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compromettre en faisant par lui-même les premières démarches pour rechercher l'alliance d'une infante de Cas ille. Et cependant un si léger motif suffit à son père, le farouche Don Juan, pour faire à son fils, lors de sa seconde captivité, un grave chef d'accusation de sa conduite inconsidérée. Vainement Don

Carlos prouva qu'il avait préalablement déclaré ne pas vouloir se marier sans obtenir, avant tout, l'agrément de son père. Rien ne put faire fléchir l'orgueil de Don Juan, qui considérait toujours les droits et l'indépendance de la couronne comme violés et outragés par les démarches de son fils.

Mais alors, à cette cour de l'Escurial, devenue si lâche et si soumise, aussitôt qu'on entendit le nom de Napoléon se mêler aux aveux du prince, tout le monde s'effraya, et on ne demanda plus qu'à sortir d'un si grand embarras; on devait croire que Ferdinand n'avait rien fait que d'accord avec l'empereur, et que c'était en comptant sur son appui qu'il s'était jeté dans cette hasardeuse entreprise. L'immense pouvoir de Napoléon, et les troupes qui avaient commencé d'entrer en Espagne, en menaçant de près ceux qui s'opposeraient à ses desseins, effrayèrent le généralissime Godoy, qui résolut de couper court au procès entamé. Une dépêche qu'Izquierdo lui adressa de Paris, en date du 11 novembre, dut le confirmer de plus en plus dans cette résolution. Cet agent y rapportait une conférence qu'il avait eue avec M. de Champagny, et dans laquelle le ministre français avait exigé, par ordre de l'empereur, « que, « par aucun motif ni raison quelconque, ni sous au«< cun prétexte, il ne fût parlé ni rien publié dans « cette affaire de ce qui pourrait avoir relation avec

l'empereur et son ambassadeur. » Napoléon, encore incertain sur la manière dont il exécuterait ses projets à l'égard de l'Espagne, ne voulait point pa

raître, aux yeux de l'Europe, comme ayant eu part aux événemens de l'Escurial.

Avant même de recevoir l'avis d'Izquierdo, il suffit au prince de la Paix d'apprendre les nouveaux aveux de l'auguste prisonnier, pour se rendre aussitôt à l'Escurial en quittant Madrid, où il était resté sous prétexte de maladie, tout le temps des arrêts de Ferdinand. Il se proposait, au moyen de ce voyage, de couper court à un procès dont la tournure présentait un nouvel et désagréable aspect. Il vit le roi et la reine, se concerta avec eux, et leur offrit d'arranger une affaire si épineuse. Il passa donc à la demeure du prince, se présenta à lui en qualité de médiateur, et lui proposa, pour apaiser la colère de ses augustes parens, de leur demander, en fils repentant et soumis, un généreux pardon; il lui indiqua en même temps que, pour l'obtenir, il conviendrait qu'il écrivît deux lettres qu'il avait rédigées à l'avance. Ferdinand copia les lettres. Ses malheurs et la profonde haine que l'on portait à Godoy ne laissèrent pas de place aux pénibles réflexions que devait inspirer la conduite du prince; l'excuse même trouva crédit chez des esprits exclusivement irrités contre le gouvernement et les manéges du favori. Les deux lettres furent publiées avec le décret du 5 novembre. Ces documens sont si curieux et d'une telle importance, qu'ils méritent d'être insérés ici en leur entier. « La «voix de la nature (disait le décret adressé au conseil)

désarme le bras de la vengeance, et lorsqu'une « faute réclame le pardon, un père qui aime ses en<< fans ne peut s'y refuser. Mon fils a déjà avoué quels « étaient les auteurs du plan horrible que lui avaient «fait concevoir quelques scélérats; il a tout déclaré

suivant les formes usitées en droit, et tout a été <«< consigné avec le soin scrupuleux qu'exige la loi << pour de semblables preuves. Son repentir et son ef

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.. er sa e quaine de ro, et de pere: Il & IN TOTeens, et joffre a V. M. Lopassett & plus zumbie. Je ne « devais ner faire !inst de V. X.; mais nu reizion

a ete surprise. Ja. Genous les coutubes, et je « demande a V. M or ele me pardonne de ir avoir « menti l'autre nuit, et qr elé permet de baiser « ses pieds royaux a sol is reconnaissant

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Maman, je suis bien repentant de l'énorme delit « que j'ai commis contre mes parens et souverains, « Et ainsi je demande avec la plus grande humilité à « V. M. qu'elle daigne intercéder auprès de papa pour « qu'il permette d'aller baiser ses pieds royaux à son « fils reconnaissant.

