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vient donc de ne l'ordonner que dans cette vue, et pour que la perte d'un registre n'entraîne pas celle des droits de famille. Les raisons de juridiction écartées, une autorité n'est pas plus appelée qu'une autre à devenir dépositaire du second registre; et alors on ne doit plus se déterminer, dans son choix, que par la sûreté et par la commodité des citoyens. Le dépôt dans un greffe permanent, bien organisé, bien surveillé, présente une grande sûreté; il est aussi plus commode, pour la majorité des citoyens, d'aller interroger les registres dans un tribunal placé près d'eux qu'au chef-lieu de leur département. Pour leur ménager la même facilité, il faudrait déposer le registre dans les sous-préfectures, si l'on préférait de le confier aux autorités administratives.

M. DEFERMON observe que, sous la précédente Constitution, il n'y avait qu'un tribunal civil par département, et par conséquent un dépôt unique des registres: en multipliant davantage les dépôts, on en affaiblirait la sûreté.

M. ROEDERER dit que les chefs-lieux de département sont aussi immobiles que les siéges des tribunaux ; que d'ailleurs les grandes attributions dont les préfets sont chargés aujour– d'hui exigent qu'ils aient des archives organisées.

M. TRONCHET dit que la commission, en s'occupant des registres de l'état civil, a eu surtout en vue d'assurer l'état des citoyens. Cette propriété précieuse repose, comme les autres, sous l'égide des tribunaux ; c'est pourquoi les tribunaux doivent viser et parapher les registres qui en sont le fondement: si on leur ôtait ce droit, ils seraient réduits à faire vérifier la signature et le paraphe du préfet à chaque difficulté qui leur serait soumise.

Pour tout concilier, la commission avait proposé de faire tenir le registre triple, afin qu'un exemplaire donnât à l'administration des élémens de statistique; un autre serait resté à la commune pour que les citoyens pussent lever, sans se déplacer, les extraits dont ils auraient besoin. Elle avait pensé que ce registre pourrait être transmis d'un maire à un

autre, de la même manière qu'il l'était sous les curés, et comme les minutes des notaires le sont à leurs successeurs : elle avait considéré encore que les fonctions de maire étant gratuites, on y attachait une légère indemnité, en laissant à ces fonctionnaires la rétribution que produit la levée des extraits; et que cette rétribution leur échapperait, si on leur enlevait les registres des années antérieures à l'année courante; que peut-être cette privation les rendrait moins soigneux dans la tenue des registres.

M. ROEDERER observe,

1o.Que, si l'état civil est une propriété, l'état politique en est une aussi, et que cependant l'administration est dépositaire des registres qui le constatent;

2o. Que, puisque, dans tous les systèmes, il doit demeurer un registre dans la commune, la crainte d'occasioner des déplacemens aux citoyens ne peut influer sur le choix du lieu où sera déposé le second;

3°. Que l'intérêt de suppléer un registre perdu n'est pas le seul motif qui en fasse établir un double; que ce mode est exigé par la nécessité d'inspecter les registres, et de les inspecter fréquemment, surtout aujourd'hui que les fonctionnaires chargés de les tenir n'ont pas encore acquis l'habitude de leurs fonctions; que cette inspection ne peut être. faite que par l'administration, si les officiers de l'état civil sont de l'ordre administratif ;

4°. Qu'il serait impossible à un préfet de donner de fréquens documens sur la population, s'il était obligé de les rassembler; que même il deviendrait difficile de les rassembler, parce qu'un greffier, comme tout autre dépositaire, ne pouvant perdre de vue son dépôt, le préfet serait obligé d'envoyer prendre des renseignemens sur les lieux;

5°. Que, si l'on allègue devant les tribunaux des altérations de registres, ou qu'il y ait d'autres doutes, on fera devant eux la même preuve que lorsqu'il s'agit d'une question d'état politique.

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LE CONSUL CAMBACÉRÈS dit qu'on n'a point encore prononcé sur les fonctionnaires qui tiendront les registres de l'état civil. La loi du 19 vendémiaire en chargeait les maires; l'expérience a prouvé que ce mode présentait de graves inconvéniens. Peut-être établira-t-on des fonctionnaires ad hoc; et alors il sera facile de les placer, soit dans la hiérarchie administrative, soit dans la hiérarchie judiciaire.

Au surplus, la question se divise.

Il y a quelque avantage à faire parapher les registres par les préfets ou par les sous-préfets, et à les autoriser à diriger, par des instructions, les officiers chargés de tenir ces registres. Lorsque les actes sont dressés, ils doivent être tout-à-fait étrangers à l'administration: si elle en conservait l'inspection, bientôt elle réclamerait le droit de les rectifier; et, par ce moyen, elle acquerrait le droit de prononcer sur les questions dont la solution ne peut appartenir qu'aux juges.

