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le contrat qui se forme entre les parties a le caractère non d'une vente conditionnelle, mais d'un mandat, et sa violation constitue dès lors le délit d'abus de confiance (Cod. pén. 408).

2o Celui qui se met en possession de choses qu'il sait avoir été enlevées, détournées ou obtenues à l'aide des faits délictueux, est complice par recel de ces mêmes faits, encore bien qu'il ignorerait que la loi les a qualifiés délits. (Cod. pén., 62).

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LA COUR ; Attendu qu'il est constaté par l'arrêt attaqué que, le 30 janvier dernier, Pulvin, dont les affaires étaient en mauvais état, s'est fait remettre par divers bijoutiers de Lyon une certaine quantité d'objets d'orfèvrerie estimés ensemble 16,233 francs, et cela en vue de choisir ceux qui pourraient convenir à sa clientèle, s'engageant à payer ceux qu'il garderait et à restituer les autres dans le plus bref délai; mais que dès le lendemain il s'est empressé de vendre lesdits objets à Durand pour un prix de 8,000 francs qui ont été réglés en billets, sauf une somme de 624 francs payés comptant; qu'ensuite il a disparu sans s'acquitter envers les bijoutiers de Lyon, et que Durand a immédiatement disposé des objets par lui achetés;

Attendu que Pulvin et Durand, poursuivis pour ces faits devant le tribunal correctionnel de Moutiers, ont été condamnés: le premier comme coupable d'abus de confiance et le second pour complicité, par recel, du délit ; et que sur l'appel de Durand, la Cour de Chambéry a maintenu la peine de trois mois de prison prononcée contre lui;

Sur le premier moyen............. (sans intérêt);

Sur le second moyen tiré de la violation de l'article 408 du Code pénal, en ce que le contrat intervenu entre Pulvin et les bijoutiers de Lyon constituerait, non pas, comme l'a déclaré la Cour de Chambéry, un prêt à usage, mais une vente conditionnelle donnant à l'acquéreur le droit de disposer: — Attendu qu'il est constaté par l'arrêt attaqué que Pulvin n'a obtenu la livraison des marchandises qu'il a ensuite vendues à Durand, qu'en alléguant qu'il avait à fournir plusieurs belles corbeilles de mariage et à la charge de rendre dans le plus bref délai tout ce qu'il n'aurait pas vendu ; que le droit qui lui était donné d'examiner ces marchandises, de les apprécier et de choisir celles qui conviendraient à sa clientèle, impliquait le pouvoir de les montrer à ses clients et de les faire choisir eux-mêmes;

Attendu que le contrat ainsi analysé présente le caractère non d'une vente conditionnelle, mais d'un mandat, et que, dès lors, peu importe que la Cour de Chambéry l'ait qualifié prêt à usage, puisque le mandat figure, aussi bien que le prêt à usage, parmi les con

trats dont la violation peut constituer le délit d'abus de confiance, aux termes de l'article 408 du Code pénal;

Sur le troisième moyen tiré de la violation de l'article 62 du Code pénal, en ce que le demandeur n'aurait pas agi sciemment et, par conséquent, ne pouvait être qualifié receleur: - Attendu qu'il est souverainement constaté, par l'arrêt attaqué, que Durand n'ignorait pas les moyens frauduleux qui avaient mis Pulvin en possession des marchandises que celui-ci lui vendait ; que, cela étant, il allègue en vain avoir cru que Pulvin avait acheté ces marchandises; qu'en effet, celui qui entre en possession de choses enlevées, détournées ou obtenues à l'aide de faits délictueux. se rend responsable de recel par cela seul qu'il a la connaissance de ces faits et alors même qu'il ignorerait que la loi les a qualifiés délits;

Attendu, enfin, qu'il ressort de tout ce qui précède qu'aucun des textes sur lesquels le pourvoi s'appuie, n'a été violé ; Par ces motifs, rejette, etc...

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MM. Sallantin, f.

