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UN SCEAU DE LIEUTENANCE DE CHANCELLERIE.

Un sceau, d'autant plus digne d'intérêt qu'il est probablement unique, et qu'il établit un fait qui avait échappé jusqu'ici aux historiens de la Bourgogne, a été trouvé, en 1845, dans une vigne, près de Mercurey. Recueilli d'abord par le jeune Armand Coste, qui montre un goût singulier pour les études archéologiques, il a été ensuite généreusement cédé à la Société d'histoire et d'archéologie de Chalon.

Description.

Ce sceau est en bronze, d'une hauteur de 45 millimètres; il a 28 millimètres de diamètre; la conservation en est parfaite; le type présente une fleur de lis soutenue par deux anges ailés, vêtus de tuniques, et dont les têtes démesurément grosses sont entourées de nimbes; entre eux est un petit arbuste à rameaux épineux. La légende est :

LOCUTENECIE CANCELLARIE APUD COLCHAS :

Scel de la Lieutenance de Chancellerie près Couches.

Une étoile gravée extérieurement répond à celle qui

sépare le commencement et la fin de la légende, pour la personne qui se servait du sceau pût l'appliquer dans la position directe.

que

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Historique. Pour arriver à l'attribution de ce sceau, nous sommes forcé d'entrer dans quelques détails sur les chancelleries; nous le ferons le plus brièvement possible. Les chanceliers furent d'abord de simples notaires ou écrivains publics: vers le 11me siècle, on en vit qui prirent le titre de chanceliers royaux, et qui eurent des substituts chargés d'écrire, de contre-signer et de sceller les diplômes à leur place; ces substituts prenaient le titre de vice-chanceliers, ou souschanceliers. Louis VIII augmenta encore la dignité de ces officiers, dont le chef prit le titre de Chancelier de France, eut séance parmi les Pairs du royaume, et fut regardé comme le premier de tous les officiers de la Couronne.

Outre la chancellerie de France, on en établit d'autres près des Parlements vers la fin du 15me siècle, et près des présidiaux en 1557. Ces chancelleries nouvelles prirent le titre de petites chancelleries, qui les distingua de la chancellerie de France, où grande chancellerie. Le grand sceau, confié au chancelier de France, représentait le Roi revêtu des habits royaux et des marques de la royauté; le sceau des chancelleries près des Parlements, qui se nommait petit sceau, celui des présidiaux et celui des simples justices royales, étaient de dimensions de plus en plus petites; ils

por

taient, tous, les armes de France; ils n'avaient anciennement qu'une seule fleur de lis, de même que le sceau du Châtelet, qui conserva toujours cette fleur de lis unique, et dont on faisait fréquemment usage en l'absence du grand sceau.

Le titre de chancelier n'était pas réservé aux officiers dont nous venons de parler; toutes les personnes élevées en dignité, tels que les fils de France, les princes, les ducs, les comtes, les évèques, les abbés, les églises même et les universités, avaient des sceaux, et les notaires ou greffiers qui en étaient dépositaires, prenaient aussi le titre de chanceliers.

Dans la Bourgogne, sous les ducs de la première race, les fonctions des chanceliers paraissent avoir été bornées à celles de secrétaire. Ils écrivaient les chartes des ducs, y apposaient le sceau, et les signaient. Mais, sous les ducs de la deuxième race, les chanceliers eurent un pouvoir beaucoup plus étendu. Non seulement ils étaient dépositaires des sceaux, ils étaient en outre chefs de la justice et des conseils, connaissaient des finances, expédiaient les grâces, présidaient les assemblées. Il parait même que, depuis 1332, les chanceliers des ducs furent les chefs de la justice; ils jouirent des prérogatives que nous venons de citer jusqu'à l'année 1477, époque à laquelle la mort de Charlesle-Téméraire, tué à la bataille de Nanci, amena la réunion définitive de la Bourgogne à la France. La chancellerie de Bourgogne fut alors supprimée, et les

habitants de cette province furent obligés de recourir à la grande chancellerie.

Louis XI créa dès 1477 un nouveau Parlement de Bourgogne; mais les troubles qui survinrent s'opposèrent à ce qu'il fût établi avant l'année 1480. Ce Parlement tint d'abord ses séances à Beaune, et à St-Laurent-les-Chalon pour les pays d'outre Saône: ce ne fut qu'en 1494 qu'il devint sédentaire à Dijon; mais il n'en eut pas moins dès son établissement une chancellerie nouvelle.

Outre les chancelleries dont il vient d'être question, il y avait en Bourgogne, même du temps des premiers ducs, d'autres chancelleries, appelées chancelleries aux contrats. Le scel aux contrats était confié au chancelier de Bourgogne, et était apposé sur les actes passés devant les notaires ou tabellions, qui n'étaient regardés que comme des greffiers agissant sous l'autorité du juge. Le chancelier avait le droit de connaître de l'exécution des contrats passés sous ce scel, et il était tenu de le faire en personne, au moins deux ou trois fois par an, dans les six siéges dépendants de la chancellerie, savoir: Dijon, Autun, Beaune, Chalon, Semuren-Auxois et Chatillon-sur-Seine.

Mais, pour exercer cette surveillance d'une manière permanente et efficace, il avait sous lui un officier nommé gouverneur de la chancellerie aux contrats; ce gouverneur était à la nomination du chancelier, et confirmé par le duc ; il avait des lieutenants dans tous

les bailliages de Bourgogne. Les lieutenants de chancellerie étaient d'abord nommés par les gouverneurs; plus tard ils furent créés à titre d'office. Ils avaient des sceaux dont ils scellaient les contrats passés devant les notaires de leur juridiction. Les lieutenances de chancellerie étaient unies aux bailliages; mais il y avait des audiences particulières pour les affaires de la chancellerie, et alors le lieutenant présidait; tandis que, dans les audiences ordinaires, il n'avait rang qu'après le lieutenant-général du bailliage,

Il y avait aussi des lieutenants de chancellerie dans quelques villes particulières de Bourgogne, qui n'étaient pas siéges de bailliages; ces lieutenants prêtaient serment en la chambre des comptes, et recevaient trois sceaux de cuivre, un grand scel, un contre-scel et le petit scel aux contrats.

Attribution. Il résulte évidemment des détails qui précèdent, que le sceau dont nous nous occupons ne peut être qu'un petit scel aux contrats de la lieutenance de chancellerie près Couches. Mais ici se présente une considération qui augmente l'intérêt qui s'y rattache. Aucun ouvrage relatif à l'histoire de la Bourgogne ne mentionne l'existence de cette lieutenance de chancellerie; et notre sceau, dont l'authenticité ne peut être contestée, prouve que Couches a joui de la faveur accordée à quelques villes particulières, d'avoir une lieutenance de chancellerie, quoiqu'elles ne fussent pas chefs-lieux de bailliage. En effet, Couches (en la

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