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même dire que cette facilité, de la part de plusieurs juges, est portée à un point qui dégénère en abus, et devient presque toujours très-prejudiciable aux mineurs ; l'abus serait encore plus dangereux et plus intolérable lorsque les mineurs n'ont pas l'age de puberté: les émanciper en pareil cas, ce serait livrer un enfant à son inexperience; l'exposer à être la victime des pièges que des gens avides peu vent lui tendre, faire éclore des passions que le défaut de ressources pourrait long-temps contenir; enfin, c'est supposer une prudence qui ne peut être acquise, et regarder comme un citoyen sage, celui de qui la loi dit que le jugement est encore nul.

Peu importe que des parens, ou séduits par quelqu'un intéresse à l'émancipation, ou trop peu attentifs aux intérêts des mineurs dont ils devraient être les soutiens, attestent au juge que ces Impubères se sont bien conduits, et qu'ils sont capables de regir leurs biens leur avis n'est pas une loi qui puisse maitriser la justice; et, sans y avoir égard, les magistrats sont fondes à refuser l'enterinement des lettres d'émancipation : ils le doivent même, surtout si l'âge et l'inexperience de l'Impubère sont tels que ce soit une dérision de l'émanciper, comme si c'était un enfant de onze à douze ans, s'il était dans quelque école et hors d'état par sa position, comme par son áge, de veiller à ses biens; si ses biens étaient de nature à demander une longue expérience et des connaissances particulières ou locales.

Il est des praticiens qui pensent excuser cet abus, et qui croient même qu'il n'y en a point à émanciper un mineur Impubère, lorsqu'il a des frères ou sœurs déjà pubères, parcequ'a lors, disent ces praticiens, l'expérience des uns supplée à l'inexperience des autres et que, l'intérêt de l'administration étant commun, ce que le pubère fait, profite à l'impubere.

Ces prétextes sont absolument insuffisans pour autoriser l'émancipation d'un Impubère.

1o. Ils ne sont fondés sur aucune autorité, et il n'existe point de réglement duquel on puisse s'aider pour leur donner même une couleur tant soit peu plausible.

2o. Quand il s'agit de l'état des citoyens, la capacité ne se supplée point.

30. On pourrait s'en rapporter à la gestion des frères ou des sœurs pubères, si ceux-ci, en cas de négligence ou d'abus, étaient garans et comptables envers leur frère Impubère ; mais cet enfant n'ayant aucun compte à leur demander, parcequ'en conséquence de son éman

cipation, on aura soin de lui faire signer les quittances, baux ou reconnaissances, dont il ne connaîtra néanmoins ni le sens ni la conséquence, il se trouvera avoir dissipé sa fortune sans le savoir, et sans avoir aucun recours.

En un mot, les inconvéniens de l'émancipation, en pareil cas, sont si graves, si multiplies, si opposés au but de la loi et au véritable intérêt des mineurs, que, loin d'autori ser l'émancipation, il serait à désirer qu'il y eút, ou une loi du prince, ou un réglement de la part des magistrats supérieurs, pour arrêter les effets d'un pareil abus.

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L'auteur de la Collection de jurisprudence a cependant cherché à le canoniser,en observant, au mot Emancipation, no. 9, « qu'en general »les lettres d'émancipation ne s'accordent qu'à » la pleine puberté; mais qu'il arrive souvent » que des mineurs au-dessous de cet age obtien neat et font entériner des lettres d'émancipation cela dépend (ajoute Denisart) de la bonne conduite du mineur, et des espérances avantageuses qu'il donne à sa famille ». La remarque du compilateur n'est appuyée d'aucune autorité, d'aucun raisonnement; et sûrement elle est inadmissible et de la plus dangereuse conséquence, d'après les lois et les principes que nous venons de développer et d'établir.

Il y a plus: Denisart lui-même détruit sa doctrine en rappelant trois arrêts du conseil, des 20 août 1718, 14 août et 3 septembre 1719, dont le dernier est revêtu de lettres-patentes registrées au parlement de Rouen le 5 décem bre 1719, par lesquels il est réglé que les lettres d'émancipation ne seront scellées pour les garçons qu'à seize ans, et pour les filles qu'à quatorze.

