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elle était soutenue par une chaîne d'autres autorités subalternes, et non pas seulement par des autorités amovibles, comme tous les employés, mais par la classe des feudataires ou de la première noblesse, lorsque celle-ci avait une autorité et une considération; par le clergé, lorsqu'il pouvait agir sur les hommes avec l'autorité établie par Dieu, et respectée par les hommes; par la classe des artisans, lorsque faisant une classe séparée ils étaient plus respectés et plus heureux; par la classe des militaires, lorsque ceux-ci n'étaient pas de simples militaires isolés qui ne tiennent à rien qu'à la paye, mais lorsque le point d'honneur était leur mouvant, lorsque des personnes de la noblesse, des personnes par sentiment et par propre intérêt, attachés à leur Souverain et à leur patrie, des personnes qui avaient quelque chose à perdre, et qui étaient susceptibles des plus hauts sentiments, étaient à la tête de leurs sujets, et de soldats qui étaient habitués à les respecter, à leur obéir même avant de devenir soldats.

Enfin on a gâté le cœur des hommes par les mauvaises doctrines, par les livres infâmes; et pour y mieux réussir on a fait tout au monde pour étendre l'étude à toutes les classes, même à celles pour lesquelles elle n'était pas seulement inutile mais nuisible, on a augmenté les universités, le professeurs, on les a flattés dans l'espoir d'avoir en eux des utiles coopérateurs à l'ouvrage de la perversion du cœur humain. Par là on a répandu les mauvaises doctrines, qui devaient être la base des révolutions et de la rebellion contre toute autorité divine et humaine légitime, pour subjuguer le monde en apparence sous une prétendue philosophie, mais au fond pour le bouleverser, le dominer, et pouvoir s'en emparer plus aisément lorsque tous les autres liens seraient brisés.

Ajoutons encore que ces perfides ont fait la guerre encore à toute l'institution de la bonne éducation morale et religieuse de la jeunesse, pour y substituer une éducation à leur façon, qui, s'emparant de la pauvre jeunesse, la rendait nulle au milieu d'une apparence de grande instruction, et n'avait pour objet que de lui gâter le cœur.

La classe enfin qui a trouvé plus de protection, était celle des employés, qu'on a multipliés à l'infini pour avoir un grand nombre d'individus qui ne tiennent à rien qu'à leur paye, et qui la reconnaissant seulement et immédiatement du Souverain ou de celui qui gouvernait, devait s'attacher à lui, et on croyait par là épouser son parti; et par la même raison on donnait tante de pensions, on entreprenait tant de travaux publics, souvent avec

une délapidation d'argent très-grande, et sans une utilité proportionnée. Tout cela se faisait en surchargeant d'impôts les nobles, les possesseurs, les riches, les bien pensants, ou avec les biens du clergé qu'on vendait, obtenant par là deux résultats, l'un d'ôter les moyens à ceux qu'on redoutait le plus comme ennemis de la révolution et de ses principes, et pour les affaiblir toujours plus; l'autre d'augmenter le nombre d'individus isolés, qui ne tiennent à rien qu'à leur solde, et qu'on croyait par là nécessairement attachés au gouvernement révolutionnaire qui les avait mis dans cette position. Et c'est même un très-grande erreur dans leur sens, que de croire qu'un gouvernement se fortifie par un nombre d'individus mercenaires, isolés, qu'on croit attacher de la sorte à celui qui leur donne à vivre; tandis que ces gens regardent avec indifférence chaque changement de Souverain et de gouvernement; pourvu qu'ils ayent l'espoir de conserver l'emploi, la pension, il leur est fort égal qui que ce soit qui règne. Et cela est fait exprès pour isoler les Souverains, et pour en faciliter la chute par la révolution. En cela Bonaparte même était dans l'erreur et sur un faux chemin, sur lequel peut-être l'ont mené adroitement ceux qui préparèrent sa ruine, après qu'ils s'en étaient servi pour culbuter les autres, et après qu'il leur était devenu redoutable par sa trop grande puissance et son bonheur.

