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MESURAGE DES EFFORTS

Cette courbe est d'une clarté et d'une sincérité telle qu'on en peut tirer des enseignements précieux sur l'intensité des efforts subis. La flèche que prend un câble souple, de quelque nature qu'il soit, liane, chaîne, maillon long, fils tordus ou non, est fonction de deux facteurs la densité de la matière qui le compose et la tension qui l'anime.

L'œil nu, même peu exercé, peut donc discerner facilement si un câble est animé d'une forte ou d'une faible tension, en regardant l'amplitude de la flèche.

Si deux câbles libres de même nature sont à côté l'un de l'autre la différence de flèche indiquera très nettement celui qui travaille le plus.

Le toucher par petits coups secs avec la paume de la main permet également, par l'étude des vibrations qui en résultent, d'apprécier l'importance du travail subi. Mais cet exercice demande de l'entraînement et ne peut donner d'indications sérieuses qu'au spécialiste.

Ni la poutre rigide travaillant en flexion, ni le poteau ou pilier. travaillant en compression ne fournissent d'indications aussi précieuses.

Elles ont donné naissance à un petit instrument d'une grande simplicité qui en fournit de plus sérieuses encore, en ce qu'il permet de mesurer aussi exactement qu'avec une balance l'intensité de l'effort total subi. C'est le câble témoin ou tensionmètre. (Voir fig. 14.)

Il est basé sur le principe suivant :

Puisque la flèche indique la tension sous une densité donnée, il suffirait d'extraire du câble en observation un fil ayant par exemple un millimètre carré, qui serait maintenu à la même flèche, et sur lequel, à l'aide d'un petit peson ou dynamomètre quelconque, on mesurerait la tension qu'il subit. Tous les autres millimètres carrés du même câble subissant le même effort, une simple multiplication donnerait la tension totale.

En fait, il n'est pas praticable d'extraire du câble ce petit témoin d'un millimètre carré. Mais on peut facilement en ajouter un à côté, auquel on donnera la même flèche. Pourvu que sa composition soit en métal de même densité, il révélera l'effort subi par le gros voisin.

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Si la section du gros est S, exprimée en millimètres carrés, et la tension du témoin t est exprimée en kilos, on aura comme tension totale St

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t.

Comme, dans la pratique courante, le rapport entre la section du gros et celle du petit est très faible, on obtient une approximation suffisante en multipliant simplement la tension du témoin par la section du gros, soit St.

C'est pour simplifier les choses qu'il est admis que le témoin est exactement calibré à un millimètre carré ; mais il va de soi que l'opération est aussi juste avec tout autre calibrage. C'est une question de calculs concordants.

Le peson ou dynamomètre peut, lui aussi, n'être pas juste. Mais, dans ce cas, après chaque opération, il convient de tarer avec des poids réels et de faire la correction qui en résultera.

L'installation est des plus simples. Elle consiste à attacher proche d'un câble libre AB un fil de 1 mm. carré de section. A l'extrémité A est amarré un petit peson spécial accroché luimême à un petit tendeur de réglage à vis, à l'aide duquel on assure le parallélisme entre le témoin a bet le gros câble A B. On lit sur le peson la tension par millimètre carré dont l'un

et l'autre sont animés; on démonte l'appareil et, pour plus de sûreté, on vérifie le peson sous la même tension à l'aide de poids contrôlés. Alors on connaît sûrement la tension subie par le câble.

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Il convient de noter que l'on a ainsi l'effort total en kilos, sans avoir à tenir compte de la température, qui est la même pour les deux. Mais, pour l'obtenir, on doit avoir libre une longueur de câble assez grande pour que la flèche soit appréciable. Entre deux tiges de suspension, cette longueur est insuffisante. Dans ce cas, on opère la vérification sur un câble de retenue, et on en déduit, à l'aide de calculs ou d'un graphique simple, la tension sur le câble parabolique, compte tenu de la différence d'angle au sommet du pilier.

Fig. 15.

Hangar à toiture suspendue (système Arnodin) type du camp d'Avord. -Portée totale 80 mètres dont 50 pour la nef centrale et 15 mètres pour chaque nef latérale. Vue portes ouvertes.

Cette vérification au tensionmètre ne reste pas spéciale aux ponts; elle peut s'appliquer à toute construction utilisant le câble libre. Veut-on connaître, par exemple, la fatigue qu'une chute de neige imposera à une toiture suspendue? il suffira d'adjoindre un tensionmètre à l'un des câbles inclinés pour en déduire exactement le travail imposé à toutes les maîtresses pièces de cette construction (fig. 15).

Comme vérification, aucun système de construction ne se prête
Ann. des P. el Ch., MEMO RES, 1920-VI.

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à un contrôle aussi exact. Les ouvrages métalliques sont bien auscultés à l'aide d'un appareil Manet basé sur l'allongeinent élastique du métal; mais cet allongement varie d'une barre à l'autre suivant la température du laminage, la dureté du métal; puis les indications de l'appareil sont données à l'échelle de 1/20.000. La moindre erreur se multiplie donc par 20.000. Ces indications doivent être transformées en kilas pour avoir l'effort vrai,

Les résultats sont influençables par le flambage, la dilatation, etc. Enfin, ils ne donnent que l'effort de surcharge et restent muets sur l'effort permanent, de sorte qu'ils laissent ignorer si la pièce observée est ou non chargée jusqu'à saturation.

CONCLUSION

De ce qui précède on peut conclure que le câble souple est un matériau de construction précieux qui, par sa composition en nombreux éléments, donne une résistance certaine qui révèle fidèlement ce qu'il ressent et qui fournit le moyen d'en mesurer facilement l'intensité.

De plus, lorsqu'il est judicieusement employé, il peut, à l'expiration de sa carrière, par le jeu de l'amovibilité, être remplacé individuellement par un neuf de force égale, moindre ou supérieure, et assurer ainsi la pérennité de la construction.

N° 35

Le régime des ports fluviaux du Rhin

Par M. LANOS,

Ingénieur des Ponts et Chaussées.

AVANT-PROPOS

Le développement de l'outillage économique de notre pays comporte actuellement un vaste programme pour l'amélioration ou la transformation de nos voies navigables et la création de nouvelles artères. Les unes et les autres ne pourront donner leur plein rendement que si elles offrent au commerce et à l'industrie des ports modernes non seulement largement outillés, mais encore rationnellement exploités et placés sous un régime administratif qui leur permette de rendre le maximum de services. C'est ainsi qu'on se préoccupe déjà d'une large extension des ports de Paris en rapport avec l'augmentation du tirant d'eau de la Seine et de l'aménagement des canaux rayonnant vers le Nord et l'Est.

On a souvent cité les ports rhénans comme types du rôle éminent que peuvent et doivent jouer les établissements fluviaux de ce genre. Ils jouissent certes d'une situation très privilégiée car d'une part ́ils sont placés le long d'une adınirable voie d'eau qu'il a été possible d'adapter à la circulation de bateaux de fort tonnage et qui constitue un chemin d'accès tout désigné pour l'importation vers de grands centres de consommation, particulièrement riches et peuplés. D'autre part ils sont à proximité immédiate des charbons du bassin de la Ruhr et des lignites de la région de Bonn-Cologne, matières qui donnent lieu à un trafic des plus intenses.

Il n'en est pas moins intéressant de connaître les voies et moyens auxquels leur croissance a dû sa remarquable rapidité

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