En effet, il est clair que si, pour la Normandie, où l'on est réputé majeur à vingt ans, suivant l'art. 36 du réglement de 1666, pour vendre ou hypothéquer ses immeubles, il est décidé que l'émancipation ne doit être accordée qu'à seize ou quatorze ans. A plus forte raison ne doit on pas devancer ce bénéfice dans les autres provinces.

[[Suivant l'art. 477 du Code civil, le mi neur ne peut être émancipé par son père ou sa mère, que lorsqu'il a atteint l'âge de quinze ans révolus; et suivant l'art. 478, il ne peut l'être par tout autre tuteur qu'à l'âge de dixhuit ans accomplis. ]]

S. III. De l'Impubère considéré rela

tivement aux délits et matières crimi nelles.

I. L'impubère n'est point réputé coupable d'un crime proprement dit : s'il en commet un,

ce n'est que matériellement; le père n'en est point responsable, et on ne peut pas le condamner à des dommages et intérêts envers le plaignant c'est ainsi que l'ont jugé deux arrêts rapportés par Bardet, tome 1er., liv. 2 et liv. 3.

Dans l'espèce du premier, du 9 juin 1625, un enfant de sept ans et trois mois avait jeté un éclat de bois à un de ses camarades du même age, et lui avait crevé un œil.

Dans l'espèce du second, rendu le 19 mars 1629, un enfant de 8 ans, déjà borgne des suites d'une maladie, reçut, en jouant avec des enfans de son age, un coup de pierre qui le priva de l'autre œil.

Ces deux arrêts ont jugé que les enfans ne devaient pas être punis de ces délits involontaires, et que leurs pères n'étaient pas garans des effets funestes qui en étaient résultés (1).

On trouve même au journal des audiences un autre arrêt du 16 mars 1630, qui a infirme un decret de prise de corps décerné contre un enfant de onze ans et six mois, accusé d'avoir tué un autre enfant avec une pierre; évoquant le principal, l'arrêt a mis sur la plainte hors de cour sans dépens, et a même fait défenses à tous juges de procéder extraordinairement pour raison de tels accidens.

Cette jurisprudence est fondée sur ce qu'on ne peut pas présumer, dans un enfant qui n'a pas atteint l'âge de puberté, un jugement mûr, une malice reflechie, ni par conséquent

un dessein formé de faire le mal.

pas

Cependant tout, en cette partie, dépend des circonstances et de la sagesse du juge; et il est prudent de suivre quelques règles données à ce sujet par Justien, §. 18, Inst. de obligationibus quæ ex delicto nascuntur. Cet empereur observe qu'on avait douté si un Impubere pouvait être poursuivi actione facti; il décide qu'en général l'Impubère ne doit être réputé coupable de larcin, en ce sens, qu'il soit sujet à l'action et aux peines du vol; mais il veut que l'on distingue si c'est un enfant voisin de la puberté, et si, en dérobant, il a connu le mal qu'il faisait : dans ce dernier cas, il veut que l'enfant soit puni, parceque, comme le portent la loi du titre de pœnis, au Code, malicia supplet ætatem.

Mais que doit alors faire le juge, et quelle sera la peine qu'il infligera?

(1)[[ Aujourd'hui, « le père, et la mère après le » décès du mari, sont responsables du dommage causé

» par leurs enfans mineurs habitant avec eux.., à moins qu'ils ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait » qui donne lieu à cette responsabilité ». Code civil, art. 1384. ]]

Il est certain qu'il faut toujours s'assurer du voleur, et le tenir en prison, soit pour découvrir s'il n'a pas des complices, ou s'il n'a pas été excité par quelqu'un ; soit pour intimi. der le coupable, et tacher de déraciner, par cette première punition, un penchant qui pourrait dégénérer en habitude.

