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Le contrat est, dans l'une et l'autre hypothèse 9, résolu de plein droit, à l'égard des deux parties 10, par la mort de l'ouvrier, de l'architecte, ou de l'entrepreneur 11. Art. 1795. Cpr. art. 1122 et 1237. Les héritiers de ces derniers n'ont droit à aucune indemnité à raison des travaux déjà exécutés et des matériaux préparés, à moins que ces travaux et ces matériaux ne puissent être utiles au maître, auquel cas celui-ci est obligé d'en payer la valeur en proportion du prix porté par la convention. Art. 1796.

Les architectes ou entrepreneurs qui se sont chargés, soit d'une construction 12, soit de l'exécution de gros ouvrages 13, ou qui ont dirigé de pareils travaux 14, sont responsables, pendant dix ans à compter du jour de la réception de ces travaux 15, de leur

en dit s'applique, a fortiori, aux marchés à la pièce ou à la mesure. Duranton, XVII, 257. Duvergier, II, 374.

9 Duvergier, II, 335. M. Troplong (III 1044) soutient que les art. 1795 et 1796 sont étrangers au cas où l'ouvrier est chargé de fournir, outre son travail, la chose ou la matière principale. Cette opinion se rattache à celles que nous avons déjà refutées aux notes 2 et 7 supra.

10 Les héritiers de l'ouvrier ne pourraient donc, dans le cas où le marché leur paraitrait avantageux, en continuer l'exécution malgré le maître. Duranton, XVII, 258. Duvergier, II, 377. Mais, d'un autre côté, le maître ne pourrait forcer les héritiers de l'ouvrier à lui abandonner la partie de l'ouvrage qui se trouverait achevée.

11 La disposition de l'art. 1795 est absolue: il n'y a plus à distinguer, comme dans l'ancien Droit, entre le cas où la considération du talent de l'ouvrier a été le principal motif de la convention, et l'hypothèse contraire. Discussion au Conseil d'état sur l'art. 1795 (Locré, Lég., XIV, p. 366, no 22). Rapport au Tribunat, par Mouricault (Locré, Lég., XIV, p. 445). Toullier, VI, 408. Duranton, XVII, 258. 12 La responsabilité des architectes et des entrepreneurs s'étend à toute espèce de constructions, notamment à celle d'un puits, d'une route, ou d'un barrage. Paris, 2 juillet 1828, Sir., 28, 2, 316. Douai, 28 juin 1837, Sir., 39, 4, 829. Civ. cass., 19 mai 1851, Sir., 51, 1, 393.

13 Arg. art. 2270. Cpr. Req. rej., 10 février 4835, Sir., 35, 1, 174. La responsabilité de l'architecte ou de l'entrepreneur, à raison des menus ouvrages, cesse du jour de la réception des travaux. Duvergier, II, 355. Troplong, De la prescription, II, 941. Cpr. aussi Metz, 17 octobre 1843, Sir., 45, 2, 173. Voy. cep. Req. rej., 12 novembre 1844, Sir., 45, 1, 180. Cpr. aussi Req. rej., 48 décembre 1839, Sir., 40, 4, 254.

14 L'architecte qui a fourni les plans d'une construction serait même responsable de sa perte, quoiqu'il n'en eût pas dirigé les travaux, s'il était d'ailleurs établi que c'est par les vices du plan que cette perle est arrivée. Arg. art. 1792 et 2270. Duvergier, II, 254. Req. rej., 30 novembre 1817, Sir., 19, 1, 202. Cpr. Pau, 13 mars 1845, Sir., 45, 2, 408.

15 Ce délai, qui est un temps d'épreuve de la solidité des constructions, ne concerne pas la durée de l'action en dommages-intérêts, à laquelle peut donner

perte totale ou partielle, soit qu'elle résulte d'un vice de construction, soit même qu'elle provienne du vice du sol. Il importe peu, à cet égard, que les travaux aient été exécutés sur le terrain du maître, ou sur un fonds appartenant à l'entrepreneur ou à l'architecte 16. Art. 1792. Ces derniers demeureraient d'ailleurs responsables, dans le cas même où ils auraient prévenu le propriétaire des vices du sol ou des dangers de la construction 17, et dans celui où la construction aurait été faite sur un plan présenté par le propriétaire, d'après ses indications, et avec des matériaux par lui fournis 18.

