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» La durée de cette suspension ne pourra excéder six mois : en cas de récidive, elle sera d'un an au moins et de cinq ans au plus.

» Si les injures ou écrits injurieux portent le caractère de calomnie grave, et que les juges saisis de la contestation ne puissent connaître du délit, ils ne pourront prononcer contre les prévenus qu'une suspension provisoire de leurs fonctions, et les renverront, pour le jugement du délit, devant les juges compétens ». ]]

III. Les Injures par voie de fait se punissent arbitrairement, selon la gravité de l'offense, et les suites qu'elle peut avoir.

Par arrêt du 8 octobre 1677, rapporté au Journal des Audiences, le parlement de Paris a adjugé une réparation à un officier et à sa femme, qui avait été maltraitée par un gentilhomme, parcequ'elle avait contesté le pas dans la rue à la femme de ce gentilhomme, à 1,500 livres de dommages et intérêts, et à 200 livres d'aumône.

Par un autre arrêt du 27 juin 1697, la même cour a confirmé une sentence du Châtelet qui avait condamné un particulier à 100 livres de dommages et intérêts, parcequ'il avait fait emprisonner une personne

pour une autre.

Voici une autre espèce.

Le 10 juillet 1770, Me. S..., procureur au parlement de D....., reçut un soufflet du sieur E....., conseiller au présidial de....

Le même jour, le procureur rendit plainte contre le conseiller devant la mairie de D..... Le conseiller fit signifier au procureur un acte extrajudiciaire, par lequel il déclara qu'il était fâché de la vivacité à laquelle il s'était livré, etc., etc.

:

Le procureur, sans avoir égard à cette déclaration, poursuivit l'effet de sa plainte information, décret d'ajournement personnel contre le conseiller.

Celui-ci ne s'étant pas présenté pour subir interrogatoire, le proces fut réglé à l'extraordinaire; et le 17 août 1778, intervint sentence par contumace, qui déclare le conseiller <<< atteint et convaincu d'avoir donné un souf» flet violent à Me. S..., et le condamne à décla»rer, les plaids tenans, qu'il s'en repent, et » se soumet à recevoir un semblable soufflet; >>le condamne à tenir prison pendant un an ; et » après ledit an, lui défend de se trouver, pen»dant un an, dans les lieux où se trouverait » Me. S... ; en outre, en 1,500 livres de domma»ges et intérêts, dépens, impression et affiche »de la sentence ».

Appel de cette sentence au parlement de Dijon: arrêt de la chambre des enquêtes, du 13

mars 1779, par contumace contre le conseiller, qui confirme la sentence.

Le conseiller s'est pourvu en cassation de cet arrêt. Il alléguait, pour moyens, que la condamnation prononcée contre lui, de se soumettre a recevoir un soufflet semblable à celui qu'il avait donné, était un genre de peine inconnu, que c'était réveiller la loi du talion, proscrite en France; mais nonobstant ces considérations, il a été débouté de sa demande en cassation, par arrêt du 19 mars 1781.

[[ On ne pourrait plus aujourd'hui juger de même.

On distingue, relativement aux Injures par voie de fait, entre le cas où des coups ont été donnés, celui où il en est résulte des blessures, et celui où rien de semblable n'a eu lieu.

Si des coups ont été donnés sans blessure, la peine est d'un emprisonnement d'un mois à deux ans, et d'une amende de 16 à 200 francs.

Lorsque, dans le même cas, il y a eu préméditation ou guêt-à-pens, l'emprisonnement doit être de deux à cinq ans, et l'amende de 50 francs, à 300 francs. (Code pénal de 1810 art. 311.)

A l'égard des cas où il y a eu blessure, V. l'article Blessé, §. 1 et 2.

S'il n'y a eu ni blessure ni coups, l'Injure par voie de fait, qui, sous le Code du 3 brumaire an 4, était toujours puni, aux termes de l'art. 605 de ce Code, d'un emprisonnement d'un à trois jours, ou d'une amende d'une à trois journées de travail, ne l'est plus, par le Code penal de 1810, que dans deux cas, savoir d'une amende de 2 à 10 francs, et, s'il y a lieu, d'un emprisonnement de trois jours au plus, lorsqu'il y a eu jet volontaire de corps durs ou d'immondices sur quelqu'un (art. 475 et 476); d'une amende de 11 à 15 francs, et, s'il y a lieu, d'un emprisonnement de cinq jours au plus, lorsqu'il y a eu bruit ou tapage injurieux ou nocturne, troublant la tranquilité des habitans. (Art. 479 et 480.) ]]

IV. On punit plus sévèrement les Injures faites aux officiers de justice, lorsqu'ils sont dans leurs fonctions, que celles qui s'adressent à de simples particuliers.

