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peut ou ne veut les parapher, il en doit être fait mention.

Toutes ces différentes formalités, tant sur le procès-verbal de l'état des pièces que sur leur paraphe, sont absolument de rigueur, et doivent être observées, à peine de nullité. X. En tout état de cause, le demandeur en faux, ou son conseil, peut prendre communication des pièces arguées de faux,soit au greffe, ou chez le rapporteur; mais il faut que ce soit sans déplacer et sans retardation : c'est ce que porte l'art. 26.

XI. Suivant l'art. 27, les moyens de faux doivent être mis au greffe par le demandeur dans les trois jours après que le procès-verbal de l'état des pièces a été dressé; sinon, le défendeur peut se pourvoir à l'audience, pour y faire ordonner,s'il y a lieu, que le demandeur demeurera dechu de son Inscription en faux. Observez néanmoins que, s'il a été fait deux procès-verbaux différens, l'un de l'état des pièces arguées de faux, et l'autre de l'état des minutes de ces pièces, le délai de trois jours ne court que du jour du dernier de ces procès-verbaux.

En aucun cas, il ne doit être donné copie ni communication des moyens de faux au défendeur; mais ils doivent être communiqués au ministère public qui donne ses conclusions, sur lesquelles le juge rend ensuite son jugement, soit pour rejeter, soit pour admettre les moyens de faux en tout ou en partie, soit pour ordonner qu'ils seront joints au procès, pour y avoir, en jugeant, tel égard que de raison.

[Lorsqu'au moment du jugement sur l'admission ou le rejet des moyens de faux, il se trouve égalité de suffrages dans une chambre, doit-on regarder l'affaire comme partagée, et en consequence la renvoyer dans une autre chambre pour y être départagée? où bien l'opinion qui tend au rejet, doit-elle faire l'arrêt, parcequ'elle est la plus douce? V. l'article Patage d'opinions.]

Si les moyens de faux sont déclarés, en tout ou en partie, pertinens et admissibles, le jugement doit ordonner qu'il en sera fait preuve, tant par titres que par témoins, ainsi que par experts et par comparaison d'écritures et de signatures, selon les circonstances; mais on ne peut pas, sous peine de nullité, ordonner que les experts feront leur rapport sur les pieces prétendues fausses; il faut necessairement, suivant l'art. 30, qu'ils soient entendus par forme de déposition.

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sément indiqués et spécifiés dans le dispositif du jugement qui a permis l'information, et qu'il ne soit informé d'aucun autre moyen. Au surplus, les experts sont autorisés à faire telles opérations dépendantes de leur art, qu'ils jugent à propos, sur les pièces prétendues fausses, sauf aux juges à y avoir tel égard que de raison.

Observez que les experts doivent toujours être nommés d'office, à peine de nullité, et que la nomination doit en être faite par le jugement même qui ordonne l'information. Cette dernière disposition, qui a pour objet d'empêcher qu'on ne multiplie sans necessité les jugemens et les fiais qu'ils occasionnent, reçoit l'exception suivante: c'est que, quand on a commis un juge sur les lieux pour procéder à l'information, c'est à lui à nommer les experts; mais il doit pareillement les nommer d'office.

Au reste, il est défendu aux juges de recevoir aucune requête en récusation contre des experts, sous peine de nullité. Si l'accusé a quelques reproches à fournir contre eux, il doit les faire dans la même forme et dans le même temps que contre les autres témoins.

Il n'y a que le demandeur qui puisse fournir les pièces de comparaison: l'ordonnance défend, à peine de nullité, de recevoir celles que le défendeur présente, à moins que ce ne soit du consentement du demandeur ou du

ministère public: cependant, après l'instruction achevée, les juges peuvent admettre le défendeur à présenter de nouvelles pièces de comparaison, conformément à ce qui résulte de l'art. 46 du titre du Faux principal. Au surplus, il faut observer dans l'instruction du faux incident, ce qui est prescrit par les art. 13, 14, 15 et 16 du même titre, sur la qualite des pièces de comparaison, et sur l'apport de ces pièces.