Les architectes et entrepreneurs sont en outre responsables, aux termes des art. 1382 et 1383, du dommage qu'ils peuvent occasionner au propriétaire ou à ses voisins par l'inobservation des

ouverture la perte totale ou partielle des travaux, survenue dans les dix années de leur réception. Cette action n'est soumise qu'à la prescription de trente ans. Lepage, Lois des bâtiments, II, p. 12. Duranton, XXI, 294. Troplong, III, 1006 à 1011. Selon M. Duvergier (II, 360), qui se fonde sur l'art. 2270, l'action en indemnité se prescrirait par dix ans à compter du jour de la ruine. Mais les termes mêmes de cet article, qui ne parle que de la décharge de la garantie, et non de la prescription de l'action en garantie, et la corrélation que présente sa rédaction avec celle de l'art. 1792, repoussent l'interprétation que cet auteur en donne. La Cour de Paris (15 novembre 1836, Sir., 37, 2, 257) est encore allée plus loin, en jugeant que le propriétaire est, après l'expiration du délai de dix ans, à compter du jour de la construction, non recevable à se plaindre de la ruine survenue pendant ce délai.

16 Duranton XVII, 255. Voy. en sens contraire: Troplong, III, 4015. Suivant cet auteur, l'entrepreneur qui a édifié sur son propre terrain ne serait qu'un vendeur, et devrait être traité comme s'il avait vendu une maison qu'il aurait construite, sans qu'elle lui eût été commandée. C'est là une conséquence extrême, qui nous paraît démontrer de plus en plus l'erreur du système dont elle découle. En raisonnant comme il le fait, M. Troplong ne tient aucun compte de la partie de la convention par laquelle l'entrepreneur, en promettant d'exécuter une construction, s'est obligé d'y apporter tous les soins, toutes les précautions qu'on était en droit d'attendre de lui, d'après sa profession. Et comme c'est préci sément sur cette idée, à laquelle se rattachent des considérations d'ordre public, qu'est fondée la disposition de l'art. 1792, il serait contraire à son esprit d'en restreindre l'application au cas où l'entrepreneur aurait construit sur le terrain du maître.

17 C'est dans ce sens qu'a été définitivement arrêtée la rédaction de l'art. 4792. Discussion au Conseil d'état (Locré, Lég., XIV, p. 363, no 18 et 19). Duvergier, II, 354. Req. rej., 10 février 1835, Sir., 35, 1, 174. Bastia, 7 mars 1854, Sir., 54, 2, 165. M. Duranton (XVII, 255) est cependant d'avis contraire.

18 Duvergier, II, 351. Troplong, III, 395. Fremy-Ligneville, I, 94. Req. rej., 18 mars 1839, Sir., 39, 1, 180. Bourges, 13 août 1842, Sir., 42, 2, 73. Bastia, 7 mars 1854, Sir., 54, 2, 165. Cpr. Civ. cass., 19 mai 1851, Sir., 51, 1, 393.

règlements 19; et leur responsabilité, sous ce rapport, n'est pas limitée au délai de 10 années établi par les art. 1792 et 2270 20. Les architectes et entrepreneurs répondent, sous les divers rapports qui viennent d'être indiqués, du fait des ouvriers qu'ils emploient. Art. 1797.

Lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé à forfait de l'exécution de travaux qui devaient être faits d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte du renchérissement de la main-d'œuvre ou des matériaux, ni sous celui d'accidents de force majeure qui auraient nécessité des travaux supplémentaires 21. Il n'y serait pas même autorisé en raison de changements ou d'augmentations faits au plan primitif, à moins que ces modifications n'aient été autorisées par écrit 22, et que le prix n'en ait été convenu avec le propriétaire 23. Art. 1793.

