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tenir, a vous qui avez vécu parmi nous, et qui saurez fort bien reconnaître qu'aucun sentiment de faiblesse ne dicte ces propositions, qui vous sont faites pour éloigner jusqu'aux plus légères apparences de la guerre. Vous connaissez notre situation, et je puis dire à M. de Metternich ce qu'il serait inutile de dire à l'ambassadeur d'Autriche. Notre Grande-Armée est plus forte que jamais; elle et l'armée d'Italie sont doubles de ce qu'elles étaient en 1805; les troupes de la Confédération peuvent être promptement réunies, et soixante mille hommes se rendent de l'intérieur sur Strasbourg, Mayence et Cassel. Nous sommes donc fondés à penser qu'une guerre contre l'Autriche ne pourrait être qu'heureuse.

Nous ne craignons donc pas la guerre, mais nous ne la voulons pas. Nous ne le voulons pas, parce que nous n'avons aucun motif pour la faire, et qu'elle ne nous présente aucun but, que nous n'avons aucun grief contre l'Autriche, et que nous ne désirons rien de ce qu'elle possède; parce que beaucoup de considérations politiques viennent à l'appui de cette opinion, qu'il importe à l'intérêt de la France que l'Autriche conserve la puissance qu'elle a maintenant; parce qu'enfin l'EMPEREUR ne se joue pas du sang des hommes, et qu'il ne fait pas la guerre pour le plaisir de la faire.

Arrêtez donc, Monsieur, ce mouvement imprimé à la monarchie autrichienne, et dont la guerre sera l'inévitable résultat. Qu'il soit arrêté par un mouvement tout contraire. Les propositions que je vous fais, donnent à votre Gouvernement toute facilité à cet égard. Si, en dépit de ces offres pacifiques, si, malgré toutes les démarches qu'a inspirées le désir de rester en paix avec votre Gouvernement, la guerre a lieu, nous la ferons avec d'autant plus de rigueur que nous y aurons été forcés, et les malheurs qui en résulteront ne pourront nous être imputés.

En terminant cette lettre, Monsieur, j'ai le plaisir de vous annoncer que le prompt retour de SA MAJESTÉ dans la capitale me mettra à portée de renouveller à Votre Excellence les assurances, etc.

No VII.

Lettre de M. le comte de Metternich, à M. le comte de Champagny.

Paris, 3 août 1808.

Monsieur le Ministre,

La note confidentielle que Votre Excellence m'a fait l'honneur de m'adresser, le 27 juillet, de Toulouse, m'est parvenue le 1er août. Occupé à lui répondre, je reçus hier sa nouvelle note en date de Bordeaux du 30 juillet.

Si la première de ces pièces était de nature à me faire entrevoir la peine véritable que l'Empereur mon maître éprouverait à sa lecture, je ne puis que me féliciter de la manière dont mes communications du 22 juillet dernier ont été accueillies par S. M. L'EMPEREUR NAPOLEON. Quelle pénible impression devait effectivement produire sur un souverain d'un caractère éminemment pacifique, attaché aux véritables intérêts de ses peuples, inébranlable dans la marche politique qu'il trouve la plus conforme à ses vrais intérêts, des questions dans le genre de celles qui venaient de lui être adressées de Toulouse? L'Empereur ne pouvait que regretter que tant de preuves fournies à la France dans les moments les plus critiques; que tant de démarches directes de nouer avec elle les relations les plus intimes; que les preuves renouvelées qu'il venait de donner de

sa constante adhésion aux principes qui guident la ligue continentale, eussent cédé à la première impression que des bruits créés, nourris et amplifiés par là malveillance, avaient évidemment produite sur un cabinet que tous les calculs devaient unir à lui: alliance puissante, la seule dont les bases ne devraient jamais fléchir, parce qu'elles reposent sur l'intérêt commun et réciproque des deux empires.