DU 3 DÉCEMBRE 1892. C. Cass. Ch. crim.
Accarias, rapp.; Baudouin, av. gén.

f. de pr.;

OBSERVATIONS. Un arrêt de la Cour de cassation du 18 juin 1835 (S. 35. 1. 852) a vu, dans des faits analogues à ceux de l'espèce ci-dessus, la violation d'un contrat de dépôt. Mais, par un autre arrêt postérieur et en date du 21 avril 1866 (S. 67. 1. 91), la chambre criminelle a décidé, au contraire, << que la remise d'un objet pour le faire voir, à la condition expresse ou tacite d'une restitution immédiate, ne présente pas les caractères constitutifs du contrat de dépôt, puisque, d'une part, le propriétaire ou détenteur n'a pas l'intention d'en confier la garde à celui à qui il le remet momentanément, et que, d'un autre côté, celui-ci contracte par là même l'obligation de le restituer immédiatement. »

Si cette dernière interprétation doit être préférée, comme lestime M. Blanche, Etud. prat. sur le Cod. pén., t. 6, n. 245, faut-il alors considérer les faits incriminés comme impliquant un mandat, de la part de celui qui a remis les objets, à la personne qui les a reçus? Les circonstances de la cause dans laquelle est intervenu l'arrêt du 21 avril 1866, ne permettaient pas d'attribuer ce caractère à la remise faite à la prévenue de plusieurs montres qu'elle désirait examiner et que, après avoir satisfait sa curiosité, elle avait refusé de rendre.

Mais l'espèce actuelle présentait cette particularité, que les marchandises avaient été remises au prévenu pour qu'il pût non seulement les examiner lui-même, mais les montrer à des tiers et faire choisir à ceux-ci celles qu'il leur conviendrait d'acheter. En les lui confiant ainsi en vue d'un emploi déterminé, le négociant au préjudice duquel il les a détournées ne lui avait-il pas donné un mandat dont il a fait l'abus réprimé par l'art. 408, Cod. pén. ? L'arrêt ici recueilli me paraît avoir à bon droit admis l'affirmative.

La seconde solution admise par notre arrêt ne semble pas contestable Compar. Blanche, Op. cit., t. 2, n. 148.

A annoter au Mémorial du Ministère public, vis Abus de Confiance, n. 6, et Complicité, n. 8.

ART. 3493.

OUTRAGE AUX BONNES MŒURS, DÉTAILS OBSCÈNES, ARRÊT, PASSAGES
INCRIMINÉS, OMISSION, MOTIFS, INSUFFISANCE.

L'arrêt qui prononce une condamnation pour délit d'outrage aux bonnes mœurs commis par la voie de la presse, ne peut se borner à déclarer que les articles incriminés sont obscènes, en raison tant des sujets traités (Mariage blanc, l'Amant de sa fille), que des détails qui en accentuent le caractère malsain, sans indiquer les passages de ces arti. cles qui présenteraient le caractère d'obscénité; de telles énonciations étant insuffisantes pour permettre à la Cour de cassation de reconnaître si les faits poursuivis ont été légalement qualifiés (L. 2 août 1882, art. 1er; L. 20 avril 1810, art. 7).

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LA COUR; Sur le moyen pris de la violation de l'art. 1er de la loi du 2 août 1882 et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810: Vu les dits articles;

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Attendu que l'arrêt attaqué, qui condamne Albiot pour outrage aux bonnes mœurs, n'indique pas les passages des articles incriminés qui présenteraient le caractère d'obscénité; qu'il se borne à déclarer que ces articles sont obscènes, en raison tant des sujets traités: Mariage blanc et l'Amant de sa fille, que des détails qui en accentuent le caractère malsain; que ces énonciations de l'arrêt sont insuffisantes pour permettre à la Cour de cassation de reconnaître que les faits poursuivis ont été légalement qualifiés, et qu'ils tombent sous l'application de l'article 1er de la loi du 2 août 1882;

qu'il y a eu par suite violation de cet article et de l'article 7 de la loi du 20 avril 1810;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi. Par ces motifs, Casse, etc.

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REMARQUE. Il est constant que la Cour de cassation a le droit de reviser, en matière d'outrage aux bonnes mœurs, la qualification donnée au fait par les décisions qui lui sont déférées. V. Mémorial du Ministère public, v° Outrage aux mœurs. A annoter au Mémor., ibid.

ART. 3494.

CHASSE, ANIMAUX MALFAISANTS OU NUISIBLES, ARRÊTÉ PRÉFECTORAL, DESTRUCTION, PERMIS.