19 Ainsi, par exemple, l'architecte ou l'entrepreneur qui éleverait un mur au delà de l'alignement fixé par les règlements de voirie, devrait indemniser le propriétaire des frais de reculement et de nouvelle construction. Lepage, Lois des bâtiments, II, p. 15 et suiv. Duvergier, II, 361. Voy. cep. Lyon, 16 mars 1852, Sir. 52, 2, 361.

20 Voy. en sens contraire: Duvergier, II, 363; Troplong, III, 1014. Les raisons déjà déduites à la note 45 supra nous semblent repousser l'opinion de ces auteurs. En vain M. Troplong se prévaut-il de l'art. 2270, dont la rédaction, selon lui, serait bien plus compréhensive que celle de l'art. 1792. Il nous semble, en effet, évident que par ces mots « Les entrepreneurs sont déchargés de la garantie des gros ouvrages,» le législateur n'a entendu parler que de la responsabilité à laquelle ils sont soumis en vertu de l'art. 1792.

21 Civ. rej., 28 janvier 1846, Sir., 46, 1, 635.

22 L'art. 1793 ne se borne pas à prohiber la preuve testimoniale des modifications que l'architecte ou l'entrepreneur prétendrait avoir été faites au plan primitif; il exige l'écriture comme une condition sans laquelle aucune réclamation ne doit être reçue de la part de ce dernier, qui ne peut, à défaut de preuve écrite, ni déférer le serment au propriétaire, ni le faire interroger sur faits et articles, pour établir que des modifications ont été convenues entre eux. Duvergier, II, 366. Troplong, III, 1018. Douai, 20 avril 1834, Sir., 31, 2, 337. Cpr. Req. rej., 16 août 1826, Sir., 27, 1, 243.

23 La loi n'exige pas que la fixation du prix des changements faits au plan primitif soit constatée par écrit. L'architecte qui rapporte la preuve écrite de l'accord relatif à ces changements, est donc admis à prouver, d'après les règles ordinaires, la quotité de la somme pour laquelle ils ont été convenus. Mais il est indispensable que le prix ait été conventionnellement fixé par les parties : l'architecte ou l'entrepreneur serait non recevable à provoquer l'estimation par experts des travaux supplémentaires qu'il aurait exécutés. Duranton, XVII, 256. Duvergier, II, 367 et 368. Troplong, III, 1019.

TOME III.

25

Les règles qui précèdent, s'appliquent également aux maçons, charpentiers, serruriers, et autres ouvriers qui font directement des marchés à prix fait : ils sont entrepreneurs dans la partie qu'ils traitent. Art. 1899.

Les ouvriers employés par un entrepreneur ont une action directe contre celui pour le compte duquel les travaux ont été exécutés 24; mais ils n'en jouissent que jusqu'à concurrence de la somme dont ce dernier se trouve débiteur envers l'entrepreneur au moment où leur demande est formée. Art. 1798. Encore, ne peuvent-ils, en général, et à moins qu'il ne s'agisse de travaux faits pour le compte de l'Etat 25, exercer cette action au préjudice d'une cession consentie par l'entrepreneur au profit d'un tiers de bonne foi, même avant l'achèvement et la réception des travaux 26.

c) Du bail a cheptel'.

$ 375.

Généralités.

Le bail à cheptel est un contrat par lequel l'une des parties livre à l'autre un fonds de bétail, pour le garder, le nourrir et le soigner, sous les conditions convenues entre elles ou établies par la loi. Art. 1800.

On peut livrer à cheptel toute espèce d'animaux susceptibles de donner quelques profits pour l'agriculture ou pour le commerce. Art. 1802.

24 Duranton XVII, 262. Duvergier, II, 381. Troplong, III, 1048. Douai, 30 mars et 13 avril 1833, Sir., 33, 2, 536. Montpellier, 22 août 1850, Sir. 53, 2, 685. Voy. en sens contraire: Delvincourt, III, part. II, p. 446.

