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OBELISQUE SITUÉ DANS LE JARDIN DE L'ÉCOLE DES PONTS ET CHAUSSÉES ET SUR LEQUEL SONT GRAVÉS LES NOMS DES ÉLÈVES DE L'ECOLE ET DU PERSONNEL

MORTS POUR LA FRANCE.

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membres du Corps des Ponts et Chaussées en résidence à Paris, les membres des Conseils de l'École, les élèves et le personnel de tout ordre avaient été invités à la cérémonie et avaient largement répondu à cette invitation puisqu'on peut évaluer à 350 personnes environ le nombre des assistants.

M. Yves LE TROCQUER, ministre des Travaux Publics, Ingénieur en Chef des Ponts et Chaussées, fut reçu dans la salle des Pas-Perdus par le Directeur, l'Inspecteur et les membres des Conseils de l'École ; il se rendit aussitôt au jardin intérieur, où, après s'être incliné devant le groupe des parents, il prit place avec le Directeur face à l'inscrip

tion de consécration.

M. LE GRAIN, Directeur de l'École, prit alors la parole dans ces

termes :

Monsieur le Ministre,

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Cette grande Maison est la vôtre parce que vous êtes le Chef suprême de l'Administration des Ponts et Chaussées; mais elle est aussi et surtout la vôtre parce que vous y avez passé trois années de votre laborieuse carrière, trois années qui ont façonné votre esprit et votre cœur à ses nobles traditions. Vous êtes un de ses fils et je ne saurais vous dire combien est douce pour nous cette pensée dans ce jour où la grande famille en deuil se resserre autour de vous pour glorifier les noms de ses membres disparus; veuillez, Monsieur le Ministre, en agréer l'expression toute faite de respectueuse et familiale affection.

Mesdames, Messieurs,

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En août 1914, l'École nationale des Ponts et Chaussées comptait 158 élèves: 39, soit le quart, sont tombés pour la France au cours de la guerre; quatre membres du corps enseignant et un agent du service intérieur sont tombés avec eux.

L'École a donc payé un tribut immense à la Patrie, mais elle a acquis le patrimoine de gloire le plus magnifique, le plus pur que l'homme puisse imaginer ici-bas.

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Nous sommes réunis pour consacrer pieusement la mémoire de ces glorieux morts, pour saluer, gravés dans le granit, leurs noms que le passage des siècles sera impuissant, désormais, à effacer alors que, de tout ce qui nous entoure, il aura dissipé jusqu'au souvenir.

Élevons nos pensées et nos cœurs vers eux, vers leurs parents, vers leurs femmes, vers leurs enfants qui ont payé dans les larmes la rançon de leur gloire. Mais ils sont morts si grands. que le deuil qu'ils laissent derrière eux ne ressemble en rien à l'ordinaire détresse humaine : ils sont partis dans un rayonnement, dans un flottement de drapeaux, déjà couverts des lauriers de la victoire qu'ils savaient certaine; ils sont partis l'épée tenue ferme et serrée contre la poitrine, le regard fixé sur l'image de la France où tout ce que nous aimons vient se fondre. Ce regard ne demande 'pas des larmes; il ordonne l'énergie, l'effort sans repos ni trêve qui donnera seul, dans la victoire ou dans la mort, l'orgueil du devoir accompli.

Écoutons du reste leurs pensées suprêmes, si hautes qu'elles ne paraissent plus appartenir à ce monde :

<< Si vous recevez ces lignes, écrit l'un d'eux à ses parents, la veille du jour où il pressentait qu'il devait mourir, ce sera que Dieu n'aura pas voulu que je termine la campagne. Certes j'aurais préféré assister à la victoire définitive et vous retrouver après une paix glorieuse, mais je suis content, tout de même, de mourir pour la Patrie et de contribuer pour une faible part au triomphe du Droit et de la Justice. Ne me pleurez pas; ce n'est pas le moment des larmes. Le triomphe est imminent, mais il faut pour cela que toutes les volontés, toutes les énergies soient dirigées vers ce but. Quand ce triomphe sera arrivé, soyez fiers d'avoir donné votre fils pour y participer et songez combien le sacrifice d'une vie humaine est peu de chose devant une telle

cause. >>

Oui, derrière vos larmes, vous avez le droit de vous parer de fierté, vous tous que chérissaient nos morts, et en nous inclinant devant vous, nous souhaitons que VOS cœurs trouvent un suprême réconfort dans leurs suprêmes et dernières volontés.

L'abnégation, le sacrifice complet de soi-même consenti pour la France avec la simplicité des vrais soldats, nous les retrouvons partout; mais pour les maintenir dans leur plénitude, sans défaillance, pendant des années sans fin, quelles qualités morales n'a-t-il pas fallu à nos jeunes officiers! Le Livre d'or de l'École est rempli des exemples que tous en ont donné sapeurs, canonniers, fantassins, aviateurs, tous rivalisent d'énergie, d'endurance, de ténacité; et la morsure du temps qui vient à bout des plus grands cœurs ne parvient pas à les entamer. C'est là, sans doute, leur vertu la plus éclatante, celle qu'aucun éloge, qu'aucun tribut de reconnaissance ne relèvera jamais trop haut, celle qui, par avance, les désignait pour la victoire. Blessés, épuisés, ils ne se laissent évacuer qu'à la dernière limite de leurs forces; à peine remis, ils s'évadent des hôpitaux, des dépôts, des lieux de convalescence, pour retourner vers la bataille reprendre l'effort interrompu. Et on les voit réapparaître aux tranchées, aux assauts, dans les guerres de mines, dans les duels de l'air, partout où l'on se bat et où l'on meurt; et partout ils font, ils continuent, sans compter les jours, tête baissée, toutes les énergies tendues, à faire la grande poussée sous laquelle il faut que l'autre poussée tombe.

Quant à la bravoure tout court, à la bravoure française, elle éclate dans tous les témoignages; les citations, dans leur style d'épopée, la relèvent sous toutes ses formes : « Brillant officier ayant la plus parfaite insouciance du danger. Très beau caractère d'une bravoure exceptionnelle, a montré beaucoup d'entrain ' et de crânerie sous le feu; toujours en première ligne, prenant plaisir au danger... » Il faudrait les lire toutes. Et, en les lisant, on s'arrêterait certainement au nom d'un élève étranger qui s'enrôla dans la Légion dès la déclaration de guerre et qui fut le cœur comme par l'épée un admirable Français.

par

Nos morts ont donc eu tous, groupées en un faisceau d'acier, l'ensemble des vertus qui distinguent les plus grands d'entre les hommes l'amour de la Patrie, le sentiment du devoir poussé jusqu'à l'abnégation complète, la ténacité et la persistance dans

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