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rêts, demander en même temps ledit remhoursement, pour être effectué à l'expiration de l'année seulement; que les jugemens des 2 germinal et 11 floréal an 10, qui l'ont ordonné, ayant donc été rendus plus d'une année après l'expiration du délai fixé, ont pu valablement prononcer sur un droit dont le capital était d'ailleurs conteste; qu'ainsi, la demande de l'intimé à cet égard ne peut être regardée comme prématurée, et les jugemens qui en ont été la suite, ne peuvent en ce cas (de ce chef) être réformes;

» La cour rejette cette exception. » En ce qui touche le fond,

» Attendu, sur la première question, que, par l'acte contracté à Vienne en 1683, le prince de Dietrichstein et la dame de Salm, son épouse, ont reconnu devoir à Frédéric Heerman, baron de Zuydtwick, 25,000 rixdalers, à l'effet, entre autres motifs, d'éteindre diverses obligations portant intérêts, la majeure partie à six un quart pour cent, et remboursables à époques fixes; que cette obligation a été contractée sous les conditions de payer, etc.; qu'il résulte des termes, clauses et conditions de ce contrat, et de l'intention manifeste des contractans, qu'il a été stipulé un veritable prêt à intérêts, avec faculté expresse de la part du prêteur, de redemander son capital; que ce contrat ne peut donc être véritablement considéré qu'en cette dite qualité, et non comme une constitution de rente emportant alienation de la somme capitale;

» Attendu, sur la seconde question, que le contrat prénommé a été passé à Vienne, lieu du domicile des débiteurs, sous l'empire des lois romaines, qui permettent le prêt à inté rêts; que ce contrat étant donc devenu obliga toire à Vienne, les lois de ce pays, et non celles de la situation des biens hypothéqués, doivent nécessairement en fixer les droits et les effets respectifs;d'où il suit que les intérêts qui ont été payés, ne pouvaient être considé rés par le debiteur comme illegitimes, et être imputés sur le principal; qu'il n'y a pas non plus lieu à la réduction des intérêts à cinq ans, les principes sur les constitutions de rentes étant inapplicables à l'espèce;

» Attendu, sur la troisième question, que les familles de Ligne et de VanderlindenHoogworst, devenues successivement proprié taires de la terre de Wachtendonck, representant en cette qualité le premier debiteur, ont rempli les conditions portées au contrat primitif, en payant jusqu'en 1787 les intérêts de la somme principale; et que les lettres d'octroi par elle sollicitées et obtenues du

seigneur suzerain, n'ont pu porter atteinte aux droits respectifs des parties et aux obligations mutuellement contractées, non plus qu'à la nature du contrat ; qu'en admettant, au surplus, que l'effet desdites lettres d'oc troi eût pu suspendre l'exigibilité du capital, cet effet avait entièrement cessé le 21 mai 1798, époque de l'échéance du dernier octroi; que l'on doit donc nécessairement conclure que le contrat n'a point éprouvé ďaltération; que tous les droits du créancier ont été conservés ; et qu'il peut en conséquence en poursuivre l'exercice, en vertu de l'inscription faite au bureau des Hypothèques de Clèves, le 19 prairial an 8;

» En ce qui concerne la fixation de la valeur des rixdalers ou patagons, attendu qu'il est constaté au procès qu'anciennement et en remontant à l'époque du prêt, la valeur du patagon ou rixdaler était calculée sur le pied de trois patagons et demi pour trois couronnes de France; que les capitaux, avant 1756, étaient remboursés dans cette même valeur ; qu'il n'est point contesté d'ailleurs par le débiteur, que les paiemens des intérêts anterieurs à 1787, aient été faits sur le pied desdits trois patagons et demi pour trois couronnes de France, ainsi que le porte le jugement de première instance du 11 floréal

an 10;

» Par ces motifs, la cour dit qu'il a été bien juge.... ».

