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François Lamarque de polisson et de mauvais sujet, qu'elle s'en repent et lui en demande pardon, dont il serait dressé procès-verbal par le gressier.

» La femme Destampes s'est pourvue en cassation contre ce jugement, qui a été cassé dans sa dernière disposition, comme contenant usurpation de pouvoir: aucune loi, en effet, n'a autorisé les tribunaux de police à condamner un prévenu à faire une amende honorable, ou, ce qui revient au même, à déclarer au greffe qu'il a agi méchamment, calomnieusement, qu'il s'en repent, et qu'il en demande pardon; sans ajouter surtout pour alternative, qu'à défaut, le jugement en, tiendrait lieu.

» L'arrêt de cassation a été prononcé (le 16 janvier 1807 ) dans les termes qui suivent: » Ouï le rapport de M. Carnot...;

» Vu l'art. 456 du Code des délits et des peines, no. 6; vu aussi l'art. 606 du même Code; » Et attendu que le tribunal de police du canton de Beaumont, département de la Haute-Garonne, en ordonnant à la réclamante de se rendre au greffe, pour y déclarer que c'est mechamment et calomnieusement qu'elle a proféré les Injures dont elle était prévenue, de quoi il serait dressé procès-verbal par le greffier, a appliqué une peine qui n'était pas prononcée par la loi, ce qui a été, de sa part, une usurpation de pouvoir;

» La cour casse et annulle, dans cette disposition seulement, le jugement rendu par le tribunal de police du canton de Beaumont, le 14 juin 1806... » (1).

On a dû remarquer dans la notice qui pré cède le dispositif de cette arrêt, que M. le rapporteur insistait particulièrement sur ce que le tribunal de police, en condamnant la femme Destampes à une réparation solennelle, n'avait pas ajouté l'alternative, sinon que le jugement en tiendra lieu. Cette alternative, si elle eût été employée, aurait-elle donc mis le jugement à l'abri de la cassation? L'arrêt suivant, rendu le 26 vendémiaire an 13, au rapport de M. Seignette, le suppose évidemment ainsi :

« Attendu que le tribunal de police d'Arles, en condamnant Duret et Robert à déclarer, au premier jour d'audience, les plaids tenant,

(1) L'art. 226 du Code pénal de 1810 maintient implicitement cette jurisprudence, par l'exception qu'il y apporte a Dans le cas des art. 222, 223 et 225 (porte-t-il, articles qu'on trouvera ci-après, no.9), » l'offenseur pourra étre, outre l'emprisonnement, >> condamné à faire réparation soit à la première au»dience, soit par écrit ». Nous reviendrons là-dessus aux mots Réparation d'Honneur.

TOME XIV.

que follement, témérairement et sans sujet, ils ont proféré lesdites Injures; qu'ils s'en repentent, et tiennent le sieur Antoine Isnard et son épouse pour gens d'honneur et de probité, incapables du soupçon de banqueroute, les a condamnés à une sorte d'amende honorable, taudis qu'il devait se borner aux peines que les art. 153, 600 et 606 du Code l'autorisent à prononcer, en y joignant, suivant les circonstances, les dommages-intérêts, et même l'impression et l'affiche du jugement comme dommages-intérêts, si elles étaient demandées par la partie plaignante;

» Que la condamnation à une réparation personnelle et publique, prononcée par le tribunal de police, condamnation absolue et sans alternative, ne peut être excusée, puisqu'elle prescrivait une chose inexécutable, si Duret et Robert s'y refusaient; et qu'un tribunal ne doit prononcer de peines que celles que la force de la loi est en état de faire exécu ter, lorsque la seule résistance du condamné s'y oppose;

» La cour casse le jugement du tribunal de simple police d'Arles, du 23 thermidor

an 12...».

