, ont cessé d'absorber la valeur des objets contestés, et de ruiner les familles sous les couleurs mensongères de la justice.

Le commerce a acquis une telle importance chez les nations modernes, que l'on a senti la nécessité de lui donner des lois séparées. La France jouissait des meilleures lois sur le commerce; mais le temps y avait fait remarquer des imperfections: l'on ressentait surtout qu'elles étaient insuffisantes sur les faillites et les banqueroutes. Le Code que vous avez décrété, Messieurs, dans votre dernière session, a pourvu d'une manière efficace à la répression d'un délit devenu si commun par l'audace et la mauvaise foi des débiteurs, par la faiblesse de leurs victimes, ou plutôt par l'incapacité des lois. Ce Code acquiert une telle confiance chez les peuples voisins, qu'un jour peutêtre, le commerce européen se rangera sous le régime salutaire d'une législation uniforme.

Le Code Napoléon, le Code judiciaire et le Code de commerce complètent ainsi le système régulateur de la propriété; mais les besoins de la so

ciété invoquent des lois d'un ordre différent. Je parle des lois criminelles chez les peuples non civilisés, ces lois sont simples, les jugements arbitraires et les punitions promptes elles sont encore moins bonnes dans les gouvernements despotiques; mais pour les nations constituées sur les conditions de la liberté individuelle et de la sécurité des personnes, les lois criminelles forment un problème très-compliqué qui n'a cessé d'occuper la sagacité des législateurs et des philosophes.

Des questions innombrables qu'a fait naître la discussion de ce problème, je ne vous parlerai que du jury employé dans le Code que vous aurez à examiner dans la présente session.

L'institution du jury prit sa naissance au milieu des mœurs simples de nos aïeux; le despotisme féodal la fit disparaître de la France; elle fut se réfugier chez un peuple voisin, où elle acquit une grande célébrité.

Ce peuple, après un long usage, a considéré le jury comme le conservateur exclusif de la liberté individuelle et même de la liberté politique. Il a éprouvé qu'en confiant, dans les procès criminels, le jugement du fait à la conscience du jury, à une réunion assez nombreuse de citoyens éclairés, rendus impartiaux par le droit des récusations, indépendants de toute autorité, et intéressés à l'intégrité de leurs fonctions, par la possibilité entrevue d'être, à leur tour, amenés en jugement; il a éprouvé, dis-je, que le jury était un moyen de rechercher la vérité, préférable à celui de juges inamovibles, difficilement récusables, souvent endurcis par l'habitude de leurs terribles fonctions, exposés à l'inattention par la fatigue, dépendants de l'autorité qui les institue, et dépendants encore de certaines maximes de profession, de certaine jurisprudence de corps, susceptibles quelquefois d'obscurcir la raison."

Soit sentiment d'imitation, soit conviction, la Révolution fut le signal d'un vœu universel en faveur du jury; cet enthousiasme s'explique encore par le souvenir d'une magistrature qui, en s'élevant, s'était trop éloignée du peuple, et qui, par des formes hautaines, donnait à ses jugements, d'ailleurs impartiaux et éclairés, les apparences effrayantes de l'arbitraire et de l'absolu.

L'Assemblée constituante répondit au vœu de la France, et le jury fut établi; mais, oubliant que l'action d'un instrument aussi simple devait être dégagée de toute complication, on tenta de perfectionner le jury par des formes étrangères à son essence. Au lieu d'une déclaration précise de oui ou non sur le fait du délit et sur là culpabilité de l'accusé, on crut devoir diviser la question principale en une multitude de questions dérivées, et pénétrer dans la conscience des jurés, à l'aide de l'analyse la plus difficile, la moins sure et la moins propre à obtenir de bons résultats.

C'est dans cette position du jury en France que le conseil d'Etat a dû examiner les moyens de l'améliorer. Vous présumez, Messieurs, quelle part SA MAJESTÉ a prise à un examen qui réclamait autant le secours de son génie. Là ont été jugés les reproches élevés contre le jury; ses erreurs ont été comptées; en les appréciant, on s'est convaincu qu'elles avaient pris leur source dans l'imperfection de son institution, dans le choix, souvent imprudent, des jurés, et dans la perte de leur indépendance, aux époques où tout était sous le joug oppresseur des factions.

Le projet de Code criminel qui vous sera présenté rend la belle institution du jury à toute sa pureté. Dégagée des faux appuis dont les innova

tions indiscrètes l'avaient entourée, elle conti nuera à protéger les bons, à punir les coupables, à garantir la société contre le crime, et à conserver la sécurité à l'innocence.

Vous aurez, au surplus, l'occasion de reconnaître, parmi les changements importants qui vous seront proposés, la suppression du jury d'accusation. L'expérience a démontré qu'il est inutile et mème nuisible, qu'il ne donne aucune garantie réelle, qu'il entrave la marche et l'activité de la justice dans la recherche des délits; et vous jugerez que le système d'accusation qui vous est proposé lui est infiniment préférable.

Le Gouvernement ne s'est pas borné à préparer à la nation le bienfait des lois les plus sages; il a, depuis votre session dernière, cherché à assurer leur exécution.

L'ordre judiciaire réclamait une attention toute particulière; il fallait concilier la nécessité de son indépendance et de l'inamovibilité des fonctions avec les précautions qui devaient mettre à l'abri de la surprise des premiers choix.

Le sénatus-consulte du 16 octobre 1807 soumet les juges à une épreuve préalable de cinq ans, terme suffisant pour reconnaître leur capacité et leur intégrité.

Une retraite a été préparée aux juges que l'âge ou les infirmités mettent hors d'état de siéger dans les tribunaux. Des auditeurs ont été établis auprès des cours d'appel, choisis dans des familles vouées à la carrière de la magistrature, et placés par leur fortune dans une convenable indépendance ces jeunes auditeurs, assis à côté de l'expérience, deviendront à leur tour des magistrats éclairés et dignes de la confiance publique.

Les avoués de Paris ont subi une utile réforme dans leur nombre, réforme tempérée par des dédommagements ménagés à ceux qui n'avaient pas démérité.

CULTES.

L'insuffisance du nombre des ministres des autels a excité l'attention du Gouvernement. Six mille succursales nouvelles ont été mises à la charge du trésor public; on en compte maintenant trente mille. Réunies à trois mille trois cent cinquante et une cures, elles pourvoient avec étendue aux besoins spirituels des fidèles du culte catholique. Pour favoriser l'éducation des sujets qui se destinent à l'état ecclésiastique, et préparer aux pasteurs des églises de l'empire des successeurs qui imitent leur zèle et qui, par leurs mœurs et leur instruction, méritent également la confiance des peuples, huit cents bourses de 400 francs chacune, et seize cents demi-bourses ont été réparties entre tous les séminaires de la France.

Ainsi se complète l'établissement religieux dans l'empire; le Concordat a rétabli une paix inaltérable entre le trône et l'autel; la source des débats, qui furent si dangereux tant que l'on supposa deux puissances, est désormais tarie. L'autorité du souverain n'est plus arrêtée dans son action; l'indépendance de l'Etat et de l'Eglise de France n'est plus menacée par des maximes étrangères. Le Concordat, cet acte de paix si célèbre, a fixé pour toujours le respect et la fidélité envers le culte le plus généralement établi, et consacré la tolérance des autres cultes.

Les citoyens n'ont plus à répondre, à cet égard, qu'à leur conscience, cet asile inviolable de la liberté de l'homme.

Le Code Napoléon, ce monument de sagesse, a

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