Les explications franches, simples, dénuées de tout fard, que j'ai cru seules dignes de S. M. L'EMPEREUR NAPOLEON, ont produit en partie l'effet que j'en attendais. On leur oppose en ce moment des bruits répandus à Toeplitz, Carlsbad, Egra : je suis sans inquiétude. Des bruits forgés et accrédités dans ces cafés de l'Europe, doivent s'affaisser eux-mêmes. Je ne ferai pas remarquer à · Votre Excellence que ce ne sont pas ceux de l'Autriche. Les neuf dixièmes des habitués de ces lieux sont des étrangers causeurs parce qu'ils sont oisifs, guerroyeurs parce qu'ils ne se trouvent pas compromis dans le sort du pays qu'ils habitent momentanément. Si ce sont là des jets d'une influence étrangère, elle prouve sa nullité par les lieux et par l'extrême frontière où elle s'exercerait. Que S. M. L'EMPEREUR se persuade qu'il n'en existe nulle dans les conseils de l'Empereur François, que tout préjugé et toute illusion en sont également éloignés. Le passé doit le lui avoir prouvé, le présent et l'avenir le lui prouveront.

Votre Excellence me parle d'une espèce d'attroupement à Trieste, de l'arrestation de deux courriers en Croatie, faits desquels jusqu'à présent je n'ai nulle connaissance. Je les déplorerais comme tout événement contraire à l'ordre public, contraire aux relations les plus simples qui doivent exister entre voisins et amis, s'ils ne fournissaient une occasion nouvelle à ma cour de prouver à S. M. L'EMPEREUR NAPOLÉON qu'il ne se trompera jamais en calculant le redressement de griefs de ce genre, sur l'échelle de ce qu'il ferait lui-même, s'ils avaient eu lieu sur son propre territoire. Je réponds à Votre Excellence de la plus sévère punition des coupables.

Je me suis empressé de transmettre à Vienne les dernières communications de Votre Excellence. Je les ai fait porter chez le comte de Mier, n'ayant pour le moment point de courrier de cabinet à mes ordres. La considération que Votre Excellence m'a communiquée, n'ajoutera que peu à la promptitude que l'Empereur mettra à sa réponse. Il ne puisera que dans les intentions amicales qui l'animent. Elles lui sont trop présentes pour que les nouvelles preuves que Sa Majesté en donnera à la France, puissent souffrir le moindre retard au delà de celui physiquement commandé.

La confiance que Votre Excellence est si fort en possession de m'inspirer, me porte à ne pas lui cacher mon vœu que SA MAJESTÉ IMPÉRIALE SUSpendit, jusqu'au retour de mon courrier, toute mesure propre à accréditer dans le public, plus qu'elle ne l'est, l'opinion d'une prochaine rupture entre la France et l'Autriche. Je me servirai, à l'appui de ce vœu, des remarques infiniment justes qu'elle a consignées dans ces derniers offices, sur l'inconvénient des citations, qui, malgré les vœux des souverains, de leurs ministres et des hommes les plus sages des deux peuples, mènent souvent au plus grand des fléaux pour l'humanité. Ne relevons pas l'espoir de l'ennemi commun par des apparences d'attaques qui, en Autriche comme ailleurs, ne peuvent qu'influer défavorablement sur le public privé de la connaissance du véritable état des questions, qui de part et d'autre peuvent

placer les cours dans une attitude aussi opposée aux vues des deux empereurs qu'aux désirs des deux nations. Ne fournissons pas aux malveillants, aux fauteurs véritables de la guerre, de nouvelles armes pour jeter du louche sur les unes et sur les autres. Rien de plus facile et malheureusement de plus commun, que de voir présenter comme des vues actives, ce qui au fond n'est que le résultat d'un sentiment très-opposé.

En remettant à mon auguste maître le soin de répondre en détail aux ouvertures de S. M. L'EMPEREUR NAPOLÉON, Votre Excellence se convaincra que je n'hésite pas de préjuger complétement le seul veu qui l'anime, et par conséquent le sens des ordres que je recevraí.

No VIII.

Note de M. le comte de Champagny à M. le comte de Metternich.

Paris, 10 mars 1809.

Le soussigné, ministre des relations extérieures, a rendu compte à S. M. L'EMPEREUR SON maître, de la communication qui lui a été faite par S. Exc. le comte de Metternich du retour de M. le comte de Mier et de la résolution qu'avait prise le cabinet de Vienne de mettre ses armées sur le pied de guerre.