Voici un autre arrêt rendu au rapport de M. Cassaigne, le 3 brumaire an 13, qui suppose encore le même principe, mais qui y met une exception:

« Vu les art. 3, 456, 600, 605 et 606 du Code des délits et des peines, du 3 brumaire an 4;

» Considérant qu'il résulte des art. 3, 600 et 606 ci-dessus cités, que la peine que les tribunaux de police peuvent appliquer aux injures verbales qui sont de leur compétence, se borne à une amende pécuniaire, dont la valeur ne peut excéder celle de trois journées de travail, ou à un emprisonnement qui ne peut être de plus de trois jours; que néanmoins, dans l'espèce, le tribunal de police a prononcé contre le prévenu, non seulement une amende égale à la valeur de trois journées de travail et des dommages-intérêts, mais encore une espèce d'amende honorable, en le condamnant à une réparation publique et authentique d'honneur qu'il serait tenu de faire en audience ; que le prévenu présent à l'audience, ayant de suite fait ladite réparation, l'alternative ajoutée par ledit tribunal, portant qu'à défaut, le jugement en tiendrait lieu, est demeurée sans effet, en sorte que l'excès de pouvoir reste et doit être réprimé par la cassation, conformément à l'art. 456 du Code;

» Par ces motifs, la cour, faisant droit sur 38

le réquisitoire du procureur général, casse, dans l'intérêt de la loi, et sans préjudice de celui des parties, le jugement rendu par le tribunal de police du canton de Saint-Jean-duGard, le 7 thermidor an 12, contre Henry Casenave..... ».

Même supposition du principe dont il s'agit, dans un arrêt du 19 vendémiaire an 14, rendu au rapport de M. Delacoste :

« Attendu ( porte-t-il ) qu'en ordonnant que les réclamans, les sieurs Clément et Stapey, feraient publiquement, et en audience tenant, réparation d'honneur au plaignant, et qu'il en serait dressé procès-verbal par l'huissier, le juge de paix a commis une véritable usurpation de pouvoir : qu'il a, en contravention et par excès des art. 153, 600 et 606 du Code, prescrit une peine non exécutable, si les condamnés s'y refusaient ;

» La cour casse et annulle le jugement rendu le 3 messidor dernier par le juge de paix du canton de Montfort, contre les frères Stapey, en ce qu'il a ordonné ladite réparation d'honneur à faire publiquement et sans aucune alternative, et en ce qu'il a ordonné qu'il en serait dressé procès-verbal par l'huissier, et, par là, excédé ses pouvoirs... ».

C'est ce que porte également un arrêt du 29 octobre 1807, rendu au rapport de M. Dutocq:

« Vu le §. 6 de l'art. 456 du Code des délits et des peines, et l'art. 606 du même Code; » Et attendu que, d'après l'art. 606 du Code des délits et des peines ci-devant transcrit, le tribunal de police ne peut condamner pour injures verbales, qu'au maximum de trois journées de travail, ou de trois jours d'emprisonnement;

>>Que cependant le tribunal de police du canton de Brassac a condamné le sieur Caroyon, à déclarer publiquement à l'audience audit Jacques Martin et à Jeanne Forest son épouse, que méchamment et dans la vue de leur nuire, il a répandu publiquement, et que ledit Martin s'était servi pour la vente de ses grains d'une mesure courte, qu'à cette faveur il a volé au public, tantôt trois mille, tantót quatre mille, et autrefois quatre mille cinq cents francs, qu'il leur en a fait réparation, et les tient pour gens d'honneur, de bien et de probité et incapables du délit dont il les a accusés;

>> Vu qu'en jugeant ainsi, ce tribunal est contrevenu au §. 6 du Code des délits et des peines, en excédant ses pouvoirs, et en infligeant une peine au sieur Carayon, par une injonction qui est réputée une peine, dès que le jugement ne porte pas l'alternative, que

faute, par ledit Carayon d'y satisfaire, ce jugement tiendrait lieu du désaveu et de la reconnaissance;

» La cour, par ces motifs, faisant droit sur le pourvoi du sieur Carayon, casse et annulle le jugement rendu par le tribunal de police du canton de Brassac, le 7 septembre dernier dans la partie seulement qui prononce une réparation publique à l'audience de sa part, maintient ledit jugement dans ses autres dispositions... ».

Enfin, la question a été jugée positivement par un arrêt du 30 juillet 1807.

Wolf Mayer demandait la cassation d'un jugement du tribunal de police du canton de Mayence, en ce qu'il le condamnait à faire publiquement et à l'audience, réparation d'honneur à Jean Mittler, en le reconnaissant pour homme d'honneur et de probité, lui déclarant que, faute par lui d'y satisfaire, le présent jugement tiendrait lieu de cette reconnaissance, qu'il serait à cet effet affiché au nombre de dix-sept exemplaires, à ses frais, dans les communes de ce can

ton.

