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prince Ferdinand à une princesse du sang impérial de Napoléon. L'ambassadeur tomba d'accord avec Escoiquiz sur la plupart de ces points, principalement sur le dernier, promettant de lui donner plus tard une réponse catégorique. Ces démarches furent suivies de plusieurs autres, plus ou moins directes, mais qui n'eurent rien d'important, jusqu'à ce que, le 30 septembre, M. de Beauharnais écrivit une lettre à Escoiquiz, dans laquelle, en soulignant ces expressions

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qu'il ne lui suffisait pas de vagues promesses, et qu'il lui fallait une garantie », il donnait par là même à entendre qu'elles sortaient de la bouche de son maître. Attentif à cette insinuation, le prince des Asturies s'adressa le 11 octobre à l'empereur des Français, dans des termes dont il aurait pu résulter, ainsi que nous le verrons bientôt, de graves charges contre sa personne.

Ce fut à ce point qu'arrivèrent les négociations entre l'ambassadeur Beauharnais et Escoiquiz, dont le principal objet tendait à régler l'union du prince Ferdinand avec une nièce de l'impératrice, que l'on offrit plus tard au duc d'Aremberg. Tout porte à croire que l'ambassadeur agit d'après les instructions de son maître; et s'il est vrai que l'empereur désavoua les démarches de M. de Beauharnais, il n'en est pas moins probable que celui-ci ne se fût pas exposé, avec un souverain si peu endurant, à en faire de tellement importantes sans autorisation préalable. Peut-être put-il outrepasser ses instructions; peut-être des intérêts de famille l'engagèrent-ils à proposer pour épouse au prince des Asturies une personne à laquelle l'attachaient des liens de parenté; mais ce qui prouve que la négociation prit naissance à Paris, c'est que l'empereur soutint plus tard son représentant.

De pareils pourparlers, cependant, avaient plutôt l'air d'un passe-temps que d'être l'effet d'une mûre et

sérieuse résolution. Il allait mieux au caractère ein porté de Napoléon de chercher à arriver par la violence et la ruse à l'accomplissement des vues que lui suggéraient sa politique et son ambition. C'est ainsi que, pour écarter tout obstacle et se préparer peu à peu à l'exécution de ses projets, il demanda de nouveau au gouvernement espagnol un secours de troupes. Charles IV, se conformant aux voeux de son allié, décida, au mois de mars 1807, qu'une division réunie à celle qui était en Toscane, et composant ensemble un corps de quatorze mille hommes, se dirigerait sur le nord de l'Europe. De cette manière, chaque jour voyait décroître les ressources de l'Espagne et ses moyens de résistance.

En attendant, Napoléon, poursuivant avec succès la campagne dirigée contre les armes combinées de la Prusse et de la Russie, avait, le 8 juillet suivant, conclu la paix à Tilsitt. Quelques-uns se sont figuré qu'en ce même lieu, les deux empereurs russe et français se concertèrent pour la décision de plusieurs affaires épineuses et secrètes, et que l'une d'elles était l'abandon du sort de l'Espagne à la volonté de Napoléon. Nous avons consulté sur une matière aussi grave les témoignages d'hommes respectables, qui eurent une part principale dans ces conférences et ces négociations. Sans intérêt à cacher la vérité, et loin déjà de l'époque où elles eurent lieu, ils ont répondu à nos questions, que l'on n'avait parlé alors que vaguement des affaires de l'Espagne, et que seulement Napoléon, se plaignant avec aigreur de la proclamation du prince de la Paix, ajoutait qu'aussitôt que les Espagnols le voyaient occupé autre part, ils changeaient de langage et cherchaient à l'inquiéter.

Quoi qu'il en soit, il reste certain que Napoléon, rassuré du côté de la Russie par la paix conclue avec , put tourner plus à son aise vers le Midi les re

elle

gards inquiets de son insatiable ambition. Il songea d'abord à masquer ses desseins en mettant en avant la nécessité d'étendre partout le système continental (dont il avait jeté les bases dans son décret de Berlin, du mois de février de la même année ), et d'arracher à l'Angleterre son ancien et fidèle allié le roi de Portugal. Il était, en effet, très-important pour le succès d'une tentative ou d'un plan quelconque contre la Péninsule, de soumettre Lisbonne, d'éloigner les Anglais de ses ports, et d'avoir un prétexte plausible en apparence d'introduire des forces nombreuses jusque dans le coeur de l'Espagne.

