Page images
PDF
EPUB

L'État qui supporte les charges des capitaux et de l'entretien du canal perd toujours à l'emploi de gros bateaux et cette perte

monte, par tonne kilométrique, à 0,5. Sur un canal coûtant T

annuellement 30.000 fr. au kilomètre (intérêt à 5 % et entretien à 1。 d'une voie ayant coûté 500.000 fr.), et sur lequel il passe 5.000.000 de tonnes par an, cette charge montera à 30.000 = 0 fr. 006. 5.000.000

Le marinier, au contraire, gagne presque toujours à l'emploi des gros bateaux, puisque son bénéfice s'exprime par : 0'0009+ 15 (M + S) 11 (M+S+14)

D' 300 D

0,50 0,35

f

+

[ocr errors]

1 300 D

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

ou encore

: 00009 + 300 D

(M + S) (15 - 1) — 156).

Les coefficients d'utilisation, f pour la péniche et pour les bateaux de 600 tonnes, sont en effet assez peu différents pour

[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small]

de sorte que le second terme représente toujours un gain réel. Mais le signe du 3o terme est facilement négatif; il suffit en

effet que (M+S)

/15 11
f f1

[merged small][merged small][ocr errors][ocr errors]

que la durée totale du voyage M+S soit inférieure à 154 15 11

[ocr errors][merged small][ocr errors]
[ocr errors]

ce qui arrivera d'autant plus facilement que

sera plus petit. Dans le cas où l'utilisation des bateaux

gros

est parfaite, c'est-à-dire que ƒ = f,= 1, il faut, pour que le bateau présente des avantages à cet égard, que M + S dépasse

154

T

=environ 40 jours; pour des voyages plus courts, le dernier terme de l'expression du bénéfice serait négatif.

Cas particulier: Paris-houillères du Nord.

Il est intéressant de chiffrer ces formules pour des cas particuliers par exemple pour le cas du transport le plus important de notre réseau, celui de Paris aux houillères du Nord. On a déjà vu que la part de frais laissée à la charge de l'État est d'environ 0 fr. 006 par tonne kilométrique pour le canal à péniches, et aurait été probablement de 0 fr. 009 si on l'avait construit pour des 600 tonnes.

Quant à celle incombant aux mariniers, on peut la calculer sur la supposition que la distance de transport est d'environ 350 kilomètres et que le rapport de la distance parcourue à vide, D', oscille en pratique entre 1/10 et 1/2 de celle, D, de marche à plein, soit en moyenne 1/5. On aurait donc pour frais par

[blocks in formation]

4.300 f.

[blocks in formation]

M+ S 3.000 f 7.000 f

M+S+14 + 9.500 fi

et, par gros bateau :

En supposant, ce qui arrive quelquefois, que f=f1 et que M+S 90 jours, on aurait :

=

0003000033+00129 = 0f01623

et 00021+ of 00023 + 00110

0 01333.

=

Le marinier aurait ainsi eu un gain de 0 fr. 01623—0 fr. 01333 — 0 fr. 0029 par tonne kilométrique, soit par tonne sur la distance de transport de 350 kil., de 0 fr. 0029 × 3501 fr. Mais, en tenant compte des charges de l'État, les prix de revient seraient de 0 fr. 006 +0 fr. 01623

=

0 fr. 02223 avec péniches et de 0 fr. 009+0 fr. 01330 fr. 0223 avec gros bateaux, c'est-à-dire exactement le même prix.

Influence de la durée du voyage.

Ces formules font voir que ce qui fait vraiment le prix du transport, c'est le temps du voyage: c'est en effet le terme en (MS) qui est de beaucoup prépondérant et ceci suggère un

moyen d'abaisser le prix du fret beaucoup plus et à bien meilleur marché que par l'emploi de gros bateaux.

Dans le voyage que je viens de calculer et dont le fret ressort à 16 millimes, le temps du voyage entre pour 13 millimes, parce que sa durée a été comptée pour 90 jours.

C'est un temps très normal dans les conditions actuelles, mais il serait facile de l'abréger. Actuellement, le cheminement journalier atteint rarement 20 kilomètres, bien que la vitesse de pleine marche soit d'environ 2 kilomètres et que la journée de travail atteigne souvent 15 heures et reste rarement au-dessous de 10. Il est bien certain qu'avec une meilleure organisation et notamment avec une traction mécanique, aussi bien en pleine route que surtout aux passages des écluses, on pourrait espérer faire 35 kilomètres par jour et, par suite, ne passer que 20 jours en marche pour accomplir l'aller et retour des 350 km. du

voyage.

