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difie, contient les deux tiers de son poids d'eau. Ce sont surtout les étages supérieurs, ceux que doit habiter la classe ouvrière, qui reçoivent leurs hôtes de bonne heure; on en a vu se remplir de locataires avant l'entier achèvement du toit. De tous les capitaux, celui dont le peuple est le plus prodigue, c'est sa santé. Nous l'avons dit, des maladies graves et fréquentes n'ont pas d'autre cause que l'habitation prématurée des maisons récemment construites; les plus ordinaires sont le rhumatisme aigu ou chroniqne sous toutes les formes, des engorgements inflammatoires d'articulations, des bronchites à tous les degrés, des fluxions intenses, fixées sur les membranes muqueuses et sur les organes parenchymateux. Ce puissant agent d'insalubrité provoque les inflammations chroniques du système lymphathique, des indurations glandulaires opiniâtres, des tubercules dans le poumon, des dégénérations organiques variées, et les tumeurs blanches articulaires, soit rhumatismales, soit scrofuleuses. Ces accidents ont été fréquemment si prompts, et tellement immédiats, qu'on ne pouvait élever aucun doute sur leur cause. Plus les matériaux avec lesquels une maison est construite ont la propriété de conserver longtemps leur humidité, plus ils maintiennent leur influence délétère. Certains murs épais ne sont complètement secs qu'après leur exposition à l'air pendant plusieurs années; leur chaux retient longtemps son eau de cristallisation. Lorsqu'un appartement est bien aéré pendant l'été, et bien ventilé et chauffé pendant l'hiver, une année peut suffire pour la dessication complète de la chaux et du plâtre. Six mois sont un espace de temps suffisant pour les maisons qui sont construites en bois et en briques, ou en matériaux légers; il faut dix-huit mois, au moins, pour l'entière dessication des murailles épaisses d'un hôpital ou d'une prison. Nul doute qu'il n'existe un rapport de causalité entre la mortalité, et l'habitation trop prompte de maisons neuves ou récemment réparées. Une Administration sage doit prendre des mesures contre la cupidité des entrepreneurs, et protéger l'imprévoyance des citoyens contre elle-même.

$4. HAUTEUR ET CONTENANCE DES MAISONS; LEUR ORIENTATION. La hauteur d'une maison n'est point une circonstance indifférente pour la salubrité; elle a, sous ce rapport, une influence dont

il faut tenir compte. Réduite à un seul étage, l'habitation est trop rapprochée du sol, et ne reçoit l'eau et la lumière que d'une manière imparfaite; deux étages avec rez-de-chaussée, des greniers et des caves, sont une proportion très convenable. Il y a des maisons de six et huit étages, sur douze ou quinze fenêtres de façade, non compris les mansardes et l'entresol. Ces masses gigantesques de pierre et de chaux renferment, dans de très petits appartements, une population qui serait, ailleurs, celle d'une ville. Une élévation aussi démesurée a des inconvénients de plus d'un genre: et d'abord, l'extrême hauteur des murailles rétrécit beaucoup la rue et la change en un étroit canal aérien : des ouvriers ou des gens de service, en général peu soigneux, occupent les étages supérieurs, dont la propreté laisse, en général, beaucoup à désirer. C'est pour les habitants de ces hauts étages une grande fatigue physique, que celle de l'ascension d'un si grand nombre de marches: beaucoup de vieillards et de personnes asthmatiques ne peuvent la supporter. Plus la population d'une maison est considérable, plus les foyers d'infection sont nombreux, et plus encore il est difficile de maintenir la propreté sur l'escalier et sur les paliers. Il n'y a point assez d'air et de lumière à l'étage inférieur, tandis que le supérieur a trop de chaleur et de soleil en été, et est glacial en hiver. Ces maisons prodigieuses ne sont certainement pas celles qui réunissent les meilleures conditions de salubrité.