L'EMPEREUR NAPOLÉON a été peiné de cette résolution. Les armeinents de l'Autriche, la conduite peu amicale de ses légations à Constantinople et en Bosnie, des écrits répandus avec profusion dans toute la monarchie contre la France, faisant craindre à SA MAJESTÉ que la faction anglaise ne prit du crédit à Vienne, l'avaient décidée à arrêter sur la Meurthe et la Saône la marche de ses divisions qui se portaient sur Boulogne, Brest et Toulon. SA MAJESTÉ avait en même temps engagé les princes de la Confédération à se tenir prêts à tout événement, pour pouvoir, au besoin, réunir leurs troupes, et être en état, s'il le fallait, de repousser toute agression.

Mais, après la déclaration de M. de Metternich, SA MAJESTÉ a donné ordre que ses troupes se portassent de l'intérieur de la France au delà du Rhin, pour veiller à la sécurité de ses alliés et confédérés, et que les troupes de ceux-ci fussent mises, sans délai, sur le pied de guerre. Ainsi des armées seront opposées à des armées. L'initiative de l'inquiétude, des menaces et des armements sera provenue de l'Autriche. C'est à elle à faire connaître quand cet état devra cesser. Comme aucun différend n'existe entre les deux cours, et que, depuis le traité qui a été suivi de l'évacuation de Braunau par l'armée française, il n'y a aucun sujet de litige entre les deux puissances, SA MAJESTÉ ignore entièrement à qui on en veut et ce qu'on prétend; mais de son côté elle désire voir l'Europe jouir du calme et de la sécurité de la paix, et ses peuples recueillir le fruit des économies qui en sont le résultat. Le soussigné est chargé d'exprimer ce vœu à M. l'ambassadeur.

Il prie Son Excellence, etc.,

Signe CHAMPAGNY.

Note de M. le comte de Metternich à M. le comte de Champagny.

Paris, 12 mars 1809.

Le soussigné, ambassadeur de Sa Majesté l'Empereur d'Autriche, a reçu hier la note que S. Exc. fe ministre des relations extérieures lui a fait l'honneur de lui adresser en date du 10 de ce mois.

Le 31 janvier dernier, S. Exc. le ministre des relations extérieures fit au soussigné la communication d'une dépêche de S. A. I. le vice-roi d'Italie, portant plainte sur deux faits, particuliers, sur l'arrestation d'un homme à Gorice, et la difficulté de séjourner à Trieste dont se plaignit un officier français. Il expédia le lendemain M. le comte de Mier à Vienne. Par l'empressement qu'il mit à porter à la connaissance de sa cour ces sujets de plainte, il fournit au cabinet des Tuileries une preuve nouvelle du vœu constant de son auguste maître d'entretenir avec S.M.L'EMPEREUR DES FRANÇAIS les relations les plus amicales, et de son désir particulier de contribuer à écarter, par tous les moyens en son pouvoir, les plus légers motifs qui seraient de nature à troubler la bonne intelligence entre les deux

cours.

La connaissance des principes éprouvés de l'Empereur son maître, celle du fait non moins certain que depuis le traité qui a été suivi de l'évacuation de Braunau, il n'exista nul sujet de litige entre les deux puissances, engagea le soussigné à représenter confidentiellement, et en plusieurs occasions, depuis le mois de janvier dernier, à S. Exc. le ministre des relations extérieures, la surprise que devait produire à Vienne l'ordre transmis à cette époque aux princes de la Confédération du Rhin de tenir leur contingent prêt à pouvoir se mettre en marche peu de jours après que la réquisition leur en serait faite. Le soussigné renforça ses arguments par des considérations sur la masse des inquiétudes et des doutes répandus depuis peu sur la nature des relations entre les deux cours par les journaux français et plusieurs feuilles allemandes publiées dans les Etats de la Confédération. Le 7 février il eut l'honnenr de prévenir Son Excellence que le 29 janvier (jour de l'expédition d'un courrier qui venait de lui arriver) nul mouvement n'avait lieu dans l'Empire autrichien, malgré que des avis préliminaires sur les mesures ordonnées à la Confédération par S. M. L'EMPEREUR DES FRANCAIS fussent parvenues à la connaissance de sa cour. Il lui réitéra à cette époque sa conviction particulière que les nouvelles mesures prises en France et en Allemagne, que la marche surtout des troupes françaises vers la Bavière (circonstance aucunement prévue à Vienne au moment du départ du courrier), finiraient par déterminer l'Empereur à rassurer ses peuples, en activant quelques mesures défensives.