Quant aux peines, on condamne quelquefois les enfans à avoir le fouet sous la custode; quelquefois à être renfermés pour toujours ou à temps, même à être présentés à une potence, ou à être pendus sous les aisselles. Tout cela dépend de la gravité du délit, de l'age du coupable, de ses connaissances, de ses habitudes. Il faut cependant observer que les dernières peines indiquées ne peuvent être prononcées que par les cours souveraines. [[V. l'article Excuse, no. 3. ]]

II. Quoiqu'en matière civile, les mineurs moins, suivant la loi in matrimonio, D. tesde quatorze ans ne puissent point être té être reçus à déposer des faits auxquels ils ont tibus, ils peuvent, en matière criminelle, été présens, sauf aux juges à avoir tel égard que de raison à la solidité, à la nécessité et aux circonstances de leur déposition : c'est ce qui est autorisé et prescrit par l'ordonnance de 1670, tit. 6, art. 2. ( M. Boyssou. ) *

[[V. l'article Témoin judiciaire, S. 1 art. 1, no. 2. ]]

la plus générale, un défaut de moyens pour *IMPUISSANCE. C'est, dans l'acception remplir un objet qu'on se propose. En jurisprudence, et dans l'union de l'homme et de la femme, c'est un défaut de moyens pour remplir l'objet du mariage, qui est la pro

création des enfans.

I. Le jurisconsulte, qui doit être chaste et pur comme la loi, se trouve embarrassé en traitant ces matières, qui peuvent réveiller des images voluptueuses: mais, en se rendant l'interprète de la loi, il s'oblige à parler avec autant de courage que le législateur des mystères de la nature; et ce n'est pas, sans doute, dans un livre de jurisprudence que l'imagination viendra chercher ce qui peut enflammer les seus. Ici, tout est épuré par la justice, qui est à-la-fois le guide et l'objet de nos recherches.

Les lois civiles et la religion président ensemble à l'union de l'homme et de la femme : les lois en ont fait un contrat, et la religion un sacrement. L'instinct le plus aveugle et le plus fougueux de la nature est devenu ainsi, pour l'espèce humaine, la source des devoirs les plus sacrés et des obligations les plus étendues. Quelques-uns ont pensé que

la religion chrétienne était la seule qui eût imprimé un caractère de sainteté au mariage. C'est une erreur: c'est la seule, sans doute, qui l'ait sanctifié réellement, puisqu'elle est la seule qui ait une origine céleste; mais toutes les autres ont fait intervenir aussi le ciel dans ce grand acte, et partout les dieux ont été pris pour les garans de la foi conjugale.

Mais le lien du mariage, également sacré dans tous les cultes et sous toutes les lois, n'est devenu indissoluble que sous les lois que notre religion a prescrites à toutes les sociétés chrétiennes. En permettant le divorce, Moïse ainsi que Numa, donnait à l'homme et à la femme le pouvoir de rompre une union dans laquelle l'un et l'autre, ou bien tous les deux ensemble, auraient apporté quelque Impuissance d'accomplir les espérances qu'ils s'étaient données : ils pouvaient, en se séparant, laisser ignorer à la société les motifs de leur séparation; et la honte de l'Impuissance était couverte de toutes les autres causes na. turelles et légales du divorce. Mais, sous la loi des chrétiens, le mariage, étant indissoluble de sa nature, devenait éternel dès qu'il était accompli : l'homme et la femme ne pouvaient donc se séparer après s'être unis, qu'en prouvant qu'il n'y avait entre eux qu'un simulacre de mariage, et que les lois et la religion n'avaient pu éterniser des nœuds que la nature ne leur avait pas donné le pouvoir de former. Telle est l'origine de toutes ces ac cusations d'Impuissance qui ont été ignorées de l'antiquité, et qui ont produit tant de scandales et une jurisprudence si incertaine dans les tribunaux de justice des peuples modernes. Justinien, qui proscrivit le premier le divorce par des lois civiles, est aussi le premier empereur qui ait promulgué des lois sur l'Impuissance. Il n'en est point de plus nécessaire depuis la prohibition du divorce. On cherche dans le mariage la consolation de la vie, et la sauve-garde de la vertu : il est destiné à donner des citoyens à la patrie; et l'Impuissance de l'un des deux, fait pour tous les deux le plus grand tourment de la vie, de ce qui devait en être le plus grand charme; et les désirs de la nature, irrites vainement par ce qui était destiné à les satisfaire, deviennent, par l'Impuissance, l'attrait le plus terrible du vice, et le danger le plus invincible pour la vertu, et la patrie perd à la fois, par l'Impuissance de l'un, tous les fruits de la fécondité de l'autre.

Il est donc on ne peut pas plus important de connaitre toutes les causes d'Impuissance qui ont été marquées par les lois civiles et ecclésiastiques, et toutes les espèces de preu

ves qu'elles admettent pour s'assurer de cette Impuissance qui doit avoir le pouvoir de rompre des nœuds indissolubles par leur essence.

