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vaux, et en citant quelques passages de la lettre ministérielle qui lui fut envoyée à cette occasion (6 juillet 1911):

« La haute distinction qui vous est accordée dans cette circonstance ne fait d'ailleurs que consacrer et confirmer la réputation que vous vous êtes acquise par des travaux remarquables, qui vous font le plus grand honneur, tant par l'originalité de la conception que par la beauté de l'exécution. Vous avez fait réaliser des progrès considérables à l'art de l'Ingénieur dans les constructions métalliques et votre enseignement à l'École Nationale des Ponts et Chaussées a contribué et contribue tous les jours à leur diffusion.

« Il m'est particulièrement agréable de vous en apporter le témoignage en vous faisant aujourd'hui, comme Chef suprême du Corps des Ponts et Chaussées, l'attribution du prix Rouville. »

Officier de la Légion d'Honneur depuis l'Exposition, il avait été nommé Commandeur en janvier 1919. Son œuvre allait recevoir une nouvelle consécration, quand elle fut interrompue par la mort la place vacante dans la section de mécanique de l'Académie des Sciences lui était réservée; son élection y était certaine.

IV. VIE PRIVÉE.

Peu d'années après son arrivée à Nantes, en 1881, Jean Résal avait épousé Mlle Charlotte Arnaud. Pendant tout son séjour dans cette résidence, il vécut dans une étroite intimité avec la famille de sa femme. Vers la fin de ce séjour, celle-ci fut atteinte de troubles nerveux qui ne firent ensuite que s'aggraver. Résal la soigna avec un dévouement sans bornes, allant jusqu'à songer à donner sa démission pour se consacrer à elle tout entier, et il ressentit cruellement sa perte qui survint, en août 1894, après de longues souffrances.

Six ans après, il reconstituait son foyer, sans perdre le souvenir douloureux de sa première femme. Celle-ci, dans un adieu touchant, avait exprimé le désir qu'il ne restât pas dans la solitude pour laquelle il n'était pas fait. Malgré les instances de sa belle-famille, il n'avait pas voulu se remarier. Mais, en 1897, il

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devint le subrogé tuteur des cinq enfants mineurs de sa cousine germaine, Mme Couffon, restée prématurément veuve. Il se consacra à ses nouveaux devoirs avec le dévouement chaleureux qu'il apportait à secourir la jeunesse en toute occasion. L'aînée de ses pupilles était une jeune fille en âge d'apprécier ce qu'il valait; quand elle eut atteint sa majorité, leurs sentiments se transformèrent et ils s'épousèrent le 18 juillet 1900.

Depuis lors, sa vie privée se renferma dans le foyer où il avait enfin trouvé le bonheur. N'ayant pas d'enfants, il recevait constamment chez lui ses jeunes beaux-frères, ses neveux propres, fils de son frère Eugène Résal, Ingénieur des Ponts et Chaussées comme lui, et ceux de sa première femme. La maison hospitalière, dans un coin retiré de la rive gauche, avec les fenêtres donnant sur de beaux jardins, accueillait sa famille et sa belle-famille. Il y avait table ouverte le dimanche pour la jeunesse, le jeudi pour quelques vieux amis venant jouer au bridge. Il présidait les repas, tenant le dé de la conversation égayée par sa verve étincelante et par un esprit toujours fin et aiguisé; dans le cœur de tous ceux qui venaient s'y asseoir, il occupait la plus large place.

La guerre déchaînée par la barbarie allemande secoua profondément son cœur patriote et son âme sensible. Dans ses tournées, il vit les horreurs commises par nos ennemis. La mort frappa cruellement parmi cette jeunesse dont il aimait à s'entourer. Son système nerveux en fut ébranlé et son esprit inquiété. La victoire l'avait rasséréné. Pourtant, au mois de juillet 1919, il avait éprouvé des symptômes morbides. Il alla passer les vacances à la campagne, dans la vieille maison de famille où il aimait à prolonger son repos chaque année et d'où la guerre l'avait tenu éloigné. Après un mieux momentané, il fut de nouveau souffrant. Il rentra à Paris, sans que de sérieuses inquiétudes fussent nées autour de lui; bientôt après, un brusque accident l'enlevait, lui épargnant les dures souffrances qu'eût entraînées le mal dont il était atteint.

Nulle perte n'a soulevé des sympathies plus générales, ni des douleurs plus vives. Il laisse dans le Corps des Ponts et Chaussées un vide cruellement senti.

N° 10

DÉTERMINATION DES DIMENSIONS

des bateaux de navigation intérieure de fort tonnage

ET DU GABARIT DES VOIES NAVIGABLES

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L'administration des Travaux publics s'est préoccupée, dès la signature de l'armistice, des conséquences graves que devait entraîner l'exécution des clauses économiques du traité de paix sur les transports dans la région de l'Est. Il était manifeste, en effet, que le réseau existant des voies ferrées et des voies navigables ne serait pas suffisant pour assurer le trafic considérable qui se créerait entre l'Alsace, la Lorraine, la Sarre et la Rhur, d'une part, et le territoire français, d'autre part.