Si l'on considère l'état précédent dans lequel se trouvait l'Italie avant la révolution de France, le caractère et les mœurs différentes des différents peuples de l'Italie, si l'on considère bien tous les moyens ci-dessus indiqués dont on se servit pour gåter l'Italie et la préparer à la révolution, il n'est pas difficile de voir qu'elle eut tous les défauts principaux qui tôt ou tard doivent causer des révolutions en Italie, si l'on n'y porte pas un remède prompt et efficace; et quels seraient les remèdes. principaux qu'il faudrait avoir en vue pour assurer le bonheur de ces peuples, et y obtenir une durable tranquillité.

On peut donc réduire les principaux défauts, selon ce qu'on a dit ci-dessus, aux suivants :

1o Le manque de religion, et l'avilissement dans lequel on l'a voulu jeter, et la guerre constante qu'on a fait à ses principes, à ses exercices et à ses ministres.

2o La diminution du clergé, et l'avilissement dans lequel on la voulu jeter, et son indépendance du chef de l'Église, qu'on a voulu introduire.

3o L'anéantissement de la noblesse, la privant de toutes ses prérogatives, voulant l'appauvrir, l'avilir, et l'égaliser aux classes inférieures.

4 La limitation de l'autorité paternelle, cette autorité établie par Dieu même, et qui est dans la nature.

5. La subdivision des fortunes par des lois et des concessions fatales qui décomposent les familles et tous leurs biens, et qui tendent à réduire peu-à-peu les individus également malheureux.

6o Le militaire trop mercenaire, gâté dans les principes, et indifférent à servir qui que ce soit s'il le paye bien, et à changer de maître s'il espère d'améliorer son sort.

7° La corruption des mœurs voulue et établie comme principe pour mieux déraciner la religion, le sentiments, l'honneur, et pour rendre les hommes plus brutals à fin de s'en mieux pouvoir servir comme instruments dans l'exécution de tous les plus perfides desseins; car l'homme qui se laisse prendre la main par les passions brutales perd toute énergie, capacité, il devient une espèce de bête ou de machine.

8° La corruption de la doctrine et des principes, ce qui s'effectua par la liberté de la presse, par le grand soin de répandre les mauvais livres, d'éloigner les bons, et de faire que toutes les classes apprennent à lire et écrire, et ayant quelque idée des études pour avoir le moyen d'influer sur elles.

9° La bonne éducation de la jeunesse empêchée, et la mauvaise facilitée, encouragée etc.

10. L'abolition des corporations religieuses et des corporations séculières, telles que celles des arts et métiers, qui distinguent les classes des hommes, les tiennent dans une nécessaire et salutaire discipline, et qui servent à les occuper.

11. La dangereuse et vicieuse multiplication des employés, et le mal que chacun puisse aspirer à chaque charge, sans différence d'état et de condition.

12. Le trop d'égards, de considération, qu'on donnait sans distinction de mérite à tout homme de lettres, et la trop grande multiplication des professeurs de toute espèce, et le trop de pouvoir et de droit qu'on leur donnait, et la trop grande facilité établie partout pour la jeunesse d'étudier, ce qui rend tant de gens malheureux et mécontents, puisque ils ne trouvent pas tous à se placer, et le trop d'études qu'on a fait faire à chacun, de façon qu'il n'apprend rien au fond et devient suffisant. Il faut ajouter ici certaines autres causes des révolutions, aux quelles il faut tâcher de remédier, qui sont:

1 L'oisiveté, qui est très-aimée en Italie, et qu'il faut vaincre et combattre, car elle porte à tous les vices, et elle est une grande source de révolutions.

2o La grande amalgamation continuelle avec tant d'étrangers qui sont continuellement en mouvement par toute l'Italie, et qui portent partout la corruption des mœurs, et gåtent l'esprit national et les principes.

3o Le trop de longueur dans l'administration de la justice, soit dans les procès civils, soit dans les procès criminels.

4° L'instabilité des impôts, qui est quelquefois plus sensible, et déplait plus que la grandeur des impôts mêmes.

