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Les servitudes s'éteignent, en outre, par la réunion dans la même main, de l'héritage qui la doit, et de celui à qui elle est due, et par le non-usage pendant trente ans. Les trente ans commencent à courir, selon les diverses espèces de servitudes, ou du jour où l'on a cessé d'en jouir, lorsqu'il s'agit de servitudes discontinues, ou du jour où il a été fait un acte contraire à la servitude, lorsqu'il s'agit de servitudes continues. Le mode de la servitude peut se prescrire comme la servitude

même.

Si l'héritage en faveur duquel la servitude est établie appartient à plusieurs par indivis, la jouissance de l'un empêche la prescription à l'égard de tous. Si, parmi les copropriétaires, il s'en trouve un contre lequel la prescription n'ait pu courir, comme mineur, il aura conservé le droit de tous les autres.

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peut arriver que, par suite de quelque accident naturel, le chemin qui conduit dans une propriété soit détruit, et que le propriétaire, pour y arriver, n'ait pas acquis le droit de passer sur les héritages voisins. Toutes les fois qu'une propriété se trouve ainsi enclavée, le propriétaire qui n'a aucune issue sur la voie publique, peut réclamer un passage sur le fonds de ses voisins pour l'exploitation de son héritage, à la charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il doit

occasionner. En pareil cas, le passage doit régulièrement être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique, à moins qu'en le prenant d'un autre côté, il ne soit moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé. Le droit à une indemnité pour le passage peut s'éteindre par la prescription comme toutes les autres créances..

Des jurisconsultes ont prétendu que la partie du Code civil dans laquelle les principes sur les servitudes sont exposés, n'était pas complète; ils auraient voulu qu'elle fût beaucoup plus étendue. Il me paraît évident, au contraire, que le titre de ce code, relatif aux servitudes ou services fonciers, est trop étendu, parce qu'on y a fait entrer un grand nombre de dispositions qui appartiennent à d'autres matières. Si l'on mettait, dans l'étude et dans l'enseignement du droit, plus de logique et surtout de méthode qu'on n'y en met ordinairement, on verrait que, pour bien résoudre les questions qui se présentent sur chaque sujet, il suffit de connaître un petit nombre de principes. Un législateur ne doit pas faire l'office d'un jurisconsulte; il doit clairement établir sur chaque matière les principes qui doivent la régir; mais, quand il les a proclamés, il n'a nul besoin d'en faire le commentaire.

Pour trouver la solution de la plupart des ques

tions auxquelles les servitudes peuvent donner naissance, il suffit d'en bien connaître la nature et l'objet ; il ne faut que se rappeler qu'une servitude n'est que le démembrement d'une propriété immobilière, pour le service ou l'utilité d'une autre propriété du même genre. Tout propriétaire qui établit une charge sur son héritage, pour le service ou l'utilité d'un héritage appartenant à une autre personne, aliène, par cela même, une fraction de sa propriété ; il abandonne, en partie, le droit d'en jouir ou celui d'en disposer. La part de propriété dont il se dépouille, devient une partie intégrante de l'héritage pour le service ou l'utilité duquel l'aliénation est faite; celui-ci s'accroît de tout ce qui est perdu par celui-là.

De là résultent les droits et les obligations réciproques des propriétaires des deux héritages. Pour déterminer l'étendue de ces droits et de ces obligations, il n'y a pas d'autres règles à suivre que celles qui servent à résoudre toutes les questions de propriété. Chacun des deux propriétaires paie les frais d'entretien qu'exige la chose qui lui appartient; chacun jouit et dispose comme il l'entend de sa propriété, pourvu qu'il ne porte aucune atteinte à celle de son voisin. La servitude étant une fraction ou un démembrement de la propriété sur laquelle elle est établie, s'éteint lorsque cette propriété périt: la partie ne saurait exister quand le

tout est anéanti. Ayant uniquement pour objet le service ou l'utilité d'un autre fonds, elle s'éteint également quand un fonds n'existe plus ; car il n'y a pas de service à rendre à ce qui n'a plus d'existence. Pouvant être créée par les moyens à l'aide desquels une propriété se transmet d'une personne à une autre, elle peut être abolie par les mêmes

moyens.

Les démembremens de propriété, qui ont pour objet de créer des servitudes, ayant généralement lieu par l'effet de la volonté des propriétaires, il s'ensuit que la plupart des questions auxquelles les servitudes donnent naissance, ne peuvent être résolues que par une bonne interprétation des actes qui les ont établies. Il faut donc s'en rappor ter, à cet égard, aux règles suivies pour l'interprétation des conventions ou des autres actes au moyen desquels les propriétés se transmettent d'une personne à une autre,

DE LA CLASSIFICATION DE LA PROPRIÉTÉ, ETC. 443

CHAPITRE LIII.

De la classification des propriétés, ou de la distinction des biens.

AYANT vu quels sont les élémens dont les propriétés sont généralement composées, et quelles sont les diverses manières dont elles peuvent être partagées, il reste à examiner comment elles doivent être classés, et comment elles l'ont été, soit par les jurisconsultes, soit par les législateurs.

Il n'existe dans la nature que des individus; les espèces, les genres, ne sont que des conceptions de notre esprit : ce sont des méthodes au moyen desquelles nous rendons nos études plus faciles, et donnons à notre langage plus de précision et de généralité.

En désignant par un seul mot tous les individus entre lesquels il existe un grand nombre de points de ressemblance, ou des qualités communes, nous pouvons donner à nos affirmations et à nos raisonnemens une généralité qui serait impos sible sans l'emploi de ce moyen.

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