Il est vrai que la difficulté de former des tableaux statistiques subsistera; mais, comme on l'a déjà observé, l'expérience a découvert que cette mesure serait presque impossible à exécuter: comment, d'ailleurs, réunir à la préfecture tous les élémens des tables décennales? Un département composé de quatre mille communes fournirait par an douze mille registres, et par dix ans cent vingt mille : quel vaste local il faudrait pour placer une collection si immense, laquelle, d'ailleurs, exigerait l'institution d'un garde des archives particulier!

Enfin le dépôt des registres à une autre autorité qu'à celle qui les prend pour base de ses décisions, produit des contestations perpétuelles : les administrations se refusent souvent à livrer ces registres aux tribunaux.

M. TRONCHET dit qu'il n'est pas indifférent de laisser ou d'ôter aux tribunaux le droit de parapher les registres. Lorsque le signataire est pris dans leur sein, ils ne peuvent être ni trompés ni en doute sur sa signature.

M. BOULAY observe que le Conseil a été forcé d'autoriser beaucoup de mises en jugement pour altérations de registres faites par des maires.

On passe à la discussion de la question de savoir si l'on inscrira plusieurs espèces d'actes sur un même registre.

M. THIBAUDEAU dit qu'en inscrivant tous les actes sur un même registre, il conviendrait peut-être de les classer suivant leur différente nature, pour en prévenir la confusion.

M. DEFERMON dit que le nombre des registres est un objet purement réglementaire ; que la loi doit se borner à décider s'ils seront tenus en double ou en triple.

M. DUCHATEL dit que les registres de l'état civil ne doivent pas être clos et arrêtés par celui qui les tient; qu'il convient aussi de déterminer l'époque où se fera le dépôt.

M. BIGOT-PRÉAMENEU propose de donner à l'officier de l'état civil la garde des registres, et de ne pas les déposer dans les archives des communes, où la garde en est toujours négligée.

L'article est adopté.

L'article 8 est adopté; il est ainsi conçu :

« Ces registres seront cotés par premier et dernier, et pa«raphés sur chaque feuille, sans frais, par le président du << tribunal de l'arrondissement, ou par le juge qui le rem« placera. »

L'article 9 est soumis à la discussion; il porte :

« Les actes seront inscrits sur ces registres, de suite, sans « aucun blanc, et conformément aux modèles. Les ratures et

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<< les renvois seront approuvés et signés de la même manière que le corps de l'acte. Rien n'y sera écrit par abréviation, « ni aucune date mise en chiffres. »>

LE CONSUL CAMBACÉRÈS dit que le projet de Code civil qui fut présenté au Conseil des Cinq-cents portait aussi que les actes seraient rédigés conformément aux modèles: on réclama

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contre cette disposition, sur le fondement que le remplacement d'un mot par un mot équivalent entraînerait la nullité de l'acte.

M. THIBAUDEAU dit que la section ne s'est pas encore occupée de la nullité des actes, et qu'elle se propose même de soumettre au Conseil la question de savoir s'il faut admettre des nullités.

M. TRONCHET dit que les tribunaux ont demandé des lois sur les nullités: mais il est impossible d'établir sur ce sujet des règles générales; car ce sera toujours par les circonstances qu'il faudra juger de la nullité des actes. On peut cependant donner quelques règles sur les actes de mariage, parce que le contrat de mariage est précédé et accompagné de formalités et soumis à des conditions; mais les nullités qu'on établirait pour les actes de naissance et de décès ne détruiraient, en aucun cas, la certitude de la date, laquelle en est une des parties les plus essentielles. S'il y avait dans la date même une erreur, si, par exemple, on avait exprimé une année pour l'autre, la méprise devenant évidente par la contexture du registre entier, il y aurait lieu de rectifieret non d'annuler l'acte.

L'article est adopté.

L'article 10 est soumis à la discussion; il est ainsi conçu : « Les procurations, ou les autres pièces dont la représen– << tation sera exigée pour la rédaction des actes de l'état civil, demeureront annexées au registre, qui devra être déposé « au greffe du tribunal, après qu'elles auront été paraphées la personne qui les aura produites et par l'officier de

« par

« l'état civil. »

M. TRONCHET dit qu'autrefois on se bornait à faire certifier les procurations; que ce serait engager les parties dans des frais inutiles que d'exiger d'eux des procurations authentiques.

M. THIBAUDEAU répond que les frais des procurations sont

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