Le sieur Vanderlinden se pourvoit en cassation, et soutient que cet arrêt doit être annulé

10. Parcequ'il ne contient pas le résultat des faits de la cause et des moyens des parties, ce qui est contraire à l'art. 15 du tit. 5. de la loi du 24 août 1790;

2o. Parcequ'il a admis une action hypothecaire exercée contre un tiers détenteur en vertu d'une inscription prise sur les signataires de l'acte sous seing-privé du 30 avril 1683,ce qui est contraire aux art. 3 et 17 de la loi du 11 brumaire an 7 ;

3o. Parcequ'il a condamné le sieur Vanderlinden, quoiqu'il ne soit que tiers-détenteur, à payer le capital et les intérêts, sans lui laisser l'option, du moins quant au capital, de le payer ou de s'affanchir de cette condamnation en abandonnant à son adversaire l'immeuble sur lequel la créance a été hypothéquée; ce qui est contraire à la loi 16, §. 3, D. de pignoribus et Hypothecis, à la loi 2, C. si unus ex pluribus heredibus, et à différens articles de la coutume de Gueldres;

4o. Parcequ'il l'a condamné à payer une créance éteinte depuis long-temps par l'effet

de l'imputation des intérêts sur le principal, ce qui est contraire aux dispositions de la coutume de Gueldres concernant les prêts à intérêts et les constitutions de rentes;

5o. Parcequ'il l'a condamné à rembourser le capital de la créance, ce qui est contraire à la loi que les parties se sont imposée, tant par les octrois hypothécaires que par le décret d'adjudication de 1751 ;

60. Parcequ'il a approuvé une demande formée et une condamnation obtenue pour le remboursement, avant l'échéance du terme fixé par l'acte du 30 avril 1683, si toutefois il pouvait y avoir lieu de rembourser le capital; ce qui est contraire à la maxime, consacrée par plusieurs lois romaines, qui a terme ne doit rien;

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70. Parcequ'il a adjugé plus de cinq années d'intérêts, et que, par-là, il a violé les dispositions expresses de la coutume;

80. Parcequ'en adjugeant ces intérêts, il n'a pas autorisé lé débiteur à y imputer le montant de la contribution foncière qu'il avait payée à l'acquit du créancier.

« Le premier de ces moyens ( ai-je dit à l'audience de la section des requêtes, le 14 messidor an 13) n'est pas de nature à exiger une longue discussion. Que veut l'art. 15 du tit. 5 de la loi du 24 août 1790? Que la rédaction des jugemens rendus tant sur l'appel qu'en premiere instance, contienne quatre parties distinctes ; que, dans la première, les noms et les qualités des parties soient énoncées; que, dans la seconde, les questions de fait et de droit qui constituent le procès, soient posées avec précision; que, dans la troisième, soit exprimé le résultat des faits reconnus ou constatés par l'instruction et les motifs qui auront déterminé les juges; que la quatrième enfin contienne le dispositif du juge

ment.

» Or, tout cela ne se trouve-t-il pas dans l'arrêt attaqué? 10. Il énonce les noms et les qualités des parties; 20. il pose avec précision toutes les questions de fait et de droit qui constituent le procès ; 30. Il présente, dans la le première partie de ses motifs sur le fond, résultat des faits reconnus et constatés par l'instruction; 4o. il contient un dispositif qui confirme les jugemens du tribunal de première instance. Il est donc parfaitement régulier.

» Peu importe que, dans sa rédaction, les motifs ne soient pas séparés du résultat des faits; la loi permet de les confondre, puis-. qu'elle veut que le résultat des faits et les motifs composent la troisième partie de chaque jugement; et l'on sent d'ailleurs que

cette confusion devient, en quelque sorte, nécessaire, toutes les fois que, comme ici, les motifs sont puisés dans le résultat même des faits.

» Le second moyen est plus spécieux.

» Il est certain que c'est par action hypocaire, que le sieur van Zuydtwick s'est pourvu contre le demandeur au tribunal civil de Cologne ; et qu'il n'a pas pu agir hypothecairement contre le demandeur, si au préalable il n'avait pas acquis une Hypothèque sur la terre de Wachtendonck.

>> Or, cette Hypothèque, le sieur van Zuydtwick l'avait-il précédemment acquise? Le demandeur soutient que non, et voici à quoi se réduisent tous les raisonnemens qu'il fait pour le prouver.

Ou le sieur van Zuydtwick a pris son inscription du 19 prairial an 8, en vertu de l'Hypothèque qu'il avait acquise par la réalisation du 21 mai 1695, renouvelée de six ans en six ans jusques et y compris le 21 mai 1792; ou il ne l'a prise qu'en vertu de l'acte sous seing-privé du 30 avril 1683.

l'inscription est nulle, » Au premier cas, parcequ'elle a pour base une réalisation qui n'était accordée que pour six ans, et qui par conséquent s'était éteinte de plein droit des le 21 mai 1798, jour correspondant au 1er. prairial an 6. Et d'ailleurs, quand même l'effet de cette réalisation eût encore existé le 19 prairial an 8, le sieur van Zuydtwick n'aurait pas pu s'en prévaloir pour demander le remboursement du capital, puisque la réalisation elle-même dérogeait à la clause de l'acte du 30 avril 1683, qui autorisait le créancier à répéter son capital, en avertissant une année à l'avance.