Par l'arrêt cité, rendu au rapport de M. Carnot,

« Attendu que la partie plaignante avait formé demande expresse à ce qu'il fût ordonné que l'affiche du jugement aurait lieu dans les communes du canton; et que, s'il a été ordonné au réclamant de faire réparation publique à la partie plaignante, il n'y a été condamné que sauf l'alternative, qu'à défaut de faire cette réparation, le jugement en tiendrait lieu;

» La cour rejette le pourvoi... (1) ».

Les tribunaux correctionnels et de police peuvent-ils, en prononçant des condamnations pour Injures verbales, ordonner que leurs jugemens seront imprimés et affichés aux frais des parties contre lesquelles ils sont rendus?

Ils le peuvent, comme l'ont jugé les arrêts cités des 26 vendémiaire an 13 et 30 juillet 1807, sur la réquisition des parties injuriées ; mais ils ne le peuvent pas sur la seule réquisition Telle est la jurisprudence constante de la cour du ministère public, et encore moins d'office.

(1) L'art. 223 du Code pénal de 1810 déroge à cette jurisprudence pour le cas d'outrage fait par paroles, gestes ou menaces, à un officier ministériel, ou agent dépositaire de la force publique, dans l'exercice de ses fonctions : « Dans ce cas (porte-t-il), l'offenseur » pourra être condamné à faire répartion à l'offensé; » et s'il retarde ou refuse, il y sera contraint par » corps ».

de cassation (1); et elle est fondée sur une raison bien simple.

Lorsque l'impression et l'affiche ne sont requises que par le ministère public, on ne peut les considérer que comme une aggravation de la peine portée par la loi ; et les tribunaux ne peuvent certainement pas aggraver les peines que la loi inflige à chaque délit.

Mais la permission qu'un jugement accorde à une partie, de le faire imprimer et afficher aux frais de l'autre, ne peut pas être regardée comme une peine; cette permission en effet ne porte pas précisément sur l'impression ni sur l'affiche; car une partie qui obtient un jugement, n'a pas besoin d'autorisation pour le faire imprimer ou afficher. Cette permission ne porte donc que sur les frais: elle n'est donc nécessaire que pour faire supporter les frais à la partie condamnée; ce n'est donc pas comme peine, mais uniquement à titre de dommages-intérêts, qu'elle est prononcée.

Il est même à remarquer, et c'est une conséquence bien naturelle du principe qu'on vient d'établir, que, dans le cas où la partie civile conclud à l'impression et à l'affiche du jugement, le tribunal ne peut pas l'ordonner à un plus grand nombre d'exemplaires que cette partie ne le demande. C'est ce qu'a décidé, sur le recours de Jacques Le Grip, et au

(1) Cette jurisprudence a encore été confirmée, le 23 mars 1811, par un arrêt rendu au rapport de M. Lamarque, sur la demande de l'adjoint de maire de Châteauneuf-Faon, en cassation d'un jugement du tribunal de police du canton, rendu entre Jean Jordren et Marie-Noël Dorval, femme Lebourler

« Vu (porte-t-il) l'art. 409 du Code du 3 brumaire an 4, no. 6, et l'art. 163 du même Code; attendu que l'art. 600 du Code du 3 brumaire an 4, qui détermine les peines de simple police, et les réduit à une amende de trois journées de travail, ou à un emprisonnement qui n'excède pas trois jours, ne comprend point dans cette détermination pénale l'affiche du jugement de condamnation; que, s'il est permis d'ordonner l'affiche d'un jugement de police simple, c'est seulement lorsque la partie civile l'a demandée à titre de dommages-intérêts, parcequ'elle n'a point, en ce cas, le vrai caractère de peine, que, dans l'espèce, la partie civile n'avait pas conclu à l'affiche du jugement attaqué;

» D'où il suit que le tribunal de police, en ordonnant que le jugement qui condamnait Jordren à trois jours d'emprisonnement, serait affiché dans toutes les communes du canton, a prononcé une peine non déterminée parla loi, conséquemment arbitraire; et a, sous ce rapport, commis un excès de pouvoir;