5o Certains impôts vexatoires dans leur perception, ou qui ne sont pas bien proportionnés et partagés; comme aussi lorsque, par un dérangement des finances, on est obligé à surcharger le peuple d'impôts.

6o Les lois qui mettent des entraves au libre commerce des denrées, surtout de première nécessité, des comestibles etc.; car leur manque ou pénurie excitent également des plaintes et des murmures, que leur trop grande abondance, qui en avilit le prix, et qui accoutume trop le bas peuple à un bonheur, qui, ne pouvant pas durer, le rend malheureux lorsqu'il finit; au lieu que le libre commerce de ces denrées le tient toujours dans un certain juste équilibre.

XXIII.

Note du comte Pralormo sur les mesures à prendre
par rapport aux émigrés.

Vienne, 20 septembre 1822.

Le roi de Sardaigne, en prenant possession du trône de ses ancêtres, dans le seul but de détruire dans ses États l'esprit révolutionnaire et ses conséquences, a particulièrement compté et sur le secours de cette Providence divine, dont la protection spéciale à son égard a été si visible dans cette funeste crise, et sur la puissante coopération de ses augustes Alliés, dont il venait de recevoir tant de preuves d'un généreux intérêt et de la plus entière confiance.

D'aussi justes espérances n'ont pas été déçues. Toutes les améliorations que le temps et les localités permettaient d'entreprendre, ont été faites dans l'intérieur de son royaume ; et la tranquillité du pays, le rétablissement de l'ordre, l'heureuse

direction de l'esprit public, prouvent chaque jour au roi la réalité du plan que sa sagesse a cru devoir adopter pour cicatriser les plaies. Quoique satisfaite de ses succès, S. M. le roi de Sardaigne ne peut cependant se dissimuler que la tranquillité de ses États ne pourra jamais être assise sur des bases vraiment solides et inébranlables, tant qu'on ne parviendra pas à éloigner des frontières les principaux artisans de la révolution piémontaise, et à trancher par là le fil des correspondances criminelles que ces réfugiés ne cessent d'entretenir avec leurs anciens complices, dans l'espoir de maintenir l'agitation dans leur patrie, et d'y perpétuer surtout cette crainte vague de nouvelles catastrophes, conséquence immédiate des fausses nouvelles, des absurdes calomnies et des suppositions les plus gratuites, qu'ils ne cessent de forger et de débiter avec une audace toujours renaissante. Cette mesure, objet de continuelle méditation de S. M. le roi de Sardaigne, a fait la matière de plusieurs communications de son Cabinet avec ses augustes Alliés et particulièrement avec S. M. l'Empereur d'Autriche, qui par la situation morale et géographique du royaume lombard-vénitien, aussi bien que par une communauté d'intérêts et de sentiments, était plus que tout autre à la portée d'apprécier l'importance du mal et la nécessité d'y porter remède. À la vérité, avant de quitter Laybach, les Souverains alliés s'étaient fait un devoir d'aller au devant des vœux de S. M. le roi de Sardaigne; et sans attendre les communications que ce Souverain leur adressait à peuprès à la même époque, ils avaient ordonné à leurs ministres auprès de la Confédération Suisse d'insister auprès du Gouvernement fédéral pour l'éloignement des réfugiés qui s'étaient établis sur les frontières de la France, du Piémont et de la Lombardie.

Cette démarche, accueillie en apparence par le Gouvernement fédéral suisse avec une espèce de déférence, ne produisit qu'un effet momentané. Les réfugiés italiens, protégés par la majorité des habitants et des Autorités du pays, trouvent aisément le moyen de se soustraire, par le changement fréquent de nom et de domicile, aux mesures que le Gouvernement fédéral de la Suisse eut l'air d'adopter contr'eux, par suite des instances répétées des ministre des Cours d'Autriche, Prusse, Russie et Sardaigne. Ces individus ne continuèrent pas moins à résider sur la frontière, et les Cantons de Genève et du Valais, devinrent le foyer des manoeuvres les plus criminelles contre la tranquillité des États qui les avoisinent.

Les résultats de cet état de choses devenant tous les jours plus alarmants, excitèrent enfin la vive sollicitude des Cours

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