Pour savoir quel était l'homme impuissant à remplir le vœu du mariage, il fallait connaître d'abord quelles qualités donnent à l'homme le pouvoir qui établit pour lui le droit de se marier. Il est évident qu'elles sont renfermées dans les trois facultés suivantes.

10. Il faut qu'il ait été organisé par la na ture de manière qu'il montre, dans ce qui le constitue homme, tous les rapports de grandeur que l'on observe dans tous ceux qui sont propres à la génération. Le défaut de cette grandeur peut donc être considéré comme une cause et comme un signe d'Impuissance; aussi a-t-il été admis par les lois civiles et ecclésiastiques.

20. Il faut que la présence de la femme que son cœur a choisie, fasse naître dans son sang cette chaleur et ce mouvement qui, en inspirant des désirs, donnent aux organes de l'homme un mouvement et une étendue qu'ils n'ont point dans leur état de tranquillité : ces soudaines et invincibles émotions, ces révolutions rapides sont au dehors les signes les plus caractéristiques de la puissance : c'est ce désordre de la nature qui assure la conservation des êtres: aussi les lois ont-elles prononcé que l'homme qui ne s'enflamme point, est impuissant, quoiqu'il ait d'ailleurs les apparences les plus imposantes du pouvoir et de la force. Frigidus is censetur qui, licet habeat membrum, habet tamen inutile ad copulam, quia inerigibile.

Il ne faut point chercher ailleurs que dans la nature la cause de cette froideur qui glace les sens de l'homme Impuissant: on l'a cherchée long-temps dans les maléfices, dans les ligatures ou nouemens d'aiguillette. Il serait trop honteux de tenir encore devant nos tribunaux ce langage qui nous a été transmis par des esprits aveuglés de toutes les erreurs de la sorcellerie : il ne faut point que les lois paraissent consacrer ce dont la raison rougit; et il est difficile de comprendre pourquoi les jurisconsultes qui parlent encore, de nos jours, de maléfice et d'aiguillette, montrent tant de ménagement pour des choses qui ne tiennent par rien à tout ce que nous avons de respectable. Les tempéramens ont plus ou moins d'ardeur, suivant que le sang est plus ou moins enflammé, et que les nerfs sont plus ou moins irritables. Toutes les causes sont ici dans la nature, comme tous les effets; elle seule a tous les secrets de cette magie qui montre l'homme si different dans son pouvoir et dans son Impuissance: la nature est

l'unique magicienne dans toutes ces affaires.

30. Il ne suffit point à l'homme, pour opé rer ce que la société attend de lui dans le mariage, que ses organes soient bien constitués, et qu'ils s'enflamment par les désirs; il faut encore qu'il renferme en lui-même les germes de la génération, et qu'il soit capable de les déposer dans le sein de la femme au moment de leur union. Les lois n'ont pas dédaigné de nous apprendre que les eunuques, qui conservent toutes les apparences de la virilité dansson principal organe, sont capables aussi de tous les mouvemens de la jouis sance. La nature peut avoir fait des eunuques, et ce sont ceux qui sont privés des germes créateurs.

Je me servirai ici, pour résumer tous ces caractères d'Impuissance, du langage des jurisconsultes même : conformation, mouvement, pénétration et expulsion; voilà ce qu'on exige de l'homme pour qu'il en mérite le titre; et quiconque est privé de toutes ces choses, ou de quelques-unes, ou même d'une seule, est réputé impuissant.

Tout a été clair et facile jusqu'à présent; et nous n'avons pas eu de peine à déterminer les caractères et les causes de l'Impuissance, d'après la nature et d'après les lois positives qui doivent être surtout les autorités du jurisconsulte. Nous aurons plus de peine à fixer les preuves qui doivent donner aux magistrats la certitude de l'existence de ces caractères dans l'homme qu'une accusation d'Impuis sance a conduit aux pieds de la justice. Ici, tous les moyens paraîtront insuffisans, et les lois seront incertaines ou même contradictoi res, parceque la nature a caché aux législa teurs les règles qu'elle suit dans la génération des êtres. Jamais les volontés de la loi ne deviennent plus sensibles et plus claires que lorsqu'on s'efforce d'en faire une juste appli

cation.