» D'après ces motifs, la cour casse et annulle, au chef seulement qui ordonne l'affiche dans les commu nes du canton de Châteauneuf-Faon, le jugement rendu par le tribunal de police dudit canton le 14 janvier dernier.... ».

rapport de M. Lachéze, un arrêt de la cour de cassation du 17 thermidor an 11:

« Attendu (porte-t-il) que les cent cinquante exemplaires du jugement dont l'impression et l'affiche ont été ordonnées par le tribunal de police du canton de Brechy, au-delà des cinquante qui avaient été demandés par les parties plaignantes, ne peuvent être considérés que comme une augmentation de peine, et non comme dommages et intérêts; et qu'aux termes de l'art. 600 de la loi du 3 brumaire an 4, les peines de simple police ne peuvent excéder trois jours d'emprisonnement, ou la valeur de trois journées de travail;

» Et vu l'art. 456 qui autorise le tribunal de cassation à annuler les jugemens des tribunaux criminels pour usurpation de pou voir;

» Par ces motifs, le tribunal casse et annulle... ».

A plus forte raison, les tribunaux correctionnels et de police ne peuvent-ils pas or donner que leurs jugemens portant condamnation pour Injures verbales, seront publiés solennellement.

C'est ce qu'a décidé un arrêt de la cour de cassation du 18 prairial an 12, rendu au rapport de M. Audier-Massillon, sur le recours

de Nicolas Fradel:

« Attendu ( y est-t-il dit) que la loi ayant déterminé les peines à appliquer dans les cas de simple police, les juges ne peuvent en imposer d'autres sans commettre un excés de pouvoir;

» Attendu que le juge de paix de Douvres, après avoir condamné Fradel pour des Injures verbales à une amende, et à deux mille francs de dommages-intérêts, a ordonné que son jugement serait publié et affiché à la principale porte de l'église de Bermière, à l'issue de la messe paroissiale par un officier public qui en dresserait procès-verbal; que cette disposition est inusitée, et n'est autorisée par aucune loi ; qu'elle n'avait pas été demandée par la partie à titre de réparation; et qu'elle ne peut être regardée que comme une augmentation de peine arbitrairement prononcée par le juge;

» La cour casse le jugement rendu par le juge de paix du canton de Douvres, constitué en tribunal de police le 12 ventôse dernier ».

A plus forte raison encore n'est-il pas permis à un tribunal correctionnel ou de police de défendre à celui qu'il condamne comme auteur d'Injures verbales, d'approcher du domicile de la personne qu'il a injuriée, ni de

le signaler pour cet objet à la surveillance publique.

Par jugement du 29 décembre 1806, le tribunal de police de Châlons-sur-Saône avait condamné le sieur Musy, pour avoir injurie et menacé le sieur Legrand et son épouse, à trois jours d'emprisonnement, à 150 francs de dommages-intérêts et aux dépens; et il avait ajouté: « lui fait très-expresses inhibitions et » défenses d'approcher du domicile des mariés » Legrand; dit à cet effet, qu'à la diligence >> du commissaire de police, la conduite du >> sieur Musy sera spécialement surveillée; >> invite tous les bons citoyens de prévenir, » soit ledit commissaire de police, soit M. le >> magistrat de sûreté, des nouvelles atteintes » que le sieur Musy pourrait porter à la tranquillité des maries Legrand; permet à ceux-ci de faire imprimer, publier et afficher le pré>> sent jugement au nombre de vingt exemplaires, aux frais dudit Musy ».

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Le sieur Musy s'est pourvu en cassation; et par arrêt rendu au rapport de M. Lamarque, 'le 19 février 1807,

« Vu l'art. 456 du Code des délits et des peines ;

>> Attendu que les tribunaux doivent, pour la répression des délits, se renfermer strictement dans les termes de la loi ; et que nulle loi n'autorise un tribunal de police à signaler comme suspect tel ou tel individu, et à provoquer contre lui la surveillance, soit des autorités constituées, soit des simples citoyens ;

» D'où il suit qu'en faisant défense à Antoine Musy d'approcher du domicile des mariés Legrand, et en invitant les bons citoyens et le commissaire de police à le surveiller, le tribunal de simple police a commis une usurpation de pouvoir;

>> Par ces motifs, la cour, faisant droit sur le pourvoi d'Antoine Musy, casse et annulle, en ces deux chefs seulement, le jugement rendu le 29 décembre 1806, par le tribunal de simple police de Châlons-sur-Saône, entre ledit Antoine Musy et Legrand.... ». ]]

II. L'Injure par écrit mérite en général une punition plus sévère que l'Injure verbale. Les ordonnances du royaume ont à cet égard des dispositions très-rigoureuses.