25 Décret du 26 pluviose an II, art. 3 et 4. Cour d'Alger, 17 juillet 1850, Sir., 51, 2, 255. Paris, 27 août 1853, Sir., 53, 2, 647. Les dispositions du décret précité ne sont point applicables aux travaux communaux. Req. rej., 12 décembre 1831, Sir., 32, 1, 275. Lyon, 21 janvier 1846, Sir., 46, 2, 262. Req. rej., 18 janvier 1854, Sir., 54, 1, 441.—Quid de travaux départementaux? Cpr. Angers, 31 mars 1852, Sir., 52, 2, 219.

26 Duranton XVII, 262. Lyon, 24 janvier 1846, Sir, 46, 2, 262. Req. rej., 18 janvier 1854, Sir., 54, 1, 441. Voy. en sens contraire, Frémy-Ligneville, I, 226; Montpellier, 24 décembre 1852, Sir., 53, 2, 687.

4 Voy. sur cette matière

Traités des cheptels, par Pothier; Merlin, Rép., Cheptel. Le terme de cheptel dérive de capitale, captale, catallum, qui, dans le latin du moyen âge, désignait toute sorte de biens meubles, et spécialement le gros et le menu bétail. Voy. Dufresne, Glossarium, vo Capitale; Merlin, Rép., vis Cattel et Meilleur Cattel.

A défaut de conventions particulières 2, les droits et les obligations qui résultent de ce contrat, se déterminent d'après les règles tracées par le Code Napoléon sur les diverses espèces de cheptels. Art. 1803. Cpr. art. 1801.

$ 376.

Des diverses espèces de cheptel.

1o Le cheptel simple est un contrat par lequel l'une des parties donne à l'autre des bestiaux à garder, à nourrir et à soigner, sous la condition que le preneur profitera des laitages, du fumier et du travail des animaux, ainsi que de la moitié du croît et de la laine, et qu'il supportera, d'un autre côté, la moitié de la perte. Art. 1804 cbn. 1811, al, 6 et 7.

Cette convention participe du contrat de société, en ce qui concerne le partage des bénéfices et des pertes, et du louage, en ce qui concerne les autres rapports qu'elle établit entre les parties 1.

Les effets de ce contrat sont déterminés par les art. 1805 à 1817, auxquels nous nous bornerons à renvoyer, en y ajoutant les remarques suivantes :

La perte, dont le preneur doit supporter la moitié, est nonseulement celle qui peut résulter de la diminution de valeur du cheptel, mais encore celle qui peut provenir de sa perte partielle par suite de cas fortuits ou d'événements de force majeure. Le preneur est dispensé de toute contribution à la perte, lorsque le cheptel a péri en entier sans sa faute 2. Art. 1810.

Le bailleur peut se réserver une portion des laitages, des fumiers et du travail des animaux 3. Le preneur peut aussi consentir

2 La loi (voy. art. 1811, 1819 et 1828) a prohibé certaines conventions qui imposeraient aux preneurs à cheptel des charges trop onéreuses, par le motif que ces derniers sont le plus souvent des gens que la misère et l'ignorance laisseraient à la discrétion des bailleurs.

▲ Pothier, nos 2 à 4.

2 Les rédacteurs du Code Napoléon se sont, sous ce rapport, écartés de la doctrine de Pothier (no 7 et suiv.), d'après laquelle la perte totale devait, comme la perte partielle, être supportée pour moitié par le preneur. Le système qu'ils ont adopté est justement critiqué par plusieurs auteurs. Il conduit à cette conséquence bizarre que le preneur est, en cas d'épizootie ou d'incendie, intéressé à laisser périr en entier le cheptel dont il ne peut espérer de sauver toutes les têtes. Duranton, XVII, 274. Duvergier, IV, 404.

3 C'est ce qui résulte de l'ordre dans lequel se suivent les différents alinéas de l'art. 1814, ainsi que de sa combinaison avec les art. 1819, al. 1 et 3, et 1820.

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