Un propriétaire n'a pas besoin d'être muni d'un permis de chasse pour détruire sur sa propriété les animaux (notamment les lapins) déclarés malfaisants ou nuisibles par un arrêté préfectoral; ce n'est pas là l'exercice d'un droit de chasse proprement dit (L. 3 mai 1844, art. 9 et 11).

(LAVIE ET AUTRES C. min. publ.)

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ARRÊT.

que

LA COUR ; Sur le moyen unique tiré de la violation des articles 9, 11 et 16 de la loi du 3 mai 1844: Attendu Lavie et Saincey, gardes particuliers de Paul Dupont, ont été trouvés, le 8 janvier 1892, armés de fusils et poursuivant des lapins dans une propriété non close appartenant à ce dernier; que deux rapports de gendarmerie, en date des 22 janvier et 24 février 1892, ont relevé à leur charge le délit de chasse prévu par l'art. 11 de la loi du 3 mai 1844, par le motif qu'ils n'étaient pas munis de permis de chasse; —Que, traduit, à raison de ce fait, devant la 1re chambre de la Cour d'appel de Paris, Lavie et Saincey ont expliqué qu'ils se livraient à la poursuite des lapins sur le territoire confié à leur garde, sur l'ordre de leur patron et conformément à l'arrêté du préfet de Seine-et-Oise du 16 février 1882, qui classe les lapins parmi les animaux malfaisants et nuisibles; - Que néanmoins la Cour d'appel les a condamnés comme convaincus du délit ci-dessus spécifié et a déclaré Paul Dupont civilement responsable;

Mais attendu que l'article 9, § 3, de la loi du 3 mai 1844 dispose que les préfets, sur l'avis des conseils généraux, prennent des arrê

tés pour déterminer « les espèces d'animaux malfaisants ou nuisibles «< que le propriétaire, possesseur ou fermier pourra, en tout temps, << détruire sur ses terres, et les conditions d'exercice de ce droit, << sans préjudice du droit appartenant au propriétaire ou au fermier << de repousser ou de détruire, même avec des armes à feu, les bêtes « fauves qui porteraient dommage à ses propriétés »;

Attendu que l'exercice du droit de destruction des lapins déclarés malfaisants et nuisibles, dans les termes dudit article, par l'arrêté préfectoral susvisé, n'était pas subordonné à la prise d'un permis de chasse; qu'il s'agissait là, non d'un fait de chasse proprement dit, mais de la poursuite et de la destruction, par le propriétaire ou ses représentants, sur son fonds, d'animaux nuisibles à sa propriété ; que ce caractère du droit de destruction de tels animaux, par opposition au droit de chasse, lorsque cette destruction est autorisée par les arrêtés préfectoraux, résulte tant des termes de la loi que de la discussion à laquelle elle a donné lieu; que l'opposition entre ces deux droits existe dans la rédaction même de l'article qui, spécifiant dans plusieurs de ses paragraphes, les temps où la poursuite du gibier est autorisée par la loi et les moyens à l'aide desquels elle peut être opérée, rapporte expressément toutes ces dispositions à l'exercice du droit de chasse, tandis qu'il dérive la poursuite des animaux malfaisants et nuisibles, comme celle même des fauves, du droit appartenant au propriétaire ou fermier de détruire de tels animaux sur ses terres ;

Qu'il suit de là qu'en déclarant Lavie et Saincey coupables du délit de chasse sans permis, et Paul Dupont civilement responsable, l'arrêt attaqué a violé les dispositions légales susvisées ;

Par ces motifs, casse et annule l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris, première chambre, contre Lavie, Saincey et Paul Dupont ; Renvoie devant la Cour d'appel d'Orléans, etc.

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REMARQUE. Cette décision est parfaitement fondée. Ce n'est pas, en effet, se livrer au plaisir de la chasse, plaisir à raison duquel le permis de chasse est exigé, que de défendre sa propriété contre les attaques des animaux qu'un arrêté préfectoral a déclarés malfaisants ou nuisibles. C'est l'exercice d'un droit naturel, qui n'est subordonné à d'autres conditions que celles de l'existence d'un dommage causé par ces animaux, et de l'instantanéité de leur destruction. V. Mémorial du Minis

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