L'art. 13 de la déclaration du 17 janvier 1561 veut que les imprimeurs, semeurs et vendeurs de placards et libelles diffamatoi soient punis du fouet, pour la première et de mort en cas de récidive. Des lettres patentes du 10 septembre 1563 ont fait défense à toute personne, sous peine

res,

fois;

de confiscation de corps et de biens, de faire ni semer libelles diffamatoires...

L'ordonnance de Moulins défend expressément à tous les sujets du roi « d'écrire, d'im» primer et exposer en vente aucuns livres, li» belles ou écrits diffamatoires et convicieux » contre l'honneur et renommée des person» nes, sous quelque prétexte et occasion que » ce soit ; et déclare les auteurs de telles écri»tures, imprimeurs et vendeurs, et chacun » d'eux, infracteurs de paix et perturbateurs » du repos public ; et comme tels, veut qu'ils » soient punis des peines contenues ès-édits » du royaume. Enjoint aux sujets du roi, qui » ont tels livres ou écrits, de les brûler, sur » les peines desdits édits ».

L'art. 10 de la déclaration du 16 avril 1571 défend, à peine de punition corporelle, tous libelles, placards et portraits diffama toires ; et veut qu'il soit procédé extraordinairement, tant contre les auteurs, compositeurs et imprimeurs, que contre ceux qui les publieront à la diffamation d'autrui.

L'édit du mois de janvier 1626 veut que tous ceux qui se trouvent avoir attaché ou semé des placards ou libelles diffamatoires, soient punis de la peine de mort.

L'art. 99 du réglement fait au conseil le 22 février 1723 concernant la librairie et l'imprimerie, porte que « ceux qui imprimeront » ou feront imprimer, vendront, exposeront, » distribueront ou colporteront des livres ou » libelles, contre l'honneur et la réputation >> des familles et des particuliers, seront pu»nis suivant la rigueur des ordonnances. Et, » à l'égard des imprimeurs, libraires, relieurs » ou colporteurs, ils seront en outre privés » et déchus de leurs priviléges et immunités, » et déclares incapables d'exercer leurs pro»fession sans pouvoir y être jamais rétablis ».

[[ Ces dispositions n'étaient ni renouvelées ni remplacées par le Code pénal du 25 septembre 1791; et conséquemment elles étaient abrogées par le dernier article de ce Code.

Aussi était-il, sous ce Code, d'une jurisprudence très-constante que les Injures écrites ne pouvaient pas être poursuivies par action publique, et qu'elles ne donnaient lieu qu'à une action civile (1).

Mais le Code pénal de 1810 en dispose au

trement.

Suivant les art. 367 et 371 de ce Code, «< celui qui, soit dans un acte authentique et

(1), les arrêts du 11 brumaire an 8, 11 nivóse an 10, 20 ventôse an 11, 21 germinal et 22 thermidor an 13 et 22 mai 1807, rapportés dans le Bulletin criminel de la cour de cassation.

>> public, soit dans un écrit imprimé ou non, » qui aura été affiché, vendu ou distribué, » imputé à un individu quelconque des faits » qui, s'ils existaient, exposeraient celui con>>tre lequel ils sont articulés, à des poursuites » criminelles ou correctionnelles, ou même » l'exposeraient seulement au mépris ou à la » haine des citoyens », doit être puni, savoir, « d'un emprisonnement de deux à cinq ans : >> et d'une amende de 200 francs à 5,000 francs, » si le fait imputé est de nature à mériter la »> peine de mort, les travaux forcés à perpé» tuité ou la déportation; d'un emprisonne»ment d'un mois à six mois et d'une amende » de 500 francs à 2,000 francs, dans tous les » autre cas ».

Suivant l'art. 373, « quiconque a fait par >> écrit une denonciation calomnieuse contre un » ou plusieurs individus, aux officiers de jus»tice ou de police administrative », doit être puni d'un emprisonnement d'un mois à un an, et d'une amende de 100 francs à 3,000 francs.

