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aurait été frappé de ce danger, mais ses terreurs se seraient évanouies devant cette considération que, dans l'état présent du pays, le hatti-shériff était absolument inexécutable. Quoi qu'il en soit, le gouvernement turc que Reschid-pacha, homme éclairé, dirigeait avec Kosrew, recommanda expressément aux pachas, placés à la tête des provinces, l'exécution de la charte de Gulhané, dont le sultan et les fonctionnaires de l'empire avaient juré l'observation dans la salle qui renferme le glorieux manteau du prophète.

Lejeune sultan procédait ainsi par des réformes utiles, quine portaient plus, comme il était arrivé sous le précédent règne, sur des points souvent sans importance réelle. Une ordonnance avait pu, sans inconvénient, enjoindre aux magistrats de laisser le Fez (bonnet rouge) pour reprendre le turban, alors qu'une mesure plus utile au bien-être public, plus européenne, projetée, il est vrai, par Mahmoud, était mise à exécution sous son successeur (juillet, août). La profession de boulanger fut déclarée libre; l'achat du blé et des céréales nécessaires à la consommation cessa d'être du ressort exclusif du zahiré-naziri (intendant-général des subsistances), et de ce moment durent disparaître les abus, les accaparements auxquels lui-même ou ses agents (moubay-ad-jis) pouvaient presque toujours impunément se livrer (voir le texte de ce réglement à l'Appendice). Cette ordonnance contenait, en outre, quelques autres dispositions également sages: elle prescrivait la vente au poids, soumettait les boulangers à une patente, et leur permettait de se pourvoir de grains, partout où il leur conviendrait. Toutefois, elle n'était point applicable aux boulangeries placées sous la protection des légations.

L'instruction publique n'avait pas attiré une moindre sollicitude. Déjà le prédécesseur d'Abdul-Medjid avait

décrété la création de sept académies, à Constantinople, Andrinople et Salonique pour la Turquie d'Europe; Brousse, Smyrne, Bagdad et Trébisonde pour la Turquie d'Asie. On y devait enseigner les sciences et les lettres, d'après les méthodes européennes ; des concours devaient être ouverts, et les élèves vainqueurs seraient envoyés ensuite à l'étranger pour se perfectionner. Enfin, chaque grande ville dut avoir ses écoles spéciales: Constantinople une école militaire, Proti, une école navale, et Galata, ses colléges de Francs.

En outre, les relations extérieures s'étendirent. Les traités conclus l'année précédente avec l'Angleterre et la France, donnèrent lieu à des conventions analogues avec la Sardaigne et l'Autriche, et durent nécessairement rendre plus faciles, plus nombreux, par la suppression de droits arbitraires, les rapports commerciaux entre l'Occident et le Levant.

Ainsi, Constantinople menacée encore une fois d'avoir le sort des choses avancées, empruntait à l'Europe, pour se conserver, ses principes de droit international, et ses règles d'administration.

SERVIE. La Porte n'avait plus, comme on sait, que la suzeraineté nominale de ce pays (1826, 1855). Toutefois, les partis s'agitaient encore. L'influence russe, représentée par l'aristocratie serve, avait contraint le prince Milosch, à consentir, en 1835, une constitution où l'esprit de ce parti dominait. La lutte ne devait donc pas être épuisée. Au mois de mai de l'année dont nous recueillons les faits, les troupes que le prince avait organisées, appuyées par les habitants des districts qui lui étaient le plus dévoués, marchèrent sur la capitale, dans le dessein proclamé de renverser la constitution. La tentative échoua; le prince se retira dans ses terres, et une commission sénatoriale, au sein de laquelle figuraient deux membres étrangers, un russe et

un turc, déclara que le chef de l'Etat avait fomenté l'insurrection, pour se débarrasser du sénat. Cette fois, le prince qui avait organisé son pays, qui lui avait donné des lois utiles, émancipé les serfs, établi un impôt unique, ce prince ne dut plus se dissimuler le triomphe de ses ennemis. Il résigna la puissance souveraine en faveur de son fils aîné Milan. L'acte d'abdication déguisait les motifs véritables de cette détermination extrême, tels que nous les venons d'énumérer. Mais le successeur désigné ne devait point vivre assez pour continuer ou remplacer son père. Le prince Michel, second fils du souverain déchu, lui succéda; toutefois, ce ne fut pas sans de longues hésitations, et sans avoir protesté contre la violence qui lui aurait été faite, que son père avait consenti à le laisser se rendre à Belgrade. Il n'était point de l'intérêt de la Russie d'accueillir cette protestation (septembre), et la Porte embarrassée dans les complications de la question égyptienne, n'était pas non plus en mesure de ressaisir cette autre principauté qui échappait visiblement à sa domination.