Supposons donc qu'un homme soit accusé d'Impuissance, et que la justice cherche à s'assurer de son état la première chose qu'elle veut connaître, c'est sa conformation; des experts l'examinent: que peuvent-ils voir? Ils verront bien d'abord s'il lui manque quelque chose, ou s'il a tout; mais il est une partie des organes essentiels à la génération dont ils ne peuvent juger la grandeur, parceque cette grandeur varie avec les impressions faites sur les sens. Il est des hommes qui ne se montrent presque pas lorsqu'ils sont tranquilles, et qui font paraître de grands moyens lorsqu'ils sont émus: d'autres au contraire sont, dans le calme même des sens, tout ce qu'ils peuvent jamais être. Il est donc presTONE XIV.

que impossible que les experts prononcent avec quelque certitude sur la conformation extérieure. La nature a, dans ce genre, des bizarreries que l'homme ne pourra jamais soumettre à ses observations. Première difficulté d'avoir des preuves de l'Impuissance : cùm probatio per inspectionem sit fallax et lubrica, est-il dit dans une décision de la Rote de Rome.

Supposons cependant qu'ils prononcent décidément que l'homme est bien organisé : comment pourront-ils savoir que ces organes qui ne se montrent à leurs yeux que dans un état de langueur et de mort, reçoivent des désirs la flamme et le mouvement qui leur sont nécessaires pour le grand acte de la nature? Il est bien organisé; mais il peut être froid; et la frigidité est une espèce d'Impuissance marquée par les lois : est membri, dit Zachias, quamvis optimè conformati, flacciditas quædam et inexcitabilis mollities.

Croirons-nous, avec Hotman, Hostiensis et Tageran, que les experts ont des secrets pour éprouver la sensibilité de ces organes ; qu'ils savent les mouvoir de manière à y appeler la flamme des désirs, et que c'est là, un moyen que la justice peut employer pour connaître la vérité que la nature lui cache? Peut-être qu'en effet ce moyen, quelque revoltant qu'il paraisse à la pudeur, pourrait être employé sans crainte, lorsqu'il s'agit de découvrir un fait dont dépend le bonheur de deux êtres, si le succés qu'il promet, pouvait jamais avoir quelque certitude: peut-être qu'alors le crime d'Onan serait un acte légitime, parcequ'il aurait été ordonné par la justice: mais il est évident que tout ce grand art des experts ne peut donner à la justice que des lumières trompeuses. Quel homme, de quelque puissance dont l'ait doué la nature, peut enflammer son imagination et ses sens, devant des témoins qui l'examinent avec un œil sévère ? Est-ce devant des docteurs en médecine, que ses organes pourront se mouvoir et s'enflam. mer? Est-il donné à des hommes, qui ne présentent à l'imagination que des idées effrayantes, d'opérer des effets que la nature a réservés aux graces et à la beauté ? Si ces docteurs portent leurs mains sur lui, est-il étonnant qu'il n'éprouve point ce frémissement de désirs et cette puissance qui se manifeste sous le tact d'une femme? Cette épreuve enfin, plus alarmante encore pour la pudeur que le congrès, puisqu'elle offense en outre la nature, est-elle plus digne que le congrès d'être au rang des épreuves judiciaires? Dans le congrès, l'homme était au moins devant la femme; il la voyait, il la touchait ; et s'il pouvait oublier un instant les témoins dont

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ils étaient environnés, la nature pouvait lui donner la force de consommer, sous les yeux de la justice, l'acte qui devait démontrer sa puissance. Mais ici il n'y a point de femme, et il y a des témoins; et l'on veut que ces témoins, qui, dans le congrès, éteignaient le feu des désirs, servent ici à les enflammer! Toute cette théorie, il faut en convenir, est fondée sur des idées qui n'ont pas été dictées par une connaissance exacte des procédés de la nature; et l'on a lieu de s'étonner que ces mêmes magistrats, dont les lumières ont aboli le congrès dans le dix-septième siècle, n'aient pas aboli de même cette espèce d'épreuve par des experts. Seconde difficulté d'avoir des preuves de l'Impuissance.