Le procès-verbal de présentation des pièces de comparaison, doit se faire selon la forme indiquée pour le faux principal : il y a seule ment cette différence, que, lorsqu'il s'agit de faux principal, on ne doit admettre à ce procès-verbal que la partie civile et le ministere public; et que, pour le faux incident, on doit appeler aussi le défendeur, lequel doit parapher, conjointement avec les autres dont la presence est requise, les pièces de comparaison qui sont admises; et s'il ne peut ou ne veut pas les parapher, il en doit être fait mention, à peine de nullité.

Pour mettre le défendeur en demeure sur ce point,il doit, trois jours avant le procès-verbal, être sommé,au domicile de son procureur, d'y comparaître; et cela, par un exploit indicatif

du lieu,du jour et de l'heure. Après cette formalité remplie, s'il ne comparaît pas, le juge est autorisé à donner défaut contre lui, et en conséquence, à passer outre au procès-verbal de présentation, même à la réception des pieces de comparaison, s'il y échet. Telles sont les dispositions de l'art. 34.

L'art. 35 veut que, lors du procès-verbal, les pièces de comparaison soient représentées au defendeur, s'il comparaît, pour convenir de ces pièces, ou les contester, sans que, pour cet objet, il soit nécessaire de lui donner ni délai ni conseil.

Si le défendeur conteste les pièces de com paraison, ou refuse d'en convenir, le juge doit, à l'instant, et après avoir ouï le ministere public, régler ce qu'il appartient sur l'admission ou le rejet de ces pièces, ou ordonner qu'il en sera par lui référé aux autres officiers du siége. S'il prend ce dernier parti, on ne peut ensuite statuer sur le rejet ou l'ad mission des pièces de comparaison qu'à la chambre et par délibération du conseil, communication préalablement faite du procèsverbal de présentation au demandeur et à la partie publique. C'est ce qui résulte de

l'art. 36.

Si les pièces de comparaison ne sont pas reçues, il doit être ordonné que le demandeur en rapportera d'autres dans le délai qu'aura prescrit le jugement intervenu sur le vu du procès-verbal. Si le demandeur néglige de remplir cet objet, les juges doivent ordonner, s'il y échet, que, sans s'arrêter à l'Inscription de faux, il sera passé outre à l'instruction et au jugement de la contestation principale. Cela peut même être ordonné ainsi par le jugement qui charge le demandeur de produire d'autres pièces de comparaison. Telles sont les dispositions de l'art. 37.

Il est permis, tant au demandeur en faux incident qu'au défendeur, de comparoir par un fondé de procuration dans les procès-verbaux qui doivent être faits en leur présence. Cette procuration doit être spéciale et passée devant notaires : elle doit être de plus annexée à la minute de l'acte pour lequel elle a été donnée, si elle ne concerne qu'un seul acte, et si elle en concerne plusieurs, elle doit être annexée à la minute du premier acte, lors duquel elle a été représentée, après avoir été paraphée par le juge et le porteur. En conséquence, le fondé de procuration doit parapher toutes les pièces qui devraient l'ètre par partie constituante, si elle était présente; et au cas qu'il refuse de les parapher, le juge doit y pourvoir sur les conclusions du ministere public.

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Au surplus, comme il y a, dans le faux incident, des occasions où il est essentiel que les parties, et particulièrement le defendeur comparaissent en personne aux procès-verbaux, pour répondre, par leur bouche, aux interpellations qu'on peut leur faire, l'art. 38 autorise les juges à ordonner, s'ils le jugent à propos, que les parties, ou l'une d'elles, seront tenues de comparaître en personne à ces procès-verbaux.

L'art. 39 s'occupe de l'information par experts, en matière de faux incident, et contient trois dispositions à cet égard.

La première concerne les pièces qui doivent être remises aux experts lors de l'information, pour les mettre à portée de rendre un témoignage solide. Ces pièces sont la requête à fin de permission de s'inscrire en faux, l'ordonnance ou jugement dont cette requête a été répondue, l'acte d'Inscription en faux, les pièces prétendues fausses, le procès-verbal de l'état de ces pièces, les moyens de faux, le jugement qui les a admis et qui a ordonné l'information, les pièces de comparaison, le proces-verbal de présentation de ces pièces, enfin le jugement qui les a reçues.