Suivant l'art. 375, lorsque les Injures ou expressions outrageantes qui ne renferment l'imputation d'aucun fait précis, mais celle d'un vice déterminé, ont été insérées dans des écrits imprimés ou non, qui ont été répandus et distribués, la peine est une amende de 16 francs à 500 francs; et dans tout autre cas, suivant l'art. 376, combiné avec l'art. 471, l'injure écrite doit être punie d'une amende d'un à cinq francs. ]]

Il arrive fréquemment qu'on supprime les mémoires ou factums des avocats et des procureurs, lorsqu'ils contiennent les Injures ou calomnies contre les parties adverses.

Par un arrêt du 20 mai 1748, le parlement de Paris a ordonné qu'un avocat serait rayé du tableau, pour avoir fait un mémoire rempli d'Injures contre l'adversaire de son client.

Le sieur Leroi de Prenelle s'étant plaint des Injures répandues dans les mémoires que l'avocat du sieur Deschamps, négociant, avait publiés contre lui, le même parlement rendit, le 8 août 1761, un arrêt, par lequel il or donna la suppression de ces écrits comme diffamatoires, et condamna le sieur Deschamps et son avocat, solidairement, à 500 livres de dommages et intérêts et aux dépens.

Le sieur d'Augy, avocat au conseil, ayant sigue et publié un mémoire pour M. Nouveau de Chenevières, conseiller au parlement de Paris, dans lequel il avait inséré des invectives et des termes injurieux aux parties adverses, ainsi qu'à leur défenseur, le conseil rendit un arrêt, le 19 juillet 1763, par lequel il ordonna que les termes injurieux contenus

dans ce mémoire, demeureraient supprimés ; et que pour sa contravention aux réglemens, le sieur d'Augy demeurerait interdit de toutes ses fonctions jusqu'à nouvel ordre.

Par un autre arrêt du 22 septembre 1775, le conseil a ordonné que la requête présentée au conseil des dépêches par le sieur abbé Borde de Charmois, avocat au parlement, et signée de lui seul, demeurerait supprimée, comme contenant des expressions téméraires et inju. rieuses aux magistrats du conseil du roi et de la cour souveraine de Lorraine, et contraires au respect dû à la justice de sa majesté dans son conseil et dans sa cour souveraine ; et il a été fait défense au sieur abbé Borde de Charmois de récidiver, sous telle peine qu'il appartiendrait.

Le sieur Belloumeau, avocat au conseil, ayant autorisé, par sa signature, l'impression d'un mémoire du sieur Le Blanc de Marnaval, contre le sieur d'Esseville, dans lequel l'auteur s'était livré à une déclamation répréhensible, le roi, en son conseil, a ordonné, par arrêt du 18 avril 1776, que ce mémoire demeurerait supprimé, comme contenant des expressions contraires au respect dû à sa majesté dans la personne des magistrats de son conseil : il a été fait défense au sieur de Marnaval de récidiver, sous telle peine qu'il appartiendrait; et le sieur Belloumeau a été interdit de ses fonctions pendant un an.

[[ Enfin, un arrêt du conseil du 24 janvier 1783, a interdit pour six mois le sieur L......, avocat, qui, dans une requête pour les éche vins de Valenciennes, demandeurs en cassation d'un arrêt du parlement de Flandre, s'était livré à des déclamations déplacées contre cette cour.

Cette jurisprudence est consacrée par le Code de procedure civile : « Les tribunaux » ( porte l'art. 1036 du Code de procédure » civile ), suivant la gravité des circonstances, » pourront dans les causes dont ils seront » saisis, prononcer, même d'office, des in» jonctións, supprimer des écrits, les déclarer >> calomnieux, et ordonner l'impression et » l'affiche de leurs jugemens ».

L'art. 377 du Code pénal de 1810 renouvelle et explique cette disposition:

« A l'égard des imputations et des Injures qui seraient contenues dans les écrits relatifs à la défense des parties, ou dans les plaidoyers, les juges, saisis de la contestation, pourront, en jugeant la cause, ou prononcer la suppression des Injures ou des écrits injurieux, ou faire des injonctions aux auteurs du délit, ou les suspendre de leurs fonctions, et statuer sur les dommages et intérêts.

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