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temps, la fausse évaluation des dépenses, les étagements de bâtiments à peine achevés, et, quelquefois, la ruine des personnes qui se livrent à des entrepreneurs sans expérience, lesquels, ne possédant pas la connaissance pratique de leur art, compromettent les intérêts qui leur sont si imprudemment confiés. Cet ouvrage sera utile aux personnes auxquelles il est destiné, en ce que, sans avoir sondé toutes les profondeurs de l'art, elles pourront, en le consultant, diriger avec succès les ouvriers qu'elles auraient à employer, utiliser des matériaux qui seraient perdus, éviter beaucoup d'erreurs et de doubles emplois, et même, dans certains cas, composer elles-mêmes les plans et l'ensemble des dépendances rurales, au moyen des proportions des différentes parties des constructions que nous indiquerons.

Tel est le but que nous nous sommes proposé en écrivant ce manuel d'architecture rurale que nous présentons au public avec le désir d'être utile.

Nous éprouvons le besoin de déclarer que le présent traité n'est pas un ouvrage entièrement original. Nous avons puisé aux meilleures sources, notamment dans l'ouvrage de M. de Gasparin, dans le traité de M. de Fontenay, dans celui de M. le lieutenant-colonel du génie Demanet, etc.

INTRODUCTION.

But et moyens de l'architecture.—Divisions de

l'ouvrage.

L'architecture est née avec l'homme, car il eut toujours besoin d'abri contre l'inclémence de l'air et les attaques des animaux durant son sommeil ; lorsque cet abri ne se présentait pas de lui-même, il fallait le créer. Dans les flancs des montagnes on se creusa des grottes on les imita dans la plaine avec des pierres et de l'argile; près des forêts, avec des branches, des écorces, du gazon et du feuillage. L'art de bâtir fut ainsi le premier art pratiqué; art fécond, art fondateur de tous les

autres.

Toutes les constructions font partie du domaine de l'architecture; mais à mesure que les connaissances humaines se sont étendues, on a dù, successivement, faire des divisions dans un art qu'il n'était plus possible à un homme, quelle que fût

son intelligence, d'embrasser dans tous ses développements.

Toute construction rurale doit non-seulement être utile, mais encore porter le cachet de sa destination. Pour le bien concevoir, il faut posséder à la fois des connaissances dans l'art de bâtir et dans les diverses branches de l'économie rustique, car elle se rattache nécessairement à la grande ou à la petite culture, à l'économie des ménages, à l'éducation des animaux utiles, en un mot, à un point quelconque de l'industrie agricole.

La forme générale d'un bâtiment ne résulte pas seulement de sa destination, elle dépend aussi de la nature des matériaux à employer, de la connaissance des lois qui régissent la matière et du mode de construction adopté. Toutes ces données, et d'autres encore, influent sur le nombre et la disposition des points d'appui, sur les rapports existant entre les pleins et les vides, entre les supports et les parties supportées, et sur les formes des parties dont la réunion constitue l'édifice.

Mais toutes ces conditions matérielles ne déterminent complétement ni la silhouette de l'ensemble d'un édifice, ni la forme des parties qui le composent. Elles tracent seulement des limites, et dans ces limites, on conçoit que de toutes les formes auxquelles on peut s'arrêter, il y en a une qui est plus harmonieuse que toutes les autres, qui rend plus complétement la pensée dont cette construction doit être l'expression, qui, en un mot,

se rapproche davantage, pour chaque système de données, d'un type de perfection. ---Or, c'est à ce type que l'architecture doit tâcher d'atteindre; c'est là son modèle, et c'est au goût qu'il appartient de le préciser et d'établir entre toutes les parties d'un édifice cette harmonie sans laquelle on ne peut aspirer à plaire. - La loi qui règle ces rapports ne peut être que sentie, et non formulée par des paroles voilà pourquoi l'architecture est rangée parmi les beaux-arts.

Se prémunir contre les variations atmosphériques du climat que l'on habite, satisfaire aux besoins divers, nés des mœurs, des usages, des institutions, quelquefois encore de la position sociale, tel est le but que se propose l'architecture; elle a trois moyens principaux pour y parvenir : la solidité, la distribution et la décoration.

Solidité. Dans ces moyens sont comptées la sûreté et l'économie. Un édifice sera solide s'il est bien fondé, si les matériaux que l'on y emploie sont de bonne qualité, s'ils sont placés où ils doivent l'être; si les points d'appui sont convenablement distribués, de manière à diviser le fardeau en parties presque égales; si les résistances suffisent aux poussées, enfin s'il n'y a point de porte-à-faux. La durée, la sûreté et l'économie sont les résultats nécessaires de la solidité bien comprise.

Distribution. -- Dans la distribution nous comprenons la commodité, la convenance et la salubrité. La distribution est l'art de diviser avec

ordre et symétrie un bâtiment public ou particulier, d'examiner si toutes les parties qui le composent sont de grandeur convenable, si elles sont bien placées, si elles ont les dégagements nécessaires. Il y a convenance si les différentes pièces sont décorées en raison de la fortune et de la position sociale du propriétaire, et si les accessoires en annoncent suffisamment la destination; enfin, il y a salubrité si l'édifice est placé dans un lieu sain, si les aires des granges et de l'habitation sont garanties de l'humidité, si les différentes ouvertures sont disposées de manière à se défendre des grandes chaleurs et des grands froids.

La

Décoration. La décoration consiste dans la symétrie et la régularité. Il faut que toutes les portes et les croisées soient percées de niveau et d'aplomb, que les frises et corniches présentent de grandes lignes, que, autant que possible, ce soit une ouverture qui forme le milieu du bâtiment, et non un trumeau ou une partie pleine quelconque. décoration est toute de goût et de tradition: son but est d'imprimer à l'édifice et à chacune de ses parties le caractère qui lui convient; aussi cet objet est entièrement du domaine de l'artiste. Il révèlera son goût et ses talents par la disposition symétrique des masses et par le choix et la pureté des détails. Nous n'avons pas besoin de faire observer que la simplicité est la base première de toute décoration appliquée aux constructions rurales.

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