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somme, à quelques milles de Saint-Quentin qu'elle arrose, d'où se dirige, à travers le Santerre, vers Corbie et Amiens, l'ancienne Samarobriva. Interea adgrediens urbemquie florido Gallis extiterat, quondam nomen Samenobria gestuns, Ambianum quam nune mutatonomine dicunt.

L'Escaut, Scaldis, Scaldus, dans César est appelée Tabuda -par Ptolemée qui le met au nombre des fleuves de la Belgique. Cette rivière prend aussi sa source en Vermandois, auprès du Mont-Saint-Martin, non loin du Catelet où elle passe, pour se rendre à Cambrai, puis après avoir traversé le Hainaut et la Flandre, elle va se jetter dans la mer septentrionale.

Enfin Laon, qu'on a aussi confondu avec l'ancienne Bibrax, quoique négligé des vieux géographes n'en est pas moins une cité remarquable à divers titres. Il est certain que Laon, Laudunum et Lugdunum (1), paraît tirer son nom de sa position élevée.

D'origine celtique d'après son étymologie, elle devint bientôt. une forteresse gauloise qui fut transformée sous l'occupation romaine en place militaire appelée Laudunum Clavatum, Laon le Cloué; soit que cette dénomination lui ait été donnée de son mamelon isolé, qui paraît là comme un clou ou un pieux planté au milieu d'une vaste plaine ou de la nature des défenses en bois dont elle pouvait être anciennement environnée. Laon portait encore, le simple nom de Castrum Laudunense, lorsque Saint Remi fit de ce château qui était soumis à l'Eglise de Reims et dont son père Emilius était gouverneur, le siège épiscopal d'un diocèse qu'il démembra de celui de Reims. C'est à cette création religieuse que Laon dut son agrandissement et sa célébrité aussi bien qu'au Préfet Macrobe qui passe pour en avoir été le fondateur, parce que de son temps sans doute, les rares établissements qui existaient sur la pointe orientale de la montagne, s'étendirent jusqu'à la place du Bourg et furent, selon toutes les probabilités, entourés de murailles romaines. Ce fut probablement à cette époque que les habitants de Bibrax ou du Vieux-Laon, établis sur les hauteurs du village de SaintThomas, quittèrent leur vieille cité gauloise pour venir habiter celle de Laon, avec laquelle ils confondirent leurs plus chers souvenirs, en donnant à celle-ci le nom de Bibrax et en conservant à celle qu'ils abandonnaient celui de Vieux-Laon, identifiant ainsi, leurs douleurs et leurs joies avec leurs espérances d'avenir. Hincmar de Reims, dans une de ses lettres à son neveu, évêque de Laon, semble confirmer cette tradition, en attribuant au Préfet impérial dont nous avons parlé la fondation du municipe Laonnois.

Réflexions.

En parcourant ce que nous venons de dire dans ce chapitre, sur l'état de nos contrées durant cette longue occupation, nos

(1) Suivant la glose sur l'Itinéraire de Hierusalem fait au temps du grand Constantin Lugdunum signifié montem desideratum le mont désiré ou du désir, suivant d'autres il faudrait traduire ce nom par Collis corvorum, Lugum signifiant corbeau.

lecteurs auront été frappés comme nous, non seulement de cette aridtté des détails géographiques, mais de leur insuffisance et de leur pauvreté. Car c'est à peine si nous avons pu réunir d'après les documents publics nombreux, une trentaine de noms de localités et de fleuves; et encore ces renseignements si incomplets les devons-nous à quelques rares indicateurs, à des cartes routières qui ont survécu à toutes les catastrophes, qui ont détruit successivement l'œuvre des Romains dans les Gaules. C'est donc bien en vain qu'on rechercherait aujourd'hui, ces grands et magnifiques établissements que ces maitres du monde avaient élevés sur le sol conquis. Hélas! de cette riche et luxueuse civilisation, de ces palais somptueux, de ces élégantes villa, de ces théâtres de ces temples, de ces monumentales chaussées sillonnant nos plaines; de ces objets d'arts si variés et si nombreux, il n'en reste plus que d'informes débris, que la pioche du travailleur ou le soc de la charue ont mis à découvert. Encore ces trouvailles si précieuses pour l'histoire locale dont elles rapprochent les anneaux disjoints, sont elles dues pour la plupart au hasard et sont exposées chaque jour à périr. Tel est au reste le sort des choses humaines, naître, vivre et mourir. Tel a été ce grand peuple qui, après avoir vaincu l'univers, fait fleurir partout les sciences et les arts, est aujourd'hui couché dans son tombeau; sa gloire dort avec lui et sans espoir de réveil.