L'art. 190 de l'ordonnance de Blois contient à cet égard des dispositions trés-rigoureuses. Voici ce qu'il porte : « Défendons, sous peine » de la vie, à nos sujets, de quelle qualité » qu'ils soient, d'excéder ou outrager aucun de >> nos magistrats, officiers, huissiers, ou ser» gens, faisant, exerçant ou exécutant acte » de justice : voulons que les coupables de tels » crimes soient rigoureusement châties sans » espoir de miséricorde, comme ayant direc»tement attenté contre notre autorité et

» puissance; faisons très-étroites inhibitions » et défenses à tous princes et autres, qui » ont l'honneur d'approcher de notre person»ne, de faire aucune requête pour obtenir la » grâce, pardon et rémission pour lesdits » coupables; et si par importunité, aucune » chose était accordée par nous, ne voulons » nos juges y avoir égard, quelque jussion, » ou dérogation que nous ferions ci-après à la » présente ordonnance ».

L'art. 4 du tit. 16 de l'ordonnance criminelle du mois d'août 1670 porte aussi qu'il ne sera point donné de lettres d'abolition à ceux qui auront excédé ou outragé des magistrats ou officiers; huissiers et sergens, faisant ou exécutant quelque acte de justice. Papon et Bérault rapportentdeux arrêts, l'un du parlement de Paris, du 15 mars 1578, et l'autre du parlement de Rouen,du 13 décembre 1588, qui ont condamné des particuliers à l'amende honorable, à des amendes pécuniaires, et à des dommages et intérêts, pour avoir injurié, durant l'audience, l'un le lieutenant criminel de Meaux, et l'autre l'avocat du roi au baillage de Carentan.

Boniface rapporte un autre arrêt du parle ment d'Aix, du 8 juillet 1645, qui condamna un gentilhomme à avoir la tête tranchée, pour avoir donné un soufflet au procureur - fiscal d'une justice.

+

Par arrêt du 22 mars 1565, rapporté par Bouvot, le parlement de Dijon condamna un moine à faire amende honorable et au ban nissement perpétuel, nonobstant la grâce qu'il avait obtenue, pour avoir excédé un sergent qui faisait une exécution.

[[ V. La loi du 22 juillet 1791, tit. 2, art. 19, portait que « les outrages ou menaces par pa» roles ou par gestes, faits aux fonctionnaires » publics dans l'exercice de leurs fonctions, » seraient punis d'une amende qui ne pour»rait excéder dix fois la contribution mobi» lière, et d'un emprisonnement qui ne pourrait excéder dix années ». La peine devait être double en cas de récidive.

L'art. 20 ajoutait : « les mêmes peines seront >> infligées à ceux qui outrageraient ou mena>> ceraient par paroles ou par gestes, soit les » gardes nationales, soit la gendarmerie na»tionale, soit les troupes de ligne, se trou» vant, ou sous les armes, ou au corps-de-gar» de, ou dans un poste de service; sans pré» judice des peines plus fortes, s'il y a lieu » contre ceux qui les frapperaient; et sans » préjudice également de la défense et de la » résistance légitime, conformément aux lois » militaires ».

bunal de police de Tournay avait déclaré Florentine Follet, cabaretière, convaincue d'avoir saisi le commissaire de police par l'habit, d'avoir frappé un garde de ville, et d'avoir enfermé sous la clef une patrouille entière ; et il ne l'avait condamnée qu'à une amende de la valeur de trois journées de travail.

Mais le commissaire de police s'étant pourvu en cassation, arrêt est intervenu, le 9 frimaire an 13, au rapport de M. Cassaigne, par lequel,

« Vu les art. 150, no. 1, 456, no. 6, et 605 du Code des délits et des peines, et les art. 19 et 20 du tit. 2 de la loi du 22 juillet 1791.

