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sortes de végétaux; c'est de le fouiller pour en retirer les divers matériaux qu'il recèle.

Le propriétaire d'un fonds de terre a donc la propriété de tout ce qu'il produit, et même de tout ce qu'il renferme. S'il ne l'avait pas, la terre ne serait pour lui d'aucune utilité; elle n'aurait jamais été mise en culture. Elle ne serait pas devenue une propriété individuelle.

La terre renferme une multitude d'élémens qui, dans leur état primitif, ne nous seraient bons à rien, si nous n'avions pas le moyen de les mettre sous une forme qui les rend propres à satisfaire nos besoins, ou qui du moins nous permet de les convertir à notre usage. Un fruit ne vient pas de rien; il est formé d'une partie des élémens qui se trouvent dans le sol, ou qui sont répandus dans les airs. L'art de l'agriculteur consiste à cultiver la plante qui a la propriété de recueillir et de combiner ces élémens.

Parmi les objets que la terre produit ou qu'elle développe, il en est plusieurs, tels que les fruits, qui peuvent être immédiatement employés à satisfaire quelques-uns de nos besoins; il en est d'autres qui ne peuvent nous servir qu'après avoir subi des modifications plus ou moins nombreuses. Les feuilles qui croissent sur le murier, par exemple, ne peuvent satisfaire immédiatement aucun de nos besoins. Si elles sont livrées à certains insectes,

elles seront converties en cocons. Après avoir subi cette première transformation, elles en subiront une seconde; elles seront converties en fil de soie. Le fil sera converti en une pièce d'étoffe, et l'étoffe se transformera en meubles ou en vêtemens.

Lorsqu'on veut observer la manière dont les propriétés mobilières se sont formées et multipliées, on est arrêté par une difficulté semblable à celle qui s'est présentée dans l'examen de la formation des propriétés qui consistent en fonds de terre. On s'aperçoit que, pour les créer, il a fallu en posséder une certaine quantité; les capitaux sont, en effet, considérés par les hommes qui ont écrit sur l'économie politique, comme une des conditions essentielles de l'exercice de toute industrie; mais les capitaux ne sont que des richesses cumulées; et sans industrie il ne saurait exister de richesses.

Il a sans doute fallu, pour exercer une industrie et en retirer un bénéfice, avoir des subsistances pour vivre au moins jusqu'au moment où l'on a obtenu un produit. Il a fallu, de plus, posséder quelques instrumens pour se livrer au travail, et une matière quelconque pour lui donner une valeur; cela ne peut pas être contesté. Mais ce qui n'est pas moins incontestable, c'est qu'il existe une multitude d'industries auxquelles on peut se livrer avec des capitaux extrêmement bornés. Il ne s'agit

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pas, au reste, de donner ici l'histoire de la formation et de l'accroissement des propriétés mobilières: il ne s'agit que d'observer les procédés au moyen desquels elles se créent.

Nous avons admis en principe qu'un des élémens essentiels de toute propriété est l'utilité qui réside dans les choses que nous désignons par ce nom, c'est-à-dire la puissance qui est en elles de satisfaire quelques-uns de nos besoins. Nous avons reconnu qu'à mesure que l'utilité devient plus grande, la propriété augmente, et qu'à mesure que l'utilité diminue, la propriété décroît. Nous avons admis, d'un autre côté, qu'un homme n'est jamais la propriété de personne; que toutes ses facultés sont à lui, et que toute utilité qu'il crée est également à lui. Ces vérités étant reconnues, il sera facile d'observer comment se forment les propriétés mobilières.

Toutes les fois qu'un homme exerce son industrie sur une matière quelconque, il a pour objet d'en accroître la valeur ou l'utilité. Si la matière lui a été confiée par une autre personne qui en a la propriété, et qui doit la reprendre, il est payé de la valeur qu'il y ajoute, par le salaire qu'il reçoit. Il est possible que la valeur qu'il consomme pendant le travail, pour se nourrir, se vêtir et se loger, soient égales à celles qu'il produit par son industrie. Il est possible aussi que ses bénéfices excèdent ses

dépenses, et qu'il mette tous les jours quelque chose à l'écart.

Dans ce dernier cas, on dit, en économie politique, qu'il forme un capital; nous disons qu'il augmente ses propriétés. Nous pouvons nous faire une idée de la manière dont chacun accroît ainsi ses propriétés, en suivant les diverses transformations que certains objets ont subies, avant que d'être appliqués à la satisfaction de nos be

soins.

Un homme achète un habit pour une somme de cent francs qu'il paye à son tailleur. Cette somme tout entière n'est pas un bénéfice pour celui qui la reçoit; car le drap, la toile, le fil, ne lui ont pas été livrés pour rien; les ouvriers qu'il a employés n'ont pas travaillé gratuitement. Supposons que les marchandises qu'il a employées lui aient coûté soixante francs: dans cette supposition, il ne lui restera que quarante francs pour la maind'œuvre. Cette dernière somme ne sera pas un bénéfice une partie sera donnée aux ouvriers qui ont concouru à faire l'habit; une autre partie servira peut-être à payer les intérêts des avances que le tailleur aura faites; une autre partie payera son propre travail.

Les soixante francs payés au marchand qui a fourni les marchandises avec lesquelles l'habit a été fait, ne sont pas un profit pour lui: il ne

les a obtenues du fabricant qu'en lui en payant la valeur. La somme que le marchand reçoit audelà de ce qu'il a payé au fabricant, ne reste pas tout entière dans ses mains. Une partie est payée à ses commis, une autre au voiturier qui a porté la marchandise de la fabrique au magasin; une autre sert quelquefois à payer le commissionnaire qui a fait l'emplête; une autre les intérêts d'une partie du capital employé dans le commerce. La somme reçue par le fabricant qui a fourni le drap, est bien loin aussi d'être un bénéfice pour lui: une partie est donnée au teinturier qui la partage entre lui, ses ouvriers, et les négocians qui lui ont fourni des drogues de teinture; une autre partie est distribuée aux nombreux ouvriers employés dans sa manufacture; une autre paye une partie des intérêts de son capital; une autre enfin est payée au fermier qui lui a vendu la laine dont le drap a été fait.

Le fermier ne s'enrichit pas de tout ce que le fabricant lui paye il en donne une partie à l'homme qui a tondu ses moutons, une autre à ses ouvriers ou à ses domestiques, une autre au propriétaire de la terre; avec une autre, il paye les intérêts du capital consacré à la culture; une autre enfin sert à payer les impôts, et se distribue entre une multitude de fonctionnaires.

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