Il importait, par suite, de se rendre un compte aussi exact que possible de ce qu'il serait possible de demander aux voies navigables existantes, dans quelle mesure on pourrait les transformer en vue de l'augmentation de leur capacité de fréquentation, et en même temps, d'envisager la création de voies nouvelles.

La question de la substitution des bateaux de fort tonnage à la péniche se trouvait immédiatement posée.

D'autre part, la transformation d'une voie navigable, aussi bien que l'ouverture d'un nouveau canal, nécessite des études préalables longues et minutieuses. On ne saurait procéder comme en matière de voie ferrée, où il n'apparaît pas impossible de travailler « à l'américaine » (ainsi que l'ont fait les services militaires des chemins de fer pendant la guerre), en doublant certaines lignes et même en en construisant de nouvelles à l'avancement, sans projet proprement dit, et après une simple étude générale. Le 9 mai 1919, une commission a été créée avec mission de

fournir d'urgence des bases pratiques aux Ingénieurs ou аих Entreprises chargés de l'étude des transformations et des créations des voies navigables.

La commission, dans son rapport, a indiqué les gabarits de voie et les dimensions des ouvrages d'art qu'il convenait d'appliquer dans la rédaction des projets de canaux pour bateaux de 600, 900 et 1.200 t., en prenant comme point de départ, que le grand bateau devait trouver dans la voie aménagée pour lui, des conditions de navigabilité comparables à celles que la péniche rencontre dans les canaux existants munis de tous les perfectionnements que l'expérience permet de déclarer suffisants.

Cette étude a naturellement dû prendre une forme théorique, mais les résultats en ont été rattachés et comparés à ceux de la pratique, qui les ont confirmés.

Enfin la commission a cru devoir indiquer de quelle manière il convenait de conduire et de présenter les études comparatives indispensables pour justifier le choix de tel ou tel gabarit.

Elle a pensé que ses conclusions permettraient d'éclairer utilement les recherches des Ingénieurs au moment où la question des dimensions des bateaux de navigation intérieure a fait l'objet de discussions confuses, et où des affirmations aussi contradictoires que fantaisistes ont été produites.

Mais elle a tenu à bien préciser qu'elle n'entendait pas apporter une solution générale à un problème qui ne comporte que des cas particuliers. Les dimensions qu'elle a indiquées, aussi bien pour la voie et ses dépendances que pour les bateaux, ne constituent que des bases d'étude, susceptibles de varier dans une certaine mesure en vue de leur adaptation aux conditions techniques et économiques de chaque voie navigable. (Note de la Commission.)

RAPPORT DE LA COMMISSION

Les questions auxquelles la Commission doit répondre sont les suivantes :

1° Quel gabarit convient-il d'adopter pour les voies navigables à grand, moyen et petit débit?

2° Quelles voies devraient être mises respectivement à ces gabarits?

Remarques générales.

On conçoit que le problème ainsi posé ne puisse pas recevoir de solution précise. Les données, comme les inconnues, sont multiples. Telle solution qui conviendrait aux canaux ne s'appliquerait pas aux rivières et, parmi celles-ci, il conviendrait encore de distinguer celles où le trafic principal a lieu à la remonte de celles où le courant inverse se manifeste. Enfin, il faut tenir compte du caractère mixte des grandes voies de Navigation qui comportent à la fois des rivières et des canaux ; dans ce cas, qui est le plus général et le plus intéressant, il peut arriver que la solution la plus coûteuse sur un parcours donné, avec certaines conditions de trafic, devienne la plus économique pour le trafic total.

On se trouve donc en présence d'un problème d'une complexité extrême, dans lequel l'élément économique et l'élément technique ne peuvent pas être séparés.

Or le premier est à peu près impossible à déterminer, surtout dans les circonstances actuelles qui ne permettent pas de fixer le prix de revient des travaux, ni des transports; il serait donc téméraire de vouloir faire tenir la solution du problème dans une formule. C'est en examinant en particulier chaque cas, chaque ligne navigable, que l'on peut espérer donner des conclusions offrant quelques garanties.

Et il est d'autant plus nécessaire de formuler ces réserves, que la construction ou l'établissement de voies navigables à grande section conduiront à des dépenses considérables, dont l'État devra prendre la charge, sinon en totalité, du moins pour la plus grosse part.

Quelles que soient les opinions émises par les économistes, un fait subsiste, indéniable. La batellerie ne saurait supporter de péages, dans son état actuel. Si des améliorations sont réalisées en vue d'une diminution du prix des transports, la part que l'État pourrait prélever pour se couvrir de ses dépenses serait insigni

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