Page images
PDF
EPUB

ger sa propre résolution, qu'elle fût assurée du camp de Saint-Roch et de Cadix, où se trouvaient réunies les forces de terre et de mer les plus considérables et les mieux disciplinées que l'Espagne possédât alors. Convaincue de cette vérité, la junte dépêcha immédiatement sur ces points deux officiers d'artillerie qui avaient toute sa confiance. Celui qui se rendit à SaintRoch accomplit sa mission avec peu de difficulté, car il trouva le commandant Don Francisco-Xavier Castaños disposé à se soumettre à tout ce que prescrivait la junte. Déjà, à l'avance, ce général avait établi des relations avec sir Hugh Dalrymple, gouverneur de Gibraltar, et loin de les interrompre à l'arrivée à son quartier-général de l'officier français Rogniat, de la mission duquel nous avons fait mention dans le livre précédent, il rendit ces communications de plus en plus étroites et fréquentes. Rien ne put l'empêcher de les suivre, ni les offres que lui apporta un autre officier de la même nation dépêché à cet effet, ni l'amorce de la vice-royauté de Mexico, que l'on tenait en réserve à Madrid, pour flatter d'une dignité si haute l'ambition des généraux dont la décision semblait avoir le plus d'importance. Il est à croire pourtant que les conférences avec Dalrymple n'auraient mené à rien., si l'envoyé de Séville ne fût arrivé si à propos. A sa réception, Castaños se prononça ouvertement, et la cause commune gagna, par sa déclaration favorable, les neuf mille hommes de troupes réglées qu'il avait sous ses ordres.

A Cadix, de plus grands obstacles arrêtèrent le comte de Téba, l'autre officier envoyé de Séville. C'est dans cette place que résidait habituellement le capitainegénéral de l'Andalousie, emploi qu'occupait alors Don Francisco Solano, marquis del Socorro et de la Solana. Il y avait peu de temps qu'il avait repris son poste, au retour de l'expédition de Portugal, où nous l'avons vu

TOM. I.

14

rever des ameherations pour le pays confié à ses soins. Depuis le 2 m. dire et fate par les Français, vaincu surtout par les consells de queignes Espagnols, ses anciens amis. A se montrait avec indiscretion partisau des carasseurs, et tratat de fole toate tentative de resistance. Deja, a men du mois de mai, il avait con quelque dancer à Badajoz, à cause de Fimprudence avec laquelle ils exprimait. Il se montra pas plus de reserve sur toute la route. Quand il traversa Serie, ceux qui en organisaient le soulèvement eurent une entrevse axee hai, mais il évita de prendre ancen engagement, et fatigué de leurs instances, ayant demandé du temps pour reflechir, il se båta de se rendre a Cadix. Pen satisfuts de son indécision, et des que le soulèvement du 27 eut eu lieu, quelques-uns des conspirateurs devenus membres de la nouvelle junte engagerent cette assemblée à dépêcher le lendemain le comte de Téba, qui fit à grand bruit son entrée dans les murs de Cadix. Le général Solano y était tres-aimé. Il devait l'affection du peuple à sa conduite antérieure dans le gouvernement de la province, aux efforts constans qu'il avait faits pour être agréable à la garnison et aux habitans. Cette affection se serait changée en idolatrie, s'il se fut franchement déclaré pour la cause nationale. Il resta vacillant et incertain, et cette hésitation dans un homine jusque-là prompt et décidé, fut taxée de trahison préméditée. Nous croyons fermement que, d'une part, les espérances et les promesses dont on l'avait bercé, de l'autre, les dangers qu'il envisageait en examinant militairement la situation de l'Espagne, ne lui laissèrent pas la liberté d'esprit qui lui était nécessaire pour embrasser franchement honorable parti auquel Séville le conviait. Ainsi, quand il reçut les dépêches de Ja junte, il imagina de prendre un biais pour se met

rt.

Ce fut dans ce but qu'il convoqua une réunion de généraux, pour qu'on y décidât ce qu'il convenait de' faire, à propos du message apporté par le comte de Téba. L'objet fut longuement discuté, et l'avis de Solano prévalant, comme il était naturel, on arrêta la publication d'un ordre du jour, dont le style découvrait bien la main qui l'avait écrit. On y exposait les raisons militaires qui faisaient considérer comme téméraire la résistance aux Français, et, après quelques réflexions hors de propos, on finissait par annoncer que, puisque le peuple la désirait, malgré les puissantes raisons alléguées, on allait préparer un enrôlement; et envoyer des commissaires à Séville et à d'autres endroits; on ajoutait que les onze personnes qui signaient l'ordre du jour étaient prêtes à se soumettre à la volonté du peuple. Solano, satisfait de la décision prise, mais n'ayant pas le temps de la faire afficher de jour, fit publier son ordre, de nuit et par les rues, avec des torches allumées et dans le plus grand appareil, comme si l'arrêté seul n'eût pas été suffisant pour alimenter l'inquiétude populaire.