M. le comte de Mier revint à Paris le 1er mars. Il porta au soussigné ambassadeur de S. M. l'Empereur d'Autriche, l'ordre d'informer S. Exc. le ministre des relations extérieures, que Sa Majesté Impériale, toujours fidèle à son vou d'entretenir avec la cour de France les meilleures relations, avait sur-le-champ ordonné une enquête sur les objets particuliers qui motivèrent l'envoi de M. de Mier à Vienne. L'ambassadeur se réservait de transmettre le plus tôt possible à M. de Champagny le résultat de ses recherches.

Dans l'entretien que le soussigné eut avec le ministre des relations extérieures, il ne cacha point à Son Excellence que les suppositions que, dès les derniers jours de janvier, il lui avait communiquées sur l'effet que pourrait produire à Vienne l'armement de la Confédération, etc., venaient de se réaliser en partie. En ajoutant que la nouvelle inexplicable qu'on y avait reçue depuis, de la réunion de corps considérables de troupes françaises dans les Etats bavarois, de la marche d'autres corps vers le midi de l'Allemagne et le

nord de l'Italie avaient porté Sa Majesté à ordonner dans ses Etats plusieurs mesures défensives; le soussigné accompagna de nouveau ce témoignage de confiance de sa part, de l'expression de ses regrets de voir un état dé choses si opppsé aux vœux et aux soins de son auguste maître, succéder à des relations et des explications amicales qui, depuis la susdite époque de l'évacuation de Braunau, existèrent entre les deux cours. Si le retour de M. de Mier n'avait été retardé par la marche des colonnes françaises, se dirigeant vers la Bavière, retard sur lequel le soussigné déjà eu l'honneur de témoigner dans le temps ses regrets à M. le ministre des relations extérieures, il eût été à même de transmettre à Son Excellence un ou deux jours plus tôt les assurances officielles des seules intentions qui animent son auguste maître envers S. M. L'EMPEREUR DES FRANCAIS.

En prévenant Son Excellence de son empressement de transmettre à sa cour la note du 10 mars, le soussigné a cru devoir rappeler, dans un cadre rapproché, les dernières relations dans lesquelles il a servi d'intermédiaire. Il ne peut qu'ajouter que si S. M. l'Empereur d'Autriche a du puiser, bien malgré elle, dans les mouvements qui eurent Heu depuis le mois de janvier dernier, de véritables sujets d'inquiétude sur les relations qu'elle désire voir exister entre elle et la France, elle n'ambitionne, de son côté, que de voir l'Europe jouir du calme et de la paix, le premier des bienfaits, que de tout temps elle désira conserver à ses peuples. Le soussigné prie S. Exc. le ministre des relations extérieures d'agréer l'assurance réitérée de sa haute considération. Signé METTERNICH.

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Les pièces officielles qui précèdent, et dont SA MAJESTÉ a ordonné qu'il fut donné communication au Sénat, comprennent toute la correspondance sur les affaires générales, qui a eu lieu entre le ministre de SA MAJESTÉ et la légation de la cour de Vienne. L'avant-dernière de ces pièces, qui exprime, de la part de la cour de Vienne, le vif désir de voir l'Europe jouir du calme et de la paix, et la dernière, qui est une véritable déclaration de guerre, présentent un contraste qui doit frapper tous les esprits: il convient en même temps d'observer que la suite des huit premières pièces laisse apercevoir une lacune de sept mois, depuis le 3 août 1808, jusqu'au 10 mars 1809, pendant laquelle il semblerait que les communications entre les deux cabinets auraient été ralenties; mais il est facile de se rendre raison de cette interruption de correspondance, devenue moins nécessaire par l'arrivée de SA MAJESTÉ à Paris au commencement du mois d'août, et par le retour du ministre qui put reprendre dèslors le cours de ses communications verbales et de ses conférences avec les mi

nistres accrédités auprès de SA MAJESTÉ. Dans cet intervalle, des événements d'un grand intérêt se passèrent en Allemagne, et les rapports politiques entre les deux cours se présentèrent successivement sous différents aspects. Ces variations se trouvent consignées et constatées dans quelques documents d'une nature et d'une importance supérieure, et dont SA MAJESTÉ a également autorisé la communication au Sénat. Il a paru néanmoins nécessaire d'en faire précéder la lecture par celle du précis d'une déclaration verbale, et pour ainsi dire publique de SA MAJESTÉ à l'ambassadeur de la cour de Vienne, à une de ses audiences diplomatiques précis qu'elle a ordonné à son ministre de faire connaître par une circulaire à ses ambassadeurs près les cours étrangères.

