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d'Autun, un des hommes de France qui ont eu l'esprit le plus académique. M. Delandine se proposait de défendre ces Sociétés savantes et littéraires. Celle de Lyon s'en réjouissait. On comptait sur le zèle et les efforts de cet homme de lettres. Ils furent sans succès.

Rassemblons à présent quelques éléments de la fortune académique, afin que, par l'action lente mais sûre de la justice, on en recueille, s'il est possible, quelques débris. Ces richesses sont de trois espèces: argent, livres et monuments des arts.

Des Lettres Patentes de 1764 accordaient à la Compagnie 600 livres par année (1). Je ne parle pas ici de la rente de 300 livres, fondée par M. Christin en faveur de la Société royale des Beaux-Arts et dévolue à l'Académie depuis la réunion de 1758 (2). Il en sera question dans la seconde partie de cet ouvrage. Un Académicien, qui d'abord garda l'anonyme et qui ensuite se fit connaître, M. Jussieu de Montluel fonda une rente perpétuelle de cent livres destinée à l'accroissement de la Bibliothèque (20 novembre 1780). Ne pourrait-on pas trouver les moyens de faire de nouveau servir cette rente par les héritiers du fondateur? Quelque temps avant sa mort, M. de Bory remit à M. de la Tourrette un billet en date du 12 septembre 1782, signé : Gaillard pour M. de Montribloud.

(1) Ces Lettres Patentes sont rappelées dans plusieurs actes académiques. Je n'ai pas pu en retrouver un exemplaire.

(2) L'acte de création de cette rente perpétuelle est inséré à la fin du chapitre.

C'était une promesse de payer 1,630 francs, montant d'un legs fait à l'Académie par la veuve de Bordes. M. de Bory déclarait sur ce billet avoir reçu des créanciers de M. de Montribloud un à-compte de 196 liv. La révolution a englouti le reste, et il paraît de toute impossibilité d'exercer la moindre action pour ce recouvrement. Il faut comprendre dans ce bilan les 600 jetons accordés annuellement par la ville, et la rente fondée par l'on ne tardera pas le testament que

à lire.

Ici, l'intérêt public se lie essentiellement à l'intérêt d'une Compagnie littéraire. Il s'agit de l'exécu tion des dernières volontés d'un homme de bien. Un acte de justice, un acte de restitution reste à faire (1). La loi civile n'est pas observée; une réclamation, long-temps sourde et craintive, s'agrandit, s'élève, prend de l'éclat, dans des temps plus équitables et plus prospères. Quelques développements sont indispensables.

Pierre Adamoli, ancien conseiller du roi, maître des ports, ponts et passages de la ville de Lyon, mort le 3 juin 1769, fit, en 1763, un testament bien remarquable (2). Ces dispositions de dernière volonté montraient tout-à-la-fois la considération du testa

(1) Après vingt-cinq ans de réclamations, le principe de la restitution a été reconnu, et la restitution des livres opérée.

(2) Ce testament fut reçu par Antoine Roche, notaire, le 23 octobre 1763. Les minutes de Me Roche sont déposées chez Me Rosier", notaire, rue du Bat-d'Argent, à Lyon.

T. I.

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teur pour l'Académie, et le vif désir dont il était animé pour le progrès des sciences, et particulièrement de celles qui avaient fait dans les dernières années de sa vie, l'objet de ses études et de ses affections. Après les événements désastreux qui se sont passés, on est frappé d'un sentiment de surprise mêlé d'admiration, en voyant régner dans cet acte une prévision, une espèce d'esprit prophétique que donne l'étude de l'homme à ceux qui savent s'y livrer, et qui leur révèle dans le passé l'histoire de l'avenir.

