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les œuvres de Boileau. Il s'en occupait déjà depuis long-temps, puisque l'auteur de l'Art Poétique écrivait à son commentateur, le 29 juillet 1700, en parlant de la nouvelle Académie: Dites-leur que c'est à des lecteurs comme eux que j'offre mes écrits (1). M. Lepoulletier qui vint, en 1718, occuper la place de M. Méliand, ne fit son entrée à l'Académie qu'en 1720.

Dans le mois d'août 1714, M. Brossette, qui avait été choisi pour secrétaire de l'Académie, dès la naissance de ce corps, lui annonça qu'une compagnie d'amateurs de musique s'était formée depuis peu dans cette ville, et donnait des concerts tous les mercredis. M. le maréchal de Villeroi, gouverneur de la pro

(1) Boileau avait écrit à Brossette, le 2 juin 1700 : « Je suis ravi de « l'Académie qui se forme en votre ville. Elle n'aura pas grande peine à surpasser en mérite celle de Paris, qui n'est maintenant composée, à <«< deux ou trois hommes près, que de gens du plus vulgaire mérite, et qui «< ne sont grands que dans leur propre imagination...... Je suis persuadé » que dans peu ce sera à l'Académie de Lyon qu'on appellera des juge«ments de l'Académie de Paris. » Brossette répondait : « Notre Académie « naissante est bien sensible aux bontés que vous lui témoignez. C'est un grand motif d'émulation pour nous, et nous devons regarder vos éloges « comme d'utiles leçons. » Il disait ailleurs au grand satirique, qui demandait souvent des nouvelles des assemblées : « Notre Académie lutte autant qu'elle peut contre le mauvais goût du siècle, et nous tenons tous pour l'antiquité. »

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Dans l'attachement que Despréaux manifestait pour notre patrie, on retrouve l'empreinte de son caractère. « Je vous prie, écrivait-il à Brossette, << de bien témoigner mes respects à MM. de la ville de Lyon, et de leur bien «marquer que je ne perdrai jamais l'occasion de célébrer une ville qui a

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été pour ainsi dire, par ses pensions, la mère nourrice de mes Muses naissantes, et chez qui autrefois on obligeait les méchants auteurs d'effacer eux-mêmes leurs écrits avec la langue.

vince, ayant témoigné le désir d'être agrégé à cette société, ceux qui la composaient voulurent marquer combien ils étaient sensibles à cet honneur, en établissant l'association sous une forme certaine et régulière. Ils prièrent M. Brossette d'en rédiger les statuts. Ils demandèrent aussi à l'Académie un nom et une devise pour leur assemblée dont plusieurs Académiciens firent partie. C'était une branche collatérale de la famille d'Apollon. Il n'est pas étonnant qu'après un demi-siècle environ, toute la famille ait été définitivement réunie.

Examinons rapidement le régime intérieur des séances et les principaux travaux de l'Académie pendant la période que je parcours en ce moment. Aux périodes suivantes, le rapprochement des temps, la nature des choses, la direction des esprits, et même les circonstances politiques, leur donneront peut-être plus d'importance et d'intérêt.

Les séances se tinrent le lundi de chaque semaine jusqu'en 1718, le mardi jusqu'en 1720, le lundi jusqu'en 1724, et, enfin, depuis lors jusqu'à nos jours, le mardi leur a été exclusivement consacré. Il y a eu pendant très peu de temps deux assemblées par semaine. En 1714, le directeur que l'on nomma Président depuis la révolution, changeait tous les trois mois. Depuis 1720, il en a été nommé un pour un an dans chaque classe; de sorte qu'un des deux présidents fait, en séance publique, le rapport des travaux académiques d'un semestre; deux séances

publiques ayant lieu chaque année. Cet usage a été observé jusqu'en 1793.

Tous les savants, étrangers et nationaux, les hommes les plus élevés en dignité, lorsqu'ils passaient à Lyon, sollicitaient l'honneur d'être admis aux assemblées. On y recut tour-à-tour le romain Jacques Capecci, secrétaire de la reine de Pologne, auteur dramatique, traducteur des pièces de Corneille, Racine et Molière (27 août 1714). Le marquis d'Harlincourt, petit-fils du maréchal de Villeroi et neveu de l'archevêque il revenait de sa glorieuse campagne de Hongrie (31 mai 1718): Daniel Maïchel de Stuttgard (13 janvier 1719), qui improvisait en latin avec la plus grande facilité et qui obtint un certificat, dans la même langue, de ses assistances à l'Académie; Frédéric-Charles Baron de Salzbourg (25 avril 1719); le comte Massetti de Ravenne et le chevalier Fontana (5 février 1720); le marquis de Saint-Sulpice, le docteur Serron (12 février 1720), etc. (1).