Cette communication sera enfin complétée et terminée par la lecture d'un rapport qui fut présenté à SA MAJESTÉ le 2 de mars, et qui rend suffisamment comple des constants et utiles effort qui ont été faits depuis six mois pour ramener l'Autriche aux dispositions de confiance et aux mesures pacifiques dont, par le seul sentiment de ses véritables intérêts, ells n'aurait jamais dû s'écarter.

N° X.

Dépéche adressée au général Andréossy, le 16 août 1808, par M. le comte de Champagny.

Monsieur l'Ambassadeur,

S. M. L'EMPEREUR est de retour de son voyage dans le midi de la France: elle est arrivée à SaintCloud le 14 au soir, et le 15, jour de sa fète, elle a reçu, avec toute la solennité ordinaire de ce jour, les princes, les ministres et grands officiers de l'empire; le Sénat, le conseil d'Etat, tous les corps des fonctionnaires publics, et enfin le corps diplomatique. Cette audience donnée au corps diplomatique a été remarquable par un très-long entretien de SA MAJESTÉ avec l'ambassadeur d'Autriche, dont je voudrais pouvoir vous faire connaître au moins la substance.

Mais,

L'Autriche veut donc nous faire la guerre, a dit l'EMPEREUR, OU elle veut nous faire peur. M. de Metternich a protesté des intentions pacifiques de son Gouvernement. - Si cela est ainsi, pourquoi vos immenses préparatifs? Ils sont purement défensifs, a répondu M. de Metternich. qui vous attaque pour songer ainsi à vous défendre? qui vous menace pour vous faire penser que vous serez bientôt attaqués? tout n'est-il pas paisible autour de vous? depuis la paix de Presbourg y a-t-il eu entre vous et moi le plus léger différend? ai-je élevé quelque prétention alarmante pour vous? toutes nos relations n'ont-elles pas été extrêmement amicales? et cependant vous avez jeté tout à coup un cri d'alarme; vous avez mis en mouvement toute votre population; vos princes ont parcouru vos provinces; vos proclamations ont appelé le peuple à la défense de la patrie. Vos proclamations, vos mesures sont celles que vous avez employées lorsque j'étais à Léoben. Si ce n'avait été qu'une organisation nouvelle, vous l'auriez exécutée avec plus de lenteur, sans bruit, sans dépense, sans exciter au dedans une si prodigieuse fermentation, au dehors une si vive alarme mais vos mesures ne sont pas purement defensives; vous ajoutez à chacun de vos régiments une force de mille trois cents hommes; votre milice vous donnera quatre cent mille hoinmes disponibles; ces hommes sont enrégimentés et exercés, une partie est habillée; vos places sont approvisionnées; enfin, ce qui est pour moi l'indice sûr d'une guerre qu'on prépare, vous avez

fait acheter des chevaux ; vous avez maintenant quatorze mille chevaux d'artillerie au sein de la paix on ne fait pas cette énorme dépense. Elle s'est accrue de tout ce que vous a coûté votre organisation militaire. Les hommes que vous exercez, vous leur donnez une indemnité pécuniaire; vous en habillez une partie; vous avez fourni des armes: rien de tout cela n'a pu être fait sans de trèsgrands frais; et cependant vous-même vous convenez du mauvais état de vos finances : votre change, déjà si bas, a encore baissé; les opérations de votre commerce en ont souffert; serait-ce dont sans but que vous auriez bravé ces inconvenients?

Ne dites pas que vous avez été obligés de pourvoir à votre sûreté. Convenez que toutes nos relations ont été amicales; vous savez que je ne vous demande rien, que je ne prétends rien de vous, et que même je regarde la conservation de votre puissance dans son état actuel comme utile au système de l'Europe et aux intérêts de la France. J'ai fait camper mes troupes pour les tenir en haleine; elles ne campent point en France, parce que cela est trop cher; elles campent en pays étranger, où cela est moins dispendieux. Mes camps ont été disséminés: aucun ne vous menaçait. Je n'aurais pas campé si j'avais eu des vues contre vous dans l'excès de ina sécurité, j'ai démantelé les places de la Silésie. Certes, je n'aurais pas eu de camps, si j'avais prévu qu'ils pussent vous alarmer; un seul mot de vous aurait suffi pour les faire dissoudre. Je suis prêt à les renvoyer, si cela est nécessaire à votre sécurité.