Ce n'est d'ailleurs pas en route que les bateaux perdent le plus de temps; quand ils mettent 90 jours au voyage, il n'y en a guère que 35 à 40 de marche et, par conséquent 50 à 55 en stationnement. Il y a certaines pertes de temps qu'on ne pourra jamais faire disparaître, par exemple, celles qui sont dues aux intempéries, telles que crues des rivières ou gel des biefs; d'autres, comme les arrêts par encombrements, pourraient être réduites par une meilleure organisation; mais c'est surtout dans les ports qu'on pourrait gagner une fraction importante du temps qu'on y perd aujourd'hui. Il faudrait d'abord que l'État comprît la faute qu'il commet, quand il construit un canal, en s'abstenant de créer aucun outillage dans les ports; sur les chemins de fer, la moindre gare est pourvue de grue; il devrait en être de même

sur nos voies navigables.

On ne voit pas non plus pourquoi les bateaux de navigation intérieure n'auraient pas leurs moyens de bord comme les navires

de mer.

Mais ce sont surtout les us et coutumes qu'il faudrait changer: quand un bateau arrive à quai, il faudrait s'en occuper de suite, tandis qu'il est à peu près de règle que le marinier n'a rien à

dire si on ne le fait pas attendre plus d'une quinzaine avant de procéder aux opérations de chargement ou de déchargement. Une péniche de 300 tonnes devrait être chargée ou déchargée dans la semaine de son arrivée à quai, de sorte que, pour celles employées entre Paris et le Nord, le voyage complet aller et retour ne devrait prendre que 35 jours, 20 de marche et 15 de stationnement aux ports; la dépense d'équipage et location qui, pour le voyage de 90 jours, chargeait la tonne kilométrique de 35 0 fr. 0129 n'interviendrait plus que pour de ce chiffre, soit pour 90

0 fr. 005, et le prix de fret de 0 fr. 016 tomberait à 0 fr. 008, soit à moitié seulement.

Cet exemple montre combien plus intéressantes seraient l'amélioration des conditions de voyage et leur accélération, dont personne ne s'occupe, que l'agrandissement du gabarit des canaux dont tout le monde parle; et le gain à obtenir par ces moyens le serait au prix de frais insignifiants comparativement à ceux qu'entraînerait une réfection de nos voies en vue de leur donner un plus grand gabarit.

C'est par cette étude de l'amélioration des voies existantes qu'on devrait commencer, avant de penser à les agrandir.

CONCLUSIONS

Quand on passe à ce second problème, il faut penser d'abord qu'il ne servirait de rien d'adopter un gros gabarit sur certaines sections seulement, sans le réaliser sur toute la longueur des courants commerciaux, et ne pas oublier que si le gros bateau donne quelque économie, il oblige en revanche à une augmentation des frais de construction et d'entretien de la voie et que le meilleur bateau, pour desservir un trafic donné, est celui qui rend minimum l'ensemble des frais, tant de l'État qui construit et entretient la voie, que du marinier qui l'exploite.

Il ne faut pas oublier non plus que ce choix dépend d'éléments nombreux et variés et dont quelques-uns sont difficiles à apprécier; que le prix de revient des transports varie non seulement

avec le coût de la voie et des embarcations, mais aussi avec le degré d'utilisation de celle-ci et, par conséquent, avec la concentration ou, au contraire, la dissémination des marchandises à transporter et la possibilité d'en faciliter les manutentions.

Le choix d'un gabarit n'est donc pas une question générale, mais, bien au contraire, tout à fait une question d'espèce; seule, une étude détaillée peut permettre de la résoudre dans chaque cas particulier et d'indiquer le gabarit qui convient le mieux suivant les conditions de concentration ou de dissémination, de quantité et de qualité des marchandises à transporter, et aussi suivant le terrain dans lequel doit se développer la voie, et le coût d'installation et d'entretien de celle-ci.

Il en est des voies navigables comme de toutes autres; on ne crée pas partout des routes nationales ni des chemins de fer à voie normale; le chemin vicinal et la voie étroite sont parfaitement justifiés dans certains cas; de même la péniche peut, sur certaines lignes, être bien préférable au gros bateau: toujours, l'instrument doit être proportionné aux services qu'on lui demande.

Une étude comparative complète des diverses solutions possibles peut seule permettre de faire un choix raisonnable dans chaque cas particulier; la présente note n'a pas d'autre prétention que d'indiquer les éléments du problème.

1er juillet 1919.

« PreviousContinue »