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dans les forts et les camps retranchés, laissant tout le pays ouvert aux Circassiens, et il évacua le Daghestan, à l'exception de quelques places fortes.

Un autre ennemi s'acharnait sur les troupes russes dans la Géorgie et les deux Cabardabs: la fièvre y exerçait d'affreux ravages, et le général Golovine réclamait instamment des renforts que l'armée de Crimée ne pouvait fournir; mais on faisait de grands préparatifs sur tout le littoral de la mer Noire pour se trouver en mesure de reprendre au beau temps l'initiative.

C'est sur ces entrefaites que l'empereur déclara la guerre au Khan de Chiva. On sait que la province asiatique de Chiva est bornée au nord par les étapes de Kirguis; à l'orient, par la mer Caspienne; au sud, par la Perse; et à l'est par les provinces de Turan, de Bochars et de Balk, cette dernière touchant à l'Afghanistan. L'empereur fit précéder les hostilités d'un manifeste signé du général Barowski; il y exposait les causes de cette guerre. Elle n'avait, y était-il dit, d'autre but que de mettre un terme aux exactions des habitants du Kannat de Chiva contre les caravanes des négociants russes; de délivrer les prisonniers russes que le Khan retenait comme esclaves, et enfin d'obtenir des garanties qui fussent de nature à assurer la vie, la liberté et les biens des sujets moscovites dans ces régions.

Ces motifs étaient-ils réels? ou plutôt ne voilaient-ils pas, de la part de la Russie, le secret dessein de susciter dans l'avenir, des embarras à l'Angleterre, et d'étendre, comme elle, son influence en Asie? Quoi qu'il en soit, le général Borowski, chargé du commandement en chef de l'expédition, partit d'Orembourg le 1er décembre, à la tête des troupes.

A côté des complications du dehors, il s'accomplissait à l'intérieur un fait religieux qui eut un certain retentis

sement nous voulons parler de la réunion des Grecs-latins des provinces occidentales de l'empire à l'église grecque, de laquelle ils s'étaient séparés au commencement du seizième siècle. Les catholiques-romains s'émurent vivement en Italie, en France, en Allemagne, de cet acte d'autorité contre lequel la cour de Rome fit vainement entendre d'instantes protestations. (Voir les Etats Romains.) Pourtant, les actes du gouvernement prouvaient une certaine tendance vers des idées de progrès et d'émancipation. Jusqu'alors, une dure proscription avait pesé sur les Israélites; le titre de citoyen-noble ne pouvait leur être accordé. Dans un rescrit adressé au ministre de l'intérieur, l'empereur ordonna que dorénavant cette distinction pourrait être décernée à ceux d'entre les juifs qui s'en seraient rendus dignes, soit par leur mérite personnel, soit par des services éminents rendus à l'état.

Le généreux exemple donné l'année précédente, ne resta pas sans imitateurs. Une dame d'honneur de l'impératrice, la comtesse Orloff-Tschemenski, accorda la liberté à 5,518 serfs de ses domaines, dans le gouvernement de Moscou.

A l'ombre d'une administration ferme et persévérante, le même movement vers les réformes se faisait surtout remarquer dans les lettres, les sciences et les arts. Les feuilles périodiques devenaient plus nombreuses, et de nouvelles bibliothèques étaient ouvertes au public. On cultivait avec quelque succès l'étude des langues étrangères. Les produits de l'industrie furent l'objet d'une brillante exposition, et le gouvernement eut dans toutes les grandes capitales des envoyés spéciaux chargés d'étudier toutes les inventions remarquables et de lui en rendre un compte exact. D'autre part, l'achat des usines de M. Cockerell, célèbre industriel de la Belgique, permettait désormais à la Russie de confectionner des ma

chines pour le filage des laines et la fabrique des draps, que jusqu'alors elle avait fait construire à Manchester, à Leeds et à Birmingham. D'ailleurs, cette acquisition pouvait faire entrevoir la réalisation du projet depuis longtemps conçu de rapprocher Saint-Pétersbourg et Moscou par un chemin de fer : le manque de matériaux n'y ferait plus obstacle.