M. de Metternich ayant observé qu'on n'avait fait en Autriche aucun mouvement de troupes, I'EMPEREUR a repris Vous vous trompez. Vous avez retiré vos troupes des lieux où elles pouvaient être avec moins de frais; vous les avez concentrées sur Cracovie: vous êtes en état de menacer au besoin la Silésie. Votre armée est toute réunie et elle a pris une position militaire. Cependant que prétendez-vous? voulez-vous me faire peur ? Vous n'y réussirez pas. Croyez-vous la circonstance favorable pour vous ? Vous vous trompez. Ma politique est à découvert, parce qu'elle est loyale et que j'ai le sentiment de mes forces. Je vais tirer cent mille hommes de mes troupes d'Allemagne pour les envoyer en Espagne et je serai encore en mesure envers vous. Vous armez, j'armerai : je lèverai, s'il le faut, deux cent mille hommes. Vous n'aurez pour vous aucune puissance du continent; l'empereur de Russie, j'oserais presque vous le déclarer en son nom, vous engagera à rester tranquille. Déjà il est peu satisfait de vos relations avec les Serviens; et, comme moi aussi, il peut se croire menacé par vos préparatifs; il sait que vous avez des vues sur la Turquie. Vous m'en prêtez aussi; je vous déclare que cela est faux, et que je veux rien de la Turquie ni rien de l'Autriche.

Cependant votre Empereur ne veut pas la guerre, je le crois; je compte sur la parole qu'il m'a donnée lors de notre entrevue. Il ne peut avoir de ressentiment contre moi. J'ai occupé sa capitale, la plus grande partie de ses provinces; presque tout lui a été rendu. Je n'ai même conservé Venise que pour laisser moins de sujets de discorde, moins de prétextes à la guerre. Croyezvous que le vainqueur des armées françaises qui aurait été maître de Paris en eût agi avec cette modération? Non, votre Empereur ne veut point la guerre; votre ministère ne la veut pas; les hommes distingués de votre monarchie ne la veulent point, et cependant le mouvement que vous avez imprimé est tel que la guerre aura lieu

malgré vous et malgré moi. Vous avez laissé craire que je vous demandais des provinces, et votre peuple, par l'effet d'un mouvement national et généreux que je suis loin de blåmer, s'est indigné; il s'est porté à des excès; il a couru aux armes. Vous avez fait une proclamation pour défendre de parler de guerre; mais votre proclamation était vague: on a pensé qu'elle était commandée par la politique, et comme vos mesures étaient en opposition avec votre proclamation, on a cru à vos mesures et non à votre proclamation. De là, l'insulte faite à mon consul à Trieste par un rassemblement de votre nouvelle milice; de là, l'assassinat de trois de mes courriers se rendant en Dalmatie. Encore des insultes semblables et la guerre est inévitable car on peut nous tuer, mais non nous insulter impunément. C'est ainsi que les instigateurs des troubles de toute l'Europe poussent sans cesse à la guerre; c'est ainsi qu'ils ont amené la guerre par l'insulte faite au général Bernadotte. Des intrigues particulières vous entraînent là où vous ne voulez point aller. Les Anglais et leurs partisans dictent toutes ces fausses mesures. Déjà ils s'applaudissent de l'espérance de voir de nouveau l'Europe en feu; leurs actions ont gagué cinquante pour cent par le mouvement que vous venez de donner à l'Europe. Ce sont eux que j'en accuse; ce sont eux qui font qu'un Français ne peut pénétrer aux eaux de Bohême sans y être insulté. Comment tolérez-vous cette licence? Vous donne-t-on en France de pareils exemples? Vos consuls, vos voyageurs ne sont-ils pas accueillis et respectés? La plus légère insulte qui leur serait faite serait punie d'une manière éclatante. Je vous le répète, vous êtes entraînés, et malgré vous: la fermentation de votre peuple imprudemment excité, et les intrigues des partisans des Anglais et de quelques membres de l'Ordre équestre qui ont porté chez vous l'amertume de leurs regrets, vous mèneront à la guerre. L'empereur de Russie peut-être l'empêchera et vous déclarera d'une manière ferme qu'il ne la veut pas, et qu'il sera contre vous. Mais si ce n'est qu'à son intervention que l'Europe doit la continuatiaon de la paix, ni l'Europe ni moi ne vous en aurons l'obligation, et ne pourrons vous regarder comme mes amis; je serai entièrement dispensé de vous appeler à concourir avec moi aux arrangements que peut exiger l'état de l'Europe.

