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les plus rigoureuses, les expédiens les plus hasardés ne peuvent plus faire marcher son administration. La guerre civile est allumée dans plusieurs de ses Provinces; ses rapports avec la plus grande partie de l'Europe sont dérangé ou suspendus; ses relations même avec la France ont pris un caractère si problématique, qu'il est permis de se livrer à des inquiétudes sérieuses sur les complications qui peuvent en résulter.

Un pareil état de choses ne justifierait-il pas les plus sinistres pressentimens?

Tout Espagnol éclairé sur la véritable situation de sa Patrie, doit sentir, que pour briser les chaines qui pèsent aujourd'hui sur le Monarque et sur le Peuple, il faut que l'Espagne mette un terme à cet état de séparation du reste de l'Europe, dans lequel les dernièrs évènemens l'ont jetée. Il faut que des rapports de confiance et de franchise se rétablissent entre elle et les autres Gouvernemens; rapports qui, en garantissant d'un côté sa ferme intention de s'associer à la cause commune des Monarchies Européennes, puissent lui fournir de l'autre côté les moyens de faire valoir sa volonté réelle, et d'écarter tout ce qui peut la dénaturer ou la comprimer. Mais pour arriver à ce but, il faut avant tout que son Roi soit libre, non-seulement de cette liberté personnelle que tout individu peut réclamer sous le règne des lois, mais de celle dont un Souverain doit jouir pour remplir sa haute vocation. Le Roi d'Espagne sera libre du moment qu'il aura le pouvoir de faire cesser les malheurs de son Peuple, de ramener l'ordre et la paix dans son Royaume, de s'entourer d'hommes également dignes de sa confiance par leurs principes et par leurs lumières, de substituer enfin à un régime reconnu impraticable par ceux mêmes que l'égoïsme ou l'orgueil y tiennent encore attachés, un ordre de choses dans lequel les droits du Monarque seraient heuresement combinés avec les vrais intérêts et les vœux légitimes de toutes les classes de la Nation. Lorsque ce moment sera venu, l'Espagne fatiguée de sa longue tourmente, pourra se flatter de rentrer en pleine possession des avantages que le ciel lui a départis, et que le noble caractère de ses habitans lui assure; elle verra renaître les liens qui l'unissaient à toutes les Puissances Européennes ; et Sa Majesté Impériale se félicitera de n'avoir plus à lui offrir, que les vœux qu'elle forme pour sa prospérité et tous les bons services qu'elle sera en état de rendre à un ancien amie et allié.

Vous ferez de la présente Dépêche, Monsieur le Comte, l'usage le plus approprié aux circonstances dans lesquelles vous vous trouverez en la recevant. Vous êtes autorisé à en faire lecture au Ministre des Affaires Etrangères, ainsi qu'à lui en donner copie, s'il le demande. Le Comte Brunetti. METTERNICH.

CIRCULAR to the Ministers of Austria, Prussia, and Russia, at Foreign Courts, relative to the Affairs of Spain.-Verona, 14th December, 1822.

MONSIEUR,

CIRCULAIRE.

Vérone, le 14 Décembre, 1822. Vouz avez été instruit par les Pièces qui vous furent adressées au moment de la clôture des Conférences de Laybach, au mois de Mai 1821, que la réunion des Monarques Alliés et de leurs Cabinets se renouvellerait dans le courant de l'Année 1822, et que l'on y prendrait en considération le terme à fixer aux mesures qui, sur les propositions des Cours de Naples et de Turin, et de l'aveu de toutes les Cours d'Italie, avaient été jugés nécessaires pour raffermir la tranquillité de la Péninsule, après les funestes évènemens des Années 1820 et 1821.

Cette réunion vient d'avoir lieu, et nous allons vous en faire connaître les principaux résultats.

D'après la Convention signée à Novare, le 24 Juillet 1821, l'occupation d'une ligne Militaire dans le Piémont par un Corps de troupes auxiliaires, avait été éventuellement fixée à une année de durée, sauf à examiner, lors de la reunion de 1822, si la situation du Pays permettrait de la faire cesser ou rendrait nécessaire de la prolonger.

Les Plénipotentiaires des Cours signataires de la Convention de Novare, se sont livrés à cet examen, conjointement avec le Plénipotentiaire de Sa Majesté le Roi de Sardaigne, et il a été reconnu que l'assistance d'une Force Alliée n'était plus nécessaire pour le maintien de la tranquillité du Piémont. Sa Majesté le Roi de Sardaigne ayant indiqué elle-même le terme qu'elle jugeait convenable de fixer pour la retraite successive des troupes auxiliaires, les Souverains Alliés ont accédé à ses propositions, et il a ete arrêté par une nouvelle Convention, que la sortie de ces troupes du Piémont, commencerait dès le 31 Décembre, de l'Année présente, et serait définitivement terminée par la remise de la forteresse d'Alexandrie au 30 Septembre, 1823.

