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Mollien observe que « cette cour ne juge pas les marchés et autres dépenses dans leur moralité, dont le Roi et les deux chambres sont seuls arbitres, mais seulement les paiemens dans la légalité, qui est du domaine de son pouvoir judiciaire; qu'ainsi, pour satisfaire à la conscience des chambres, la cour des comptes n'aurait besoin que d'extraire de chaque comptabilité individuelle le total des paiemens faits pour chaque ministère pour le même budget, et d'en former un état, qu'elle joindrait, comme renseignement séparé, au cahier d'observations annuelles qu'elle est en possession de soumettre au Roi, et que la communication de ce document serait faite aux chambres par le ministre des finances, dans la forme de toutes celles qui sont relatives aux comptes. »

A la suite de ces considérations, que l'on peut regarder comme des amendemens pour l'avenir, le noble rapporteur entrant dans l'examen des cinq lois proposées, témoigne quelque répugnance à consa crer le principe de la première (l'acquisition de l'hôtel de Wagram), attendu, dit-il, que les revenus d'ún budget doivent, par leur nature, avoir une toute autre destination que celle d'être convertis en capitaux d'immeubles; et què, d'après les principes qui régissent le domaine public, aucun changement ne peut être apporté à sa consistance sans une loi préalable. A l'égard du crédit de 1,800,000 fr. affecté à la construction d'une nouvelle salle d'opéra, il regrette qu'une telle dépense ne s'applique qu'à une construction provisoire. A l'égard du crédit de 1,889,507 fr. proposé pour couvrir le vol, qui reste encore un épouvantable problème, l'honorable rapporteur s'élève contre l'idée qui avait été émise que la caisse de 'service, établie en 1806, recelait des vices d'organisation, qui eussent pu préparer un si grand désordre, et déclare que, pour son compte, il n'aurait pas craint de subir le plus sévère examen pour la longue période durant laquelle la caisse de service a été placée sous sa surveillance.

En dernier résultat, la commission, rendant hommage aux travaux du ministre qui avait préparé les comptes de 1820 (M. Roy), à celui qui les avait soutenus (M. de Villèle), proposait l'adoption des cinq projets de loi. La discussion, qui s'ouvrit trois jours après

(le 29 mars), n'offrit aucune opposition. On y entendit seulement quatre orateurs, M. le comte Roy, M. le baron Pasquier, M. le duc Decazes, M. le marquis de Barbé-Marbois : le premier, en justification de son administration dans l'affaire Mathéo; les deux suivans, sur l'achat de l'hôtel de Wagram, opération dont ils firent valoir l'avantage et la nécessité; le dernier, sur les travaux de la cour des comptes, dont l'accélération promettait de si heureux résultats. Les cinq projets, soumis dans la même séance à l'épreuve du scrutin, furent adoptés à l'unanimité.

Nous aurions du commencer ce chapitre par l'exposé du rapport que M. le comte Mollien fit, le 7 février, à la chambre des députés, au nom de la commission de surveillance de la caisse d'amortissement; en voici les résultats généraux.

Malgré l'élévation progressive du cours des rentes en 1821, la caisse d'amortissement en a racheté pour 4,541,262 fr., au cours d'environ 85 fr.; elle y a employé la somme de 77,600,000 fr. Sa dotation sur les fonds du budget n'y a contribué que de 40 millions. L'excédant provient du produit des ventes de forêts, qui lui sont affectées, et de l'interêt des rentes en cinq pour cent dont la caisse est devenue successivement titulaire.

Le produit de la vente des forêts s'est élevé, pour 1821, હૈ 18,586,325 fr. Sur 150,000 hectares mis à la disposition de la caisse d'amortissement, il a été vendu, dans les quatre dernières années, 98,299 hectares.

Le montant de l'estimation était de..... 59,582,571 fr.
Le montant des ventes a été de....... 74,598,929

Dans une période de six années, dont la première n'avait mis à sa disposition qu'un capital de 20 millions, l'amortissement a déjà fait inscrire sous son nom 23,047,644 fr. de rentes; et les calculs du nouveau budget permettent d'évaluer cette quotité presque au huitième de la dette inscrite et à inscrire.

L'amortissement a employé une somme de 333,688,700 fr. au rachat de ces 23,047,644 fr. de rentes, qui, d'après la dénomination même de la dette inscrite, représentent un capital de 460,952,880 fr.

CHAPITRE VIII.

Présentation, Rapport de la commission et Discussion générale du budget de 1822.

ON se souvient que dans l'espérance de sortir du provisoire, c'est-à-dire de faire voter le budget de 1822 avant la fin de 1821, le ministre des finances (M. Roy) l'avait proposé dès le 27 novembre. Les événemens qui suivirent l'accord étrange des deux oppositions dérangea les combinaisons ministérielles, et M. Roy ne resta pas assez long-temps à la chambre pour y défendre son projet.

