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martyre. On croit que ce fut sous l'empereur Julien, vers l'an 362.

Aussitôt sa décapitation le corps de la sainte Martyre comme celui de Saint-Quentin-fut renfermé dans un sarcophage que les habitants d'Auriniacum honoreront d'une manière particulière én élevant au-dessus une chapelle ou oratoire qui fut converti dans la suite en Eglise.

Il paraît que ce lieu de sépulture, sans doute pour des raisons semblables à celles que nous avons données pour Saint-Quentin resta longtemps inconnue. Mais trois cents ans après en 662 (1), Après de longues recherches le corps de la bienheureuse martyre qui avait été enseveli primitivement dans un tombeau en pierre fut découvert d'une manière providentielle ainsi que l'instrument de son supplice. La hachette avec laquelle elle fut décapitée et la sonnette dont la vierge se servait pour appeller les peuples à l'office reposaient près d'elle, suivant l'usage antique (2). C'était là aussi ses armes bien aimées, les objets de son affection.

En jetant les fondations d'une nouvelle Eglise en 1863, on trouva un tombeau vide qu'on pense être celui de Sainte-Benoîte; Si ce fait était prouvé on pourrait regarder će sarcophage comme la pièce originale qui a servi de copie à un autre tombeau en pierre de marbre blanc, surmonté d'un toit à double égout qu'on voit aujourd'hui dans la baie d'une fenêtre de l'église et qui porte sur l'un de ses pignons l'inscription sui

vante :

< Monument nouveau, posé sur un très ancien, en mémoire du corps de Sainte-Benoîte, martyrisée aux arbres de Thil en 286 (3) trouvée en ce lieu à la fin du VIIe siècle ; transférée en l’Eglise de l'Abbaye Royale d'Origny, révérée comme patronne de cette paroisse et detous ceux qui lui sont dévoués. Fait en 1738. »

Cimetières Gallo-Romains. - Outre ces tombeaux remar

(1) M. Gomart donne deux dates différentes de cette invention. Dans sa notice sur Origny il fixe l'an 662 tandis que dans son histoire de Ribemont il prend celle de 674. C'est vraisemblablement une erreur d'impression, unə de ces coquilles qui échappent à l'attention la plus scrupuleuse,

(2) La sonnette de Sainte-Benoite passait pour avoir la vertu de guérir de la fièvre et de détourner l'orage et le feu du tonnerre.

(3) Il y a ici une erreur de date des plus grossières, Sainte-Benoîte n'étant en Gaule que plus de 50 ans après la mort de Saint-Quentin arrivée sur la fin du III siècle ou au commencement du IVe n'a pu être martyrisée en 286. On assigne généralement à son glorieux trépas l'an 362 comme nous l'avons dit; ce qui est bien différent.

A. P.

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quables le Département de l'Aisne compte aussi plusieurs centres de sépultures Gallo-Romaines qui offrent beauconp d'intérêt. De ce nombre sont les cimetières du Pont d'Ancy, ancien vicus situé sur la commune de Limé, au bois des sables, découvert en 1863; celui de Cerseuil, au lieudit la Ferrière dans lequel on a trouvé des cadavres déposés dans des cercueils taillés ou exécutés dans la pierre calcaire du pays (1).

M. Lemaistre, ancien inspecteur des poudres à La Fère, dans un long et intéressant mémoire qui a été inséré dans les Annuaires de l'Aisne de 1826 et 1827 a constaté sur divers points du département l'existence des sépultures antiques dont il n'ose préciser l'époque; mais dont un grand nombre semblent accuser une physionomie Gallo-Romaine. Parmi les noms qu'il cite, Thierry, Presles, Nouvion-le-Vineux, Chavignon, Aizy-Jouy, Vauxaillon, Cuissy, Arcy, Oulchy, SaintGobain, Versigny, Liez, Moy, Séry-Mézières, Saint-Quentin, Marteville, Gros-Dizy, nous croyons avoir le droit d'en réclamer quelques-uns comme appartenant par leurs caractères à l'époque dont nous nous occupons. De ce nombre sont Nouvion-le-Vineux, Chavignon, Cuissy, Saint-Gobain, Liez, Moy, Saint-Quentin et Marteville auxquels nous pourrons ajouter Maizy et Beaurieux, quand aux autres quelque soit leur autiquité apparente, il nous reste certains doutes et nous n'oserions pas sans preuves nouvelles leur assigner la même date. La position des cercueils leur forme rapézoïdale, les objets qu'on y a trouvés tels que les certaines armes en fer, les colliers de verroteries, les agraffes et boucles de ceinturons cloisonnées, sont des marques de défiance pour nous; tandis que la forme parallépipède, espèce de caisse régulière, aussi large aux pieds qu'à la tête; la présence des monnaies et des poteries romaines sont presque toujours des certificats d'une origine authentique et dans tous les cas des accompagnements précieux pour aider à fixer les incertitudes.