En attendant, qu'arrivera-t-il ? Vous avez levé quatre cent mille hommes; je vais en lever deux cent mille. La Confédération qui avait renvoyé ses troupes, va les réunir et faire des levées. L'Allemagne, qui commençait à respirer après tant de guerres ruineuses, va voir de nouveau rouvrir toutes ses blessures. Je rétablirai les places de la Silésie au lieu d'évacuer cette province et les Etats prussiens, comme je me le proposais. L'Europe sera sur pied, les armées seront en présence, et le plus léger incident amènera le commencement des hostilités.

Vous dites que vous avez une armée de quatre cent mille hommes, ce qui est plus considérable que dans aucun temps de votre monarchie. Vous voulez la doubler; à suivre votre exemple, bientôt il faudra armer jusqu'aux femmes. Dans un tel état de choses, lorsque tous les ressorts seront aussi tendus, la guerre deviendra désirable pour amener un dénoùment. C'est ainsi que dans le monde physique, l'état de souffrance où est la nature à l'approche d'un orage, fait désirer que l'orage crève pour détendre les fibres cris

pées, et rendre au ciel et à la terre une douce sérénité un mal vif, mais court, vaut mieux qu'une souffrance prolongée.

Cependant toutes les espérances de paix maritime s'évanouissent; les mesures fortes prises pour l'obtenir, demeurent sans effet. Les Anglais sourient à la pensée de la discorde rallumée de nouveau sur le continent, et se reposent sur elle de la défense de leurs intérêts.

Voilà les maux que vous avez produits, et, je crois, sans en avoir l'intention. Mais, si vos dispositions sont aussi pacifiques que vous le dites, il faut vous prononcer; il faut contremander des mesures qui ont excité une si dangereuse fermentation; il faut, à ce mouvement involontairement excité, opposer un mouvement contraire, et, lorsque depuis Pétersbourg jusqu'à Naples, il n'a été question que de la guerre que l'Autriche allait faire, que tous vos négociants l'annoncent comme certaine, il faut, dis-je, que toute l'Europe soit convaincue que vous voulez la paix; il faut que toutes les bouches proclament vos dispositions pacifiques justifiées par vos actes comme par vos discours. De mon côté, je vous donnerai toute la sécurité que vous pourrez désirer.

Voilà, Monsieur, autant qu'il m'est possible de le tracer, un léger extrait de ce que SA MAJESTÉ a dit à M. de Metternich. L'EMPEREUR paraissait ému, comme on doit l'être quand on traite des sujets graves. Il n'a eu que la chaleur que cette émotion devait produire; il n'a parlé qu'avec beaucoup d'égards de l'empereur d'Autriche et de son Gouvernement, et a dit des choses personnellement agréables à M. de Metternich. Cet ambassadeur qui, du reste, a toujours protesté des intentions pacifiques de sa cour, ne s'est point trouvé placé un seul moment dans une position embarrassante; et je l'ai vu, le soir, se féliciter d'être dans une cour où de telles communications pouvaient être faites directement, et de cette manière, par le souverain à un ministre étranger. M. de Tolstoi partageait cette opinion. L'EMPEREUR a paru, aux yeux de ceux qui ont pu l'entendre, noble, loyal, franc, observateur de toutes les convenances, y mettant une entière délicatesse, éloquent autant que sensible, et de cette sensibilité qu'excitent les grands intérêts de l'humanité; on a pu juger qu'également préparé à la guerre comme à la paix, il désirait l'une sans craindre l'autre, et on a généralement pensé qu'à un langage si franc et si noble, on ne pouvait répondre qu'en déclarant qu'on voulait la guerre, ou en prouvant par des faits plus que par des discours qu'on désirait la paix.

