Page images
PDF
EPUB

charge, monsieur le comte, d'en faire part à monsieur le chevalier De' Medici, en priant ce ministre de la porter à la connaissance du roi son Maître.

Recevez, monsieur le comte, les assurances de ma considération très distinguée.

METTERNICH.

XXXIV.

Lettre de l'Empereur d'Autriche au roi de Naples.

Monsieur mon frère et très-cher beau-frère,

Vienne, 7 mars 1827.

Je ne doute pas que le comte de Ficquelmont ne se soit fait un devoir de porter à la connaissance de V. M. les mesures que j'ai cru devoir prendre à l'égard du corps auxiliaire de mes troupes, que j'avais mis à sa disposition, et qui se trouve dans ce moment en marche pour rentrer dans mes États. En informant de ces mesures le ministère de V. M., le comte de Ficquelmont n'aura certainement pas négligé de lui développer les motifs qui dans les circonstances politiques actuelles ont nécessairement dû influer sur les déterminations que j'ai prises à cet égard, dans le seul et unique but d'assurer, autant qu'il est en mon pouvoir, le maintien de la tranquillité intérieure en Italie. Mais attachant personnellement une haute valeur à ce que V. M. connaisse sur cet objet ma pensée toute entière, je me suis proposé, dès le premier moment, de lui en écrire. directement avec cette confiance et cette franchise sans bornes, qui ont constamment présidé à mes rapports avec le feu roi son père, et qui servent également de base à ceux que je serai toujours jaloux d'entretenir avec elle. J'ai cru devoir toutefois suspendre toute communication directe à ce sujet avec V. M. jusqu'au moment où mes troupes auraient entièrement evacué ses États, afin de ne point m'exposer à voir attribuer à mon intérêt personnel les observations que, dans celui de V. M., j'aurai peut-être dû me permettre de lui faire parvenir plutôt sur les graves inconvénients qui peuvent se rattacher aujourd'hui au rappel de mes troupes. L'époque à laquelle elles devaient. évacuer le royaume, avait été fixée par la Convention de Milan. BIANCHI, Storia Docum. - Vol. II.

26

V. M. a jugé dans sa sagesse, qu'au delà de cette époque elle pourrait se passer de leur appui; elle pouvait être bien sûre, d'après cela, qu'il me suffirait d'être informé de ses voeux à cet égard pour ne pas hésiter un instant à me conformer aux termes de la dite Convention. Mais c'est précisément au moment où cette transaction s'exécute, que je crois pouvoir me permettre d'avouer franchement à V. M. que je suis bien loin d'envisager avec sécurité l'avenir de la péninsule italienne, et que je ne puis m'empêcher de craindre sérieusement pour elles la réaction des troubles qui agitent dans ce moment et l'Orient et l'Occident. Si je compare en effet l'époque présente à celle à laquelle la première évacuation du royaume de Naples a eu lieu, je ne puis me dissimuler que cette mesure en 1817 s'est effectuée dans un moment où la tranquillité intérieure de plusieurs États en Europe était bien moins imminemment menacée qu'elle ne l'est aujourd'hui; et cependant alors j'avais cru de mon devoir de ne point cacher au roi Ferdinand les justes alarmes que je nourrissais sur l'état intérieur de l'Italie. Mes lettres à ce Souverain du 25 février et du 22 mars 1817 en font foi, et les événemens n'ont que trop justifié depuis lors les craintes dont à cette époque je ne pouvais me défendre; quoique les ministres du feu roi n'eussent point hésité à les déclarer entièrement dépourvues de fondement, et à répondre de la tranquillité intérieure dans ses États. Cependant en 1820 il a suffi de l'exemple de l'Espagne et de l'influence pernicieuse des Cortès qui travaillaient si activement alors à renverser de fond en comble l'antique monarchie espagnole, pour faire éclater à Naples et quelques mois après en Piémont une révolution dont tous les Souverains de l'Italie eussent été infailliblement les victimes, sans le secours puissant de l'Alliance. Si en 1820 les événements politiques ont pu exercer une influence aussi déplorable sur la péninsule italienne, comment ne pas redouter celle que pourraient exercer aujourd'hui sur les États de V. M. en deça et au delà du Phare et sur le reste de l'Italie les troubles qui agitent si violemment les deux extrémités de l'Europe! Comment ne pas craindre que ces troubles ne contribuent puissamment à relever les espèrances des révolutionnaires, et ne les enhardissent à ourdir de nouveaux complotes contre l'existence de tous les Gouvernements légitimes! N'oublions pas qu'infatigables dans leurs efforts, ils ne peuvent être comprimés que par la force et par la crainte que celle-ci leur inspire. C'est dans le but de leur inspirer cette crainte salutaire, et de rester en mesure de les comprimer, s'ils osaient lever encore une fois l'étendard