La seconde disposition concerne la manière dont les experts doivent procéder à l'examen de ces pièces : ils doivent les examiner chacune en particulier et sans déplacer.

Par la troisième disposition, le législateur a réglé la manière selon laquelle il doit être procédé à l'audition des experts. Il doit être fait mention dans la déposition de chacun des experts, de la remise qui leur a été faite de toutes les pièces dont on a parlé, et ils doivent parapher en particulier celles qui sont prétendues fausses, le tout, à peine de nullité.

Lorsqu'il a été ordonné qu'il sera informé, tant par titres que par témoins, on doit assigner et entendre les témoins qui peuvent avoir connaissance de la fabrication, altération, et en général de la fausseté des pièces inscrites de faux ou des faits qui tendent à en établir la preuve. L'art. 40 veut, pour cet effet, qu'on puisse, en tout état de cause, obtenir et faire publier des monitoires.

Comme les témoins ordinaires ne doivent déposer que des faits dont ils ont connaissance sur l'altération, la fabrication, en un mot, sur la fausseté des pièces inscrites de faux, on ne doit leur représenter que les pièces relatives à ces faits, c'est-à-dire, les pièces inscrites de faux, et les pièces de conviction, s'il y en a. Pour en constater irrevocablement la représentation, les témoins doivent les parapher. Si cette formalité de représentation et de paraphe n'avait pu être remplie, ou

avait été omise lors de l'information, elle peut être suppléée au récolement, et même à la confrontation; mais faute de la remplir à la confrontation, la confrontation est nulle de plein droit.

Ainsi, on ne représente pas aux témoins toutes les autres pièces qu'on est obligé de mettre sous les yeux des experts, à moins que le juge ne croie à propos de le faire par des considérations particulières. Dans ce dernier cas, les pièces représentées sont sujettes à la nécessité du paraphe des témoins.

Quelquefois il arrive que des témoins, pour fortifier leur témoignage, représentent des pièces qui peuvent conduire à la connaissance du faux dont on fait la recherche : en ce cas, il faut les joindre à la déposition du témoin à laquelle elles sont relatives, après qu'elles ont eté par lui paraphées, ainsi que par le juge : et si quelques-unes de ces pièces sont pièces de conviction, il faut en outre les représenter aux témoins qui peuvent en avoir connaissance, et qu'on entend, récole ou confronte après qu'elles ont été remises.

[ XII. Lorsque les pièces nécessaires pour les différentes opérations dont on vient de parler, se trouvent hors de France, et qu'il n'est pas possible d'obtenir des juges du lieu où elles sont déposées, un pareatis pour que le commissaire chargé de l'instruction du faux s'y transporte, l'inscrivant en faux peut-il demander que l'un de ces juges soit commis par lettres rogatoires pour remplacer le commissaire? Ou doit-on, parcequ'il ne peut pas parvenir à la preuve de ses moyens de faux par une procedure faite par des juges nationaux, le déclarer déchu de son Inscription, et faire droit sur le proces principal, comme si les pièces arguées étaient véritables?

Cette question, aussi intéressante par son objet que par sa nouveauté, s'est présentée au parlement de Flandre en 1781.

Dans le fait, l'évêché de Saint-Omer jouit, à raison de la prévóté de Waten, unie à ce siége, du droit de percevoir diverses rentes sur plusieurs pièces de terres, dont quelquesunes sont aujourd'hui possédées par les sieurs Morel.

Les sieurs Morel, assignés en paiement de ces rentes, ont prétendu qu'on les leur demandait plus fortes qu'ils ne les devaient. Ils ont été condamnés par le premier juge, le présidial de Bailleul; mais ils ont interjeté appel de la sentence au parlement de Douai, et ils y ont fait intimer M. de Puységur, évêque de Carcassonne, ci-devant évêque de Saint-Omer.

Dans le cours de l'instruction et à l'appui des moyens de M. de Puységur, on a produit, de sa part, un livre ou registre qu'on a déclaré être le terrier des rentes dues à la prévôté de Waten. Ce terrier est rendu authentique par un acte daté du 25 août 1570, que l'on trouve à la fin, et qui est signé P. Bevère, lequel était greffier du conseil provincial de Gand.

