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EXPOSÉS DES MOTIFS

PRÉSENTÉS AU CORPS LÉGISLATIF

PAR LES ORATEURS DU CONSEIL D'ÉTAT,

SUIVIS

Des DISCOURS prononcés par les Orateurs du Tribunat.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Des titres I à VII, inclusivement, du livre Ier du Code de Commerce, présentés au Corps Législatif, par M. REGNAUD, Conseiller d'Etat.

Séance du premier septembre 1807.

MESSIEURS,

UN siècle et demi s'est écoulé depuis qu'un ministre habile jeta les premiers fondemens de la richesse commerciale de la France: il dirigea l'activité, l'habileté d'une nation déjà si grande, quoiqu'elle ne fût qu'à l'aurore de sa puissance, vers les manufactures alors pres

qu'inconnues; vers les arts, presqu'entièrement négligés; vers les expéditions maritimes, délaissées, même sur nos côtes, à nos voisins; vers les vastes opérations de commerce avec les deux mondes, dont la Hollande et l'Angleterre avaient usurpé le monopole.

Ce n'était pas assez d'avoir développé les principes généraux du commerce; d'avoir, par la création de grandes compagnies, offert aux individus des exemples à suivre; d'avoir dirigé l'industrie vers la manipulation des matières premières, indigènes ou exotiques; enfin, ce n'était pas assez d'avoir imprimé à la nation un grand mouvement, il fallait établir des règles pour les actions des individus; il fallait mettre à la portée de tous les commerçans les principes fondamentaux de la profession qu'on voulait faire fleurir. Il fallait déduire de ces principes leurs conséquences les plus importantes, les appliquer aux transactions les plus habituelles; il fallait, enfin, donner aux commerces intérieur et maritime une législation civile qui fût adaptée à tous leurs besoins.

L'ordonnance du commerce, et quelques années après, l'ordonnance de la marine, pa

rurent.

Certes, la France comptera toujours parmi ses plus beaux monumens de législation ces deux ouvrages préparés, publiés sous l'influence du génie de Colbert : résultats heureux de l'étude des jurisconsultes les plus habiles, et de l'expérience des négocians les plus célèbres.

Mais ces lois, Messieurs, ne pouvaient plus,

convenir ou suffire au commerce de l'Empire français.

Depuis leur publication, la superficie du territoire de la France est presque doublée; des Etats entiers au midi, de vastes provinces au nord, ont ajouté à l'étendue de ses frontières maritimes, au nombre de ses fleuves on canaux navigables, à l'immense variété de ses productions agricoles, à la diversité toujours croissante des produits de son industrie.

D'un autre côté, d'abord sous les règnes des derniers rois, ensuite pendant l'interrègne qu'on a appelé la révolution, et enfin sous la dynastie qui s'élève, pour effacer toute la gloire et réparer tous les malheurs de ces dernières époques, les mœurs de la nation, en général, les mœurs commerciales, en particulier, ont subi de grands changemens, et ces mœurs ne sont pas encore fixées.

Il est d'une haute importance de les saisir dans ce moment d'oscillation; de les arrêter dans des habitudes heureuses, honorables; de les diriger, osons le dire, de les ramener vers cette loyauté, cette bonne foi dont nos grandes places de commerce furent l'antique berceau, et dont elles conservent de nobles modèles.

Il est d'une haute importance de fondre, dans un systême commun, les usages et la jurisprudence de la Métropole et des pays réunis; de faire disparaître l'influence de ces arrêts de réglemens émanés des parlemens, et qui formaient une seconde législation au sein de la législation primitive; d'effacer la trace des règles établies par les coutumes locales, par les lois munici

pales, premier bienfait et dernier inconvénient de notre ancienne législation civile.

Il est d'une haute importance que les lois commerciales de France conviennent également au commerce de consommation des vastes cités, au commerce spéculateur des grands entrepôts, au commerce industriel des grandes fabriques, à la navigation immense des grands ports, au cabotage actif des plus petites rades, aux marchands de toile de Courtrai, de Gand, de Bretagne, de Maine et Loire, et aux fabricans des soieries de Gênes, de Lyon, de Tours; à ceux qui font tisser la laine à Elboeuf, à Sedan, à Louviers, à Verviers, et à ceux qui font tisser le coton à Tarare, à Rouen, à Alençon à Paris, à Troies.

Il est enfin d'une haute importance que le Code de commerce de l'empire français soit rédigé dans des principes qui lui préparent une influence universelle, dans des principes qui soient adoptés par toutes les nations commerçantes, dans des principes qui soient en harmonie avec ces grandes habitudes commerciales qui embrassent et soumettent les deux mondes.

A peine l'EMPEREUR tenait les rênes du Gouvernement, et déjà il avait senti et développé les vérités que je viens de vous retracer. Dès le 13 germinal an 9, une commission fut nommée pour préparer un projet de Code de commerce; et moins d'une année après, le 13 frimaire an 10, les membres de cette commission, MM. Vignon, Boursier, Legras, Vital, Roux, Coulomb et Mourgues, présentèrent au Gouvernement l'utile travail qui les recommande à la reconnaissance publique.

Mais ce travail n'était encore que la pensée d'un petit nombre d'hommes. SA MAJESTÉ VOUlut s'environner d'autres lumières; elle desirą recueillir, pour ainsi dire, l'opinion générale du commerce et des magistrats, et, par son ordre, le projet fut envoyé aux conseils ou chambres de commerce, aux tribunaux de commerce et aux tribunaux d'appel.

Tous ont donné leurs observations, et les rédacteurs du Code, après avoir présenté l'analyse raisonnée de cette longue collection, ont fait à leur premier travail d'utiles corrections, et de notables changemens.

Présenté ainsi au Conseil de SA MAJESTÉ, le Code de commerce y a été discuté par son ordre, pendant qu'elle portait au fond du Nord ses aigles triomphantes.

La victoire faisait le présent du Code Napoléon aux Polonais affranchis, et la sagesse dirigeait, des bords de la Vistule, le travail d'une loi nouvelle, destinée à donner le Code commercial à l'Europe.

La rédaction, la publication de ce Code occupait tellement la pensée de SA MAJESTÉ, ses dispositions principales étaient tellement présentes à son esprit, que, le lendemain de son retour dans sa capitale, elle a voulu les soumettre, en sa présence, à une discussion nouvelle, à une sorte de révision générale, dont nous vous ferons, Messieurs, connaître l'influence et les résulats lors de la discussion sucçessive des divers titres que nous vous appor

terons.

Les premiers rédacteurs avaient partagé le Code du commerce en trois livres seulement,

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