» Considérant que les tribunaux de police ne peuvent connaître des injures verbales, violences et voies de fait, qu'autant qu'elles sont légères, et ne donnent lieu qu'à des peines de simple police; que celles commises envers la garde nationale, la gendarmerie, où les troupes de ligne, se trouvant sous les armes ou dans un poste de service, sont un outrage susceptible des peines correctionnelles déterminées par les art. 19 et 20 du tit. 2 de la loi du 22 juillet 1791, dont la connaissance appartient aux tribunaux correctionels exclusivement;

» Que, dans l'espèce, les violences, voies de fait et Injures verbales sur lesquelles le tribunal de police du canton de Tournay a prononcé par son jugement du 5 fructidor an 12, étaient de cette dernière nature, puisque, d'après ce même jugement, elles avaient été commises envers des gardes de ville faisant patrouille, et se trouvant actuellement en visite d'un lieu public; que, par suite, la connaissance en appartenait au tribunal correctionel, et le tribunal de police n'a pu en connaître sans excéder sa compétence et sans donner lieu à la cassation de son jugement, conformément aux articles ci-dessus cités; » Par ces motifs la cour casse et annulle............. ».

VI. Pouvait-on,sous la loi du 22juillet 1791, considérer comme outrages faits à un juge dans l'exercice de ses fonctions, les Injures qui, lors d'une descente sur les lieux, étaient proférées, soit contre un juge de paix, soit contre un commissaire du tribunal ordinaire, avant qu'il eût déclaré la séance ouverte, ou qu'il eût commencé les opérations pour lesquelles il s'était transporté?

La cour de justice criminelle du département des Forêts avait jugé pour la négative, le 27 prairial an 10.

Mais sur le recours du ministère public, il a été rendu, le 17 thermidor suivant, au rap

Par jugement du 5 fructidor an 12, le tri- port de M. Sieyes, un arrêt par lequel,

« Vu la sixième disposition de l'art. 456 da Code des délits et des peines;

» Attendu que le tribunal criminel du département des Forêts à considéré comme faites à un simple individu, les Injures adressées au citoyen Faber, juge de paix du canton d'Arlon, lorsqu'il se trouvait, pour raison de ses fonctions, et en vertu même d'une ordonnance préalable, sur les lieux contentieux, avec ses assesseurs, son greffier, un huissier, en présence d'une des parties et des témoins appelés à cet effet;

» Considérant que ces Injures avaient été proférées par un des témoins; et qu'en l'état elles ne pouvaient être envisagées que comme faites à des fonctionnaires publics dans l'exercice de leurs fonctions, que le tribunal criminel en leur refusant ce caractère, a commis un excés de pouvoir, encore même que la séance n'eût pas été déclarée ouverte, ou que le juge de paix n'eût pas encore entamé les opérations pour lesquelles il se trouvait sur les lieux contentieux.

» Par ces motifs, le tribunal, faisant droit sur le pourvoi du commissaire du gouverne, ment près du tribunal criminel du département des Forêts, casse et annulle pour excès de pouvoir.... ».

VII. Mais, devait-on, sous la même loi, assimiler à l'Injure faite à un fonctionnaire public dans l'exercice de ses fonctions, celle qui lui était faite à raison de ses fonctions? Le 16 juillet 1807, le sieur Darbins, com. missaire aux classes de la marine, condamne par mesure de police le nommé Bonnel, ma rin, à la prison.

Le même jour, Villeneuve, gendre de ce, lui-ci, rencontrant le sieur Darbins dans une promenade publique, accompagné de deux autres personnes, l'aborde et lui dit : « Est» ce vous qui avez condamné Bonnel à la » prison? quel en est le motif »?

Le sieur Darbins lui répond: « Oui, mais ce » n'est pas à vous à m'en demander compte ». Villeneuve réplique : « Vous avez été in» juste, je ne suis pas marin, je m'appelle "Villeneuve, f....., et je me f.... de vous à » pied et à cheval ».

Le sieur Darbins dresse procès-verbal de ce propos; et Villeneuve est traduit devant le tribunal correctionnel, qui, par jugement du 28 août suivant, le condamne à une amende double du montant de sa contribution mobilière, et à un emprisonnement de quinze jours.

