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de grandes vues et de grandes vertus, ajoute de puissance à l'autorité des lois; et M. de Richelieu n'est peut-être guère plus digne d'admiration pour tant et de si importans succès, que pour le choix et l'emploi qu'il sut faire des moyens propres à les produire et à les assurer (1). "

Nous avons omis de remarquer qu'en 1801, lorsque la paix fut rétablie entre la France et la Russie, M. de Richelieu, qui portait hors de France un cœur toujours français, était venu à Paris pour demander sa radiation de la liste des émigrés; pour revoir son épouse, dont les vertus touchaient son cœur et méritaient son respect, et deux sœurs qu'il avait perdues de vue depuis leur enfance (Mesdames de Montcalm et de Jumilhac).

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(2) Il s'était également proposé d'as surer le sort des nombreux créanciers de son père et de son grand-père. Il fut assez heureux pour remplir dans toute son étendue un devoir sacré pour sa délicatesse et sa justice. Il fit en cette occasion ce qu'il a fait toute sa vie : il sacrifia tous les droits qu'il pouvait prétendre, et il ne lui resta pas le plus faible débris de l'immense héritage du cardinal de Richelieu, dont le testament de famille n'est plus qu'une pièce curieuse et intéressante de l'histoire par l'amas de richesses, de titres et de domaines dont il offre la plus étonnante et la plus magnifique dispensation.

« A peine put-il jouir quelques mois de la douceur de cette vie intérieure qu'il goûtait pour la première fois. L'esprit in quiet de Bonaparte, et des exigeances dont l'objet ou du moins le résultat eût été de flétrir son caractère, en le rendant infidèle à la reconnaissance, l'obligerent bientôt à quitter la France. »

C'est peu de teinps après (1803) qu'il alla créer le Tamide. Il y attira autour de lui quelques Français (M. l'abbé Nicolle, etc.) qui contribuèrent à la splen

deur de sa nouvelle création.

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première victime du fléau destructeur qui allait faire taut de victimes autour de lui. La peste se déclare tout à coup à Odessa, au mois d'août 1812, au moment où il arrivait de la Crimée, et se disposait à partir pour l'armée. Rien n'est plus admirable que la justesse, la précision et la sagesse des mesures qu'il prescrivit pour préserver sa ville naissante d'une ruine totale. Il suffira de dire que jamais le gouverneur d'une ville en proie à la plus terrible calamité, ne s'est dévoué avec plus de constance et d'énergie...

Depuis long-temps, l'empereurAlexandre voulait aller visiter les magnifiques établissemens d'Odessa, dont il entendait chaque jour faire des rapports si avantageux. M. de Richelieu, les trouvant encore imparfaits, suppliait toujours S. M. d'ajourner son voyage. Ce n'est qu'en 1818, lorsqu'il ne pouvait plus recueillir de la bouche de S. M. le prix de ses grands travaux, que ce projet a été réalisé. C'est de là que le souverain, digne appréciateur de cette précieuse conquête, a dépêché un courrier chargé de porter à M. de Richelieu le cordon de Saint-André avec une lettre autographe remplie des expressions les plus flatteuses; et a ordonné que le lycée de cette ville porterait le nom de son fondateur.

« Une nouvelle carrière s'était ouverte pour M. le duc de Richelieu. Les événemens de 1814 ayant ramene en France le Roi et la famille royale, les titres honorables qui l'attachaient à cette noble cause rappelaient M. de Richelieu dans sa patrie. Il y fut créé pair de France et premier gentilhomme de la chambre. Il se trouvait à Paris à l'époque du 20 mars 1815, et il suivit la famille royale dans sa retraite. A son retour, il entra dans le ministère en qualité de ministre de la maison du Roi (ordonnance du 9 juillet), et, peu de mois après (26 septembre), comune président du conseil, chargé des affaires étrangères. «ci, dit son panégyriste (M. de Bausset), commencent à se mêler à la gloire de services bieu éclatans les amertumes et les contradictions d'une vie jusqu'alors si heureuse, si brillante et si honorée. »

Il n'y a personne qui ne se rappelle les grands événemens qui ont marqué le premier ministère de M. de Richelieu, et chacun les ayant vus au travers du prisme de son opinion, on lui a reproché d'avoir signé le traité du 20 novembre 1815,

-(3) Idem.