: Cette étrange cérémonie attira une foule de curieux, et dès qu'on entendit la publication officielle, l'irritation saisit tous les assistans, au point que les plus hardis, pensant mettre à profit l'occasion que leur offraient le bruit et le désordre, entraînèrent la multitude à l'hôtel du capitaine-général. Là, un jeune homme appelé Don Manuel Larrus, montant sur les épaules d'un autre, prit la parole, et rétorquant l'une après l'autre toutes les raisons données dans l'arrêté, il finit en demandant au nom de la ville qu'on déclarât la guerre aux Français, et qu'on obligeât à se rendre leur escadre mouillée dans le port. A la voix du jeune homme, l'altier Solano perdit toute assurance, et celui qui, pour son bonheur et celui de sa patrie, aurait pu, en se mettant à leur tête, être le maître et

l'arbitre de ses compatriotes, fut contraint de se trainer à la suite d'un inconnu. Il promit de réunir le lendemain les généraux, et assura que tout ce que demandait le peuple serait accompli.

Le tumulte excité par la publication de l'ordre du jour continua jusqu'au jour, et la multitude assiégea et rasa la maison du consul français, M. Leroi, dont le langage hautain et grossier lui avait attiré l'aversion même des habitans les plus tranquilles. Le consul se réfugia dans le couvent de San-Âgustin, et de là, à bord de l'escadre française. Après cette violence, on relacha quelques prisonniers, mais le désordre n'alla pas plus loin. Les mutins se portèrent ensuite sur le pare d'artillerie pour s'emparer des armes, et les soldats, loin d'opposer de la résistance, les excitèrent et leur prêtèrent la main.

Le matin du jour suivant, 29 mai, Solano présida la junte de généraux dont il avait promis la convocation, et tous se soumirent à la volonté du peuple. Déjà, quelques-uns d'entre eux, à la vue du mauvais effet causé par la publication de leur arrêté, avaient essayé de rejeter sur le capitaine général leur propre responsabilité, l'accusant d'avoir emporté la décision par ses efforts personnels: indigne faiblesse, qui ne contribua pas peu à indisposer de plus en plus les esprits contre Solano. Ce qui ajoutait encore à l'irritation, c'était la froideur et l'indifférence que montrait cet homme d'un caractère si fougueux. Aussi la malveillance et l'inimitié ne manquèrent-elles pas de tourner contre sa personne les apparences qui lui étaient contraires, et ces deux passions attisèrent traîtreusement la noble exaltation qui régnait alors.

Dans la journée, l'adjudant Don José Luquey se présenta sur la place San-Antonio, pour annoncer à la multitude qui s'y était rassemblée que, d'après un conseil tenu les officiers de marine, il était impos

par

sible d'attaquer l'escadre française sans abîmer les bâtimens espagnols qui s'y trouvaient encore mêlés. Les assistans s'irritèrent, et, vers les quatre heures du soir, se dirigèrent sur l'hôtel du général. On y laissa monter trois d'entre eux, parmi lesquels se trouvait un individu qui, de loin, ressemblait à Solano. La foule était immense, et le tapage si grand que personne ne s'entendait. En ce moment, le jeune homme qui avait quelque ressemblance avec Solano se mit au balcon; la multitude troublée le prit pour Solano luimême, et les signes qu'il faisait afin d'être entendu, pour un refus à la demande d'attaquer l'escadre française. Alors, une soixantaine d'hommes qui étaient armés firent feu contre l'hôtel, et le piquet de garde, commandé par l'officier San-Martin, depuis célèbre général au Pérou, se réfugia dedans, et barricada la porte. La rage populaire s'accrut; on amena du parc cinq pièces d'artillerie, et l'on braqua contre la façade, séparée du parapet par une rue basse, un canon de 241 qui s'y trouvait en batterie. Les portes furent brisées en un instant, Solano s'enfuit, et, s'échappant par la terrasse qui sert de toiture, il se réfugia chez son voisin et ami l'Irlandais Strange. En arrivant, il y rencontra un certain Don Pédro Olaechea, homme obscur, qui avait été novice dans la chartreuse de Xerez, et que l'on comptait parmi les principaux instigateurs du trouble. Celui-ci, présumant que le général fugitif se serait caché dans cette maison, avait pris les devans, et y était entré par la porte principale. Solano fut d'abord surpris de cette rencontre inattendue; mais, aidé par le commandant du régiment de Saragosse, Creach, qui venait, par hasard, faire une visite à Mme Strange, ils parvinrent ensemble à enfermer l'ex-chartreux dans un corridor, d'où celui-' ci, voulant s'échapper par une lucarne, tomba dans la cour, et mourut de la chute quelques jours après. Mais

« PreviousContinue »