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Il ne tient pas le même langage relativement à une mosaïque qui est également au Musée de Soissons. « La place où était placée cette mosaïque avait 4 mètres 45 centimètres de large sur 5 mètres 25 centimètres de long. Les dés dont elle était composée étaient de cinq couleurs différentes, savoir de la pierre blanche du marbre noir, du marbre rouge, de la brique jaune et de la brique rouge.

Au centre de la pièce se trouvait un espace circulaire vide » de 1 m. 10. qui devait être occupé par un piédestal ou une > statue, ou plus vraisemblablement par un bassin. Ce rond › était inscrit dans un carré régulier de 2 m. 16 c. de côté, » formée par uue bordure de dés rouges, noirs et jaunes; ve> nait ensuite une seconde bordure dessinant une grecque et » une troisième composée de torsades. Aux quatre angles du › carré intérieur se trouvait représentée une espèce de Triton > dont les bras élevés semblaient soutenir le cercle, et dont les > jambes recourbées et se terminant en queue de poisson se > prolongeaient à droite et à gauche jusqu'à la rencontre au > milieu de chaque côté de la queue du personnage occupant > l'angle voisin, de manière que tout l'espace co pris entre le > cercle et les côtés du carré était rempli d'une manière élé> gante et ingénieuse. Les mouvements du corps étaient bien » indiqués; ils montraient que l'ouvrier qui avait exécuté ce > travail était presqu'un artiste » (1).

Vailly possédait à ce qu'il paraît un établissement thermal sous les Romains comme Etreux. Aussi a-t-on découvert sur le chemin de ceinture, vers 1838 presque à la surface du sol quatre pièces contigües dont lesquelles se trouvaient de grands fragments de mosaïques. Le premier est un morceau de bordure de 63 c. carré, formé d'un entrelacs de bandes multicolores passant les unes sous les autres et encadré d'un filet noir et gris sur fond blanc. A l'intérieur de ce fragment est une portion de cercles concentriques rouges gris et noirs, sur fond jaune. Le deuxième fragment de 1 m. 17 de longueur sur 63 c. de largeur est composé de cubes jaunes, blancs, entrelacés et d'où sortent des rinceaux de feuillages verts et rouges. Au bas règne un enroulement de cables de couleur surmonté d'un damier jaune et rouge. Le troisième fragment d'un mètre 18 c. de long sur 62 de largeur ont composé de rinceaux enroulés se terminant en feuilles retenues par un noeud de rubans, avec (1) Notice sur le chateau d'Albâtre p. 41.

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bordure de cables et damiers jaunes et rouges comme dans le précédent. L'on remarque sur l'un de ces fragments les débris de trois figures humaines que M. Destrez regardait comme une fontaine allégorique de l'établissement thermal (1).

En 1851 et 1852, le village de Nizy-le-Comte devenait une mine inépuisable pour l'Archéologie. Aussi mettait-on å jour, au milieu de futs de colonnes, de médailles, de fragment de poterie rouge avec dessins en relief, de panneaux de fresques, d'importants morceaux de mosaïques représentant des figures géométriques d'une simplicité rudimentaire tracées en blanc sur un fond noir. La composition offre une suite de losange placés en long, tandis que des carrés à compartiments sont en travers, semés d'étoiles à quatre rayons et une fois seulement de cercles concentriques. Le tout est encadré de filets noirs et blancs bordés extérieurement d'une large bande blanche (2),

La seconde mosaïque, quoique traitée de la même manière présentait cependant beaucoup plus d'intéret, soit comme volume, puisqu'elle mesurait 9 m. 50. de longueur sur 4. 50 de largeur, soit comme dessin; car bien qu'elle ne comportât comme la première que deux couleurs, le noir et le blanc, et qu'elle fut aussi dépourvue de sujets, elle se montrait avec une ornementation plus riche et extrêmement variée.