L'exposé qu'il fit alors de l'état des finances était satisfaisant. En parcourant les chapitres de la dépense, le ministre faisait. observer que le service du ministère de la guerre devrait s'accroître d'une somme considérable en 1822, époque du renouvellement de l'habillement des troupes, si dans ses traités de subsistances et de fourrages, et dans son service temporaire, ce département n'espérait pas trouver des économies qui compenseraient une grande partie de cette dépense. Il réduisait donc à 1,735,400 fr. l'augmentation qui lui était nécessaire, et qui porterait son budget à 176,472,000 fr.

n'a

De toutes les augmentations proposées au budget de l'année dernière, le chapitre de la marine offrait la plus considérable : elle était de 7,020,000 fr.; ce qui portait le budget de 1821 à 60 millions. On pas besoin d'en retracer les motifs : c'était d'arrêter le dépérissement du matériel de la marine, et de porter des secours dans les parages où notre commerce et l'humanité ont besoin de sa protection. D'autres départemens présentaient quelques légères réductions, surtout dans les frais d'administration centrale; et en total, le budget général des dépenses, arrêté à 889,541,540 fr., présentait sur celui de 1821 une augmentation de 7,306,066 fr.

Quant aux ressources destinées à y subvenir, le ministre les évaluait à peu près comme celles de 1821, qui avaient surpassé l'évaluation primitive, excepté quant aux postes, dont les produits

avaient diminué de 410,000 fr., et aux loteries, portées pour un million de moins.

En parlant du remboursement du premier cinquième des reconnaissances de liquidation, le ministre exposait les bénéfices résultant de la création des annuités, que les actionnaires avaient presque tous préféré au remboursement en numéraire. On avait pris cette mesure pour éviter de jeter sur la place une somme de rentes trop considérable. On avait alors à négocier les 12,514,220 fr. de rentes créées en 1821, dont la vente, faite à 85 fr. 55 c., avait produit une somme de 214,118,303 fr. Il en est résulté sur l'évaluation primitive un bénéfice pour le trésor de 31,255,891 fr., dont 10,650,000 fr. serviront à couvrir le déficit résultant de la négociation de 1818, et 20,605,891 fr. à reporter pour 1823.

Ainsi, le trésor étant dégagé pour long-temps de toute espèce de gêne, il n'avait plus paru nécessaire d'avoir recours à des émissions de valeurs extraordinaires pour subvenir aux besoins de son service; et pour prévenir la stagnation, des fonds dans le trésor, le ministre avait résolu de payer en numéraire le second cinquième des reconnaissances de liquidation, au moyen d'un crédit en rentes de 3,400,000 fr.

En résultat, le budget proposé présentait:

En recettes, la somme de...

En dépenses, celle de...

Ce qui laissait un excédant en recettes de... . lequel devait être augmenté de celui de l'exercice courant, qu'on pouvait évaluer au moins à

890,000,053 fr. 889,541,340

458,693 fr.,

30,000,000

les

En disant que «< ce budget avait dans son énormité même quelque chose de satisfaisant pour l'orgueil national », le ministre faisait observer qu'il ne dissimulait aucune dépense; qu'il contenait d'importans articles qui n'y figuraient pas précédemment, tels que frais de perception, les non-valeurs, le produit des jeux, qui forme seul une masse de près de 150 millions; qu'il y comprenait encore plus de 40 millions de charges extraordinaires et temporaires qui

disparaissaient successivement, et le fonds d'amortissement, dépense tutélaire qui, dans notre système, prenait le caractère d'une épargne annuelle de 40 millions, déjà portée à près de 63 millions, qui, placés à intérêts composés, formaient cette ressource toujours croissante qui met à jamais l'honneur de l'État à l'abri d'un manque de foi.

Tel était cet exposé, terminé par des considérations générales sur la prospérité de la France, fruit de la paix et de l'esprit d'ordre et de loyauté qui présidait à la législation financière.

Ce projet était depuis plus de six semaines sous les yeux d'une commission spéciale, lorsque, le 11 janvier, le nouveau ministre des finances (M. de Villèle) vint y proposer des modifications en forme d'articles additionnels : l'une pour porter le crédit affecté au remboursement du second cinquième des reconnaissances de liquidation à 3,418,958 fr., attendu que le cours moyen des cinq pour cent consolidés avait été établi, pour les six derniers mois de 1821, à 87 fr. 74 c. Par l'autre modification, plus importante, le budget du ministère de la guerre était augmenté de 12 millions, attendu que le gouvernement avait décidé, pour rapprocher l'armée du complet de paix qui a été fixé par la loi (240,000 hommes), de faire l'appel de 18,000 hommes restant libres sur la levée de 1819, et de 35,000 que fournirait la levée de 1820; ce qui, déduction faite des libérations successives qui ont eu lieu, accroîtrait de 36,000 hommes d'infanterie l'effectif prévu dans le budget, qui serait ainsi porté :

En dépenses, à.

En recettes, à..

901,724,755 fr.
902,000,033

En proposant ce supplément de crédit, le ministre assurait qu'il ne nécessiterait le vote d'aucun nouvel impôt, et que les produits de 1821, étant maintenant assurés, présenteraient sur les dépenses un excédant d'environ 20 millions.

Malgré cette assurance, la proposition n'en fit pas moins une sensation très-vive du côté de l'opposition, et il s'éleva à cet égard des débats fort animés. Les uns (MM. Sébastiani, Benjamin Constant, etc.), alléguant qu'avec cette manière de procéder, le minis

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