Sur l'appel pendant au parlement de Douai, les sieurs Morel ont présenté, le 16 février 1781, une requête tendante à ce qu'il lear fût permis de s'inscrire en faux « contre l'acte » de prétendue confirmation et authentication » du livre noir »; c'est le nom qu'on a donné, dans toute l'instance, au terrier dont il s'agit.

Tous les préalables ordinaires, en cas d'Inscription de faux, ayant été remplis confor mément à l'ordonnance de 1737, il est intervenu, le 14 mai 1781, un premier arrêt qui a « joint les moyens de faux au procès principal » d'entre les parties, pour, en jugeant, y » avoir tel égard que de raison ».

Après cet arrêt, l'instruction du procès sur l'appel de la sentence de Bailleul, s'est continuée; mais on a surtout insisté de part et d'autre sur la foi qui pouvait être due ou refusée au livre noir; on a fait valoir plusieurs moyens et articulé différens faits, dont il est inutile de rendre compte.

Le 21 juillet 1781, il est intervenu un second arrêt, par lequel « la cour, avant faire droit » sur l'appel, ayant aucunement égard aux » moyens de faux donnés par les Morel, con» tre l'acte de prétendue confirmation et an»thentication du livre noir, contenant le » terrier des rentes dues à la prévôté de Wa» ten, déclare les moyens de faux pertinens » et admissibles, en ce qu'il est mis en fait que, » dans le mois de décembre 1569, il n'y eut, » de la part de Gerard de Hennericour, pre» mier évêque de Saint-Omer, aucune pré»sentation faite au conseil de Flandre, seant » à Gand, ni d'un prétendu livre noir conte»nant, etc...., ni d'un prétendu livre rouge » contenant etc...., pour lesdits livres être » confirmés et authentiqués par ledit conseil » de Flandre; que, le 12 dudit mois de dé» cembre 1569, ledit évêque n'a point împetre » de S. M. Catholique des lettres-patentes » adressantes audit conseil (mentionnées dans » l'acte d'authentication), pour procéder à » l'authentication et confirmation desdits deux » livres; qu'il n'y a point eu d'ajournemen! » de tous les créanciers et débirentiers de la » prévôté de Waten, en conséquence desdites » prétendues lettres, pour voir conférer, » authentiquer et confirmer le contenu des » dits deux livres, et y contredire, si bon leur

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» semblait : qu au jour prétendûment servant, » il n'y a point eu présentation et appel de » cette cause, ni réquisition et prononciation » de défaut contre les ajournés, ni concession » de nouvelle commission selon style, qu'il n'y a pas eu de reajournement; qu'il n'y a » pas eu, le 25 août 1570, de jugement dudit » conseil qui ait prétendûment accordé second » défaut à la charge des tenanciers et débi>>teurs, les ait déboutés de toutes exceptions » et défenses, et ait en conséquence tenu le » contenu desdits deux livres et registres pour » confirmé et authentique; qu'il n'y a point » eu d'expédition de ce prétendu jugement » sous le scel dudit conseil et sous la signature » d'Augustin Vanhuerne, secrétaire d'icelui; » que la signature P. Bévère avec paraphe, » qui se trouve au bas de l'acte préparatif et >> attentatoire du jugement dont il s'agit, n'est » pas celle de N. Bévère, qui fut notaire ou "} greffier du conseil provincial de Gand ». Le même arrêt ordonne qu'il sera informé de ces faits « pardevant le conseil rapporteur, » tant par titres que par témoins, et par Allard » et Adam, maîtres écrivains à Douai, et » Bernard, commis-juré au greffe échevinal, » que la cour a nommés d'office; ensemble par » comparaison d'écritures et signatures, dé» pens réservés n.

Après avoir obtenu cet arrêt, les sieurs Morel ont exposé qu'ils ne pouvaient trouver d'actes signés de Bévère, greffier du conseil provincial de Gand, que dans les dépôts de ce conseil; et en conséquence, ils ont obtenu une commission rogatoire dont l'objet était qu'un magistrat du parlement de Douai pût se transporter à Gand pour y faire faire les informations et comparaisons d'écritures qui seraient nécessaires.