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Pour donner commencement à son entreprise, il pressa avec activité les négociations entamées avec Izquierdo, et, à la faveur de celles-ci et du traité qu'on discutait, il commença, au mois d'août 1807, à réunir à Bayonne une armée de vingt-cinq mille hommes, sous le titre de corps d'observation de la Gironde nom dont le gouvernement français couvrait astucieusement ses vues hostiles contre la péninsule espagnole. On donna le commandement de ces forces à Junot, qui, en 1805, ambassadeur en Portugal, avait abandonné les loisirs de sa pacifique mission pour suivre son chef dans ses hardies entreprises de guerre. Maintenant il se préparait à retourner à Lisbonne non plus pour occuper son ancien poste, mais pour renverser du trône une auguste famille qui l'avait honoré des insignes de l'ordre du Christ.

Quoique nous ne nous proposions pas de présenter un rapport détaillé des graves événemens qui vont se passer maintenant en Portugal, nous ne pouvons manquer cependant de leur donner ici place, à cause de leur intime connexion avec ceux d'Espagne. A Paris, on examinait avec Izquierdo les moyens de diviser et de se partager ce royaume, et, pour que tout fût prêt le jour de la conclusion du traité, outre la réunion des

troupes aux pieds des Pyrénées, on arrêta que des négociations suivies à Lisbonne fraieraient le chemin à l'exécution des plans convenus entre les deux puissances contractantes. La trame ourdie contre le Portugal commença par l'envoi de notes que présentèrent, le 12 août, le chargé d'affaires français, M. de Rayneval, et l'ambassadeur d'Espagne, comte de Campo-Alange. Ils disaient l'un et l'autre qu'ils avaient ordre de demander leurs passeports et de déclarer la guerre au Portugal, si, pour le 1" septembre prochain, le princerégent n'avait pas manifesté la résolution de rompre avec l'Angleterre, et d'unir ses escadres à celles des autres puissances du continent, afin d'agir de concert contre l'ennemi commun; on exigeait en même temps la confiscation de toutes les marchandises d'origine britannique, et l'arrestation, en qualité d'ôtages, des sujets de la même nation. Le prince-régent, d'accord avec l'Angleterre, répondit qu'il était prêt à fermer ses ports aux Anglais, et à rompre toute relation avec son ancien allié; mais que de confisquer en pleine paix toutes les marchandises britanniques et d'arrêter des étrangers inoffensifs, étaient des mesures tout-àfait opposées aux principes de justice et de modération qui l'avaient toujours guidé. Les représentans d'Espagne et de France n'ayant pas obtenu ce qu'ils avaient demandé (résultat entièrement conforme aux véritables intentions de leurs cours respectives), ils partirent de Lisbonne avant le commencement d'octobre, et leur départ fut le prélude de l'invasion.

Les négociations suivies avec Izquierdo n'étaient pas encore terminées; aucun traité n'avait été conclu; cependant Napoléon, impatient et brûlant du désir de commencer son entreprise, fut à peine informé du départ des ambassadeurs, qu'il donna l'ordre à Junot d'entrer en Espagne. La première division française, aux ordres du général Delaborde, passa donc la Bi

dassoa le 18 octobre, époque mémorable, source féconde de cette foule de maux, de désastres, de perfidies et de faits héroïques, dont l'histoire va nous dérouler le tableau. La première division, une fois passée, fut bientôt suivie de la seconde et de la troisième, commandées par les généraux Loison et Travot, et de la cavalerie, aux ordres du général Kellermann. A Irun, Don Pedro Rodriguez de la Buria eut ordre de recevoir et de complimenter Junot, commission qu'il avait déjà remplie à l'époque de la première guerre avec le Portugal. Les troupes françaises se dirigèrent, par Burgos et Valladolid, sur Salamanque, où elles arrivèrent vingt-cinq jours après leur entrée en Espagne. Partout, sur leur passage, elles furent bien accueillies et fêtées par les habitans, qui, au milieu des soins les plus empressés, étaient loin d'imaginer de quelle ingratitude serait un jour payée leur prévenante hospitalité.

Sur ces entrefaites, les négociations suivies en France touchaient à leur dernier terme, et, le 27 octobre, fut signé à Fontainebleau, entre Don Eugenio Izquierdo et le général Duroc, grand-maréchal du palais de l'empereur, un traité (1) composé de quatorze articles, auquel était annexée une convention qui en comprenait sept autres. Par ce traité, la France et l'Espagne disposaient du Portugal, comme les puissances du Nord avaient autrefois disposé de la Pologne, avec cette différence que les gouvernemens qui signèrent ce célèbre partage étaient égaux en puissance, tandis qu'à Fontainebleau, il n'y avait aucune proportion entre les deux parties contractantes, et lorsqu'arriva le moment d'exécuter la convention, on vit se réaliser la fable bien connue du partage du lion : l'Espagne resta les mains vides, et son insatiable allié

(1) N° 2, App.

TOM. I.

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