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» Au second cas, l'inscription est encore nulle, elle l'est même évidemment, par deux raisons la première, parcequ'aux termes de l'art. 3 de la loi de 11 brumaire an 7, on ne peut prendre inscription que pour les créances résultant, soit d'actes notaries, soit de jugemens, soit d'actes privés dont la signature a été reconnue en justice; la seconde, parceque le sieur van Zuydtwick n'a pas pris son inscription sur le sieur Vanderlinden, possesseur actuel de la terre de Wachtendonck, mais sur le prince et la princesse de Dietrichstein, débiteurs primitifs.

» Il faut l'avouer, à la première vue, ce dilème paraît sans réplique. Mais en l'examinant de prés, vous le trouverez faux dans ses deux branches.

» Et d'abord pour nous convaincre que le sieur van Zuydtwick a pu prendreinscription le 19 prairial an 8, en vertu de l'Hypothèque

que lui avaient auparavant conférée la réalisation du 21 mai 1695 et les prorogations dont elle avait été suivie jusqu'en 1792, il ne faut que nous reporter aux maximes qui, avant l'abolition du régime féodal, régissaient la matiere des Hypothèques sur les fiefs situés dans la Gueldres.

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"Les fiefs de la Gueldres avaient cela de commun avec les autres biens de la même contrée, qu'ils ne pouvaient être aliénés ni hypothéqués qu'au moyen des formalités du nantissement, ou, ce qui est la même chose, de la réalisation. Mais ils avaient cela de particulier, que le nantissement ne pouvait être accordé sur aucun acte qui tendait à les aliener ou hypothéquer, que préalablement le seigneur de qui ils relevaient, n'eût, par lui-même, ou par un agent muni d'un pouvoir ad hoc, donné son consentement à leur alienation ou Hypothèque. Cela venait de ce que, dans la Gueldres on observait, dans tous les points où l'usage n'y avait pas dérogé, ce qu'on appelle le droit commun des fief's, c'est-à-dire, le Code de usibus feudorum, qui se trouve à la suite du corps du droit romain, et dont plusieurs dispositions défendent au vassal d'aliéner ou d'hypothéquer son fief, sans le consentement de son suzerain. On ne se contentait même pas, à cet effet, d'un consentement tacite ou présumé; il fallait un consentement formel, une autorisation proprement dite: ut feuda, dit Frédéric à Sande, dans son commentaire sur les coutumes féodales de la Gueldres, traité 2, tit. 2, chap. 4, S. 2, ut feuda creditoribus realiter obligentur, præter factum vassalli, insuper et domini consensus et auctoritas requiritur ; neque hic admittimus exceptionem doctoribus probatam, si quis, domino præsente nec contradicente, suum prædium obligaverit : nos insuper consensum expressum requirimus.

» Et voilà pourquoi nous lisons dans l'acte de réalisation du 21 mai 1695, qu'avant de se présenter à la cour féodale de Ruremonde, le fondé de pouvoir du prince de Dietrichstein et de son épouse avait obtenu du roi d'Espagne, représenté par le conseil souverain de Gueldres, des lettres d'octroi qui permettaient à ses commettans d'hypothequer leur terre de Wachtendonck.

» En consentant ainsi à ce qu'on hypothéquât les fiefs de leurs mouvances, les seigneurs suzerains n'ignoraient pas qu'ils pouvaient préjudicier à leurs droits : les fiefs pouvaient s'ouvrir à leur profit; et dans ce cas, les Hypothèques auxquelles ils avaient donné leur assentiment, conservaient tout TOMR XIV.

leur effet contre eux. An dominus, dit à San. de, à l'endroit cité, chap. 5, no. 11, obtinere possit Hypothecas, quibus ille suum assensum accommodavit? Non posse defendunt communiter doctores; et il ajoute qu'on l'a ainsi jugé, même dans le cas où le seigneur n'avait consenti à l'Hypothèque que sous la réserve de ses propres droits, salvo jure suo; parceque cette clause ea non comprehendit de quibus nominatim in instrumento cavetur, sed reliqua tantùm ibidem non expressa ; ne alioquin repugnantia, contradictio ac fraus inducantur.

