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DOCUMENTS SUR LA RÉFORME INTRODUITE A L'ABBAYE DE FLINES, EN 1506.

Vers la fin du xve et au commencement du xvie siècle, un souffle puissant de réforme parcourait les abbayes de Bernardines dans les Pays-Bas. L'action féconde et prolongée de Jean Eustache, abbé du Jardinet, opéra en grande partie ce mouvement. Depuis 1441, époque où il devint abbé, jusqu'à l'année 1481, qui fut celle de sa mort, il réforma par commission des supérieurs un grand nombre de monastères, entre lesquels on cite l'Olive, Beaupré et Wauthier-Braine.

Le point le plus important de ces réformes, et le plus difficile aussi, c'était l'introduction de la clôture. Elle n'était pas alors aussi stricte qu'elle l'est devenue dans le droit moderne, qui a pour base et pour point de départ le décret du concile de Trente sur la matière, expliqué, développé, complété par les bulles de saint Pie V et de Grégoire XIII. Sous cette dernière forme, la clôture n'a jamais été en usage chez les Bernardines de nos contrées. Il serait intéressant de recueillir les documents relatifs à cette question fort débattue pendant un siècle et demi, et enfin terminée par un jugement du Saint-Siége qui laissa subsister le statu quo1.

Même sous sa forme la plus bénigne, déterminée par le droit ancien et par les statuts particuliers de l'ordre de Citeaux, la clôture avait bien de la peine à se faire accepter. Ainsi les religieuses de Marquette se pourvurent au parlement de Paris contre le décret de Jean

1) VAN HEMEL, De natura votorum quae nonnullae sanctimoniales in Belgio emilluni, p. 81.

Eustache qui la leur imposait en vertu de ses pouvoirs comme visiteur, et elles le firent annuler par cette cour séculière. Tant il est vrai que la passion une fois excitée peut produire, même chez des âmes religieuses, les excès les plus étranges! L'histoire de la réforme cistercienne dans les Pays-Bas en fournit plus d'un exemple.

Quoi qu'il en soit, le mouvement, entravé ici, se propageait ailleurs, et prenait peu à peu une grande extension. On cite parmi les abbayes qui adoptèrent la réforme, après la mort de Jean Eustache, celles de La Cambre, d'Aywières, de La Ramée, etc.

La grande et illustre abbaye de Flines' avait alors pour confesseur un homme plein de l'esprit de Dieu, dom Guillaume de Bruxelles. Bien qu'il n'y eût pas de désordres proprement dits dans cette maison, et qu'elle eût été gouvernée pendant le xve siècle d'expar cellentes abbesses, Catherine de Saint-Genois, Marie du Gardin et Marie Waye, cependant la clôture n'y était pas mieux gardée qu'ailleurs et certains abus appelaient une réforme. Dom Guillaume résolut de l'entreprendre. Il lui fallait pour cela l'autorisation et le concours de l'abbé de Clairvaux dont il dépendait à

1) Fondée en 1234, près d'Orchies, sous le titre de l'Honneur-NotreDame, par la comtesse de Flandre Marguerite de Constantinople, et transférée, en 1253, près du village de Flines, à deux lieues de Douai. La communauté s'est, reconstituée dans cette ville après la révolution française. Au monastère sont annexés un pensionnat très florissant et une école normale d'institutrices subventionnée par l'état et le département. Celui qui écrit ces lignes a publié, en 1868, une Notice sur l'abbaye de Flines (Lille, Bébague), et prépare en ce moment une histoire complète, pour laquelle il a réuni de nombreux matériaux.

double titre, comme profès de son monastère et comme directeur spirituel, institué par lui, d'un monastère immédiatement soumis à sa juridiction.

Jean Foucault, qui occupait le siége de saint Bernard, entra dans les vues du zélé religieux. Il se rendit à Flines, en 1505, afin de constater lui-même l'état des choses et de poser les bases de la réforme. Puis il chargea de ses pouvoirs dom Guillaume, le promoteur de l'œuvre, et l'abbé de Nizelle, qui avait des rapports constants avec Flines, où plusieurs de ses moines résidaient comme chapelains.