Enfin, jamais l'agriculture, la navigation intérieure et le commerce n'avaient été aussi actifs ; c'est ainsi que dans les jours de décembre, il se trouvait à la fois dans le port d'Odessa, 124 bâtiments Anglais, Français, Italiens et Espagnols, qui allaient y prendre des chargements de froment et d'orge. Tous les autres ports de la mer Noire étaient également encombrés de navires venus dans le même but. Depuis 1837, il avait été construit 8,197 nouveaux navires marchands, et la valeur des marchandises introduites en 1859 àl'antique et célèbre foire de Nowgorod s'était élevée à la somme énorme de 161,497,000 roubles, 5,504,500 de plus qu'en 1858.

Les développements du commerce extérieur ne furent pas moins considérables. En 1838 la Russie exporta pour 315,525,687 roubles, soit 49,040,627 de plus qu'en 1837. Elle importa pour 243,928,585, c'est-à-dire, 4,041,685 de plus qu'en 1837. Ainsi la valeur de l'exportation dépassa de 635,810,195 roubles celle de l'importation.

POLOGNE. Le contre-coup de cette prospérité publique ne se faisait guère ressentir dans ce pays chaque jour il se voyait enlever une à une toutes les institutions qui pouvaient lui rappeler le souvenir de sa nationalité. Un district scolaire fut organisé à Varsovie, conformément aux règles en vigueur dans les universités russes, et placé sous l'administration du ministre de l'instruction publique. Ainsi, le gouvernement façonnerait ces jeunes intelligences

à ses principes, et sans doute rendrait moins mouvante la base de sa domination, par le rapprochement des idées. Une autre mesure, que l'esprit de tolérance qui caractérise le dix-neuvième siècle, jugea de son point de vue avec quelque sévérité, tendait au même but de fusion : c'est la défense signifiée aux évêques catholiques d'entretenir aucune correspondance directe avec le Saint-Siége.

Un dernier acte témoigna à l'égard de la Pologne des intentions au Cabinet de Saint-Pétersbourg. En effet, il fit révoquer en Belgique la nomination de l'officier polonais Skrzynecki, qui venait d'y être admis dans l'armée avec le grade de général. La Russie, tout en protestant qu'elle ne voulait susciter aucune difficulté aux émigrés polonais dans les lieux qu'ils auraient choisis pour retraite, ne pouvait souffrir, disait-elle, qu'une puissance étrangère les plaçat dans une sphère d'action où ils auraient l'occasion de manifester leurs intentions hostiles contre leur légitime souverain.

CHAPITRE IV.

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TERQUIE-EGYPTE. Préparatifs de guerre. Sortie de la flotte ottomane du Bosphore. Note du sultan à la Russie et à l'Autriche. Sommations faites au pacha d'Egypte. - Hafiz-Pacha reçoit le commandement des forces de terre. Sortie d'Alexandrie de la flotte égyptienne.Intervention de la France à Alexandrie, à Constantinople. -Bataille de Nézib. Victoire d'lbrahim. Mort de Mahmoud. Avénement d'Abdul-Medjid, son fils. Défection du commandant de la flotte turque. Note des cinq puissances. Hatti-schériff de Instruction adressée à ce sujet aux gouverneurs de province. Réformes diverses. · Commerce extérieur.

Gulhané.

SERVIE.

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Révolte des troupes dans le dessein de renverser la constitution de 1835. - Triomphe de l'aristocratie. Abdication forcée et Avénement de son second fils, protestation du prince Miloseh.

Michel.

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Les efforts de la diplomatie étaient parvenus jusqu'à ce jour à tenir suspendu l'effet des menaces et des apprêts guerriers que le sultan et le vice-roi faisaient avec une égale ardeur. Mais le moment de la péripétie semblait enfin venu.... L'impatience de Mahmoud s'agitait péniblement dans les limites des conventions de 1855.

Dès le commencement de l'année, un mouvement extraordinaire se faisait remarquer sur la flotte ottomane, comme dans l'armée de terre, et vers le milieu de juin, l'escadre turque sortait du Bosphore. En même temps, l'impétueux adversaire de Méhémet-Ali adressait aux représentants de l'Autriche et de la Russie une note où il déclarait qu'il préférait à l'état actuel des choses une solution quelconque, favorable ou non; qu'il ne pouvait plus tolérer l'insolence d'un pacha rebelle, qui, foulant aux pieds les principes de

Ann. hist. pour 1839.

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