»De là est venu, pour les seigneurs suzerains, l'usage de ne consentir aux actes d'Hypothèque, que pour un temps limité, et le plus communement pour six ans, terme dans lequel ils obligeaient les vassaux qui passaient ces actes, de se libérer envers leurs créanciers, afin que, ce terme passé, les fiefs fussent totalement dégrevés envers ceux-ci.

» Il est vrai que, les six ans étant sur le point d'expirer, les seigneurs suzerains se prêtaient facilement à renouveler leurs octrois; mais comment les renouvelaient-ils ? Par de simples lettres signées d'eux ou de leurs greffiers, et sans que, pour conserver l'Hypothèque à la prorogation de laquelle ils consentaient, il fut besoin d'un nouvel acte de réalisation de la part de la cour féodale : Porrò (c'est encore à Sande qui parle, chap. 4, S. 2, no. 15) jus Hypothecæ vel annui reditus super prædio feudali plerùmque solùm in sexennium indulgeri solet ; quod tempus deindè dominus, ad vassalli preces, simplici rescripto, per se vel actuarium subsignato, profert, sine parium vel ju. dicialium testimonio ; idque validè sic fieri, priore termino adhuc durante nullum est dubium.

Il y a plus. Lorsque les six ans étaient expires sans renouvellement de l'octroi, le seigneur suzerain pouvait encore, par un octroi accordé après ce terme et sans nouvelle réalisation, conserver l'Hypothèque constituée par son vassal, quoique, dans l'acte de réalisation que celui-ci avait passé devant la cour féodale, il eût été expressément stipulé que l'Hypothèque ne durerait que six ans. Item quæritur, dit encore à Sande, no. 16, si ipsa prædii obligatio vel reditús constitutio, ex auctoriate et consensu domini, cùm certá temporis præfinitione facta sit, an, illo tem pore expleto, simplici consensus protelatione, sine nová obligatione vel constitutione, satis creditori sit cautum? Quod non videtur, cùm consensus ad certum tempus limitatus, ipso elapso, finitus sit, et absque eo

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ne momento quidem jus pignoris in prædio feudali consistere possit. Telle est sa raison de douter; mais voici sa raison de décider : Contrù autem facit, quod personarum et prædiorum obligationes atque onera ad certum tempus contracta, per temporis lapsum ipso jure non expirent; quia quod jus quis in persona vel in re coepit habere, id certis modis desinit habere, inter quos modos non est tempus. Si tamen post temporis lapsum quis agat, per pacti vel doli exceptionem occurretur...... sed illa pacti vel doli excep. tio denuò elidetur replicatione novi consensús; atque hanc sententiam ex ratione juris veriorem puto. Tel est même, continue notre auteur, la jurisprudence de la chambre impériale de Wetzlaer et des échevinages de Saxe: Quam et imperialis cameræ et Saxioniæ scabinatuum præjudiciis probatam legimus apud Danielem Mollerum.

» De là, que devons-nous conclure? C'est que la limitation de la durée de l'Hypothèque au terme de six ans, n'avait lieu que pour l'intérêt du seigneur suzerain; que lui seul était recevable à en exciper; et que consé quemment, du vassal au créancier, comme du créancier à un autre créancier postérieur en réalisation, l'Hypothèque subsistait toujours après l'expiration des six années.

» C'est ce qu'établit Lambert Goris, fils d'un chancelier de Gueldres, dans ses adversaria juris subcisiva ad lucem consuetudinis ducatus Gelriæ, traité 3, chap. 11. De l'usage, dit-il, où sont parmi nous les seigneurs de fixer un terme de six ans pour la liberation des Hypothèques féodales auxquelles ils donnent leur consentement dans les constitutions de rentes, naît tout naturellement, dans les ordres de créanciers, la question de savoir si, ce terme expiré, l'Hypothèque consentie par un seigneur, subsiste encoré, ou si elle s'éteint: Quandò porrò apud nos moris jam sit recepti ut, in annui reditus constitutione, Hypothecæ feudali liberandæ à domino præfiniatur sexennium, moritò in concursu creditorum controverti potest de ea quæstione, quatenùs videlicet, dicto tempore elapso, idem ille domini consensus aut duret aut extinguatur. Il cite pour la négative quelques docteurs italiens et allemands. Mais (ajoute t-il ) l'équité veut que, relativement au créancier l'Hypothèque conserve toute sa force; et que, dans le concours de ceux qui lui disputent la préférence, il ne souffre pas de la négligence du débiteur qui n'a pas demandé la prorogation du terme de six ans, sauf cependant le droit du seigneur suzerain, qui peut en user contre son vassal: Attamen æquius