comme s'il eût été possible de dicter des lois au vainqueur... Mais les résultats de ce traité, si humiliant qu'il pût alors paraitre, ont justifié celui qui a si diguement rempli la mission terrible à laquelle il s'était résigné. L'adoucissement des conditions qu'on voulait imposer à la France (on sait que les réclamations des sujets étrangers s'élevaient à 963 millious, qui ont été réduits à 240 millions de capital nominal, représenté par 12,080,000 fr. de rentes sur le grand-livre), et la libération devancée du territoire, sont en grande partie le fruit de l'estime et de la confauce qu'inspirait aux souverains étrangers M. de Richelieu « dont la parole, dit le duc de Wellington, valait un traité. »

Après avoir éprouvé les jouissances les plus pures dont un ministre honnête homme et citoyen peut jouir, celui qui venait de désarmer l'Europe et de signer la libération de son pays, se crut obligé de céder à des considérations peut-être indignes de sou caractère, à des craintes, à des défiances, à des difficultés sans doute exagérées. Il abandonna la direction des affaires (29 décembre 1818); mais du moins il emportait alors dans cette première retraite le sentiment du bien qu'il avait fait, la satisfaction d'un service éminent, incontestable, rendu à son pays.

Moins de quatorze mois après ce glorieux repos, une crise intérieure, plus difficile à surmonter pour lui que les dangers extérieurs dont il avait triumphé, le fatal 13 février 1820, fit redemander ses services: il céda encore aux instances de la famille royale éplorée, et il fut remis à la tête des affaires. (Ordonnance du 20 février.)

On n'entreprendra point de suivre en détail les opérations ni même de retracer l'ensemble du système que M. de Richelieu avait adopté. Cet ouvrage en est l'histoire; ce noble citoyen voulait concilier les partis comme il avait reconcilié les souverains avec la France, et il échoua dans son généreux dessein.

Des hommes qui ne s'accordent en rien se sont accordés à lui reprocher de la faiblesse, de la facilité à se laisser aller a des impressions fugitives, à la confiance qu'on avait une fois acquise sur son caractère généreux, et trop de susceptibilité dans ses rapports politiques, mais aucune opinion ne pouvait

le juger même sévèrement sans lai rendre d'abord une espèce d'hommage.

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D'ailleurs, pour les hommes d'état le tombeau ne commence pas encore l'avenir(1); les contemporains ne peuvent les juger avec une entière impartialité au milieu des intérêts, des combats, et des passions des partis; au milieu des ressentimens, des amours-propres, et des ambitions. L'histoire pourra seule les juger sans prévention, sans amour, et saus haine. Des amis de la mémoire de M. de Richelieu attendront son jugement avec confiance, et entendront sa voix avec reconnaissance (2).

Avec un caractère si élevé au-dessus des petites vanités, des ambitious et des cupidités vulgaires, avec la sécurité de sa vertu, M. de Richelieu n'est pas sorti de son dernier ministère sans regret. (14 décembre 1821).

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Il serait inutile de le dissimuler, les derniers jours de M le duc de Richelieu ont dû être pénibles et douloureux. Son cœur avait été profondément atteint; il dédaignait le pouvoir, les honneurs, les richesses; il ne respirait que la gloire du Roi et le bonheur de la Frauce. Il avait vu se réaliser, pendant son second ministère, une grande partie des espérances dont il avait toujours aimé à se nourrir (3). » Il ne lui était pas donné de les voir entièrement s'accomplir.

M. de Richelieu avait souvent ressenti dans le cours de sa vie les atteintes de la maladie cruelle (la fièvre cérébrale) qui l'a conduit au tombeau; il en fut attaqué si violemment dans un voyage qu'il était allé faire au commencement de mai, à Courteil, terre de madame de Richelieu, qu'on fut obligé de le ramener en toute hâte à Paris, où il arriva dans un état désespéré, et où, après les douleurs les plus aiguës, il expira le 17 mai, à midi et demi, dans les bras de ses pareus et de ses amis, qu'il n'a pas en la consolation de reconnaître. Le jour de ses obsèques fut celui d'un deuil public: c'était un juste hommage à sa mémoire.

Comme homme d'état, M. de Richelieu peut attendre le jugement de l'histoire; comine homme privé, il a réuni les dons de la nature les plus précieux, les grâces du corps, les charmes de l'esprit, les qualités du cœur. Le roi l'avait nommé à l'académie française, lors de sa réorganisation (21 mars 1816); ce n'était pas seulement pour inscrire sur

(1) M. Villemain, Réponse à M. Dacier. (2) M. de Bausset. (3) Idem. Annuaire hist. pour 1822.

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sa liste un nom si glorieux. M. de Richelieu, par son savoir étendu, par son goût éclairé, par la connaissance de toutes les langues de l'Europe, par l'élégante facilité de son style, dont sa correspondance politique autographe offre des exemples très remarquables, méri tait peut-être de trouver place dans le corps illustre créé par sou grandoncle.