L'orientation est beaucoup. En général, l'exposition au nord est froide, triste, fatigante pour tout le monde, et particulièrement désagréable aux femmes nerveuses et aux poitrines délicates. Il y a, dans Berne, une très grande rue dont la position est telle, que l'une de ses faces ne reçoit jamais le soleil; c'est le côté de l'ombre. Un appartement tourné au midi est plus sain, mais il a beaucoup à souffrir, dans certaines localités, de la poussière et de l'ardeur du soleil. De toutes les expositions, la meilleure est celle de l'est. Quelques maisons sont libres par leurs quatre faces, et permettent au locataire qui occupe un étage entier de varier le choix de la pièce qu'il habite, selon l'heure du jour; mais ce cas est exceptionnel : presque toutes les maisons, dans les rues, ont deux de leurs côtés engagés, et doivent accepter la position que leur assigne l'orientation de la rue. Si la situation d'une maison, sur une place ou sur un quai, a quelques inconvénients

quant à la poussière et à la difficulté de se garantir du soleil, elle a des avantages incontestables, au premier rang desquels il faut placer l'agrément de la vue, plus important qu'on ne pense pour le maintien de la santé. L'aspect d'un mur enfumé ou des tuiles appelle des idées tristes, qui agissent à la longue sur le physique; celui d'un fleuve, d'un jardin, d'une verte campagne, d'un large espace au ciel, ou d'une promenade fréquentée, entretient la sérénité d'esprit, dont la santé s'accommode si bien. Ce n'est pas toujours un voisinage désirable que celui d'une rivière, surtout pendant l'été, lorsque les eaux sont stagnantes ou n'ont qu'un faible courant; alors des myriades de cousins (culex pipiens) pénètrent dans les appartements, en dépit de toutes les précautions, par les joints des portes et des fenêtres, ou par les conduits ménagés aux eaux pluviales, et poursuivent de leurs douloureuses piqûres les habitants des maisons ainsi placées.

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§ 5. AMÉNAGEMENT INTÉRIEUR. ALLÉES, COURS, ESCALIERS, TOITURE, AU POINT DE VUE DE LA SALUBRITÉ. On nomme allées des couloirs d'ordinaire assez mal éclairés, qui de la rue conduisent à la première marche de l'escalier, et à une cour par laquelle on descend dans les caves. Ces couloirs sont dallés et creusés sur un de leurs côtés d'une gouttière pour l'écoulement des eaux ménagères, et assez souvent d'un liquide plus infect. Grand nombre de maisons, à Paris, les hôtels surtout, n'ont pas d'allées; mais la plupart des maisons, dans les grandes villes de province, affectent cette disposition. Les maisons pourvues d'un portier et dont l'allée est habituellement fermée, ont, sous ce rapport, un avantage sanitaire sur les autres.

Une cour est un espace libre, ménagé dans l'intérieur de la maison, pour distribuer aux appartements qui s'ouvrent de ce côté l'air atmosphérique et la lumière solaire; elle remplit d'autant mieux cette fonction, qu'elle a plus de surface. Vastes et bien percées, les cours donnent un accès facile au soleil et à l'air, surtout si elles ne sont pas environnées de murailles trop élevées; mais telle n'est pas leur disposition ordinaire. Comme leur étendue est prise aux dépens de la capacité des appartements, les entrepreneurs les font presque toujours aussi petites que possi

ble, et ils les entourent de murs d'une très grande hauteur. Ainsi rétrécies, elles sont obscures, humides, malsaines, et deviennent une espèce de cloaque dans lequel stagne un air lourd et infect. Beaucoup sont tellement exiguës, qu'elles ne présentent pas, en surface, le dixième de celle des bâtiments environnants. Larges et bien disposées, les cours sont un élément puissant de salubrité pour les maisons; trop étroites et sombres, elles deviennent une cause d'insalubrité.