GRÈCE. · État du pays.

CHAPITRE V.

Proclamation de la loi martiale. — Troubles

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dans la Maina.- Différent avec l'Angleterre. - Fondation d'une université. Troubles à Athènes. - Disgrâce du baron de Heugel. - Retraite du ministre des Finances. Condamnation du prêtre Théophilos Kairis.

La nouvelle loi sur la conscription, en constituant une armée régulière, avait permis au gouvernement de renvoyer une partie des troupes bavaroises. Le pays échappait donc peu à peu à l'influence étrangère, et les motifs de défiance qui soulevaient si fréquemment le peuple contre l'autorité royale allaient se trouver écartés. Déjà moins de révoltes avaient signalé l'année précédente, et ce silence presque continuel des discordes civiles en même temps que les utiles réformes introduites dans l'administration, avaient donné plus de sécurité à la fortune des particuliers et imprimé un nouvel essor aux transactions commerciales. C'est ainsi que les importations du port de Patras s'étaient élevés en 1838, à 2,540,647 fr., c'est-à-dire à 368,482 francs de plus qu'en 1857, et les exportations à 4,554,447 fr., tandis qu'en 1837, elle n'avait pas dépassé 2,997,435 francs.

Cependant, il restait encore beaucoup à faire pour assurer la tranquillité publique. Bien que les actes de brigandage et de piraterie fussent de jour en jour plus rares, les montagnes avaient toujours leurs clephtes, et la mer, ses corsaires. Aussi, le pouvoir, poussé à user de rigueur, crut devoir proclamer la loi martiale contre les clephtes, et instituer dans plusieurs localités des tribunaux militaires pour la punition immédiate des cou

pables pris en flagrant délit. Ces mesures jetèrent une salutaire épouvante sur ceux qui se livraient ainsi à la rapine, et le passage des montagnes et le trajet des côtes maritimes devinrent moins dangereux.

Mais bientôt des troubles plus graves et qui avaient un caractère politique, éclatèrent dans la Maina. Le 27 avril, plus de 300 rebelles se dirigèrent sur Marathon, pillèrent les magasins et saisirent les marchands établis dans le port. Toutefois, les insurgés, reconnaissant leur infériorité, posèrent promptement les armes en présence des troupes du gouvernement, envoyées en toute hâte à Nauplie. Cette insurrection, attribuée à des machinations étrangères, fut ainsi étouffée à sa naissance, et tout rentra dans l'ordre pour quelques mois.

L'énergie du roi Othon, qui n'avait pas fait défaut en cette circonstance, se montra encore à l'occasion des réclamations de l'Angleterre relativement aux affaires des îles loniennes. En effet, M. Zographos, ministre des relations extérieures, reçut de S. M. l'injonction formelle: 1o de déclarer verbalement à l'ambassade britannique qu'aucune réparation ne serait accordée à son gouvernement; 2o de consigner ensuite cette déclaration dans une note sévère qui serait remise à l'ambassade britannique; 3o d'adresser un mémoire justificatif à tous les membres du corps diplomatique. Le ministre agit conformément aux instructions qu'il avait reçues, et les choses en restèrent à ce point.

Le roi qui, par cette fermeté digne et patriotique, autant que par son empressement à réprimer l'émeute, avait mérité l'approbation générale, partit avec toute sa cour pour la Romélie, et trouva partout sur sa route une population empressée et pleine d'enthousiasme.

A son retour, le prince continua ses essais de réorganisation sociale. Le 31 décembre 1836, avait été décrété l'établissement d'une université. S. M., qui de

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