de la révolte, que je me suis déterminé à maintenir provisoirement sur pied dans mes provinces italiennes un corps de troupes. mobiles, prêt à se porter par tout où besoin sera. J'aime à espérer que cette mesure pourra contribuer efficacement à contenir les factieux, et qu'elle pourra prévenir même une levée de boucliers. dangereuse de leur part: mais nous nous livrerions à une pernicieuse erreur si nous voulions nous flatter que dans cette hypothèse ils ne chercheraient pas d'autres moyens d'arriver à leurs fins criminelles. S'il voyent en effet l'Autriche en mesure de comprimer promptement et avec énergie tout mouvement révolutionnaire qui pourrait éclater en Italie, il est vraisemblable qu'ils suspendront jusqu'à des temps plus propices l'exécution de leurs plans destructeurs: mais il ne l'est pas moins que dans cette dernière hypothèse ils n'hésiteront point à se rallier momentanément aux novateurs de tous le pays, et à faire cause commune avec ceux qui sont encore assez peu éclairés sur les dangers du temps pour voir dans la forme d'un Gouvernement représentatif un moyen de prévenir les révolutions, dont sont menacés de nos jours tous les États monarchiques. Il entre non seulement dans la tactiques des révolutionnaires d'employer selon les circonstances ce moyen pour parvenir à leurs fins, mais il leur est même commandé par leurs statuts, ainsi que les procédures de Milan et les enquêtes de Mayence en ont offert les preuves les plus évidentes. C'est donc à mes yeux un danger réel, contre lequel tous les Gouvernements doivent se tenir en garde. Je suis bien persuadé qu'il n'échappera point à la prévoyance de V. M.; je sais qu'elle est très-déterminée à ne jamais permettre aucune modification dans les formes actuelles de son Gouvernement; elle m'en a fait renouveller encore l'assurance la plus positive au mois de mai dernier par le chevalier De' Medici; je ne doute pas non plus qu'elle n'ait la ferme volonté de maintenir religieusement les engagements existants à cet égard entre le deux Cours, les engagements que j'ai contractés dans le temps avec le feu roi son père, sur sa demande expresse, par le second article séparé et secret du traité d'alliance du 12 juin 1815, dont je suis bien décidé, de mon coté, à maintenir tout aussi religieusement les stipulations; mais j'ai cru utile, dans les circonstances actuelles, de ne point laisser ignorer à V. M. que dans l'une ou l'autre des deux hypothèses, que je viens d'indiquer, elle pourrait, si jamais elles devaient se réaliser, compter avec une entière confiance sur mon appui le plus efficace et le plus prompt. Je fais assurément les voeux les plus sincères et les

plus ardents pour qu'elle ne soit jamais dans le cas d'en avoir besoin; mais si la Providence devait en ordonner autrement, V. M. saura du moins que je suis en mesure de marcher à son secours, et que dans toutes les circonstances elle pourra compter sur moi.

Je prie V. M. d'agréer l'assurance de mon bien sincère attachement, et celle de la considération très-distinguée avec laquelle je suis monsieur mon frère et très-cher beau-frère, de Votre Majesté

Le bon frère et très affectionné beau-frère
FRANÇOIS.