Un mot suffit pour faire apprécier sa modestie, son désintéressement, toutes ses vertus, tout l'homme enfin qui avait tenu dans sa main les rènes et les trésors de l'état : c'est M. de Bausset qui nous le fournit.

« Le testament de M. le duc de Riche lieu, s'il en eût laissé un, aurait offert an bien noble contraste avec celui de son grand-oncle : treize mille franes de rente sur le grand-livre composent toute sa succession.

« Son nom, son titre et sa pairie, sont passés à son jeune neveu, M. Odet de Jumilhac, avec un majorat fait par le Roi. »

LE MARQUIS DE LONDONDERRY.

« Robert Stewart, vicomte de Castlereagh, marquis de Loudonderry, secrétaire d'État de S. M. B. pour les affaires étrangères, lord -lieutenant du comté de Londonderry, conseiller-privé, membre du parlement, chevalier de la Jarretière, etc., etc., etc., naquit à MountStewart, en Irlande, le 18 juin 1769. It était le fils atné du marquis de Londouderry, qui avait épousé la sœur du marquis d'Hertford. La maison Stewart des cend des comtes de Galloway, alliés à la maison royale de Stuart.

L'honorable M. Stewart réunissait ainsi, en fait de naissance, de liaison et de fortune, les avantages héréditaires les plus brillans. Une éducation extrêmement soignée forma ses talens naturels: ce fut l'archidiacre Hurrock qui ta dirigea; les principes religieux les plus sévères y présidèrent; le jeune Stewart fat élevé dans la religion presbytérienne, qui était celle de sa famille.

Dès sa plus tendre jeunesse, il moutra un caractère hardi et un goût vif pour tous les exercices périlleux. Un jour, pendant une promenade sur l'eau, son précepteur étaut tombé dans la rivière, luttait faiblement contre les flots, lorsque son élève s'élauce après lui et le tire heureusement à terre. Il joignait à un courage ardent beaucoup de sangfroid, un grand aplomb, et de l'assi

duité aux études historiques, mais peu de goût pour la littérature ancienne. Eu 1786, il fut inserit à l'universite de Cambridge, où il termina ses etudes.

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Nommé député au parlement d'irlande à l'âge de vingt et on aus, après une élection contestée qui coûta à son père 30,000 liv. sterl. (720,000 fr.), il débuta, comme orateur, par défendre le droit de l'Irlande, de trafiquer aux Indes-orientales, malgré le monopole de la compagnie anglaise. Mais il n'entra pas pour cela dans les rangs de l'oppositron.

« Lord Charlemont écrivit : « J'ai va « le début de Robert : le jeune homme a « du talent; mais c'est dommage qu'il «soit si empitté » L'attachement à M. Pitt et à son système était né chez M. Stewart pendant le cours même de ses études, et il y est resté fidèle jusqu'à la mort.

«Le marquis Camden ayant été nommé vice-roi d'Irlande, M. Stewart eut la place de secrétaire-général; il y déploya la plus grande fermeté; et long-temps après, l'opposition lui a reproche d'avoir approuvé, ou du moins toléré, les tortures épouvantables auxquelles les rebelles farent livrés par les troupes qui les poursuivaient : c'était l'ouvrage des Orange-men, faction dont il était alors impossible d'arrêter les excès; c'était le fruit d'une guerre civile.

« Persuadé, comme M. Pitt, que l'existence à Dublin d'un parlement séparé exclusivement protestant, était une des causes journalières de l'exaspération du peuple irlandais, et qu'en même temps les dissensions extrêmement vives qui faisaient alors de cette assemblée l'arène la plus tumultueuse, étaient au nombre des circonstances sur

lesquelles les insurgés fondaient leur espoir de succès, M. Stewart se déclara le défenseur le plas ardent du projet de l'union politique entre l'Angleterre et l'Irlande, ou, pour parler exactement, de la fusion des deux parlemens en nu seul. Il prononça dans ce but, le 5 fêvrier 1800, un discours très-remarquable, auquel il dut d'être appelé au parlement britannique, et bientôt, avec le titre de lord Castlereagh, à la place de président du contrôle (ministère des Indes-orientales); ce que les Irlandais lai reprochèrent, comme le prix auquel il avait vendu les libertés de la terre natale. Il conserva cette place pendant l'administration de M. Addington; mais, lors de la rentrée de Pitt, il fut nommé

secrétaire-d'État pour la guerre et les colonies, place qui, en Angleterre, est purement politique et administrative, le commandant en chef (alors le duc d'Yorck) ayant les nominations, la discipline et la surveillance des troupes, tandis que le cabinet en masse est juge des opérations militaires.