benigniusque existimo, respectu creditoris, durare etiam jus pignoris aut Hypothecæ, nec, concurrentibus pluribus, nocere eidem debere, si sexennii concessi prorogatio, negligentia debitoris, à domino petita non fuerit, salvo tamen eidem domino jure suo, quo uti adversùs vassallum possit. C'est ce qu'ont expressément décidé les reformateurs de la coutume de la province d'Over-Yssel, voisine de celle de Gueldres: Atque ita disertò caverunt reformatores juris transisulanici, part. 2, tit. 24, S. 14. C'est aussi ce que soutient Daniel Moller, qui en rapporte plusieurs arrêts: Et propteræquitatem applaudit Daniel Moller, lib. 4, semestr. cap. 24, ubi ita aliquoties judicatum refert. Et cette opinion est suffisamment justifiée par les règles de droit qui nous disent que alienam conditionem meliorem quidem etiam ignorantis et inviti nos facere posse, deteriorem non posse; que factum cuique suum non adversario nocere ; que non debere alteri per alterum iniquam conditionem inferri; que non debere aliquem alterius odio præpravari. Il n'y aura même plus de doute, si l'on considère que ce n'est pas au créancier,mais au vassal débiteur, qu'est imposée par le suzerain, dans ses lettres d'octroi, l'obligation de libérer l'Hypothèque dans le terme de six ans ; qu'il ne se passe rien à cet égard entre le suzerain et le créancier; et que par conséquent on ne peut pas faire retomber sur le créancier la faute ou la négligence du vassal qui n'a pas fait renouveler son octroi : Quod magis obtinebit, si consideretur liberationem sive reluitionem Hypothecæ feudalis non creditori, sed ipsi vassalo à domino injungi; imò nihil negotii inter dominium ac creditorem agi; adeòque huic imputari non debere aut posse, si ille culpá aut negligentid vassali sui læsus fuerit. Enfin, il est notoire que, dans les cours féodales de la Gueldres, on n'observe pas à la rigueur les dispositions du droit commun des fiefs; et nos ancêtres ont mieux aimé, par la simple impulsion de l'équité naturelle, imposer au débiteur le soin de solliciter, auprès du seigneur, la prorogation de l'octroi, sans que le créancier eût à s'en mêler en rien: Tùm notum quoque est, in curiis nostris feudalibus, tam rigidè non servari placita juris communis feudorum, quandò hác in parte majoribus nostris placuit æquitas, quæ justá conniventia, securo creditore, onus petendi prorogationem dominici consensus curæ debitorum transmittit. S'il en était autrement, que de procès viendraient inonder les tribunaux ! Et l'on ne sent que trop combien il importe à la société de ne pas multiplier les procès : Quod

ni ita fiat, ecce tibi litium uno anno et horno immensam segetem, quas amputari potiùs quàm multiplicari reipublicæ cùm primis inte

rest.

» Ainsi parle l'un des jurisconsultes les plus estimés de la Gueldres : il est, comme vous le voyez, parfaitement d'accord avec à Sande; et leur doctrine a encore l'avantage, comme ils l'attestent tous deux, d'être confirmée par la jurisprudence des arrêts.

» Comment, d'après cela, le demandeur peut-il soutenir ici que l'Hypothèque du sieur van Zuydtwick était éteinte, lorsque celui-ci a pris son inscription au bureau de Cleves? Elle eût été éteinte, sans doute, au profit du seigneur suzerain, si, à l'expiration de six ans qui avaient commencé à courir le 21 mai 1792, il eût encore existé des seigneurs dans la Gueldres; si, à cette époque, la Gueldres n'eût pas été affranchie du régime féodal. Mais alors même, elle aurait encore subsisté dans l'intérêt du sieur van Zuydtwick, et contre le demandeur; pourquoi? Parceque la durée n'en avait été limitée à six ans, qu'en faveur du suzerain; parceque le suzerain aurait seul eu qualité pour en alléguer l'extinction, parceque le suzerain aurait pu, même après les six ans, la proroger par un nouvel octroi; parceque, pour donner effet à cette prorogation, il n'aurait pas été nécessaire que le sieur van Zuydtwick fit faire un nouvel acte de nantissement; parceque le consentement du suzerain aurait levé le seul obstacle qui eût pu s'opposer à l'action hypothécaire du sieur van Zuydtwick.