Mais sur l'appel, arrêt de la cour de justice criminelle du département de Lot-et-Garonne, du 29 octobre de la même année, qui,

<< Attendu que l'indécente sortie du prévenu contre ledit commissaire, porte sans doute le caractère d'une Injure, à la vérité simplement verbale, mais préméditée, et faite à ce fonctionnaire, à raison et par ressentiment d'un acte émané de l'autorité que la loi lui a confiée; et que sous ce rapport, elle participe nécessairement de la nature d'un délit, en ce qu'elle tend à troubler l'ordre social, en ce que l'impunité d'une insulte de ce genre, si elle ne paralysait entièrement l'exercice de l'autorité, ne pourrait qu'apporter un grand découragement parmi les fonctionnaires publics, dans toutes les occasions où leur devoir les force de faire usage d'une sévérité pénible à leur cœur;

» Mais considérant que l'insulte que le sieur Darbins a reçue dans cette occasion, ne lui a été faite ni pendant qu'il exerçait ses fonctions de commissaire aux classes, ni pendant qu'il se rendait au lieu où il devait les exercer, ni pendant qu'il revenait du lieu où il les avait exercées; qu'il est seule. ment vrai que, dans des momens où il était hors de l'exercice de ses fonctions publiques, et où il goûtait le plaisir du délassement et de la promenade, il a été verbalement inquiété et insulté à l'occasion d'un acte d'autorité qu'il avait ci-devant exercé en sadite qualité de commissaire;

» Que la loi n'a pas mis cette espèce d'Injure au rang des délits correctionnels ; que celle du 22 juillet 1791, tit. 2, art. 19, nʼattribue aux tribunaux correctionnels que la punition des outrages ou menaces par paroles ou par gestes faits aux fonctionnaires publics dans l'exercice de leurs fonctions; et que l'art, 18 porte que, quant aux simples Injures verbales, si elles ne sont pas adressées aux fonctionnaires publics en exercice de leurs fonctions, elles seront jugées dans la forme établie en l'art. 10 du tit. 3 du décret sur l'organisation judiciaire ;

» Que cette loi n'ayant pas soumis à la peine correctionnelle le cas où la simple Injure verbale, bien qu'elle n'ait été adressée au fonctionnaire public que hors de l'exercice de ses fonctions, lui a été néanmoins faite à l'occasion d'un acte émané des fonctions qu'il avait droit d'exercer, il n'est pas permis aux tribunaux d'étendre à ce dernier cas les dispositions pénales dont le législateur n'a fait application qu'à une toute autre hypothese;

» Et attendu que, d'après ces considérations, l'ordonnance du directeur du jury, du 13 août dernier, portant renvoi de cette affaire et du prévenu devant le tribunal correctionnel du même arrondissement, renferme une viola

ion de l'ordre public judiciaire, et que le jugement dudit tribunal correctionnel, dudit jour 20 août dernier, contient un excès de pouvoir, en ce que ce tribunal y a statue et prononcé sur un délit dont la connaissance était hors de ses attributions;

» Par ces motifs, faisant droit sur l'appel interjeté par ledit Villeneuve du susdit jugement dudit jour 20 août dernier, déclare avoir été mal et nullement procédé par l'ordonnance du directeur du jury de l'arrondissement de Villeneuve d'Agen, du 13 dudit mois d'août, portant renvoi de l'affaire dont s'agit, devant le tribunal de police correctionnelle; et avoir été mal, nullement et incompétemment procédé et jugé par ledit tribunal correctionnel de l'arrondissement dudit Villeneuve, par son jugement dudit jour 20 août dernier; en conséquence, annulle tant la susdite ordonnance que le susdit jugement; réformant, et faisant ce que ledit tribunal correctionnel aurait dû faire, déclare que le délit dont s'agit, est hors des attributions de la police correctionnelle, et le susdit tribunal correctionnel avoir été incompetent pour statuer sur ledit délit ».

Le procureur général de la cour de justice criminelle se pourvoit en cassation, et sou. tient que l'on doit assimiler les Injures proférées contre un fonctionnaire public à raison de ses fonctions, à celles qui sont proférées contre lui dans l'exercice de ses fonctions. Par arrêt du 10 décembre 1807, au rapport de M. Vermeil.