Mais le conseil provincial de Gand n'ayant pas voulu obtempérer à cette commission, les sieurs Morel ont demandé qu'il leur fût permis de faire procéder aux opérations qu'avait prescrites l'arrêt du 21 juillet, par le premier conseiller de Gand qui pourrait y vaquer, et par qui seraient nommés d'office les experts employés pour ces opérations; qu'il fût permis aussi au greffier de la cour de se transporter à Gand, muni du terrier argué de faux, pour être représenté lors des opérations, dont le procès-verbal serait envoyé clos et cacheté au parlement de Douai, à l'effet d'être statue ensuite ce qu'il appartiendrait.

M. de Puységur s'est opposé à cette de mande, et a soutenu que la comparaison et la vérification ne pouvaient pas se faire à Gand, et devaient se faire nécessairement à Douai. Voici comment ses moyens ont été établis TOME XIV.

dans une consultation délibérée à Paris, le 13 mars 1782, par MM. Doutremont, Maultrot, Camus et Mey.

« Les souverains de chaque état doivent la justice aux peuples qui les habitent; ils la leur distribuent par le ministère des magistrats qu'ils ont établis à cet effet, et qui forment les différens tribunaux. De cette réflexion, dérive nécessairement la conséquence que les bornes de la juridiction de tout tribunal sont essentiellement renfermées dans l'étendue des États du souverain qui l'a établi, et que les causes des sujets d'un souverain ne peuvent point être jugées par les ministres de justice d'un souverain étranger.

» L'impossibilité de confondre les ressorts et les pouvoirs des tribunaux établis dans les souverainetes différentes, est fondée sur une multitude de causes. D'abord, le défaut de pouvoir de la part des juges sur des sujets étrangers, et l'impuissance où ils seraient de les forcer à l'exécution de leurs jugemens; ensuite, l'ignorance des lois auxquelles ces sujets étrangers sont soumis, et d'après les quelles on doit décider les causes qui les intéressent; enfin, la nécessité qu'il y a que le justiciable lui-même connaisse les principes d'après lesquels on le juge, qu'il puisse invoquer les lois auxquelles il est soumis, réclamer les avantages qu'elles lui donnent, et attaquer les juges eux-mêmes dans le cas où ils s'écar. teraient des règles de leur devoir. Rien de cela ne pouvant avoir lieu dans le cas où la cause du sujet d'un État serait commise à des juges d'un autre État, la conséquence qu'on se proposait d'établir, s'ensuit nécessairement: savoir, que la cause de deux Français, par exemple, ne saurait être remise à la décision de juges établis hors de la France, qui ne connaissent pas les lois françaises, ou du moins, qui ne sauraient être astreints à juger d'après ces lois. » Ce n'est pas que dans certaines circonstances rares, par exemple, dans la poursuite de crimes qui se commettent avec une sorte de continuité et de succession, tels qu'un rapt, on ne puisse être obligé de prendre des informations dans des lieux établis sous une domination étrangère. De pareilles circonstances se sont rencontrées; mais alors on a d'abord eu recours aux souverains respectifs pour ob tenir d'eux des permissions nécessaires, permissions qui étant du ressort du droit des gens, du droit des nations entre elles, et non du ressort du droit propre à chaque État en particulier, ne peuvent pas être valablement accordées par les tribunaux chargés, non de l'exécution de ce qui est du droit des gens, mais de l'exécution de ce qui est du droit pro

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pre de leur nation. Ensuite on a été attentif à prendre, dans ces circonstances, toutes les précautions possibles pour que des personnes qui étaient obligées de faire faire des informations, de faire entendre des témoins dans des États étrangers, conservassent tous les avantages que les lois de leur pays leur donnaient. Enfin, ce ne sont pas des décisions qu'on a autorisé à solliciter des juges étrangers; mais seulement des actes propres à constater des faits, des procès-verbaux, par exemple, et des auditions des témoins.

» Si, après ces premières réflexions, on revient à l'espèce particulière qui est proposée, on se convaincra facilement que ce n'était ici nullement le cas d'alléguer l'exception qui permet, dans des cas rares, une instruction en pays étranger; mais qu'il faut au contraire se tenir fortement attaché à la règle générale, qui veut que les membres d'un État soient jugés dans cet État même.