D'un autre côté, Sa Majesté le Roi des Deux-Siciles a fait déclarer aux trois Cours qui avaient eu part à la Convention signée à Naples le 18 Octobre, que l'état actuel de son Pays lui permettait de proposer une diminution dans le nombre des troupes auxiliaires stationnées dans différentes parties du Royaume. Les Souverains Alliés n'ont pas hésité à se prêter à cette proposition, et l'armée d'occupation du Royaume des Deux Siciles sera dans le plus court délai diminuée de 17,000 hommes.

Ainsi s'est réalisée, autant que les évènemens ont repondu aux vœux des Monarques, la Déclaration fait au moment de la clôture du Congrès de Laybach: "Que loin de vouloir prolonger au-delà des limites d'une stricte nécessité, leur intervention dans les affaires d'Italie,

Leurs Majestés, desiraient bien sincèrement que l'état des choses qui leur avait imposé ce pénible devoir, vînt à cesser le plustôt possible et ne se reproduisît jamais." Ainsi s'évanouissent les fausses alarmes, les interprétations hostiles, les prédictions sinistres que l'ignorance et la mauvaise foi avaient fait retentir en Europe, pour égarer l'opinion des Pouples sur les intentions franches et loyal des Monarques! Aucune vue secrète, aucun calcul d'ambition ni d'intérêt n'avait eu part aux résolutions qu'une nécessité impérieuse leur avait dictées en 1821; résister à la Révolution, prévenir les désordres, les crimes, les calamités innombrable qu'elle appelait sur l'Italie toute entière; y rétablir l'ordre et la paix: fournir aux Gouvernemens légitimes l'appui qu'ils étaient en droit de réclamer; tel a été l'unique objet des pensées et des efforts des Monarques. A mesure que cet objet s'accomplit, ils retirent et retireront des secours qu'un besoin trop réel avait seul pu provoquer et justifier: heureux de pouvoir abandonner aux Princes que la Providence en a chargés, le soin de veiller à la sûreté et à la tranquillité de leurs Peuples, et d'enlever ainsi à la malveillance jusqu'au dernier prétexte dont elle ait pu se servir pour répandre des doutes sur l'Independance des Souverains de l'Italie.

Le but du Congrès de Vérone, tel qu'un engagement positif l'avoit désigné, aurait été rempli par des résolutions adoptées pour le soulagement de l'Italie; mais les Souverains et les Cabinets réunis n'ont pu se dispenser de porter leurs regards sur deux graves complications, dont le développement les avait constamment occupés depuis la réunion de Laybach.

Un évènement d'une importance majeure avait éclaté vers la fin de cette dernière réunion. Ce que le génie révolutionnaire avait commencé dans la Péninsule occidentale, ce qu'il avait tenté en Italie, il était parvenu à l'exécuter aux extrémités orientales de l'Europe. A l'époque même où les révoltes militaires de Naples et de Turin cédèrent à l'approche d'une force régulière, le brandon de l'insurrection fut lancé au milieu de l'Empire Ottoman. La cöincidence des évènemens ne pouvait laisser aucun doute sur l'identité de leur origine. Le même mal se reproduisant sur tant de points divers, et toujours avec des formes et un langage analogue, quoique, sous des prétextes différens, trahissait trop évidemment le foyer commun d'où il était sorti. Les hommes qui avaient dirigé ce mouvement s'étaient flattés d'en tirer parti, pour semer la division dans les Conseils des Puissances, et pour neutraliser les forces que de nouveaux dangers pouvaient appeler sur d'autres points de l'Europe. Cet espoir fut trompé. Les Monarques, décidés à repousser le principe de la révolte, en quelque lieu et sous quelque forme qu'il se montrât, se hâtèrent de la frapper d'une égale et unanime réprobation. Invariablement occupés du grand objet de leurs sollicitudes communes, ils surent résister à toute

considération qui aurait pu les détourner de leur route; mais écoutant en même tems la voix de leur conscience et d'un devoir sacré, ils plaidèrent la cause de l'humanité, en faveur des victimes d'une entreprise aussi irréfléchie que coupable.

Les nombreuses communications confidentielles qui ont eu lieu entre les cinq Cours pendant cette époque, une des plus mémorables de leur alliance, ayant placé les questions de l'Orient sur une base d'unanimité, et d'accord complètement satisfaisante, leur réunion à Vérone n'a eu qu'à consacrer et à confirmer ces résultats, et les Puissances amies de la Russie peuvent se flatter qu'elles feront disparaître, par des démarches communes, les obstacles qui ont pu retarder l'accomplissement définitif de leurs vœux.

D'autres évènemens dignes de toute la sollicitude des Monarques ont fixé leurs vues sur la position déplorable de la Péninsule occidentale de l'Europe.