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Cependant le motif le plus apparent et le plus employé est une rosace de losanges noirs, encadrée de filets noirs dans un milieu blanc. Dans un champ également blanc se trouve une feuille noire ordinairement à trois pointes, quelquefois à une seule ou bien c'est une feuille blanche dans un carré noir. Les roles sont alors intervertis sans qu'il y ait changement dans la décoration. Comme ornementation distincte on rencontre une hache ou bipenne à deux tranchants et dans les principaux compartiments des dessins géométriques, plus compliqués et qui varient agréablement l'ensemble. Ce sont comme des cellules d'alvéoles à six pans au centre desquels l'artiste a tracé une fois un cube en perspective et dont on aperçoit trois faces. Les motifs y sont en général très mouvementés et font croire qu'une fantaisie ingénieuse a présidé à l'oeuvre du dessinateur. Le tout est encadré de filets plus ou moins épais suivant qu'ils se rapprochent des lambris avec lesquels cette mosaïque était placée et toujours alternativement blancs et noirs (3.)

(1) Bulletin de la Société Académique de Laon T. XII p. 88. (2) Bulletin de la Société Académique de Laon T. 11. p. 149. (3) Bulletin de la Société académique de Laon, ibidem.

A Reims, sur ce terrain si riche en souvenirs romains, en a aussi trouvé en 1861, en nivelant le sol des boulevards une mosaïqne d'un grand intérêt, par sa dimension, la richesse de son. ornementation et par les sujets que l'artiste y a représenté. C'est un tableau rectangulaire d'environ 90 mètres carrés plus large que long encadré par une plate-bande de cubes blancs. Quoique bien conservée cette mosaïque offre cependant des détériorations nombreuses, surtout à l'est où elle porte des traces d'enfoncements et au centre où se manifestent des lacunes; les cubes manquant en certains endroits. L'intérieur en dehors de la plate-bande à 8 m. 10 certimètres de largeur sur 1 m.30 de longueur.

Le motif principal d'encadrement, « ajoute M. Fleury qui s'est occupé spécialement de mosaïques dont nous venons de signaler l'existence, » consiste en une branche de feuillage ou >> ruisseau qui court et s'enroule entre des bandes de di» verses largeurs et une découpure à dent de loup, le fond. » est blanc grisâtre avec dessins noirs. Sur une seconde bor» dure se voit une grecque fait à dessin noir sur champ blanc. Le tableau qu'enferme ces plates-bandes et ses bordures > offrent un travail assez compliqué où parait un enchevrète> ment de combinaisons linéaires très ingénieuses sont semés » de médaillons à personnages. L'ornementation est comme » partout des cables qui se répètent à l'infini même autour des › médaillons qui sont au nombre de trente-cinq, placés de > front sur sept lignes. » Ces médaillons, comme il est facile de s'en convaincre, représentent les jeux de l'Amphithéâtre les chasses, les combats d'animaux, des gladiateurs. N'est-ce pas ce que nous montrent les lions et les lionnes, le sanglier blessé, le dain pris au piège, la biche qui fuit des chasseurs armés d'épieux et d'arc et de Lazzo? « Mais des hommes pourvus de fouets » de voiles qu'ils agitent, des hommes armés de toutes pièces, > se faisant face, s'attaquant l'épée courte et large du combat å > la main, le bouclier de l'autre semblent désigner les combats » des gladiateurs, comme celui des bestiaires. » Cette mosaïque représenterait donc ces affreux divertissements qu'une population avide de jouissance et d'émotions brutales demandait avec tant de fureur en s'écriant panem et circenses.

Les Gaules quoique moins acharnées que l'Italie à ce genre de spectacle n'en recherchaient pas moins les assauts d'hommes contre les bêtes féroces qui n'étaient dit M. de de Caumont

qu'une invitation de ce que d'intrépides chasseurs exécutaient au milieu des bois. Aussi pour faire cesser les chasses de l'Amphithéâtre fallut-il que la dévastation et l'incendie vinssent en quelque sorte anéantir les cités avec les édifices consacrés à ces immondes plaisirs. Ce qui faisait dire à Salvien qu'il n'est pas de crime, presque pas de forfait qui ne se trouve dans les spectacles de l'Amphithéâtre ; là le comble des délices c'est de voir mourir les hommes, où ce qui est bien plus dûr et plus amer, de les voir déchirés, de voir des animaux féroces se gorgeant de chairs humaines. Et pour cela l'univers est mis à contribution; pour cela on épuise tous les soins, toutes les fatigues; on pénètre jusques dans les lieux les plus retirés; on se fait jour dans les bois les plus inaccessibles, on parcourt des forêts inextricables, on gravit les Alpes nuageuses, on descend dans les vallées ensevelies sous la neige. Et pour faire dévorer à des animaux cruels des entrailles d'hommes, on ne permet pas à la nature d'avoir rien de secret (1.)