« Vu les art. 19 et 41 du tit. 2 de la loi du 22 juillet 1791, desquels il résulte que la répression des Injures faites à un fonctionnaire public n'est attribuée aux tribunaux correctionnels, que quand les Injures lui sont faites dans un moment où il exerce ses fonctions;

>> Que, dans l'espèce, il s'agit d'une Injure faite à un administrateur de la marine, non au moment où il exerçait ses fonctions, mais à raison de ses fonctions ;

» Que, quelque analogie qu'il puisse y avoir dans l'une et l'autre espèce, il n'appartiendra pas à la cour de cassation d'étendre la disposition de la loi du seul cas qu'elle exprime, à un autre sur lequel elle ne s'est point expliquée;

» D'où il résulte que l'arrêt de la cour de justice criminelle du département de Lot et Garonne, du 29 octobre dernier, en déclarant nulle et incompétente la procédure faite à raison de l'Injure dont il s'agit, devant le tribunal correctionnel, n'a pas violé la loi ;

» La cour rejette le pourvoi ».

Mais lorsqu'en s'adressant (toujours sous
TOME XIV.

l'empire de la loi du 22 juillet 1791 ) à un officier du ministère public en sa qualité, dans un moment où il n'était pas en fonctions, une partie contre laquelle il exerçait des poursuites dont la justice était saisie, lui faisait des interpellations injurieuses, cette partie étaitelle, par-là, censée l'injurier dans l'exercice de ses fonctions méme?

Cette question est décidée par l'arrêt suivant :

« Le procureur général expose qu'il existe, entre le tribunal correctionnel du Blanc, département de l'Indre, et le tribunal de police du canton de Saint-Benoît-du-Sault, un conflit négatif de juridiction sur lequel il est nécessaire que la cour interpose son autorité.

» Le 6 décembre 1806, procès-verbal du sieur Guillemet, adjoint à la mairie de SaintBenoît-du-Sault, portant que, le même jour, Barthelemi Perdriget s'est présenté devant lui, en son domicile, et lui a demandé avec un ton de colère, et paraissant un peu pris de vin, pourquoi il l'avait fait citer à l'audience du tribunal de police, du 8 du même mois; que l'adjoint a répondu que la citation avait pour fondement un procès-verbal par lequel le maire avait constaté que Perdriget était en contravention aux réglemens de police sur la propreté des rues; que ce procèsverbal lui ayant été remis par le maire, il n'avait pas pu se dispenser d'agir; qu'au surplus, Perdriget ferait ses observations et proposerait ses défenses devant le tribunal; que Perdriget a répliqué que plusieurs citoyens avaient devant chez eux, les uns du fumier, les autres des bois qui embarrassaient la voie publique; et qu'alors ils auraient dû être cités comme lui, ne DEVANT point y avoir de PARTIALITÉ : qu'à ce propos, injurieux envers le maire comme envers lui, l'adjoint a invité Perdriget à se retirer tout de suite, en le prévenant que, s'il continuait de tenir un semblable langage, il serait forcé de dresser contre lui un procès-verbal; qu'alors Perdriget a dit, en se retirant, que l'adjoint pou vait faire tout ce qu'il lui plairait, et a ajouté: je me f. de votre procès-verbal et de vous.

» Le procès-verbal a été adressé au directeur du jury de l'arrondissement du Blanc, qui, après avoir interrogé Perdriget, et conformément aux réquisitions du magistrat de sûreté, a traduit le prévenu devant le tribunal correctionnel.

» Mais par jugement du 29 avril 1807, « Considérant que le tribunal correctionnel » n'est compétent pour connaître des actions » pour Injures verbales, qu'autant que ces In»jures sont adressées à un fonctionnaire public