La troisième est beaucoup plus forte encore. Dans les deux premières épreuves, les objets que l'on doit juger, sont au moins sous les yeux leurs proportions peuvent être déterminées jusqu'à un certain point, si l'on ne peut rien affirmer des variations qu'y produit la présence ou l'absence des désirs. Mais, comment pourrait-on parvenir jamais à savoir si, dans l'acte qui l'unit à la femme, l'homme peut lui transmettre les germes nécessaires à la procréation? Comment découvrir si les organes de son corps composent ces germes réproductifs de l'espèce humaine? Il pourrait les avoir, sans qu'ils fussent prolifiques; mais alors il serait stérile, et non pas impuissant. Il s'agit de savoir s'il les a. Mais tout disparaît aux regards humains, lorsque l'homme et la femme se confondent dans leur jouissance; et les derniers événemens de cet acte auguste de la nature, sont cachés dans le système même de la génération.

Dans l'impossibilité de trouver dans l'homme des preuves certaines de son pouvoir ou de son Impuissance, on a voulu les chercher dans la femme. Si elle est vierge, a-t-on dit, il est démontré que l'homme est impuissant. Il ne s'agit donc plus que de savoir si la femme est vierge; et c'est en elle que la nature nous laisse pénétrer le mystère de la puissance ou de l'Impuissance de l'homme.

La jurisprudence, guidée par ce raisonnement, a levé le voile de la pudeur devant la justice même ; et des femmes qui parlaient de leur virginité, n'ont pas craint de demander des épreuves qui devaient la souiller en la constatant. Heureusement des naturalistes sont venus éclairer les lois et la justice, et épargner les outrages inutiles à la pudeur. Il est prouvé aujourd'hui qu'il n'est aucun signe certain de la virginite; et qu'elle se dérobe aux regards, comme la vertu qui la conserve. Tous se sont accordés à dire, fallax est ins

pectio an virgo sit. Zachias a traité expressément cette question, et sa conclusion est la même : Virginitatis nullæ dantur certæ et indubitabiles notæ. Dans toutes les universités de médecine, les thèses qu'on a soutenues sur cette matière, portent la même conclusion : nulla dantur virginitatis signa. Les canonistes n'ont pas tardé long-temps à s'éclairer des lumières des naturalistes. Hostiensis, dans sa Somme, Oribasius, Soranus, Eustachius, Verhayen, etc., ont parlé comme les médecins et les écoles de médecine. Les décrétales même, enfin, qui avaient adopté d'abord cette espèce de preuve, en ont connu le danger: Nam oculus et manus obstetricum sæpè falluntur.

Il serait difficile en effet de compter les inconvéniens affreux qui naîtraient de la confiance que donnerait la justice à cette épreuve. 10. Une femme qui aurait réclamé sa virgi nité, pourrait être conformée par la nature, de manière à faire croire qu'elle l'a perdue dans les embrassemens de son mari; et au tourment d'être condamnée à être vierge toute sa vie, malgré elle-même, se joindrait la honte de s'être déshonorée, en montrant des désirs qu'un homme seul ne peut satisfaire.

2o. Quand la nature lui aurait donné cette organisation que l'on se plaît à supposer toujours à la virginité, son mari pourrait lui en arracher toutes les marques, dans la crainte qu'elles ne pussent un jour déposer contre lui; les fureurs même de son Impuissance serviraient au mari à se procurer des preuves d'un grand pouvoir; et la victime infortunée des ses précautions barbares, cesserait d'être vierge sans devenir jamais femme.

30. Parmi les femmes audacieuses qui croiraient un homme impuissant, parcequ'il n'au rait pas la puissance d'assouvir leurs désirs illimités, il s'en trouverait sans doute qui seraient assez habiles pour reprendre toutes les apparences de la virginite; on leur a reconnu ce pouvoir et ces moyens, dont elles ne manqueraient pas de faire usage: facile est, dit Zachias, per medicamenta adeò genitalia feminæ restringi posse, ut corruptissimum et subagitatissimum scortum virginem præ se ferat. Ainsi, les honneurs et les avantages de la vertu seraient pour la debauche la plus effrontée, et l'on verrait les virginités formées des mains même de la corruption la plus profonde.

La nature, plus indulgente que les hom mes, n'a point voulu donner de marques à la virginité, peut-être pour que les faiblesses ne laissassent point après elles des traces inef façables, et que la honte ne retînt point dans

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