Les cercueils dont nous parlons ici quoique de formes variées de natures diverses sont néanmoins le produit de nos carrières et de nos montagnes du voisinage. Un grand nombre sont faits de pierres grossières et poreuses telles qu'on les rencontre sur le premier lit du calcaire; d'autres d'un grain plus serré et plus fin sont extraits d'un ban inférieur et choisi. On croit donc

(7) Il y a 30 ans on a découvert sur le plateau qui domine le village au nord-est des tombeaux en pierre dans lesquels se trouvaient des armes et des poteries romaines.

avec raison que ces tombeaux en pierres sont tirés pour la plupart de nos montagnes du Laonnois, de Saint-Gobain, de Saint-Nicolas-aux-Bois, des Cliquarts du Catelet et du Santerre. A ces époques reculées très peu proviennent de la fameuse carrière de Colligis dont la réputation fut si grande au moyen-âge, et qui passe pour avoir été une fabrique privilégiée pour la confection des monuments funéraires (1).

Le village de Nouvion-le-Vineux, est assis sur une antique et vaste sépulture qui s'étend sur le plateau qui le domine au midi jusqu'au bois des faillés où le bois des morts. On a trouvé jusqu'à trois rangs de cercueils superposés, dont la plupart sont brisés et s'effeuillent, tant la pierre calcaire est devenue friable et tendre par son long séjour dans la terre et l'infiltration des eaux pluviales. Il parait que la carrière dont ils ont été extraits existe encore, mais qu'elle est aujourd'hui abandonnée...

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Chayignon avait aussi son cimetière Gallo-romain au mont des tombes, à 2 kilomètres de ce village, sur la montagne dite Vailly; là, au milieu de substruction romaines, on a découvert quelques tombeaux parallélipèdes, recouverts d'une ou deux pierres. O a aussi constaté des tombeaux d'enfants ensevelis les bras repliés sur la poitrine.

A Cuissy et Geny, canton de Craonne, sur le penchant et prè du sommet de la montagne, au lieudit les terres de Bellevue, on à mis à jour plus de 40 tombeaux en pierre. Ce qu'il yéut de particulièrement intéressant dans cette découverte c'est que l'un de ces tombeaux avait pour couvercle une pierre factice d'un seul morceau en terre cuite d'une teinte rougeâtre et assez fine, de la dimension du cercueil qu'elle fermait en recouvrement à la manière des boîtes. L'inscription inivoi était répétée à plusieurs reprises sous le couvercle. Il était facile de

(1) On assure que dans les galeries souterraines des vastes carrières de Colligis, dont les pierres sont si renommées par leur finesse et leur facilité d'extraction; on trouve encore des cercueils à l'état d'ébauche et attendant la main de l'ouvrier pour finir le travail commencé. Mais une révolution dans les habitudes était survenu, on avait renoncé à ce, mode de sépulture et l'artiste avait laissé son œuvre inachevée. On pourrait presque lui appliquer ce que le poète dit des murs d'une ville fameuse dont les travaux furent suspendus tout à coup : pendent opera interrupta. Avec cette différence qu'ici ce serait plutôt Jacent; car ce dernier, domicile des morts, ne reste pas suspendu en l'air comme une maison qui s'élève; il est au contraire couché à terre attendant vainement la main et l'outil qui l'ont préparé à cet usage. L'un et l'autre ont disparu depuis des siècles; et lui à son tour est demeuré silencieux à la place qu'il occupe,

voir que cette estampille en forme de moule encadré était le timbre du fabricant, qui signait son œuvre. Nous avons des poteries romaines qui portent ce nom. Cette trouvaille est assurément une des plus curieuses et fixe l'âge de cette sépulture, en nous donnant le nom d'un potier Gallo-romain bien connue ailleurs par des pièces revêtues de son cachet.

Saint-Gobain, malgré la vaste forêt qui l'environne de toute part, n'en porte pas moins les marques incontestables d'une longue occupation romaine. L'intérieur de ce beau village, et ses alentours offrent des débris de construction de cette époque. On y a aussi trouvé des médailles de plusieurs Empereurs, et surtout un grand nombre de cercueils en pierre sur le penchant et au pied de la colline sur laquelle est placé Saint-Gobain et son magnifique établissement de glaces en un lieu nommé le bois des Lusiaux (1).