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» dans l'exercice de ses fonctions, suivant les » dispositions de l'art. 19 du tit. 2 de la loi du 22 » juillet 1791; et qu'en tout autre cas, le juge » de paix est seul compétent pour en connaître, » suivant que le prescrit l'art. 18 de la même » loi; et attendu que, dans l'espèce, il résul» te, soit du procès-verbal même, soit des dé» bats qui ont eu lieu à la présente audience, » que le sieur Guillemet, adjoint au maire de » la commune de Saint-Benoît-du-Sault, n'était point dans l'exercice de ses fonctions » d'adjoint, lorsque Perdriget a proféré, à son » égard, les expressions qualifiées injurieuses » par ledit procès-verbal; et qu'ainsi, lesdites » prétendues Injures sortent de la classe de >> celles prévues par l'art. 19 de ladite loi, » pour rentrer dans celles dont la connaissance » appartient au juge de paix; le tribunal cor»rectionnel de Blanc se déclare incompétent » pour connaître de l'action dont il s'agit, » et renvoie l'affaire devant le juge de paix » de Saint-Benoît, jugeant en tribunal de » simple police, pour être par lui statué ce » qu'il appartiendra, tous dépens réservés ». En exécution de ce jugement, Barthelemi Perdriget a été cité devant le tribunal de police du canton de Saint-Benoît-du-Sault, lequel, après avoir entendu les parties, a prononcé, le 2 novembre, en ces termes : « Con» sidérant qu'il ne nous appartient point de » réformer les jugemens des tribunaux supé»rieurs, et que ce serait une réforme indi>> recte, si nous lui renvoyions une affaire » dont déjà il nous a fait le renvoi ; considé>>rant néanmoins qu'un tribunal, quoique » supérieur, n'a pas le droit de forcer l'opi»nion d'un tribunal inférieur, même en ma» tière de compétence; et attendu que, d'après >> notre opinion, le sieur Guillemet devait, >> en la circonstance, être considéré comme » adjoint, puisque l'insulte dont il se plaint, » n'a eu lieu qu'à raison de ses fonctions; et » que, sous ce rapport, la peine à appliquer » dépasse la compétence des tribunaux de simple police, d'après la loi du 22juillet 1791; » par ces considérations, nous nous déclarons >> incompetens....., sauf aux parties à se pour» voir ainsi qu'elles aviseront, et devant telle >> autorité que de droit, en réglement de » juges, cassation ou autrement, dépens » joints ».

» Voilà deux jugemens bien directement contraires l'un à l'autre, et il est impossible qu'ils subsistent tous deux; mais il s'agit de savoir lequel doit être annulé, lequel doit être maintenu.

» Le tribunal correctionnel et le tribunal de police s'accordent sur le principe : ils recon

naissent l'un et l'autre qu'il n'appartient qu'à la juridiction correctionnelle de connaître des Injures faites aux fonctionnaires publics dans l'exercice de leurs fonctions. Mais ils sont divisés sur l'application de ce principe; et sur cette question, l'adjoint du maire de Saint-Benoît-du-Sault était-il en fonctions, lorsqu'ont été tenus contre lui les propos mentionnés dans son procès-verbal, le premier décide pour le qui, le deuxième pour le

non.

» Dans cette controverse, il est un point sur lequel toutes les opinions doivent se réunir: c'est qu'il y a des officiers publics qui, par la nature de leurs places, doivent, dans certaines circonstances, être considérés comme étant en fonctions, alors même qu'ils ne sont pas revêtus du costume que la loi leur assigne.

» Ainsi, un commissaire de police dresse-til, sans être décoré de son costume, un procès-verbal contre des particuliers qui le connaissent? Il n'en est pas moins réputé en fonctions; et si ces particuliers l'insultent dans cet état, ce n'est point devant le tribunal de police, mais devant le tribunal correctionnel, qu'ils doivent être traduits : la cour l'a ainsi jugé le 9 nivôse an 11, au rapport de M. Minier, en cassant un arrêt de la cour de justice criminelle du département de la Somme.

» Un autre point sur lequel il ne peut pas y avoir plus de difficulté, c'est que, pour que les officiers du ministère public (et les adjoints de maires sont bien notoirement revêtus de ce caractère) soient réputés en fonctions, il n'est pas toujours nécessaire qu'ils se trouvent à l'audience publique du tribunal auquel ils sont attachés; et qu'ils ne sont pas moins censés être en fonctions, lorsque, dans leur parquet, ils s'occupent des objets relatifs à leur ministère, et reçoivent les parties qui s'adressent à eux, que lorsqu'à l'audience, ils portent la parole sur les affaires dont la loi leur attribue la poursuite ou exige qu'il leur soit donné communication. C'est ce que fait entendre l'art. 91 du Code de procédure civile, quand il place le procureur du roi au nom. bre des officiers de justice qui peuvent, chacun dans le lieu dont la police lui appartient, faire arrêter ceux qui les outrageraient ou menaceraient dans l'exercice de leurs fonctions.

» Et l'on sent assez que, par la même raison, ceux des officiers du ministère public qui, tels que les adjoints des maires, n'ont point de parquet dans le lieu destiné aux séances de leur tribunal, sont nécessairement censés être dans leur parquet, lorsqu'ils sont dans leur demeure ordinaire, puisque c'est là qu'ils ré

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