L'Espagne subit le sort réservé à tous les Pays qui ont eu le malheur de chercher le bien dans des voies qui n'y conduissent jamais. Elle parcourt aujourd'hui le cercle fatal de sa révolution; d'une révolution que des hommes égarés ou pervers ont prétendu représenter comme un bienfait, comme le triomphe même d'un siècle de lumières. Tous les Gouvernemens ont été témoins des efforts que ces hommes ont faits pour persuader à leurs contemporains, que cette révolution était le fruit nécessaire et heureux des progrès de la civilisation, et le moyen par lequel elle a été opérée et soutenue, le plus bel élan d'un patriotisme généreux. Si la civilisation pouvait avoir pour but la destruction de la société, et s'il était permis d'admettre que la force militaire pût s'emparer impunément de la direction des Empires dont elle n'est appelée qu'à maintenir la paix intérieure et extérieure, certes, la Révolution Espagnole aurait des titres à l'admiration des siècles, et la révolte militaire de l'Ile de Léon pourrait servir de modèle aux réformateurs. Mais la vérité n'a pas tardé à reprendre ses droits, et l'Espagne a fourni, aux dépens de son bonheur et de sa gloire, un triste exemple de plus des conséquences infallibles de tout attentat contre les lois éternelles du monde moral.

Le pouvoir légitime enchainé et servant lui-même d'instrument pour renverser tous les droits, et toutes les libertés légales, toutes les classes de la population bouleversées par une mouvement révolutionnaire: l'arbitraire et l'oppression exercés sous les formes de la loi ; un Royaume livré à tous les genres de convulsions et de désordres; de riches Colonies justifiant leur émancipation par les mêmes maximes sur lesquelles la Mère-patrie a fondé son droit public, et qu'elle tenterait en vain de condamner dans un autre Hémisphere; la guerre civile consumant les dernières ressources de l'Etat: tel est le tableau que nous présente la situation actuelle de l'Espagne ; tels sont les malheurs qui affligent un Peuple loyal et digne d'un meilleur sort; telle est

enfin la cause directe des justes inquiétudes que tant d'élémens réunis de troubles et de confusion ont pû inspirer aux Pays immédiatement en contact avec la Péninsule. Si jamais il s'est élevé au sein de la civilisation une Puissance ennemie des principes conservateurs, ennemie surtout de ceux qui font la base de l'Alliance Européenne, c'est l'Espagne dans sa désorganisation présente.

Les Monarques auraient-ils pu contempler avec indifférence tant de maux accumulés sur un Pays, et accompagnés de tant de dangers pour les autres ? N'ayant à consulter dans cette grave question que leur propre jugement et leur propre conscience, ils ont dû se demander si, dans un état de choses que chaque jour menace de rendre plus cruel et plus alarmant, il leur était permis de rester spectateurs tranquilles, de prêter, même par la présence de leur Représentans, la fausse couleur d'une approbation tacite aux actes d'une faction, déterminé à tout entreprendre pour conserver son funeste pouvoir. Leur décision n'a pu être douteuse. Leurs Missions ont reçu l'ordre de quitter la Péninsule.

Quelles que puissent être les suites de cette démarche, les Monarques auront prouvé à l'Europe que rien ne peut les engager à reculer devant une détermination sanctionnée par leur conviction intime. Plus ils vouent d'amitié à Sa Majesté Catholique et d'intérêt au bienêtre d'une Nation que tant de vertus et de grandeur ont distinguée dans plus d'une époque de son histoire, et plus ils ont senti la nécessité de prendre le parti auquel ils se sont arrêtés, et qu'ils sauront soutenir.

Vous vous convaincrez par le précédent exposé que les principes qui ont constamment guidé les Monarques dans les grandes questions d'ordre et de stabilité, auxquelles les évènemens de nos jours ont donné une si haute importance, n'ont point été démentis dans leurs dernières transactions. Leur union, essentiellement fondée sur ces principes, loin de s'affaiblir, acquiert, d'époque en époque plus de cohésion et de force. Il serait superflu de venger encore la loyauté et la bienveillance de leurs intentions contre de méprisables calomnies que chaque jour l'évidence des faits réduit à leur juste valeur. L'Europe entière doit enfin reconnaître que la marche suivie par les Monarques est également en harmonie avec l'indépendance et la force des Gouvernemens, et avec les intérêts bien entendus des Peuples. Ils ne regardent comme Ennemis que ceux qui conspirent contre l'autorité légitime des uns, et en imposent à la bonne foi des autres, pour les entraîner dans un abîme commun. Les vœux des Monarques ne sont dirigés que vers la Paix; mais cette Paix, bien que solidement établie entre les Puissances, ne peut répandre sur la société la plénitude de ses bienfaits, tant que la fermentation qui agite encore les esprits dans plus d'un Pays, sera entretenue par les suggestions perfides et par les tentatives criminelles d'une faction, qui ne veut que Révolutions et bouleversemens; tant que les Chefs et les instrumens de cette faction, soit qu'ils marchent à front découvert, attaquant les Trônes et les Institutions, soit

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