Les legs de bienfaisance et d'amitié remplissent les premiers paragraphes de ce testament mystique, par lequel Pierre Adamoli instituait pour héritier universel Roch-Joseph Adamoli, son petit cousin, et pour exécuteurs testamentaires Jean-François Tolozan, avocat général en la cour des monnaies de Lyon, son parent et son ami, et Gaspard Adamoli, son cousin germain. Quant aux dispositions qui intéressent l'Académie, elles lui ont inspiré une reconnaissance trop constante et trop inaltérable; elles contiennent des faveurs trop précieuses, pour que je ne me fasse pas un devoir de les insérer ici en entier. Ce texte littéral rectifiera une erreur sans doute involontaire qu'a commise plusieurs fois M. Delandine, dans ses notices imprimées sur les manuscrits, Après avoir annoncé que l'état des acquisitions en livres faites par M. Adamoli, se montait, en janvier 1764, suivant une note de sa main, à la somme de 51,787 livres, il ajoute que cet Académicien en donna la propriété

à la ville, et la jouissance à l'Académie. On va voir, au contraire, par les propres expressions du testament, qu'il en donna formellement la propriété à l'Académie, et que les magistrats furent seulement priés d'en prendre soin, en cas de troubles publics, mais à la charge expresse de la restituer à l'Académie, aussitôt après le rétablissement de cette institution.

TESTAMENT ADAMOLI.

13. Item. Je lègue et donne à perpétuité et de bon cœur à Messieurs de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de cette ville de Lyon, à qui je suis très flatté de faire du bien, mon petit médailler avec ma petite collection d'histoire naturelle, en coquillages, pierres arborisées, et pétrifications, congellations, minéraux de différens genres; le tout néanmoins de peu de valeur, fermé dans des boîtes dans mon cabinet.

Item. Que je leur donne aux susdits Messieurs de l'Académie, comme à de bons citoyens, hommes de lettres, avec plus de plaisir ma bibliothèque entière composée à présent d'environ cinq mille volumes conformément à mon catalogue manuscrit divisé en onze cayers, la majeure partie in-folio et in-4o, en livres de choix et rares, même des ma nuscrits anciens; j'entends y comprendre aussi dans ledit legs tous les livres que je pourrais acquérir à compter de ce jour jusqu'à mon décès. Je veux et ordonne à mon héritier de remettre le tout aux susdits Messieurs de l'Académie, avec les onze cayers dudit catalogue, ou autres catalogues de mes livres qui pourraient se trouver alors sitôt après mon décès. Je joins à ce legs tous les rayons en planches et fermetures grillées en forme d'armoires, qui contiennent

les livres in-8° et in-12, dont les clefs leur seront remises de même que celles de mon grand cabinet de livres sitôt après mon décès; plus, je leur lègue pareillement, auxdits Académiciens, toutes les figures en bronze et autres sculptures qui ornent mon cabinet, notamment deux figures en plâtre plein, modèles du fameux Pigal, montées sur deux pieds d'estaux, représentant une Vénus et un Mercure, plus une vestale en bronze antique, haute d'environ quinze pouces, et un enlèvement d'une nymphe par Jupiter, grouppe médiocre, plus un aigle et un petit amour en cuivre doré, et toutes les autres figures qui pourraient se trouver en bronze et en marbre ornant mon cabinet lors de mon décès; j'entends aussi léguer à ces Messieurs tous les recueils d'estampes qui se trouveront reliés dans des grands livres en parchemin, ou rassemblés dans des porte-feuilles, lesquels doivent être couchés sur mon catalogue, de même que celles qui sont encadrées avec des verres, fermées dans mon cabinet; pour celles estampes qui se trouveront hors de mon dit cabinet, placées en différents endroits de mon appartement, resteront à mon héritier, ainsi qu'un billet de banque de 1720, encadré, placé en montre dans ledit cabinet, qu'il retirera.

Je donne et lègue pareillement auxdits Messieurs de l'Académie des Belles-Lettres de cette ville la somme de trois mille cinq cents livres payable six mois après mon décès, à la charge, par eux, de faire un emploi de ladite somme sur un fonds solide non imbringué en rente perpétuelle à l'intérêt le plus avantageux hypothéqué, soit sur les revenus et caisse générale de cette ville ou ailleurs, s'ils aiment mieux, pourvu que le placement soit sûr, solide et durable à perpétuité. Sur laquelle somme de trois mille cinq cents livres à eux léguée ainsi que sur la masse entière du fonds général des livres de ma bibliothèque, je veux et ordonne qu'il soit fondé à perpétuité par hypothèque spé

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