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donnant ses ordres aux premiers du peuple qui devaient commander sous lui, et qui tous lui promettaient une fidèle obéissance, lui déclarant que le premier qui manquerait d'obéir à tout ce qu'il ordonnerait serait mis à mort (1).

[Les meilleurs gouvernemens, dit Burlamaqui, sont ou une monarchie limitée, ou une aristocratie tempérée par la démocratie, par quelque privilége en faveur de la généralité du peuple (2). Pour ce qui est de la monarchie, elle s'établit lorsque le corps entier du peuple confère l'autorité souveraine à un seul homme, ce qui se fait par une convention entre le roi et ses sujets (3)].

Le gouvernement des juges fut suivi de celui des rois, par un changement qu'il n'est pas nécessaire d'expliquer ici. Car il ne s'agit pas des différentes manières dont un seul peut avoir le gouvernement; mais seulement en général de la préférence du gouvernement d'un seul à celui d'une république, comme étant le plus naturel et le plus conforme à la conduite de Dieu sur le peuple qu'il avait choisi. Et en effet, après que Dieu eut donné à ce peuple un roi qu'il lui avait demandé, et qu'il eût puni et le peuple pour avoir voulu un gouvernement différent de celui qu'il avait lui-même réglé, et ce roi même pour suivi tous ses ordres; il ne laissa pas de leur donner un second roi, et de choisir lui-même pour cette place un homme qui mérita cet éloge singulier d'être selon le cœur de Dieu (4), et qu'il rendit digne de représenter, par son règne celui de ce prince qui devait naître de lui et former ce règne divin dont celui de ce peuple était la figure: et il donna à ce second roi plusieurs successeurs ses descendans qui régnèrent sur ce même peuple. (Charte, 74.)

n'avoir

pas

dont

On voit par cette suite de monarchies dans l'étendue de tout l'univers, et dans la durée de tous les siècles, et par cette conduite de Dieu sur le peuple juif, que l'état monarchique est le plus naturel et le plus conforme à celui que Dieu a lui-même mis en que Dieu usage sur son peuple. Et c'est par cette même conduite ayant formé la société de chaque état, comme un corps ceux qui le composent sont autant de membres, il a établi en chacun un chef (5) pour gouverner et tenir sa place, comme un père dans sa famille, et qui par l'unité du gouvernement imite et représente celui de sa providence, et contienne les membres de ce corps dont il est le chef dans les liaisons qui doivent former l'ordre de la société qui les unit. (Charte, 13, 14, 15.)

Il semble suivre de ces vérités, que l'état monarchique est le plus naturel, et le plus utile. Et aussi voit-on que les inconvéniens qui ne sauraient manquer de naître dans toutes les choses où la conduite des hommes a quelque part, sont naturellement moindres dans les monarchies que dans les républiques. Ainsi,

(1) Jos. 1. 18. (2) Princ. de droit polit. ch. 2, § 44. (3) Ibid. ch. 1, § 14. (4) Act. 13. 22. 1. Reg. 13. 14. (5) Eccli. 17. 14.

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dans une monarchie les sujets ne s'avisent pas d'aspirer à la place du souverain; et on y voit bien moins de cabales et de factions. Car l'ambition des particuliers y ayant pour borne un rang de sujet, elle ne va pas à des entreprises de s'élever à celui du chef, et à troubler l'état par des séditions et des guerres civiles. Mais dans une république plusieurs pouvant prétendre les premières places, et y parvenir par l'élection, les brigues ont souvent plus de part aux suffrages que le mérite: et ceux qui se proposent une élévation aux premières places ne manquent pas d'en faire pour y réussir, et s'il manquent d'occasions et de conjonctures pour user de la force, ils tâchent de s'attirer les suffrages par des présens, par des promesses, par des menaces sur ceux à qui ils peuvent en faire, et par d'autres voies, qui divisent les familles, corrompent ceux qui doivent faire l'élection, et font élever au gouvernement de méchans sujets. Ainsi ces choix injustes ont encore l'inconvénient des envies, des jalousies, des divisions, des inimitiés, et font que la soumission à ceux qui sont entrés par ces voies dans les places du gouvernement, y est plus pénible, et quelquefois même odieuse. Les élections même les plus légitimes n'empêchent pas que ceux qui se croient d'un plus grand mérite que les personnes élevées au-dessus d'eux au gouvernement, ne les y regardent avec jalousie, et qu'il ne naisse de tous ces inconvéniens diverses suites opposées au bien public qui devait être le fruit du gouvernement. On voit aussi dans les républiques, que ceux qui remplissent les premières places ayant leurs intérêts propres et celui de leurs familles distingués de ceux de l'état, le bien public y est exposé à céder au leur dans les occasions où l'élévation peut favoriser cette pente à leurs intérêts: au lieu que dans une monarchie, le gouvernement souverain étant en la main d'un seul qui ne doit avoir qu'une seule vue, et un seul intérêt du bien de l'état qu'il doit considérer comme le sien propre, rien ne le divise. Et cette unité qui n'empêche pas l'usage des bons conseils rend les résolutions plus fermes, plus secrètes et plus proportionnées au bien de l'état, et en facilite l'exécution, qu'elle rend plus prompte, plus forte et plus absolue, par la réunion de toutes les forces et de tout ce qui regarde cette exécution en la personne du souverain, en qui réside la plénitude et l'unité du gouvernement. (Charte, 14, 15, 57.)