Ces pavés en mosaïque faits de pierres naturelles et de marbres de différentes couleurs s'appelait Listrostotum ou pavimentum vermiculatum pour le distinguer du Mussivum ou mosaïque composée à l'aide de petits morceaux de verre coloré ou d'émail. Il paraît que primitivement ces deux sortes de mosaïques s'appliquaient, non pour les planchers, mais pour les plafonds et peut être les lambris, parce qu'on craignait que ces compositions ne fussent pas assez dures pour supporter l'impression et le frottement des pieds. Quand on eut reconnu que cette crainte n'était pas fondée on employa ces matières à faire des pavés de luxe qui imitaient en pierre avec une rare fidélité les nuances et les tons de la peinture. Dict. des Antiquités romaines.

On comprend facilement que l'art du mosaïste, dès qu'il sortait du cercle ordinaire des figures géométriques, indépendamment du choix des matières plus ou moius précieuses qui entraient dans sa composition, demandait non-seulement un homme de goût, doué de patience et d'attention, mais qu'il exigeait de plus des connaissances en dessin, en anatomie, en perspective, en coloris, surtout quand il s'agissait de représenter au naturel des objets animés ou inanimés. La difficulté était bien plus grande quand l'artiste avait à exécuter de grandes scènes

(1) De Gubernatione Dei liv. VI. Cours d'antiquités inomimentales T. III p. 506.

comme celle d'Orphée se faisant écouter de toute la création, et domptant par la puissance de son instrument la férocité des bêtes les plus cruelles. Il faut dire qu'alors le talent du mosaïste arrivait à des effets qui pouvaient le disputerà ceux qu'obtient la peinture. Aussi a t-on pu dire en parlant de la remarquable mosaïque de Blanzy qu'il peignait, quand on examine ses riches bordures, les fonds monochromes ou le visage de son Orphée. Il y a là dans les tons toute la science d'une palette exercée, dit M. Fleury.

Quant à la partie plastique de cet art elle consistait dans le placement régulier des petits morceaux de marbres ou d'autres matières de différentes couleurs disposés selon un ordre voulu et enfoncé par leur extrémité inférieure dans un lit de très fort ciment. Cette opération terminée on laissait sécher le ciment qui acquérait par une lente dissécation une très grande dureté, assez puissante pour retenir pendant des siècles, malgré l'usage journalier qu'on en faisait, les cubes qu'on y avait logés comme dans des alveolles indestructibles, excepté à l'humidité qui pourrit et au lavage trop fréquents qui les désagrégent en enlevant le ciment qui les unit.

Ce serait peut être ici le lieu de parler des peintures murales dont on a constaté la présence à Bazoches, à Blanzy, au pont d'Ancy, à Champlieux, à Ciry-Salsogne, et surtout à Soissons et à Nizy-le-Comte. Si au château d'Albâtre on a retrouvé de belles feuilles dessinées et empreintes de vives couleurs dans les fouilles de Nizy on a rencontré une fresque de 10 mètres d'étendue, remplie de personnages. C'était à ce qu'il parait la représentation d'une chasse. On y distinguait encore un des acteurs de la scène tenant à la main une tête de cerf et une Bacchante avec un genou en terre. Mais ce qui distingue cette peinture de ces similiaires, C'est que tandis qu'ailleurs les plafonds et les murailles n'offrent que des peintures de dimensions assez restreintes et en rapport avec la maison elle-même, celle-ci était de grandeur naturelle (1).

(1) Le Musée de Laon posséde plusieurs fragments de peinture murale trouvés à Nizy-le-Comte l'ancienne Ninitacci. Toute une vitrine dit le catalogue, remplie de ces débris représentant une partie du visage d'une femme, plusieurs mains, la face d'une panthère, sa grifle, des portions de personnages humains, des fleurs, des enduits ayant servi à la décration de plusieurs appartements. Un homme nu agenouillé dans l'attitude d'un Hercule combattant avec une massue que de ses deux bras levés il brandissait au-dessus de sa téte.-Deux groupes de Romains en chasse. - Des Panthères. § XIX.

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