à conso

A la mort de Pitt, lord Castlereagh, avec tous les autres ministres, donna sa démission. Le nouveau ministère, formé en 1806, par une coalition entre le parti de Fox et la maison de Grenville, cherchait à faire la paix et négligeait les alliances continentales. Lord Castlereagh et M. Canning, alors membres de l'opposition, attaquèrent ce système comme pusillanime, et comme propre lider la puissance gigantesque de Bonaparte, parvenue à son apogée après la bataille de Jéna. Mais l'éloquence vehemente de M. Canning brillait plus dans ces luttes parlementaires que la finesse et le savoir de lord Castlereagh, presque uniquement occupé chicaner M. Wyndham sur les détails d'administration, et sur les plans pour la formation d'une milice nationale.

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Après la mort de Fox, le ministère pacifique s'écroula promptement, moins encore par le refus du Roi d'accéder à Fémancipation des catholiques, que par le peu de confiance qu'il inspirait à la nombreuse classe d'hommes influens qui regardaient une guerre vigoureuse comme la seule route pour arriver à une paix honorable et sûre. M. Spencer Perceval rassembla les élèves de Pitt pour former un ministère plus énergique. M. Canning eut le département des affaires étrangères, et lord Castlereagh reprit le portefeuille de la guerre: le premier essaya de renouer les coalitions continentales, et le second appuya ses projets politiques, en recommandant toujours les opérations militaires les plus bardies et les plus décisives. Ce fut alors que lord Castelereagh se lia intimement avec son compatriote le duc de Wellington, alors général, et sir Arthur Wellesley; et c'est leur union constante qui, depuis cette époque, a dominé le cabinet anglais, et a fini par changer les destinées de l'Europe, et par faire rétrogader la fortune de Bonaparte (1). La dispute de pouvoir, qui s'éleva ensuite, lors de la fameuse expédition de Walcheren, entre lord Castlereagh et

M. Canning, querelle dont s'ensuivit un duel où M. Canning recut une balle dans la cuisse, les força tous deux à quitter le ministère. Mais lord Castlereagh ne tarda pas à y rentrer comme ministre des affaires étrangères, avec cette même plénitude de pouvoirs que M. Canning avait demandée. La mort de M. Perceval lui donna une influence prédominante dans le cabinet, où en effet les relations politiques étaient l'objet le plus impor. tant. L'Europe connait assez les dernières années de la vie de lord Castlereagh pour que nous puissions nous dispenser d'en parler en détail

Il assista aux conférences de Châtillon, et refusa de signer le traité de Fontainebleau, parce qu'on y donnait à Bonaparte le titre d'empereur, et parce qu'on lui laissait pour retraite une ile qu'il trouvait trop voisine de la France, où l'ex-empereur pouvait entretenir des intrigues. Il eut l'honneur de représenter son souveraiu au congrès de Vienne, où il exerça beaucoup d'influence. Il n'en eut pas moins sur les traités de 1815. Il avait proclamé le principe que la sûreté de l'Europe était liée aux destinées de l'auguste famille des Bourbons. Mais il voyait toujours la puissance de la France avec une sorte de terreur; on l'a entendu, même après le traité de 1815, se plaindre de l'avoir laissée trop forte. On dit qu'il eut beaucoup de part à l'enlèvement des chefs-d'œuvres entassés par la victoire au Muséum; et au congrès d'Aix-la-Chapelle, il ne fut pas des meilleurs amis de la France. De toutes les négociations qu'il avait conduites, nulle ne l'embarrassa davantage que celle relative aux affaires de l'Espagne; et il est probable que ces embarras ont plus contribué que toute autre chose à son suicide (12 août), qu si l'on veut au dérangement mental qui l'a occasioné. (Voyez l'Hist., page 580, et la Chronique, 14 août.)

Le marquis de Londonderry a été jugé à Londres après sa mort, par les divers partis, même sous le rapport du talent, comme il l'eût été à Paris.

Suivant le Courrier (The Courrier), « le marquis de Londonderry a droit à l'admiration publique, pour la manière à la fois ferme et conciliante avec laquelle il a conduit les négociations, soit à Vienne, soit à Paris,

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Il y avait, dans sa manière de discuter les affaires, une clarté, une méthode, une

(1) The Courrier; Journal des Débats, août.-"

fermeté mêlée cependant de tant de bonté, que tous les ministres étrangers devenaient ses amis personnels, et qu'il était l'objet des respects et des égards de toutes les personnes qui appartenaient

à son ministère.