Parmi ces tombeaux quelques uns étaient extraordinaires; on en cite de parallélipèdes, mais avec un renflement vers le milieu; d'autres à ce qu'il parait étaient composés en terre cuite. Peut être ces seuls caractères suffiraient-ils pour en faire une sépulture Gallo-romaine, sépulture qui aurait succēdē toutefois à une plus ancienne si nous en croyons M. Deslandes, qui, en 1780, avait découvert au même endroit et sur le flane de la montagne où est assis Saint-Gobain une sépulture des plus curieuses.

« Des ouvriers occupés à chercher des grés tendres pour le » douci des glaces trouvèrent, à quelques pieds de profondeurs, > un espace fermé par les quatres côtés de grés posés de champ » de 2 m. 60 c. à 2 m. 90 sur chaque face. Les quatre grés » étaient recouverts par d'autres posés au dessus à plat. Le » terrain déblayé entre les grés on y découvrit cinq cadavres › rangés autour, les pieds au centre avec un petit vase de terre > cuite et cinq hachettes de silex; le côté tranchant des hachettes » avait 8 centimètres de large se terminait par le haut un peu >> en pointe en forme de marteau arrondi, »

La simplicité de sa forme, dit M. Lemaille, les quartiers de grés bruts et sans ciment qui composaient ce grossier monument funéraire et surtout la présence des haches en silex n'en

(2) Le mot Lusiau, comme on dit en Picardie, Luseau, Lusel, vient certaimant de Lucellus ou Locellus, diminitif de loculus, cercueil, tombeau, sépulcre, chasse, coffre, quelqu'en soit la matière, en pierre, en plomb, en bois, en or; comme celui de Carloman dont le corps fut déposé au Mont-Cassin, in locello aureo.

reporteraient-ils pas l'époque à un temps de barbarie ou les arts étaient entièrement ignorės? Aux yeux de cet écrivain c'est une de ces pierres druidiques telles qu'on les rencontre en Bretagne et telles qu'il en a vues deux, l'une sous un arbre dans un marais près de Condren (l'ancienne Contraginum), et une autre à Liez, village du Vermandois, dans un couche de cendres noires sulfureuse à 8 m. 12 c. de profondeur (1).

Liez avait aussi, outre ce vieux témoin d'une civilisation disparue, d'autres tombeaux qu'on est autorisé à croire Gallo-romains, tant à cause de leur forme qui était rectangulaire et sans chevet vers la tête que par leur position sur le penchant d'une petite colline qui domine le village.

Moy. On pourrait en dire autant de Moy, où on a découvert, sur le sommet du côteau qui longe l'Oise, dans le milieu d'un champ, orné d'une tombelle quelques tombeaux en pierre dont les morts avaient les bras croisés sur la poitrine.

Marteville ou Vermand se présentent dans les mêmes conditions que les localités que nous venons de citer. Il existe là, entre ces deux villages, å la physionomie antique, une colline peu élevée, au sud de la rivière d'Aumignon, à très-peu de distance d'un camp resté célèbre dans les souvenirs de la contrée, qu'on donne comme renfermant une très-grande quantité de tombeaux parrallélipèdes en pierres tendres et poreuses avec couvertures plates et unies provenant d'une carrière dite Mortemet, en Santerre.

L'identification de la ville actuelle de Saint-Quentin avec l'ancienne Augusta veromanduorum des Romains est trop bien établie pour qu'on n'ait pas retrouvé, dans les fouilles successives dont cette cité a été l'objet, à toutes les époques, des preuves incontestables de son existence Gallo-Romaine, et dans ces circonstances les sépultures, lorsqu'elles ont un caractère déterminé, deviennent des armes parlantes.

Or, en 1634, dit Hémeré, p. 66, comme on établissait des seconds fossés et de nouveaux murs, on découvrit en creusant la terre dans l'espace de plus de deux cents perches de terrain

(1) M. Lemaistre croit que cette dernière pierre est d'nn silex jaunâtre et gris très dur, travaillée de main d'homme et étranger à notre contrée, aura pu être jetée avec d'autres remblais dans des fouilles ou des sondes qu'on aura faites anciennement dans ces couches profondes, dont l'époque de formation doit être très certainement antérieure non seulement aux Celtes; mais aux premiers peuples qui ont occupé le globe.

A. P.

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