Outre ces avantages naturels au gouvernement monarchique, on peut encore en remarquer un commun à presque toutes les monarchies qui sont dans le monde, et qu'on ne voit point dans la plupart des républiques. Tout le monde sait que pour procurer et maintenir le bien d'un état, il faut qu'il abonde de toutes les choses qui peuvent contribuer aux nécessités et aux commodités de la vie pour toutes sortes de personnes qui le composent; qu'on y vive en paix et en sûreté contre les entreprises des voisins et

des ennemis ; que l'autorité de la justice y soit absolue; que l'art militaire, les sciences, les beaux-arts, le commerce puissent y fleurir par la multitude des personnes qui les cultivent, et par les récompenses du mérite de ceux qui ont rendu des services singuliers au public, et que les finances puissent fournir aux dépenses que demandent toutes ces choses, d'où dépend le bien commun de l'état; d'où il s'ensuit que plus un état a d'étendue, plus il a tous ces avantages, et il en a aussi moins à proportion que ses bornes sont resserrées. Car les biens de toutes sortes y abondent moins, et on n'a pas tous les secours nécessaires pour en avoir d'ailleurs; les personnes habiles y sont en bien moindre nombre; on y a moins de secours des deniers publics, et on y est tout autrement exposé aux entreprises des étrangers, dont les moindres peuvent renverser l'état. Puisqu'il est donc du bien d'un état qu'il fleurisse et qu'il se maintienne par son abondance et par ses forces, ce qui demande une étendue qui puisse y fournir, on peut dire que ces avantages ont toujours été, et sont encore naturellement propres à tous les grands états monarchiques, tels que sont aujourd'hui la plupart dans toutes les parties du monde, et qu'ils manquent à presque toutes les républiques qu'on voit à présent; car elles sont restreintes à peu d'étendue, et leur peu de force les expose aux entreprises de leurs voisins, et à implorer la protection des princes qui peuvent leur tourner en une espèce de domination étrangère, et avoir de fâcheuses suites. Et ce qui cause ce peu d'étendue des républiques, et les prive de ces avantages des grands états, c'est parce que le gouvernement des républiques n'est naturel qu'à un petit peuple qui se sépare et se distingue des autres par ses mœurs propres, pour se réunir par des liaisons qui approchent de plus près ceux qui le composent, pour les rassembler sous un gouvernement qui soit à leur gré; de sorte que cette union ne se forme pas aisément entre plusieurs peuples. Mais les grands états ont été formés ou par la multiplication des premiers peuples qui ont commencé d'occuper un pays, ou par des conquêtes qui en ont étendu les bornes; et quelques-uns même, comme ceux de l'Europe, ont été de grandes portions de l'empire romain démembré. Et toutes ces manières, et les autres qui peuvent avoir donné la naissance et l'accroissement à toutes les grandes monarchies, ont eu cette suite de les mettre à couvert des entreprises les unes des autres, et de faire abonder en chacune tout ce qui peut faire le bien d'un état et le maintenir. (Charte, 14.)

On ne doit pas tirer à conséquence, contre ces remarques sur les avantages des monarchies, la grandeur de la république de Rome; car il ne faut considérer comme le corps de cette république que Rome même, ou le peuple romain, qui s'étant rendu maître des autres peuples ne le regardait pas comme composant

avec lui une république, mais comme des états sujets à sa domination. Et pour ce qui regarde les inconvéniens des républiques, celle de Rome tomba en peu de siècles dans le plus grand de ceux qu'on a remarqués, ayant eu sa fin par l'ambition des auteurs des dernières guerres civiles, où le vainqueur se rendit le maître de la république et en fit une monarchie (1).

On peut ajouter à ces réflexions sur les avantages des monarchies ceux de la France, qui de tous les états du monde est celui où ils abondent le plus par son étendue en plusieurs grandes provinces, par sa situation dans le climat le plus tempéré, et sur les deux mers, par sa fertilité de tout ce qu'il y a de meilleur et de plus nécessaire, par la multitude de ses sources, ruisseaux, rivières et fleuves propres aux navigations pour la communication des provinces, par sa proximité de plusieurs états ses voisins, par la politesse de la nation féconde en grand esprits et en grands hommes en toute sorte de professions, par ses richesses, et ses grandes forces. Et aussi n'a-t-on jamais vu d'état d'une si longue et ferme durée avec tant d'avantages au-dessus des autres.