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En sa qualité de chef ministériel dans la chambre des communes, il s'est toujours conduit de manière que ses adversaires les plus opposés ne pouvaient nourrir contre Tai aucune inimitié personnelle : jamais il n'y eut d'aigreur dans ses attaques ou ses réponses; il était toujours ferme, quelquefois sévère, mais jamais dur ni personnel: il y avait une noblesse dans ses paroles, qui donnait du poids à tout ce qu'il disait. Quelques métaphores, quelques phrases mal sonnantes, en ont fait un objet de ridicule; cependant il serait difficile de citer un orateur qui ait parlé plus à propos que lord Londonderry. Sou vent, quand il était excité ou qu'il devait parler sur un sujet touchant ou héroïque, il montrait une sensibilité et une éloquence qui auraient fait honneur aux plus grands orateurs que l'Angleterre ait jamais produits.

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Quelque différence d'opinion qu'on ait pu avoir sur son caractère public, il n'y a qu'un sentiment, qu'une opinion sur son caractère particulier : il était excellent, affable, l'époux le plus affectionné envers l'épouse la plus aimable; le plus poli, le plus parfait des hommes; le meilleur, le plus doux et le plus indulgent des maîtres; bienveillant envers les pauvres, et tellement affable, que tout homme, quel que inférieur que fût son rang, était à son aise en lui parlant. Dans ses amitiés, il avait toute la constance et la chaleur qui distinguaient si éminemment le caractère de Pitt; il avait tout son désintéressement, tout son mépris pour les sentimens bas, tout son dévouement et son attachement aux intérêts et au bonheur de l'empire. Enfin, la société a perdu, par la mort du marquis de Londonderry, un de ses plus grands ornemens, et sa patrie un de ses homunes les plus habiles et les plus dévoués.

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Suivant le Morning - Chronicle, lord Londonderry a trompé, par les traités auxquels il a eu la plus grande part, les espé rances de la Grande-Bretagne et des peuples qui la regardaient comme la protectrice des droits populaires. Le pouvoir ar bitraire est sorti triomphant du congrès de Vienne. On oublia, dit-il, les gages qui avaient été donnés au moment du peril; tout fut sacrifié aux intérêts d'une alliance qui se partagea les états indépens

dans de l'Europe, dont les vues se manifestèrent de plus en plus, et qui se déclara enfin à Laybach contre toute régénération politique et contre les droits des peuples. Nous savons bien que dans cette occasion S. S., quoique nécessairement armée d'un grand pouvoir discrétionnaire, n'était que le représentant du cabinet dont il était membre, et que, quoique son nom seul paraisse dans ces transactions, on ne doit pas cependant l'en accuser exclusivement.

Comme politique, S. S. paraît avoir été guidée plutôt par la nécessité du moment, que par des principes fixes. Il était impossible qu'il n'eût pas profité de sa longue expérience; mais cependant ses counaissances sur beaucoup de sujets importans ne paraissent ni étendues, ni bien élaborées. Il avait sans doute infiniment de sagacité, et dans les conjonctures difficiles, il montrait généralement beaucoup de tact et de présence d'esprit. Sans avoir ce qu'on appelle de l'eloquence, sans même savoir mettre ses discours en ordre, et avec un style qui aboudait en solécismes ridicules, c'était cependant un grand

orateur.

« Il paraissait n'avoir rien qui approchât de l'enthousiasme, et surtout n'avoir pas une idée fort élevée de la nature humaine de là sans doute son indifférence sur les améliorations sociales et l'état futur de l'homme. Ses manières étaient douces et touchantes, et toute sa conduite était celle d'un homme comme il faut. Jamais il ne manqua de fermeté ni de courage dans les occasions qui en exigeaient.»

Enfin une autre journaliste (le Times) pense que le nom du marquis de Londonderry sera oublié avant que l'influence de sa politique ait cessé d'être remarquée : « et malgré la célébrité malheureuse qui s'attache à ces traités étonnans (de 1815), qui ont sacrifié tant d'espérances, de droits, une si grande partie du bonheur des petits états de l'Europe, ainsi que des intérêts coloniaux et commerciaux de l'Angleterre, de son honneur, de sa répatation et de sa popularité si bien acquise, il est douteux que le nom du ministre qui a signé ces funestes traités soit à la fin sauvé du naufrage dont il a été une des

causes. »

LE PRINCE DE HARDENBERG.

(Extrait de la Gazette de Berlin.)

Charles-Auguste, prince de Hardenberg, chancelier d'état de Prusse, a termine, le 26 novembre 1822, à l'âge de soixante-douze ans cinq mois et vingt-six

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