» Les sieurs Morel se sont inscrits en faux contre la signature apposée au pied d'un terrier produit par M. l'évêque de Saint-Omer, dans un proces pendant au parlement de Douai. Cette signature est le corps du délit, s'il en existe un : c'est à cette signature qu'il faut, s'il est permis d'user de cette expres sion, faire le procès; l'absoudre, si elle est véritable; la condamner, si elle est fausse. Or, il est de premier principe en matiere criminelle, que le juge compétent d'un délit est celui dans le ressort et sous les yeux duquel il se trouve exister.

» L'ordonnance criminelle de 1670 n'a fait qu'exposer la conséquence de ce principe, lorsqu'en traitant de la compétence des juges, tit. 1, elle a prononcé, art. 20, que tous, à la réserve des juges-consuls et des bas et moyens justiciers, pourraient connaître des Inscriptions de faux incidentes aux affaires pendantes pardevant eux. Dans l'ordonnance de 1737, il n'y a pas un des articles du titre de faux incident qui ne forme une preuve que le juge compétent pour connaître de cette accusation, est celui devant lequel s'instruisait la contestation principale à laquelle l'accusation de faux est incidente. Le juge civil est même autorisé alors à faire un genre d'instruction qui, dans tout autre cas, n'appartiendrait qu'au juge criminel; car comme M. d'Aguesseau l'a remarqué dans une de ses lettres, en cas de faux incident, les juges civils demeurent toujours juges, jusqu'à ce qu'ils aient rendu leur sentence définitive sur l'instruction entière du procès criminel. Le parlement de Douai a appliqué ces conséquences et ces lois à la question particulière, lorsqu'il

a ordonné qu'il serait informé des faits qui constituaient les moyens de faux, par devant le conseiller rapporteur, tant par titres que par témoins.

» Une première vérité qu'on doit poser pour base de toute l'instruction de l'accusa. tion de faux intentée par les sieurs Morel, est donc que le tribunal seul compétent pour faire cette instruction, est le parlement de Douai.

» Entre les différentes parties de cette instruction, une des plus importantes, sans doute, est la vérification de l'écriture arguée de faux, laquelle se fait par la comparaison de cette écriture avec d'autres écritures émanees constamment de la personne dont on pretend que la pièce arguée de faux n'est point l'ouvrage : et déjà, sans doute, il suit de ce qu'on a dit, que, dans l'espèce présente, le parle. ment de Douai ne saurait être dépouille de cette partie de l'instruction; mais en voici de nouvelles preuves:

» Les moyens de faux ayant été déclarés pertinens et admissibles, l'art. 53 du tit. 2 de l'ordonnance de 1737 porte que les pièces de comparaison seront fournies par le demandeur. Suivant l'art. 34, il doit être dressé procès-verbal des pièces de comparaison en présence du défendeur et du procureur du roi; elles doivent être paraphées par le défendeur et par les autres personnes qui assistent au procès-verbal. L'art. 35 permet au défendeur de contester les pièces qui sont rapportées pour pièces de comparaison; et il veut qu'alors il y soit pourvu par le juge, sur les conclusions du procureur du roi. Aux termes de l'art. 37, en cas que les pièces de comparaison qui avaient été présentées, ne soient pas reçues, il doit être ordonné que le demandeur en rapportera d'autres dans le délai qui sera prescrit par le jugement qui inter viendra sur le vu du procès-verbal; et faute par le demandeur d'y avoir satisfait, continue l'article, les juges ordonneront, s'ily échet, que sans s'arrêter à l'Inscription de faux, il sera passé outre à l'instruction et au jugement de la contestation principale.

»Toutes les formalités dont il est question dans les articles qu'on vient de citer, indiquent une instruction à faire sur les lieux où la contestation est née, et par le juge qui est saisi de la connaissance de l'Inscription de faux. C'est là que le demandeur en faux doit rapporter les pièces de comparaison; c'est par ce juge et sur les observations du défendeur, qu'elles doivent être déclarées admissibles, ou être rejetées. On voit d'ailleurs que l'instruction dont il s'agit, ne consiste pas seule

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