Il semble qu'on puisse conclure de toutes ces réflexións, que l'état monarchique doit être préféré à celui de la république, et qu'il s'ensuit de quelques-unes des raisons de cette préférence, qu'entre les monarchies le gouvernement de celles qui sont héréditaires est plus naturel et plus utile que de celles qui sont électives, et qu'il a moins d'inconvéniens. Car au lieu que dans les monarchies héréditaires c'est Dieu qui semble disposer lui-même plus visiblement du gouvernement, y appelant les princes par leur naissance; les élections sont sujettes à de grands inconvéniens, soit pour le choix des personnes où il est facile qu'on soit trompé, ou par les cabales et les factions. Et le règne même des princes électifs les mieux choisis a ses inconvéniens de divisions dans l'élection, de longs interrègnes qui exposent à des factions et à d'autres mauvaises suites, de moins d'exactitude dans l'obéissance à une autorité moins absolue, de lenteur dans les affaires de l'état, et d'autres mauvaises suites. Et enfin si on distingue entre les monarchies héréditaires celles où la souveraineté ne passe qu'aux mâles, et celles où les femmes peuvent règner, on peut dire que le gouvernement de celles-ci est moins naturel, et qu'il y a beaucoup d'inconvéniens. De sorte que de tous les états le plus naturel et le plus parfait est celui des monarchies héréditaires, qui ne peuvent passer qu'aux mâles.

[J'établis d'abord cette grande maxime, dit Blakstone, comme le fondément du jus coronæ, ou du droit de succession au trône de ce royaume (d'Angleterre): la couronne est héréditaire par la loi commune et par l'usage; elle est héréditaire d'une manière qui lui est propre.... Elle

(1) L. 2, § 11, ff. de orig.

appartient au plus prochain héritier après la mort ou la démission du dernier souverain...

Les terres ne sont pas naturellement plus héréditaires que les trônes; mais la loi a jugé qu'il convenait au bonheur et à la tranquillité de tous, d'établir le même ordre de succession pour les unes et pour les autres.

Un droit héréditaire, immuable et de droit divin, entraînant nécessairement la doctrine d'une obéissance passive et illimitée, serait sans doute la plus oppressive et la plus redoutable des constitutions; mais lorsqu'un droit héréditaire est entièrement lié avec ces priviléges et ces droits, dont le parlement jouit, une telle union doit former une constitution aussi admirable dans la théorie, que louable et faite pour durer longtemps dans la pratique.

L'ordre de succession, dit Montesquieu, est fondé dans les monarchies sur le bien de l'état, qui demande que cet ordre soit fixé, pour éviter les malheurs que j'ai dit devoir arriver dans le despotisme, où tout est incertain, parce que tout y est arbitraire.

Ce n'est pas pour la famille régnante que l'ordre de succession est établi, mais parce qu'il est de l'intérêt de l'état qu'il y ait une famille régnante. La loi qui règle la succession des particuliers, est une loi civile, qui a pour objet l'intérêt des particuliers; celle qui règle la succession à la monarchie, est une loi politique, qui a pour objet le bien et la conservation de l'état (1).

Le gouvernement monarchique a un grand avantage sur le gouvernement despotique. Comme il est de sa nature qu'il y ait sous le prince plusieurs ordres qui tiennent à la constitution, l'état est plus fixe, la constitution plus inébranlable, la personne de ceux qui gouvernent plus assurée. (V. Charte, 15, 57, 58, s.)

Cicéron croit que l'établissement des tribuns de Rome fut le salut de la république : « En effet, dit-il, la force du peuple qui n'a point de chef est plus terrible. Un chef sent que l'affaire roule sur lui, il y pense: mais le peuple, dans son impétuosité, ne connaît point le péril où il se jette (2). »

La couronne doit demeurer dans la postérité du premier roi, dit Burlamaqui, et ne doit point passer à ses parens en ligne collatérale, et moins encore à ceux qui n'ont avec lui que des liaisons d'affinité. C'est là, sans doute, l'intention du peuple qui a rendu la couronne héréditaire dans la familie du prince; ainsi, à moins qu'il ne s'en soit expliqué autrement, au défaut des descendans du premier roi, le droit de disposer du royaume retourne à la nation.

Les enfans adoptifs, n'étant pas du sang royal, sont aussi exclus de la couronne, qui doit revenir à la disposition du peuple dès que la tige royale vient à manquer.

Entre ceux qui sont en même degré, soit réellement, soit par représentation, les mâles sont préférés aux femmes, parce qu'on les présume plus propres à faire la guerre, et aux autres fonctions du gouvernement (3)..

On appelle gouvernement monarchique, dit le chevalier Gaetano Filangieri, celui où un seul homme gouverne, mais par des lois fixes, qu'on nomme lois fondamentales. Ces lois supposent nécessairement

(1) Esprit des lois, liv. 26, ch. 16, § 4 et 5. (2) Esprit des lois, liv. 5, ch. II, Si et 2. (3) Princip, du droit polit., ch. 3, § 30, 32, 33.

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