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En égard à ces représentations et à la prière de la

«reine, mon épouse bien-aimée, je pardonne à mon «fils, et je le ferai rentrer en ma grâce lorsque, par << sa conduite, il m'aura donné les preuves d'une ré«forme positive dans la légèreté de ses procédés; et « j'ordonne que les mêmes juges qui étaient saisis de « la cause dès son origine, la suivent, en leur per<<mettant de s'associer des collègues, s'ils en avaient « besoin, et que, le procès terminé, ils me soumet<< tent la sentence, conformément à la loi, d'après la « gravité des délits et la qualité des personnes qui <«<en sont accusées, posant en principe, pour l'éta<«<blissement des chefs d'accusation, les réponses don«nées par le prince et les demandes qui lui ont été «faites, puisque toutes ont été paraphées et signées << de ma main; et que cet ordre soit communiqué à <«< mes conseils et tribunaux, en le faisant circuler << pour la connaissance de mes peuples, afin qu'ils y << reconnaissent ma clémence et ma justice, et cal<«<ment l'affliction et l'inquiétude dans lesquelles les «a jetés mon premier décret; car ils y verront le pé<«<ril auquel a été exposé leur souverain et leur père,

qui les aime comme ses enfans, et qui espère qu'ils «<le lui rendront de même. Vous tiendrez cela pour << entendu, afin d'en soigner l'exécution. San-Lo<< renzo, 5 novembre 1807. »

Présenter Ferdinand, à la face de l'Europe entière, comme un prince faible et coupable; le discréditer dans l'opinion de la nation, et le perdre dans l'esprit de ses partisans; mettre à couvert l'ambassadeur français, et placer son gouvernement en dehors de tous les incidens du procès, tel fut le principal but de Godoy et de son parti, en opérant cette singulière réconciliation entre le père et le fils. Il y parvint jusqu'à un certain point; mais le public, bien qu'il ne connût qu'imparfaitement le fond des choses, prit en mauvaise part l'officieuse médiation du favori, et la haine

qu'inspirait sa personne, loin de se calmer, ne fit que prendre une nouvelle violence.

Pour suivre le procès contre les autres accusés, le roi nomma, le 6, une junte composée de Don Arias Mon, de Don Sébastian de Torrès et de Don Domingo Campomanès, membre du conseil royal, et lui désigna, en qualité de secrétaire, Don Benito Arias Prada, alcalde de cour. Ce fut le marquis Caballero, qui se montra sévère dès le commencement, et même à tel point qu'ayant déclaré, en présence du roi et de la reine, que le prince avait encouru sur sept chefs la peine capitale, il obligea la reine, tout offensée qu'elle fût, à le supplier de se rappeler que l'accusé était son fils; ce fut ce même Caballero qui régla le mode à suivre dans la procédure, et la manière d'en écarter tout ce qui pourrait compromettre l'ambasdeur français: trait digne en tout point d'un caractère aussi abject. L'enquête une fois établie, Don Simon de Viegas fut choisi pour remplir, dans le procès, les fonctions de procureur fiscal, et l'on adjoignit aux juges déjà nommés huit autres conseillers pour rendre l'arrêt. Le fiscal Viégas demanda que la peine prononcée contre les traîtres par la loi de Partida fat appliquée à Don Juan Escoiquiz et au duc del Infantado, et que les sentences les plus sévères fussent rendues contre le comte d'Orgaz, le marquis d'Ayerbe et d'autres personnes de la maison du prince des Asturies, pour infidélité dans l'exercice de leurs fonctions. Le procès continua jusqu'au 25 janvier 1808, jour où les juges, sans se conformer au réquisitoire du procureur fiscal, absolvèrent complètement et déclarèrent libres de toute charge ceux contre lesquels avaient été jusqu'alors dirigées les poursuites. Cependant le roi, de son autorité privée et par voie de gouvernement, confina dans des couvens et des forteresses et envoya en exil Escoiquiz, les ducs del

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