Les escaliers conduisent du niveau du sol au point le plus élevé de l'habitation; on les construit soit en bois, soit en pierre. Ils sont tantôt peints, cirés et tenus avec une propreté parfaite ; tantôt humides et couverts des immondices des appartements de tous les étages. Ceux des vieilles maisons sont raides, étroits, obscurs, et tournent sur eux-mêmes en spirale; le moindre faux pas expose aux chutes les plus dangereuses. Ce n'est point tout: on y voit, d'étage en étage, des latrines toujours ouvertes et d'une insigne malpropreté. Dans certaines villes, les vieilles maisons ont encore d'autres inconvénients: leur population peu soigneuse se compose d'ouvriers, dont les enfants couvrent de leurs déjections les marches et ce qu'on appelle le carré. Une bonne police municipale ne doit pas permettre de tels abus. Un escalier bien construit est large et bien aéré; chaque marche a peu d'élévation, et des points de repos sur une surface plane sont ménagés à de courts intervalles. Dans les maisons bien tenues, l'escalier est fermé, à sa partie inférieure, par une boiserie vitrée. Ses conditions principales de salubrité sont une propreté toujours parfaite, et une disposition telle, qu'il soit bien accessible à la lumière du ciel, sur tous les points de son parcours des balustrades en bois, en fer ou en fonte, plus ou moins ornées, ferment les points qui s'ouvrent sur la cour. Il importe beaucoup qu'il soit bien éclairé jusqu'à une heure avancée de la nuit ; c'est un soin dont le gaz s'acquitte fort bien dans toutes les villes où il est établi.

Il y a plusieurs genres de toitures: on les fait en tuìles, en ardoises, en zinc, selon les localités. Elles ont une inclinaison suffisante pour l'écoulement des eaux pluviales, que reçoivent des conduits, soit en fer battu, soit en fonte. Au reste, le toit peut présenter des formes variées. Il faut qu'il ne fasse point saillie en

avant du mur de face; ainsi disposée, la toiture intercepterait la lumière et rendrait la rue obscure. Son but est de protéger la partie supérieure de l'édifice contre les pluies et les intempéries de l'atmosphère ; les matériaux dont elle est formée sont légers, et cependant doivent être assemblés de telle sorte, que les grands vents ne puissent les détacher et les jeter sur la voie publique.

§ 6. CAVES. Il y a peu à dire sur les caves sous le rapport de la salubrité; leur disposition intérieure n'est point du ressort de l'hygiène. Un mot cependant sur l'escalier qui y conduit: d'ordinaire il n'est pas fermé. Il est arrivé quelquefois, dans des maisons mal tenues, et qui n'étaient pas éclairées, que des personnes peu familières avec l'état des lieux, cherchant l'escalier et se trompant, se sont précipitées par celui de la cave, et ont fait des chutes mortelles. Toutes les caves doivent être fermées par une grille, soit le jour, soit la nuit.

$ 7. BOUTIQUES, MAGASINS, REZ-DE-CHAUSSÉE. - On néglige presque toujours beaucoup les conditions de salubrité des boutiques; elles sont étroites, obscures et rétrécies par des planchers, ménagés pour recevoir des lits et des meubles : on y respire un air lourd, sans renouvellement, et que les rayons du soleil ne vivifient jamais dans les rues étroites. C'est dans cet espace de quelques mètres carrés que grand nombre d'individus passent leur vie entière, depuis le point du jour jusqu'à une heure avancée de la nuit, tellement absorbés par les détails de leur commerce, qu'ils ne font pas, même le dimanche, un peu d'exercice au grand air. C'est la salubrité de la voie publique qui détermine, en général, celle des boutiques : si la rue est large et bien percée, elle laisse pénétrer dans les magasins beaucoup d'air et de lumière, et même un peu de soleil. Si elle est étroite et tortueuse, la boutique est mal éclairée et humide; c'est en quelque sorte un tombeau. Une des meilleures conditions hygiéniques à lui donner, c'est de couvrir le sol, non de carreaux, de dalles ou même d'une couche de bitume, mais d'un parquet tenu toujours parfaitement sec. On doit les chauffer, non avec de la bràise, combustible fort dangereux dans des espaces aussi

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