Il faut dire aussi que l'Empire romain, épuisé par ses victoires succombant sous le poids de ses vices et de ses luttes, intestines sans croyance comme sans morale, mourrait de sa belle mort.

Aucuns moyens humains ne pouvait donc empêcher sa chute depuis longtemps prévue par tous les esprits observateurs. Semblable à un édifice crevassé de toutes parts, et reposant sur un sol miné il allait tomber avec fracas, menaçant de couvrir de ses ruines gigantesques les vastes contrées soumises à sa puissante domination.

Une chose cependant pouvait, se semble, soutenir le colosse chancelant et même prolonger indéfinitivement sa vie et ses conquêtes, la foi chrétienne, le dogme du Dieu du calvaire. Et en effet si, au lieu de persécuter le christianisme avec une fareur inouie, au nom des Divinités vermoulues du Paganisme et et de livrer ses adeptes à la dent des lions, et aux supplices les plus cruels et les plus raffinés pendant trois siècles, l'Empire eut accepté franchement l'évangile, ses sublimes enseignements, sa morale si pure et si élevée, il eut alors possédé, selon les promesses de ses vieux oracles, toutes les chances d'être éternel, c'est-à-dire d'une durée anjourd'hui incalculable. L'identification de la Rome payenne avec la Rome chrétienne aurait pu amener pour ce peuple, d'après le plan divin, des destinées nouvelles et des horizons inconnus. Mais les Empereurs sortis pour la plupart des bas-fonds de la société, nourris dans un sensualisme grossier et idolâtre, conduits par des philosophes et des rhéteurs aussi ignorants que superbes, s'appuyant d'ail

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leurs sur des masses remplies de préjugés et esclaves des passions les plus honteuses, ne pouvaient comprendre la sublimité d'une doctrine qui appelait tous les peuples à la régénération des âmes, comme à la pureté des corps associés dès lors par la grâce à une émancipation commune et divine. Aussi lui déclarat-on une guerre acharnée, le sang innocent coula de toutes parts

et par torrent. E l'on dire sans craindre d'être démenti ni

taxé d'exagération, qu'il n'est pas un coin du globe qui n'ait eu ses martyrs. C'est-à-dire de ces témoins convaincus et dévoués qui n'hésitaient pas à mourir pour la défense de leur foi, ou affrontaient tous les périls pour venir annoncer la bonne nouvelle à leurs semblables. Admirable époque de rénovation morale et religieuse, où l'esprit de sacrifice, d'abnégation e coulant à plein bord sur le vieux monde, devait sauver aussi l'Empire, s'il eut voulu être sauvé.

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La Gaule Belgique quoique moins exposée que les autres parties de l'Empire paya néanmoins son tribut à ces indignes persécutions. Les supplices des Timothée et des Apollinaire de Reims, des Macre de Fismes, des Rufin et des Valere de Bazoches, des Crépin et des Crépinien de Soissons, des Lucien de Beauvais, des Quentin et des Benoîte d'Origny, sans compter une foule d'autres de leurs compagnons dont les noms sont ignorés, sont là pour attester que nos contrées septentrionales furent aussi fécondées par le sang généreux des Martyrs.