XXXV.

Lettre du roi Ferdinand II de Naples
à l'Empereur d'Autriche.

Monsieur mon frère et très-cher beau-frère,

Naples, 8 avril 1827.

Le comte de Ficquelmont a rempli exactement les ordres qu'il avait reçus de Votre Majesté; et dans ses communications à mon ministère des affaires étrangères des mesures qu'elle a jugé dans sa sagesse de devoir prendre pour contenir les factieux et anéantir leurs projets révolutionnaires dans la péninsule italienne, il a parfaitement développé les motifs qui ont décidé Votre Majesté à adopter ces mesures. Je ne doute donc pas qu'il n'ait avec la même précision rendu compte à Votre Majesté de mes sentiments personnels envers elle, et qu'il ne lui ait de même exprimé combien j'ai été sensible à la nouvelle preuve de l'intérêt que Votre Majesté ne cesse de prendre au maintien de la tranquillité générale de l'Italie.

Je suis heureux maintenant d'avoir dans sa lettre, que Votre Majesté a daigné m'écrire le 7 du mois passé sur le même sujet, l'occasion de lui témoigner directement ces mêmes sentiments, et de l'assurer de toute ma reconnaissance pour la bienveillante sollicitude avec laquelle Votre Majesté veut bien s'occuper de tout ce qui peut contribuer au bien-être de mon royaume.

Dans mes précédentes lettres à Votre Majesté, et notamment dans celle que j'ai chargé le principe de Cassaro de lui remettre, j'ai fait connaître à Votre Majesté combien j'avais lieu d'être satisfait de la belle conduite que son armée a conservé pendant son séjour dans mes États, et de sa coopération au raffermissement de l'ordre public. Mais l'expiration du terme fixé par la Convention de Milan, et plus encore l'État des finances du royaume, ont empêché qu'elle n'y séjournât plus longtemps. Il n'est pas échappé à ma considération le danger que Votre Majesté m'exprime avec tant d'intérêt, de l'influence des troubles qui agitent dans ce moment l'Orient et l'Occident de l'Europe; et dans ces circonstances la résolution pleine de sagesse que Votre Majesté vient de prendre, de maintenir provisoirement sur pied dans ses provinces italiennes un corps de troupes mobiles prit à se porter par tout où besoin sera, produira certainement le meilleur effet, et contribuera efficacement à contenir les factieux.

Je puis assurer Votre Majesté que je ne crois pas, d'après les calculs les plus réguliers de prévoyance, qu'il y ait dans mes États des motifs sérieux de crainte, ayant cherché à épurer non seulement l'armée, mais aussi toutes les autres administrations; de sorte que les éléments pernicieux que nous fumes obligés de conserver en 1815, se trouvent maintenant neutralisés. Les ministres d'ailleurs, instruits par la triste expérience du 1820, seront certainement plus circonspects et plus avisés, puisqu'ils en connaissent la nécessité; aussi ils ne négligent point de veiller sur l'important objet de la tranquillité publique.

D'après ces données j'ai tout lieu d'espèrer que le danger du renouvellement des scènes de désordre ait été éloigné; et que lors même qu'une échauffourrée momentanée puisse être tentée dans quelque coin du royaume, mes troupes seront dans le cas de l'éventer aussitôt.

Sur ce qui regarde enfin l'invariabilité de mon système de gouvernement, Votre Majesté me permettra d'en appeler à son témoignage même. Elle a bien pu connaître depuis mon avénement au trône les principes constans qui me servent de guide, et qui s'accordent parfaitement avec ceux de feu le roi mon auguste père; et les sentiments en outre que j'ai eu le plaisir de lui exprimer en personne, et dont je lui ai renouvelé l'assurance dans maintes occasions ont dû donner à Votre Majesté la certitude, que je ne m'en écarterai jamais. Je mettrai donc tous mes soins à faire qu'ils atteignent le but auquel nous visons de prévenir toute espèce de commotion, et de faire avorter

« PreviousContinue »