Le 15 décembre 1506, l'abbé de Nizelle promulgua les articles de réforme que l'abbé de Clairvaux et le chapitre général revêtirent de leur approbation, et que les Dames de Flines adoptèrent avec la soumission la plus édifiante. On envoya ensuite quelques-unes d'entre elles à Wauthier-Braine pour s'y former aux nouvelles observances, en même temps qu'un nombre égal de religieuses de Wauthier - Braine venait s'établir à Flines. De là des rapports suivis entre ces deux monastères et une correspondance qui jette le jour le plus intéressant sur leur état intérieur.

Nous publions ci-dessous, d'après une copie du XVIe siècle conservée aux archives de la ville de Douai1 : 1° les articles de réformation avec les actes qui s'y rapportent; 2o les pièces concernant l'élection de l'abbesse Jeanne de Boubais, qui, pendant une prélature de vingt-six ans (1507-1533), acheva ce qui était heureusement commencé et opéra les plus grandes

1) Armoire 2, liasse 1".

choses pour le bien spirituel et temporel du monastère ; 3o diverses lettres écrites sur cette affaire de la réforme pendant les années 1507 et 15C8.

La copie est défectueuse en quelques endroits peu importants. Nous nous contentons de reproduire le texte que nous avons sous les yeux, sans nous lancer dans la voie des corrections arbitraires. Il n'en résultera du reste aucun embarras pour le lecteur.

E. HAUTCŒUR, Chan. hon., Aumônier des Dames de Flines.

I.

Articles de réformation dressés pour l'abbaye de Flines par les commissaires de l'abbé de Clairvaux.

15 décembre 1506.

A l'onneur de la saincte Trinité, de la glorieuse vierge Marie, de notre dévot père monsieur sainct Bernard, et de toute la court céleste, nous frère NICOLE, humble abbé de Nizelle', de l'ordre de Cisteaux, ou diocèse de Cambray, commissaire visitateur et réformateur député de par révérend père en Dieu monsieur l'abbé de Clèrevaulx à son monastère de l'onneur Nostre-Dame-lez-Flines, à luy subject sans moyen; ensemble avec nous le pater et confesseur dudict lieu, frère GUILLAUME DE BRUCELLES, sommes venus, et selon le contenu de madite commission, pour accomplir et mettre à exécution la saincte réformation de long temps oudit

1) L'abbaye de Nizelle était située en Brabant, près de la ville de Nivelles. Voyez TARLIER ET WAUTERS, Communes belges, canton de Nivelles, pp. 58 et svv.

monastère commencée et désirée, avons ordonné les articles soubzscriptz; lesquelz commandons estre inviolablement gardez et observez selon qu'à une chascune appartiendra.

Et premièrement comme devant toutes choses nous doyons servir dévotement à nostre Créateur pour avoir et acquérir le royaulme des cieulx, nous prions et exhortons toutes les personnes de céans que le service divin, auquel elles sont astrainctes et obligées par vœu solennel, elles rendent et payent tant en l'église comme autre part, tant de nuyt comme de jour, meurement et à traict, en toute dévotion et purité de conscience, ainsy que le met et ordonne ledit révérend père monsieur de Clèrevaulx en sa charte de visitation; laquelle ordonnons et commandons par son auctorité à nous donnée estre entièrement gardée et observée avec les points et articles qui s'ensuivent :

Pour ce que la closture est le premier fondement et la chose plus nécessaire à saincte réformation, nous ordonnons et commandons, en vertu de saincte obéissance et sur peine d'excommunication, que ladicte closture soit devant toutes choses gardée; c'est-à-dire que nulle religieuse ou personne régulière ne vident hors de la closture des portes et du pourpris du cloistre des dames. Et nulz homme ne enfans n'entrent point ou cloistre des dames en la closture, synon en grande et évidente nécessité, et par le sceu et congié espécial du père confesseur, ainsy que ès autres monastères réformés, là où il est de coustume que ceulx qui doivent entrer ou monastère, le père confesseur les doit conduire et intromettre et non

autre.

Item en l'église et en tous autres lieux où il sera besoing, soient faictes des fenestres, tournons et trailliz, selon la manière et forme de réformation. Ce que sommes informez ledit révérend père monsieur de Clèrevaulx l'avoit ordonné; mais riens ou bien peu a esté mis à effect. Et pour ce commandons à dame abbesse et aux officières, en vertu de saincte obéis

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