Or, ce sang innocent versé à flot dans toutes les parties de l'Empire, et sous son instigation et sa direction immédiatiate criait vengeance. Cette voix, comme celle du juste Abel, fut entendue du ciel et à un jour donné il déchaîna les peuples du Nord, contre le gouvernement romain. Dieu, alors pour venger ses saints, dit un père de l'Eglise, appela les Barbares et les Barbares répondirent à son appel. Pendant longtemps les envahisseurs se tinrent sur les bords du Rhin l'arme au bras, attendant le signe d'en haut, et quand il fut donné on vit alors les hordes germaniques se multiplier comme a l'envie, s'avancer d'années en années comme un torrent dévasteur dans nos riches provinces' semblables à ces fleuves, démésurement grossis par des pluies continuelles et des affluents nombreux, qui s'étendent au loin dans les campagnes et ne se retirent qu'après avoir ravagé les récoltes, et laissé à leur suite un immonde limon. Ainsi les populations d'outre Rhin augmentées de tribus nomades qu'elles rencontraient sur leur route, venaient elles chaque année tenter de nouvelles invasions sur notre territoire qu'elles ruinaient de fond encomble, brûlant pillant et massacrant les habitants sans défense.

Travaillée par des craintes incessantes et douloureuses, mécontente aussi d'un gouvernement qui ne pouvait les soustraire au joug des Barbares, la Gaule Belgique finit par en prendreson parti; elle accepta un nouveau vainqueur, qu'elle espérait vaincre à son tour par la douceur de sa civilisation nouvelle, et les germes de foi qu'elle déposerait dans son cœur. Elle ne se trompait pas, et la conversion du Sicambre Clovis est là pour attester que Saint

Remi fit la France grande, en la faisant chrétienne et en la baptisant du noble nom de fille ainée de l'Eglise. On a pu dire de lui et de ses collègues dans l'épiscopat qu'ils avaient créé, le royaume de France à la façon des abeilles, dont chacune d'elles travaille sans relâche à la batisse de leurs ruches, et à la confection de leur miel. FIN.

TABLE DES MATIÈRES

DEUXIÈME ANNÉE.

DEUXIÈME PARTIE HISTOIRE LOCALE

DE L'OCCUPATION ROMAINE DANS NOS CONTRÉES
Par M. l'Abbé POCQUET.

Etablissements gallo-romains. Reims. Soissons. Palais d'albâtre, château de crise. Saint-Quentin, sa forme romaine. Laon, ses remparts. - Villes et oppides disparues, Terva, Nizy-le-Comte. Emplacements et métairies romaines, Bazoches, Blonzy. (Suite)

-

Voies romaines. - Divers noms sous lesquelles elles sont désignées Leur importance et leur multiplicité. Signes auxquels on les reconnaît. Système d'après lequel elles sont établies. Divisions de ces chemins au moyen de colonnes milliaires. Formes et inscriptions de ces bornes itinéraires,

Indication de monuments pyramidaux ou mottes élevées, placées sur le bord des voies romaines. Descriptions géographiques des routes gallo-romaines et des ancieus chemins qui traversent le département de l'Aisne. - Réflexions. Appendice au chapitre précédent. Ancienneté du nom de Saint-Quentin.

-

Diffé

Camps romains. Causes et origines de ces camps.
rentes espèces de camps, emplacement et forme des camps.
Légions, leur organisation. Description de plusieurs
camps, présumés romains, observés dans le département de
l'Aisne, composé du Laonnois, de la Thiérache, du Verman-
dois et du Soissonnais.

Monuments d'utilité publique. Les bains. Les aqueducs et les égouts. Les places publiques ou forum. Les basiliques et les temples. Les arcs de triomphe de Reims. Les édifices consacrés aux jeux. Les cirques. - Les théâtres de Soissons, de Champlieu, de Nizy-le-Comte. →→ Les Amphithéâtres. - Ruines et incendies. Réflexions de Galvient Sculptures. Poteries. Mosaïques.

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Objets d'arts.
Ármes et bijoux, monnaies
Scultures extérieures à cette époque. Divers modes de sé-
pultures gallo-romaines. L'incinération. Les puits fu-
néraires. L'inhumation. Les tombeaux ou sarcophages.
De quelques cimetières gallo-romains dans le départe-
ment de l'Aisne
Géographie gallo-romaine. Coup d'oeil sur les constructions
romaines. Géographes anciens, César, Strabon, Ptolémée
et Pline. Mesures itinéraires usitées en Gaule. - Itinéraire
d'Antonin et table Théodosienne. - Notice des dignités de
l'empire. Notice des Gaules. Carte de Peutinger.
Fleuves et villes cités dans ces documents. Réflexions
sur la chûte de l'empire romain.

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