» Eh bien, ce que le suzerain eût pu faire à l'expiration des six ans, la loi l'a fait pour lui. En abolissant le régime feodal, la loi a dispensé les ci-devant vassaux de la nécessité d'obtenir le consentement de leurs ci-devant suzerains, soit pour créer, soit pour proroger des Hypothèques sur leurs fiefs. Elle a donc elle-même prorogé l'Hypothèque que l'octroi du 21 mai 1792 avait limitée à six ans. Lesieur van Zuydtwick avait donc encore une Hypothèque, après comme avant, le 21 mai 1792. >> Et ne serait-il pas étrange, ne serait-il pas absurde, que le demandeur eût pu, par son propre fait, par sa négligence à faire renouveler la réalisation, se libérer de l'Hypothèque qui affectait son bien? Car il a beau dire aujourd'hui que le soin de ce renouvelle. ment ne le regardait pas, et que c'était au créancier à veiller lui-même pour la conservation de son Hypothèque : vous venez de voir Lambert Goris attester que, dans l'usage gene ral de la Gueldres, le débiteur était seul chargé du renouvellement de l'octroi seigneu

rial; et il fallait bien que cela fût ainsi, puisque, si l'octroi seigneurial n'eût pas été renou. vele, le débiteur eût été obligé de rembourser le capital de la créance à laquelle il avait bypothéqué son fief. Aussi lisons-nous dans le jugement de première instance, du 2 germi nal an 10, que c'est le demandeur lui-même qui, depuis son acquisition de 1751 jusqu'en 1792,a constamment sollicité et obtenu, de six années en six années, le renouvellement de l'octroi originairement accordé par le conseil souverain de Gueldres.

» Mais, dit le demandeur, si le sieur van Zuydtwick avait encore une Hypothèque le 1er prairial an 8, s'il a pu faire inscrire cette Hypothèque le 19 du même mois, du moins il résulte de là qu'il n'a pas pu conclure au remboursement du capital de sa créance, puisque, par l'acte même de la réalisation primitive, il était dérogé à la clause du contrat du 30 avril 1683, qui autorisait le prêteur à se faire rembourser en avertissant une année à l'avance.

» En quoi donc l'acte de réalisation de l'Hypothèque avait-il dérogé à cette clause? Il y avait dérogé, en ce qu'au lieu de laisser le dé. biteur assujeti à rembourser le capital dans l'année de l'avertissement que lui en donnerait le créancier, il l'avait obligé de faire ce remboursement dans l'espace des six années qui suivraient la réalisation. Or, ces six années étaient certainement écoulées, lorsque le sieur van Zuydtwick a intenté sa demande; elles l'étaient même depuis trois ans, deux mois et vingt-quatre jours; le capital était donc exigible, lorsque le sieur van Zuydtwick en a deman. dé le remboursement.

» Mais c'est trop nous arrêter à la supposition que le sieur van Zuydtwick n'a pris inscrip. tion le 19 prairial an 8, qu'en vertu de l'Hypothèque dont la réalisation, opérée d'abord le 21 mai 1695, avait été renouvelée, de six ans en six ans, jusqu'en 1792. Il est temps de reve nir à la vérité; car il est énoncé en toutes lettres dans le jugement de première instance, du 2 germinal an 10, confirmé par l'arrêt attaqué, que le sieur van Zuydtwick n'a pris inscription le 19 prairial an 8, que sur le contrat passé à Vienne, le 30 avril 1683; et de là il suit évidemment qu'il a pris cette inscription, non pour conserver l'Hypothe que qu'il avait précédemment acquise par réalisation, mais pour en acquérir une nouvelle.

»Or, a-t-il pu acquérir une nouvelle Hypo. thèque par cette inscription? Dejà nous avons annoncé que l'affirmative n'était pas douteuse; et en effet, que vous dit-on pour la combattre?

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