Vous pouvez faire, Monsieur, de cette dépêche le sujet de vos entretiens avec M. de Stadion. Le gouvernement autrichien ne pourra douter du désir sincère de l'EMPEREUR de conserver la paix. Mais l'EMPEREUR veut de la sécurité dans la paix. Si cette paix est également chère à l'Autriche, elle ne négligera donc aucun moyen de rassurer pleinement l'EMPEREUR sur ses dispositions, et c'est surtout en donnant une autre direction à l'esprit public qu'on y parviendra. Mais cette direction mème ne pourra résulter que d'un changement de mesures.

No XI.

Lettre de S. M. l'Empereur d'Autriche à S. M. L'EMPEREUR DES FRANÇAIS. Presbourg, le 18 septembre 1808. Monsieur mon frère, mon ambassadeur à Paris m apprend que VOTRE MAJESTÉ IMPÉRIALE se rend à Erfurt, où elle se rencontrera avec l'Empereur

T. X.

Alexandre. Je saisis avec empressement l'occasion qui la rapproche de ma frontière pour lui renouveler le témoignage de l'amitié et de la haute estime que je lui ai vouée, et j'envoie auprès d'elle mon lieutenant général, le baron de Vincent, pour vous porter, Monsieur mon frère, l'assurance de ces sentiments invariables. Je mé flatte que VOTRE MAJESTÉ n'a jamais cessé d'en être convaincue, et que si de fausses représentations qu'on avait répandues sur des institutions intérieures organiques que j'ai établies dans ma monarchie, lui ont laissé pendant un moment des doutes sur la persévérance de mes intentions, les explications que le comte de Metternich a présentées à ce sujet à son ministre, les auront entièrement dissipés. Le baron de Vincent se trouve à même de confirmer à VOTRE MAJESTÉ CES détails, et d'y ajouter tous les éclaircissements qu'elle pourra désirer. Je la prie de lui accorder la même bienveillance avec laquelle elle a bien voulu le recevoir à Paris et à Varsovie. Les nouvelles marques qu'elle lui en donnera me seront un gage non équivoque de l'entière réciprocité de ses sentiments, et elles mettront le sceau à cette entière confiance qui ne laissera rien à ajouter à la satisfaction mutuelle.

Veuillez agréer l'assurance de l'inaltérable attachement et de la haute considération avec laquelle je suis,

Monsieur mon frère,

De VOTRE MAJESTÉ IMPÉRIALE ET ROYALE
le bon frère et ami,
Signé FRANÇOIS.
No XII.

Lettre de S. M. L'EMPEREUR NAPOLÉON, aux rois de Bavière, de Saxe, de Westphalie, de_ Wurtemberg, au grand-duc de Bade et au Prince

Primat.

Monsieur mon frère, les assurances données par la cour de Vienne que les milices étaient renvoyées chez elles et ne seraient plus rassemblées, qu'aucun armement ne donnerait plus d'inquiétude pour les frontières de la Confédération; la lettre ci-jointe que je reçois de l'empereur d'Autriche, les protestations réitérées que m'a faites M. le baron de Vincent, et plus que cela, le commencement de l'exécution, qui a déjà lieu en ce moment en Autriche de différentes promesses qui ont été faites, me portent à écrire à Votre Majesté que je crois que la tranquillité des Etats de la Confédération n'est d'aucune manière menacée, et que Votre Majesté est maitresse de lever ses camps et de remettre ses troupes dans leurs quartiers de la manière qu'elle est accoutumée de le faire. Je pense qu'il est convenable que son ministre à Vienne reçoive pour instruction de tenir ce langage, que les camps seront reformés, et que les troupes de la Confédération et du Protecteur seront remises en situation hostile toutes les fois que l'Autriche ferait des armements extraordinaires et inusités; que nous voulons enfin tranquillité et sûreté. Sur ce, etc.

Signé NAPOLEON.
Erfurt, le 12 octobre 1808.
No XIII.

Lettre de S. M. L'EMPEREUR NAPOLEON à S. M. l'Empereur d'Autriche.

Monsieur mon frère, je remercie Votre Majesté Impériale et Royale de la lettre qu'elle a bien voulu m'écrire et que M. le baron de Vincent m'a remise. Je n'ai jamais douté des intentions droi

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