On pense bien que

le P. de Colonia était, à l'é

(1) C'est sans doute dans cette période de 1700 à 1725 que, suivant M. Weiss (Biographie universelle, t. XLVII, p. 451), l'Académie de Lyon serait venue recevoir en corps, à l'entrée de la ville, le P. Vanière, qui se rendait de Toulouse à Paris. Mais si ces honneurs, réservés d'ordinaire aux princes, ont été rendus par la Compagnie à l'auteur d'un poème qui est écrit en langue morte et que personne ne lit plus, il faut qu'elle n'ait pas tenu à en conserver le souvenir dans ses fastes; car les procès-verbaux n'en font nulle mention, et l'auteur du Prædium rusticum n'a pas été placé au rang de ses associés.

poque dont je parle, un des Académiciens les plus laborieux. Dans le mois de juin 1718, il lut des réflexions critiques sur les inscriptions des monuments publics, lesquelles, suivant son avis, et suivant le bon sens, doivent être simples, courtes et nobles. II aurait dû ajouter, selon moi, qu'il faut toujours les composer dans la langue nationale (1). L'occasion de cette dissertation était la statue équestre de Louis XIV, érigée sur la place de Bellecour, en 1713 (2). L'Académie s'occupa long-temps des inscriptions qui devaient être placées sur le piédestal de ce monument, et n'en arrêta la rédaction qu'en 1742. Elles ont été bonnes, si le temps fait quelque chose à l'affaire. Après la contagion dont Marseille fut affligée en 1720, cette ville invita Colonia

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(1) C'était l'avis de Voltaire et de d'Alembert, et qui, mieux est, de Boileau, grand amateur de l'antiquité. Il écrivait à Brossette en 1701: « Je « suis assuré que si Térence et Cicéron revenaient au monde, ils riraient à gorge déployée des ouvrages latins des Fernel, des Sannazar et des « Muret. Il y a beaucoup de français dans tous les vers latins des poètes français qui écrivent en latin aujourd'hui; vous me ferez plaisir de parler « de cela dans votre Académie, et d'y agiter cette question : Si l'on peut « bien écrire dans une langue morte? » L'Académie de Lyon agita la question, et fut de l'avis de Boileau.

«

(2) Cette statuc avait été jetée en bronze à Paris, en 1674. Les deux figures, qui étaient d'un seul jet, avaient quinze pieds de haut et pesaient environ trente milliers. L'ouvrage était de Martin Desjardins, sculpteur du roi. Il fut rendu à Lyon le 2 août 1701. Les statues du Rhône et de la Saône qui décoraient le piédestal étaient des frères Coustou, Lyonnais; le piédestal et tous les autres ornements, de Chabry père. Voyez Ancienne statue de Louis XIV à Lyon, par M. Artaud, de l'Académie de cette ville. Lyon, Barret, 1826, in-8o.

à composer les inscriptions propres à exprimer la reconnaissance publique envers ceux dont les belles actions, dans ces temps malheureux, s'emparèrent pour jamais de la mémoire des hommes. L'auteur soumit son travail à l'Académie de Lyon ; il lui communiquait, à mesure qu'il en composait quelques parties, son histoire ecclésiastique, civile et littéraire.

En 1720, les jésuites du Petit-Collége, voulant manifester leur considération et leur attachement pour l'Académie, lui dédièrent des thèses de littérature soutenues par leurs écoliers d'humanités. Sur l'invitation qu'elle en reçut, l'Académie assista à ces exercices, et s'étant rassemblée au gouvernement, elle se rendit en corps à l'église du Petit-Collége, ayant en tête le prélat son protecteur; l'année suivante, le régent de la même école, le P. Duchastelard, récita une harangue pour l'ouverture des classes, en présence de MM. le Prévôt des marchands et échevins. Ce discours était principalement en l'honneur de l'Académie. Le programme publié à cette occasion portait ces mots : Litteras in prisco Lugduno florentes, in novo reflorescentes, dicet orator lugdunensis. L'orateur fit l'éloge de l'Académie en général et de la plupart des Académiciens en particulier, et remit au secrétaire Brossette, l'extrait de sa harangue. Dans la suite, l'Académie assista de même à un grand nombre de thèses qu'on lui fit l'honneur de lui dédier dans le Grand-Collége, dans le Petit-Collége et dans celui des Dominicains.

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